Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Une classe tablette au collège
Une expérience d’évaluation formative avec la technologie
Article mis en ligne le 7 avril 2016
dernière modification le 10 juillet 2022

par Gilles Aldon, Monica Panero

par :

Gilles Aldon
Monica Panero
EducTice-S2HEP
IFÉ-ENS de Lyon

NDLR :

Gilles Aldon est enseignant chercheur en didactique des mathématiques à l’ENS de Lyon, laboratoire S2HEP.
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Monica Panero est Post doctorante en didactique des mathématiques dans le même laboratoire.
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Notes des auteurs :

Cet article peut être librement diffusé à l’identique dans la limite d’une utilisation non commerciale suivant la licence CC-by-nc-nd http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/legalcode

Mise en ligne : Aymeric Picaud.

Voir aussi, en lien avec l’article qui suit

Introduction

La recherche en didactique des disciplines et l’enseignement se nourrissent mutuellement et aucune recherche ne pourrait être menée sans une collaboration étroite entre les chercheurs et les enseignants. Le travail qui est présenté dans cet article en apporte encore une fois la preuve en étant le résultat d’un travail commun sur une année scolaire dont le point de départ est un projet d’équipement d’une classe de collège de tablettes tactiles.

L’Institut Français de l’Éducation (IFÉ-ENS de Lyon [1]) a pour mission, en particulier, de développer des recherches sur les différentes formes et pratiques d’éducation en France et à l’étranger et d’accompagner l’évolution des systèmes d’enseignement de tous les niveaux. A travers ce travail, ces deux points ont été centraux. Le projet de l’équipement et de l’utilisation de tablettes dans une classe de troisième a été initié et construit dans le collège Fontreyne par une équipe de professeurs volontaires largement soutenue par l’administration du collège tout comme par l’inspection pédagogique. Le soutien de l’académie d’Aix-Marseille et du conseil général des Hautes Alpes a permis l’achat des tablettes pour équiper cette classe de troisième [2]. Même si la possibilité d’avoir et d’utiliser du matériel est une condition nécessaire à la conduite d’un tel projet, elle n’est certainement pas suffisante et le travail ne faisait que commencer lorsque les tablettes sont effectivement arrivées dans le collège. Tout d’abord un travail technique important pour équiper les tablettes des logiciels qui allaient être utilisés dans chaque discipline, mais aussi pour permettre la mise en réseau des tablettes. La résolution de toutes ces questions techniques a été un préalable à la possibilité de rendre didactique le travail dans la classe. L’expérience que nous avons suivie montre que ce travail est excessivement prenant et nécessite le développement de compétences particulières que l’équipe du collège Fontreyne a bien voulu prendre en charge et assumer tout au long de l’année.

Le deuxième et aussi important aspect pour la conduite du projet est la réflexion pédagogique et didactique à l’intérieur de l’équipe de professeurs soudée autour de ce projet : C’est la première fois que j’ai l’impression d’avoir une vraie équipe de classe, dit le professeur principal dans l’entretien que nous avons mené en février. En plus des réflexions liées à sa propre discipline, les réflexions communes permettent de penser des stratégies possibles qui touchent finalement l’organisation didactique dans chaque discipline.

C’est dans ce contexte que le projet FaSMEd a été présenté à l’équipe pédagogique de la classe. FaSMEd (Formative Assessment for Science and Mathematics Education [3]) est un projet européen [4] qui vise à développer l’utilisation de la technologie dans les pratiques d’évaluation formative en classe de façon à permettre aux enseignants de répondre aux besoins des élèves présentant des difficultés en mathématiques et/ou en sciences ; l’évaluation formative est considérée dans ce contexte comme une pratique d’enseignement centrée sur l’élève permettant des modifications des stratégies d’enseignement en fonction des connaissances évaluées. Dans le cadre de ce projet, nous avons abordé la question d’une définition de l’évaluation formative en nous appuyant sur les travaux des chercheurs anglais Black et Wiliam :

Une pratique dans la classe est formative dans la mesure où des preuves des apprentissages des élèves sont perçues, interprétées et utilisées par le professeur, l’élève ou ses pairs, afin de prendre des décisions concernant les prochaines étapes de l’enseignement qui seraient meilleures ou mieux fondées que les décisions qui auraient été prises dans l’absence de ces preuves [5]. (Black & Wiliam, 2009, p. 7).

