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Evaluation par compétences au collège de l’Europe : bilan et perspectives
Article mis en ligne le 11 octobre 2011
dernière modification le 1er octobre 2011

par Laurent FILLION

Décidément, l’évaluation par compétences connaît un véritable engouement, si on en croit les articles qui ont été proposés récemment à MathémaTICE.

Celui que nous propose Laurent Fillion se distingue par le fait que l’auteur est enseignant d’Histoire-Géographie et qu’il concerne une partie importante des disciplines enseignées dans le Collège de l’Europe d’Ardres. Le logiciel SACoche y tient une place centrale, car sa conception est fondamentalement pluri-disciplinaire. Elèves et parents y donnent des avis nuancés, qui laissent bien augurer de l’avenir de cette démarche encore controversée...

gkuntz@sesamath.net

Pendant l’année 2010-2011, plusieurs professeurs du Collège de l’Europe d’Ardres, (Académie de Lille) ont évalué leurs élèves par compétences.

Dans deux classes (6e Espagne et 4e Lettonie), la grande majorité des enseignants de la classe ont fait ce choix.

Dans d’autres classes (6e Malte,6e Hongrie entre autres), les élèves ont été évalués de cette manière dans quelques disciplines seulement, parfois avec le double système (note+compétences).

Pour l’évaluation par compétences, la web-application SACoche a été utilisée.

Elle est d’ailleurs citée sur Eduscol parmi les outils des gestion des compétences (dans les « fiches repères pour la mise en œuvre du livret de compétences », en page 34).

Les bilans et synthèses ont été distribués à chaque fin de période. Sur le bulletin figurait une note bilan (fournie par SACoche) qui correspondait à l’état d’acquisition des capacités évaluées à ce moment de l’année.

Les objectifs poursuivis étaient multiples :

  • éviter la démotivation que peut entraîner la notation chez certains élèves
  • prendre davantage en compte les rythmes d’acquisition des apprentissages, différents d’un élève à l’autre
  • modifier le rapport à l’erreur, utiliser efficacement le droit à l’erreur
  • tenir compte des progrès des élèves dans les restitutions
  • modifier nos pratiques, mettre en place dans les classes une véritable approche par compétences
  • améliorer les temps de remédiation, engager des remédiations individualisées
  • davantage prendre en compte les progrès réalisés par les élèves au fur et à mesure des évaluations. Reconnaître ainsi les acquis doit nous aider à donner confiance aux élèves, à leur donner estime et respect d’eux-mêmes.

1. Aspects positifs observés :

L’adhésion des élèves est la principale réussite. Ils se sont adaptés très vite, et « lisaient » leurs résultats de façon pertinente. Nombreux sont ceux qui ont ainsi fait des demandes de réévaluation en utilisant SACoche, ce qui montre qu’ils se sont très vite adaptés aussi à cet outil informatique.

Difficile de quantifier ce qui nous semble être un objectif atteint : la non-démotivation des élèves (notamment de 6e) face aux mauvaises notes. Force est de constater qu’il est plus aisé de « raccrocher » les élèves en difficultés avec ce type d’évaluation, en faisant constater les réussites et/ou les progrès.

On aurait pu craindre une baisse des exigences chez les élèves avec ce système, il n’en a rien été. En effet,

 les élèves en difficultés pouvaient se fixer (avec notre aide) des objectifs de progrès raisonnables et progressifs,

 ceux qui se contentent de la « moyenne » donc de la moitié de ce que l’on doit leur enseigner ne le peuvent plus (car il n’y a pas de moyenne) mais cherchent vraiment à progresser compétence par compétence,

 quant aux élèves les plus à l’aise, ils cherchent le maximum de réussite.

Il ne faut pas croire que nous avons réglé tous les problèmes de volonté des élèves avec ce système, certains se sont bien évidemment moins investis que ce que l’on attendait, notamment en 4e. Mais comme ils continuaient à être évalués par note dans certaines disciplines, nous avons pu remarquer que ce n’était pas dû au système d’évaluation (avec souvent d’ailleurs un léger mieux pour quelques-uns dans celles où l’on travaillait par compétences).

Sur le plan des apprentissages des élèves, il semble que les évaluations antérieures, les échecs ou les réussites enregistrés permettent aux élèves de se prendre davantage en main, de gagner en autonomie mais surtout de moins de se centrer sur la note et plus sur le résultat de leurs actions, sur le comment faire pour passer d’une étape à l’autre.

Sur le plan pédagogique et des relations avec les élèves, nous connaissons mieux nos élèves (ils ne valent plus 9 ou 12, mais maîtrisent ou ne maîtrisent pas telle ou telle compétence). Un des moments de l’année où nous nous en sommes rendus compte est celui de la rédaction des appréciations sur le bulletin.

