Une revue en ligne à propos des TICE, pour quoi faire ?
L’usage des TICE s’étend à de vastes secteurs de l’Ecole, du Collège, du Lycée et de l’Université. Sésamath n’est pas étranger à cette expansion rapide et spectaculaire. Mais ceux qui utilisent les technologies pour créer des ressources et pour enseigner les mathématiques sont à ce point engagés dans l’action quotidienne qu’ils ont beaucoup de peine à prendre du champ pour évaluer leur activité. Et pourtant, bien des questions se posent, qui méritent qu’on s’y arrête.
Qu’apportent réellement ces techniques à l’apprentissage des mathématiques ? Quels aspects des mathématiques est-il possible d’appréhender efficacement avec ces méthodes ? Y a-t-il des champs qui leur échappent ? Quelles relations est-il souhaitable de tisser entre les technologies et les environnements d’apprentissages traditionnels ? Comment le travail en environnement multimédia influence-t-il les contenus des mathématiques enseignées ? Quelles sont les différences de connaissances, d’attitudes et d’usages des mathématiques entre des élèves travaillant fréquemment avec les TICE et les autres ? Comment les TICE modifient-elles le métier des enseignants ? Comment en tenir compte pour mieux les former ?
La revue en ligne lancée par Sésamath veut devenir un lieu de cette indispensable réflexion. Un lieu où ces questions seront débattues, non pas à coup d’opinions, mais au moyen d’expérimentations auxquelles des didacticiens pourront prendre une part importante. Nous attendons des articles relatant des expérimentations en classe, réussies ou controversées ; des articles décrivant le contenu d’une ou de plusieurs séquences, mais aussi les réactions des élèves, leurs attitudes, leurs stratégies, leurs questions, leurs succès ou leurs abandons. Et surtout, les réflexions des enseignants au sujet de ces pratiques.
Nous aimerions que ces articles s’intéressent peu à peu à tous les secteurs du système éducatif (y compris l’enseignement technique, dans toutes ses composantes), de l’école élémentaire à l’Université (à titre d’exemple, un article sur Les-mathematiques.net, ses divers usages et son forum serait bienvenu...).
Il serait bon qu’ils utilisent les spécificités d’Internet et intègrent les divers outils qu’il offre : animation, simulation, expérimentation et liens vers d’autres sites...
L’aspect technique ne sera pas oublié : une formation à l’utilisation performante de certains logiciels, ceux en particulier que Sésamath met à la disposition des enseignants, pourra être proposée. Une bonne maîtrise technique précède la maîtrise pédagogique. Les gammes rendent possible la grande musique...
La revue pourrait devenir une pépinière de nouveaux (et jeunes) auteurs. Des auteurs qui inventent une nouvelle façon d’écrire (en utilisant les potentialités du Net). Des auteurs qui renouvellent les centres d’intérêt et le regard sur les thèmes traités. Cela prendra du temps, Rome ne s’est pas faite en un jour ! Mais, circonstance favorable, le Net accueille plus facilement des textes « imparfaits » que les publications sur papier.
A n’en pas douter, les créations de Sésamath occuperont une place privilégiée dans la revue. Les usages convaincants de MathenPoche pourront s’en dégager pour le plus grand bénéfice de ses utilisateurs. Les vertus (ou les limites) de « Sésamath 5ème », en tant que manuel libre, téléchargeable et modifiable, y seront débattues. Les meilleurs usages de ce tout nouvel outil (un peu paradoxal dans l’environnement multimédia...) pourront y être définis.
Mais Sésamath n’est qu’une partie de l’immense mouvement de création engendré par les TICE. La revue doit éviter tout « nombrilisme » et se pencher aussi (et avec bienveillance) sur le travail des autres. La revue doit être accueillante aux articles provenant de tous les horizons du Net. Même (et surtout) s’ils sont critiques : l’autosatisfaction est un grand risque pour les mouvements pionniers et conquérants. Beaucoup ont été durablement affaiblis de n’avoir pas su entendre les critiques et en tirer parti, mêmes si elles étaient excessives dans leur formulation.
Le fait de produire une revue en ligne ne doit pas conduire à ignorer ceux qui, nombreux, continuent à produire des revues sur papier. Ne jamais insulter l’avenir : la récente décision de Sésamath d’éditer aussi sur papier, doit rendre prudent au sujet de futures évolutions... Dès le départ, des partenariats avec ces revues dont les contenus sont précieux pour un enseignement des mathématiques de bonne qualité, me semblent souhaitables : Bulletin de l’APMEP, Repères-Irem, Petit’x, RDM etc.
S’inscrire dans la continuité, plutôt que prôner les ruptures : comme le disait avec humilité et non sans humour Bernard de Chartres, « nous sommes des nains, mais montés sur des épaules de géants... » ? D’autres préfèrent croire que le monde commence avec eux et que l’on peut faire « du passé, table rase ». Nous ne sommes pas de ceux-là !
Notre préoccupation doit porter sur la formation scientifique des élèves. La capacité offerte à tous de mettre en oeuvre des démarches mathématiques pour résoudre des problèmes. Pour formuler des conjectures. Pour les évaluer. Pour chercher à prouver celles qui paraissent fondées. C’est la perspective qu’impulse « la Main à la pâte » sur le Net : intéresser les enfants, les ouvrir aux questions scientifiques, plutôt que de les assommer de réponses sans questions...
L’avenir se joue sans doute sur la formulation d’un projet éducatif global et humaniste. Car la technique, même excellente, n’a de sens et de portée qu’au service d’une vision et d’un grand dessein.
Gérard Kuntz