Les objectifs de ce projet sont de :

  • proposer des approches d’utilisation des technologies pour faciliter l’évaluation formative des élèves en difficulté,
  • développer des pratiques durables d’enseignement qui favorisent un accomplissement en mathématiques et sciences pour les élèves cibles,
  • produire une boîte à outils pour aider les professeurs dans leurs pratiques en vue d’un développement professionnel,
  • et, bien sûr, faire profiter les systèmes éducatifs européens des résultats de la recherche.

La rencontre de ces deux projets, presque fortuite, n’en a cependant pas été moins fructueuse. Les chercheurs impliqués dans FaSMEd ont trouvé dans le projet du collège Fontreyne une occasion de partager des hypothèses d’utilisation des technologies, notamment concernant l’évaluation formative. La possibilité de suivre les élèves pendant plusieurs jours dans leur emploi du temps ordinaire et dans les différents cours a été un apport déterminant pour comprendre et pouvoir décrire le contexte de l’expérience.

Dans cet article, nous nous attacherons à préciser les éléments concernant plus particulièrement les observations faites dans le cours de mathématiques et le lecteur curieux pourra trouver le rapport complet à cette adresse (Aldon & Panero, 2015) ou dans cet article (Panero & Aldon, 2016).

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Méthodologie

Les questions de recherche du projet européen portent sur les usages des technologies dans une perspective d’évaluation formative considérée comme un processus mettant en jeu les professeurs, les élèves et les interactions entre ces acteurs. En particulier, le travail entre pairs est une dimension importante de la prise de conscience de l’état des connaissances individuelles pour peu qu’un travail spécifique soit réalisé et piloté dans la classe par le professeur. De la même façon, le travail individuel et l’auto-évaluation font partie intégrante de ce processus d’évaluation formative. Le processus complet d’évaluation formative est résumé par la recherche des réponses à ces trois questions clefs : où les élèves en sont ? Où les élèves doivent-il aller ? Comment faire pour y parvenir ? [6] (Wiliam & Thompson, 2007). Ces questions se posent de façon cyclique à tout moment du processus d’apprentissage d’une notion ou d’un concept donné. La technologie peut alors jouer un rôle dans les stratégies mises en œuvre entre les acteurs, en particulier en considérant les fonctionnalités permettant de transmettre et de partager de l’information, mais aussi celles aidant à traiter et analyser ces informations. Un environnement interactif (logiciel de géométrie dynamique, tableur, document partagé,...) peut alors compléter cette liste de fonctionnalités propres à l’usage des technologies.

Bien entendu, la méthodologie d’observation devait tenir compte de ces considérations et permettre de répondre aux questions de recherche en proposant des observables suffisamment précis pour, d’une part, comprendre l’évolution de ce processus dans le temps et, d’autre part, tisser les liens entre les intentions des professeurs et les apprentissages effectifs des élèves. Pour ce faire, nous avons mis en place divers outils d’observations :

  • Carnets de bord : nous avons demandé aux professeurs impliqués dans le projet de remplir un carnet de bord pour expliciter les temps de travail dans la classe et notamment tous ceux dont ils pensaient qu’ils avaient à voir avec l’évaluation formative.
  • Fenêtres d’observation : nous avons ouverts des fenêtres d’observation en suivant les élèves dans leur rythme scolaire à trois moments dans l’année. Ces moments ont été choisis pour permettre de voir une évolution dans les usages : en début d’année (une semaine après que les tablettes aient été distribuées aux élèves), au mois de février et au mois d’avril. Chaque observation a durée entre 2 et 4 jours d’insertion dans le collège.
  • Entretiens : nous avons organisé des discussions avec tous les acteurs du projet (chef d’établissement, élèves, enseignants, parents d’élèves).