On prête davantage attention aux différents progrès des élèves, même minimes, ce qui les valorise et met moins de hiérarchie entre eux. Ce type de pratique peut faciliter aussi grandement notre travail de remédiation et nous donne des idées sur les formes qu’elle peut prendre.

Enfin (et surtout), cette manière de procéder nous a permis d’être plus à l’aise avec la validation du socle commun. Pour ceux d’entre nous qui ont évalué ainsi en classe de troisième, l’« état d’acquisition du socle » fourni par SACoche nous a permis de valider (ou non) les compétences du socle en toute connaissance de cause, en nous appuyant sur les évaluations de l’année.

2. Aspects négatifs observés :

Le fait que tout le monde ne travaille pas sur le même mode fait que certains élèves ont encore besoin de se référer à la note.

En cas de double évaluation, la note reste la référence principale, certains élèves ne portant que peu d’attention aux capacités réussies ou non.

Certains élèves avides de compétition ne sortent pas de cette logique malgré ce système, ils comparent le nombre d’items acquis avec leurs camarades. Mais on peut avoir un point de vue différent en considérant qu’il s’agit d’un aspect positif : ces élèves peuvent encore avec ce système trouver un motif de satisfaction en comptant leur nombre de « points verts ».

La mise en place d’une évaluation par compétences ne s’est pas encore suffisamment accompagnée d’une véritable démarche par compétences dans nos pratiques de classe.

Peu de temps encore a été consacré aux éventuels « rattrapages », aux réévaluations quand une capacité n’est pas acquise. Mais, heureusement, beaucoup sont réévaluées souvent plus tard dans l’année ou lors d’une autre année scolaire.

3. Ce que ça a changé dans les pratiques des enseignants :

Sans être forcément plus longue (bien au contraire !), les corrections d’évaluations finales ne sont plus envisagées de la même manière par les enseignants. Nous avons tous faits le même constat : on corrige avec un autre état d’esprit, on cherche le positif, on cherche d’abord dans les copies ce qu’on peut valider (et non plus les points qu’on peut retrancher). La lecture des copies est donc plus positive et plus globale.

Sur le plan didactique, cela aide à être plus clair avec son enseignement, savoir vraiment ce qu’on cherche à apprendre aux élèves, (par exemple en EPS quels sont les comportements ou les critères observables que l’on espère voir apparaître chez les élèves et qui signifient l’acquisition de tel ou tel item). La construction des séquences se fait plus facilement autour d’objectifs plus précis et de compétences à acquérir. Enfin, la communication aux élèves des capacités attendues nous permet d’être plus explicite sur notre enseignement. Finalement, cette évaluation par compétences nous aide progressivement à mettre en oeuvre dans nos classes un véritable enseignement par compétences.

Pendant une activité, nos interventions auprès des élèves sont peut-être plus pertinentes car plus centrées sur les objectifs visés, sur les contenus que sur la tâche elle-même.

Sur le plan du travail en équipe pédagogique et disciplinaire : il reste encore pas mal de chemin à parcourir, mais cela semble être un point de cohésion à privilégier et à enrichir.

4. Quels ressentis chez les élèves ?

Un questionnaire a été distribué en fin d’année aux élèves de 4 classes concernées.

Une large préférence pour l’évaluation par compétences

Sur les 80 élèves interrogés, 41 disent leur préférence pour les compétences , Notons qu’il n’y a pas de différences d’appréciations entre les élèves de 6e et ceux de 4e. Par contre, plus les élèves ont été évalués par compétences, plus ils en sont satisfaits.

Parmi les arguments avancés pour cette préférence :

« Je préfère l’évaluation par compétences car cela me permet de voir mes points forts et mes points faibles : je vois ce dont je suis capable et ce que je dois plus travailler pour l’éval prochaine » (4e)

« Je suis moins choqué par les compétences que par les notes » (4e)

« Je préfère l’évaluation par compétences pour voir ce que je sais faire et pas faire » (6e)

‎« Je préfère l’évaluation par compétences parce qu’on voit mieux nos progrès » (6e)

mais aussi :

« Je préfère l’évaluation par compétences car comme ça les parents ne se fâchent pas car ils ne savent pas si c’est bien ou pas » (6e)

27 n’ont pas de préférence .

« Des évaluations restent des évaluations » (4e)

« L’évaluation par compétences ou les notes, ça m’est égal, du moment que j’ai des notes » (6e) !!??

