Alain Gaudeul a fait partie du Comité de Rédaction qui, en septembre 2006, a lancé la revue MathémaTICE.
Il y a publié deux articles en ses débuts (2006 et 2007).
Devenu IA IPR, il propose dans l’article qui suit un état des lieux concernant l’usage des TICE en Mathématiques dans l’Académie de Nantes.
C’est bien volontiers qu’à la demande de l’équipe de rédaction de la revue, je viens apporter ce témoignage sur la façon dont l’informatique prend place dans les cours de mathématiques sur l’académie de Nantes. Ce texte ne se veut en aucun cas une généralité sur l’enseignement des mathématiques dans d’autres régions de France.
J’ai volontairement centré le regard sur les équipements informatiques dont sont dotés les établissements et sur l’usage qui en est fait pédagogiquement, laissant de côté la calculatrice. Le choix de matériel, la diversité des modèles au sein d’une classe et les usages très variés que j’ai pu observer ne permettent pas facilement un regard d’ensemble pour cet outil numérique.
Les moyens
D’une façon générale, les équipements se sont considérablement accrus au cours de ces dernières années. L’effort des collectivités en la matière est remarquable, même s’il existe des différences nettes d’un département à l’autre tant sur les moyens déployés que sur les stratégies choisies. Certains départements font un choix très uniforme, avec un souci de maintenance des équipements facilité par cette uniformité. D’autres collectivités privilégient les projets pédagogiques et permettent ainsi aux établissements de choisir leurs équipements en fonction des besoins propres, mais n’assurent le plus souvent pas la maintenance du fait de l’hétérogénéité du parc. Le coût et l’organisation de cette maintenance est alors à la charge des établissements.
En classe
Que ce soit au collège ou au lycée, le nombre de salles de cours désormais équipées de vidéo projecteur fixé au plafond, le plus souvent couplé à un ordinateur fixe, est en constante augmentation. Les TBI sont encore relativement rares, à l’exception du département de la Vendée qui a eu un plan d’équipement très ambitieux des collèges ces dernières années.
La région a financé des équipements de caméras de table dans un certain nombre de lycées. J’observe de plus en plus souvent en collège un équipement comparable, avec des solutions parfois assez artisanales (webcam, ou petite caméra vidéo sur un pied destiné aux expériences de chimie…)
Les salles informatiques
En collège, le plus souvent, les salles informatiques disposent d’une quinzaine de postes dans des configurations extrêmement variées. Un aménagement de la salle libérant un espace pour un travail sur table reste malheureusement encore trop peu fréquent.
En lycée, ces salles informatiques sont équipées de 18 à 20 postes, ce qui convient parfaitement pour du travail en demi classe.
Quelques rares établissements utilisent des classes mobiles (lot d’ordinateurs portables rangés dans un meuble mobile, avec ou sans accès à Internet) et les usages qui en sont faits sont beaucoup plus souples. En effet, l’ordinateur peut n’être utilisé que quelques minutes mais très efficacement et pour répondre à un véritable besoin, alors que la séance en salle informatique induit une utilisation de l’ordinateur tout au long de l’heure.
L’ENT
L’académie et les collectivités territoriales se sont associées dans la conception et le déploiement d’un ENT commun à l’ensemble des établissements publics, privés et agricoles de l’académie. Le même environnement de travail se déploie donc progressivement (les dernières vagues d’installation sont en cours) et permet d’avoir un meilleur suivi des élèves, une simplification des usages d’un établissement à l’autre. L’une des principales briques de cet ENT (sans doute la plus visible de tous) est le cahier de texte numérique.
Les usages
Différents profils
Au cours des inspections qu’ils ont effectuées en 2011-2012, les IA IPR de Nantes ont systématiquement observé les pratiques des enseignants concernant l’usage des TICE, avec des critères communs d’observation. Ceci a permis d’avoir une vue quantitative de trois profils d’enseignants pour cette année scolaire :
- 46 % des professeurs visités font un usage pertinent des TICE avec leurs élèves
- 35 % n’en font qu’un usage trop ponctuel
- 17 % ne les utilisent pas du tout
Par ailleurs, une proportion d’à peine plus de 1% des professeurs inspectés n’a pas les conditions matérielles permettant de faire pratiquer leurs élèves.
De très grandes disparités apparaissent cependant entre les usages au collège et au lycée. Au collège, la proportion de professeurs utilisateurs réguliers des TICE est beaucoup plus faible qu’au lycée (36 % contre 70 %). On y trouve en revanche plus d’utilisateurs occasionnels (41 % contre 22 %) et plus de professeurs n’utilisant pas du tout les TICE (21 % contre 8 %).
Activités
Les pratiques sont encore extrêmement hétérogènes. À côté de professeurs désireux d’impliquer leurs élèves mais manquant encore un peu de recul, je vois se développer chez un nombre croissant de professeurs une véritable expertise pédagogique et une utilisation extrêmement pertinente des outils numériques. Un certain nombre de ressources produites par ces professeurs sont disponibles sur le site académique.
Au lycée, les nouveaux programmes ont amené les professeurs à s’investir pleinement dans une réflexion sur l’algorithmique. Le logiciel le plus couramment utilisé est Algobox, qui a conquis par sa simplicité de prise en main et son langage proche d’un langage naturel. XCas est également utilisé par des spécialistes, passionnés, qui peuvent parfois mettre plus que de raison l’accent sur l’apprentissage d’un langage, ce qui n’est pas l’objectif des programmes de lycée.
La possibilité assez couramment observée au lycée de travailler en demi-classe est bien sûr un élément facilitateur. J’ai par contre moins souvent observé, dans les cahiers de textes ou activités présentées par les enseignants, des utilisations du tableur pour de la simulation et de la fluctuation d’échantillonnage.
Au collège, si le tableur semble trouver sa place en quatrième et troisième, la géométrie dynamique reste trop souvent limitée à une utilisation vidéo projetée. En particulier, en sixième, de nombreux professeurs ont découvert à l’occasion de mes visites qu’un des attendus du programme est de savoir construire une figure simple avec un logiciel de géométrie dynamique. Par ailleurs, les sollicitations nombreuses de l’institution pour un travail de concertation ont souvent fait passer au second plan le travail avec les TICE : j’ai rencontré plusieurs professeurs qui me disaient, avec une bonne foi que je ne remets pas en cause, « qu’avant ils emmenaient régulièrement leurs élèves, mais que maintenant ils n’ont plus le temps ».
En guise de conclusion, il m’apparaît que les efforts à faire pour promouvoir l’utilisation des TICE en classe demeurent d’actualité, car ces usages ne sont pas encore considérés par tous comme allant de soi. Toutefois il y a de bonnes raisons d’espérer des évolutions positives, la constance avec laquelle les programmes, de réforme en réforme, gardent ce même cap étant réelle, et les pratiques pédagogiques expertes de plus en plus nombreuses.
Alain Gaudeul (IA IPR de mathématiques de l’Académie de Nantes)