Seuls 12 élèves préfèrent les notes ,

Ils l’expliquent uniquement par le souhait de pouvoir se situer par rapport aux autres (et non par rapport aux apprentissages attendus) :

« Je préfère les notes car avec les compétences je ne peux pas me situer dans la classe » (6e)

Des élèves lucides sur les possibilités que leur offre ce système d’évaluation.

Ce qui aurait pu constituer une crainte ne s’est pas révélé puisque seuls 6% des élèves interrogés pensent avoir moins travaillé sans les notes. Au contraire 37% d’entre eux sont persuadés avoir travaillé plus mais aussi différemment.

« J’ai plus travaillé car j’ai révisé les compétences ratées » / « la possibilité d’être réévalué, c’est très utile »(4e)

‎‎« Avec l’évaluation par compétences, j’ai plus travaillé car ça donne du courage » (6e)

‎‎« Avec l’évaluation par compétences, j’ai moins appris par coeur, j’ai essayer de comprendre » (4e)

‎« Avec l’évaluation par compétences, j’ai pu voir mes difficultés et changer ma façon de travailler (P. 4e) »

« Je préfère l’évaluation par compétences car on peut être réévalué quand on n’a pas réussi » (6e)

‎Ils sont nombreux à associer (à juste titre) l’évaluation par compétences et l’explicitation de nos objectifs. Dans le questionnaire, ils sont ainsi plusieurs à évoquer les fiches d’objectifs (équivalent aux contrats de confiance d’A. Antibi).

Les élèves sont bien entendu en grande majorité réceptifs à la possibilité d’être réévalués en cas d’échec et par le fait qu’il soit tenu compte des progrès enregistrés (bien plus qu’avec une moyenne classique)

Ils sont nombreux à penser que ce système leur a permis de progresser

« ça m’a aidé à progresser car je sais mieux où je dois plus travailler » (6e)

... ou le leur aurait permis

« Je n’en ai pas assez profité » (4e)

Notons enfin que s’ils trouvent les bilans et synthèses utiles et faciles à lire (plus que leurs parents), ils tiennent tout de même à la note de fin de trimestre.

Résultats de l’enquête menée auprès des élèves :

‎5. Chez les parents d’élèves, des avis plus partagés, mais pas d’opposition

Un questionnaire de même type a été distribué en fin d’année aux parents des élèves concernés.

Les parents sont visiblement plus partagés que leurs enfants sur cette pratique d’évaluation, à tel point qu’il est impossible de synthétiser leur position. Les réponses obtenues divergent. D’ailleurs, parfois, un même témoignage peut révéler les hésitations voire des contradictions des parents : ainsi, un parent de 6e déclare ainsi préférer les notes car « plus habitué » mais pense que son enfant a plus travaillé avec l’évaluation par compétences « car c’est plus précis » et que ça l’a aidé à progresser car « on retravaille les parties non acquises ».

Au final, seulement la moitié des parents interrogés disent préférer les notes, plus nombreux en 6e qu’en 4e (ce qui peut surprendre car l’évaluation par compétences est répandue au primaire).

‎Pour ceux-ci, l’argument généralement avancé est le besoin ressenti de classer leur enfant par rapport aux autres.

L’habitude est souvent évoquée également (leur propre souvenir ?)

« avec une note, les parents voient si l’élève travaille bien ou pas (pas avec les couleurs)  ».

La note est parfois perçue comme plus claire, plus simple par certains quand elle est jugée trop simpliste par d’autres.

« Avec les notes, l’élève travaille plus car il doit remonter sa moyenne »

« Les notes ne parlent pas sur le savoir-faire de l’enfant. (avec l’évaluation par compétences) l’enfant comprend mieux son évaluation, où il a faux et pourquoi »

Comme les élèves, ils tiennent à la note bilan de fin de trimestre

« Les enfants l’attendent et nous aussi ! »

« La note bilan de fin de trimestre donne une idée de ses progrès »

Certains s’interrogent toutefois sur son utilité :

« Mais pourquoi transformer des couleurs en note ? »Quel est l’intérêt de ce système d’évaluation par compétences si son résultat en est ramené à une note ?« Il est intéressant de constater que les parents interrogés reconnaissent le plus souvent l’impact positif qu’a pu avoir cette forme d’évaluation sur le travail de leur enfant » ça a peut-être modifié sa façon de travailler, (difficile à dire car) c’est la première fois qu’elle a ce genre de notation.«  »ça l’a aidé à progresser, car ça permet de retravailler les « points rouges »,

« on travaille les parties non acquises »

« ça a modifié sa façon de travailler, car seuls les items demandés étaient travaillés »

Plus que l’évaluation, c’est plutôt le travail par compétences (qui va avec) qui, pour d’autres est positif dans ce domaine :

« c’est la petite fiche de révisions qui a modifié positivement sa façon de travailler. »

Les avis des parents sur les bilans et synthèses distribués (qu’ils jugent presque unanimement utiles) nous confortent dans l’idée qu’il nous faut améliorer la communication autour de ces documents :

« Je préfère l’évaluation par compétences mais les bilans sont compliqués à saisir, car avec beaucoup de NA on a l’impression que ma fille rentre en 5eme avec peu de compétences. »

« Ils sont faciles à comprendre mais est-ce que beaucoup de parents le lisent ? »

S’ils utilisent moins SACoche que leurs enfants pour prendre connaissance des résultats, ils le trouvent toutefois intéressant :

« Site très motivant pour les enfants, cela les rend autonomes. »

« SACoche est un site très bien fait et le suivi a été régulier de la part du professeur »

Résultats de l’enquête menée auprès des parents :

S’il nous fallait un témoignage pour nous encourager dans cette voie, nous retiendrions celui-là

6. Perspectives, projets, attentes pour l’année 2011-2012.

De nombreux collègues qui pratiquaient la double évaluation vont l’abandonner pour la seule évaluation par compétences (et la note bilan).

L’équipe va s’élargir et les professeurs qui pratiquaient ainsi vont étendre à tous les niveaux.

Toutes les disciplines seront désormais concernées, pour certaines en totalité (en mathématiques, SVT).

(Toutefois, en plus des capacités, des notes seront communiquées aux élèves de 3e pour les exercices du Brevet afin de se positionner par rapport à l’examen).

Certaines grilles ont été retravaillées lors des journées de stage sans que nous ayons réussi à nous décider sur le fait d’avoir des grilles très détaillées (garantes d’un maintien des exigences aux yeux des collègues hostiles à l’évaluation par compétences) ou au contraire des grilles épurées (plus simple à comprendre et à utiliser).

Entrer dans une véritable démarche par compétences , ne pas en rester à la seule évaluation. Les expériences menées cette année nous ont fait ressentir le besoin de travailler véritablement par compétences. La réflexion sera poursuivie dans ce sens et notamment dans la mise en place de tâches complexes.

Réfléchir à la remédiation en classe et/ou dans des structures mises en place dans l’établissement (tutorat PPRE, groupes de besoin).

Les journées de stage, notamment celle animée par J-M. Zakhartchouk nous ont apporté quelques pistes à approfondir pour ces deux points.

SACoche nous offre également des outils intéressants qu’ils nous faudra utiliser davantage (demandes de réévaluations, répartition des élèves...).

Développer l’auto-évaluation (voir avec les créateurs de SACoche s’ils ne pourraient pas développer cet aspect)

Travailler et évaluer les compétences transversales . Lors des deux dernières journées de stage, une grille d’évaluation des compétences transversales a été élaborée. De nombreux items sont reliés à ceux des compétences 6 et 7 du socle. D’autres prennent en compte la pratique de l’oral dans toutes les disciplines. Ils pourront être évaluées par tous les professeurs dans le cadre des tâches qu’ils proposent en classe, par le professeur principal, dans le cadre des IDD en 5e ...

Cette grille pourra servir de support à la mise en place et au suivi des PPRE.

De même une grille d’évaluation d’histoire des arts, commune à toutes les disciplines a été créée et permettra de travailler et d’évaluer les capacités attendues dès la 6e.

Profiter du suivi des élèves d’une année sur l’autre grâce à l’application informatique. Chacun pourra dès la rentrée voir où en sont ses nouveaux élèves s’ils ont été évalués par compétences l’année précédente. Les bilans dont nous disposons sont bien plus pratiques pour cela et plus explicites que les moyennes des années précédentes.

En ce qui concerne le socle commun , l’utilisation de SACoche devrait nous permettre :

  • de valider en fin de Troisième avec plus de pertinence
  • d’anticiper par un suivi rigoureux de l’état d’acquisition du socle en cours de scolarité et de remédier aux compétences non acquises. Ce qui devrait nous permettre, et c’est là bien la raison d’être du socle commun, de le faire acquérir à tous nos élèves.

Améliorer la communication des résultats aux parents . L’ensemble des grilles d’évaluation sera distribuée aux élèves dès le début d’année et ils répertorieront leurs résultats au fur et à mesure. Les parents pourront prendre connaissance de ces bilans régulièrement. Ainsi, seules les synthèses sur lesquelles figurent les domaines de compétences et non tous les items seront distribués aux familles lors des relevés mensuels et bulletins trimestriels. Ils nous faudra toutefois faire bien apparaître les progrès réalisés (ce qui est au cœur de notre projet).