Dans la suite, nous allons proposer une rapide analyse du travail réalisé dans cette classe en exemplifiant plus particulièrement à l’aide des observations faites dans les cours de mathématiques. Nous montrons la progression tout au long de l’année de l’intégration des outils numériques tout autant que l’intégration de l’évaluation formative dans le cours normal de la classe.

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Observations en classe

Le collège Fontreyne est situé à Gap et la classe de troisième qui participait à cette expérimentation était une classe « normale » de l’établissement. Le chef d’établissement et les professeurs avaient fait en sorte de ne pas choisir une classe réputée bonne comme peut être par exemple une classe européenne mais une classe habituelle de troisième avec de bons élèves et des élèves plus en difficulté. En revanche, les professeurs de l’équipe pédagogique étaient a priori volontaires pour enseigner dans cette classe. Ils nous ont accueillis dans leurs classes, ont accepté de s’entretenir avec nous et de nous faire part de leurs doutes, de leurs réussites et de leurs difficultés. Qu’ils en soient encore une fois remerciés !

Premier épisode

La première visite au collège a eu lieu quelques jours après que les tablettes eurent été livrées et déballées dans l’établissement. Nous avons suivi les élèves dans leur emploi du temps mais aussi pris le temps pour discuter avec les professeurs en particulier pour présenter notre travail mais aussi pour recueillir l’état d’esprit et les choix de l’équipe pédagogique en ce début d’expérience. Ainsi, l’équipe de professeurs de la classe tablette s’est mise d’accord sur un fonctionnement qui sera pérennisé tout au long de l’année. Les élèves laissent au collège leur tablette tous les soirs et la reprennent avec eux tous les matins. Dans la journée chaque élève est responsable de sa tablette qu’il retrouve tous les jours (les fonds d’écran personnalisés le montrent bien !).

Fig. 1 - Les écrans personnalisés dans la classe.

La séance de mathématique de la première observation portait sur un problème de géométrie que le professeur a fait chercher à ses élèves. Il s’agissait de déterminer la longueur de la corde d’un cercle connaissant l’angle au centre et le rayon du cercle. Dans le premier exemple, le rayon mesure 3 cm et l’angle 60° et, dans le second cas, l’angle mesure 36°. Le professeur propose des outils pour chercher qu’ils soient numériques ou non. En revanche, il utilise le fait que les tablettes sont en réseau pour recueillir les réponses des élèves et pour échanger avec les groupes. Le moment de l’année et le fonctionnement technique du réseau de tablettes amènent cependant quelques déconvenues lorsque le professeur veut interpréter les résultats proposés par les élèves. Il est intéressant de noter que même si le fonctionnement du réseau de tablettes n’est pas encore optimum, le professeur s’engouffre dans ces possibilités offertes par la technologie pour instaurer dans la classe un partage des travaux des élèves permettant de susciter le débat ; ainsi, il écrit au TBI la solution proposée par un élève (S) pour renvoyer à la classe la question sur laquelle cet élève a buté. Et de la même façon, il utilise le réseau pour renvoyer à tous une question qu’il considère comme cruciale dans l’avancée de son cours pour évaluer le degré de compréhension de la classe :

P. : [...] moi ce que je vous demande par rapport à ça, c’est quelle est la notion de maths qui... S quand il fait ça il suppose,... il utilise quelle propriété de maths ? Qu’est-ce qu’il utilise en maths ?... ça porte quel nom ce qu’il fait quand il dit trente-six c’est la moitié de soixante-douze ?... Je vais vous le poser par... sur la tablette, vous répondrez sur tablette.

Déjà dans cette toute première visite, et en observant l’emploi de la technologie dans cette classe de mathématiques, les potentialités pour une évaluation formative effective apparaissent clairement, même si cette première observation montre aussi des difficultés directement liées aux manipulations de la technologie. Par exemple, si l’élève (S) avait écrit sa solution sur sa tablette, le professeur aurait pu la partager directement avec la classe, en affichant l’écran de la tablette au TBI. Ces premières tentatives d’orchestration de la technologie en classe ont permis au professeur de récolter des données des élèves et de les interpréter, mais l’exploitation des interprétations faites est restée une phase difficile à gérer.

Il est intéressant de noter le comportement des élèves qui utilisent de façon très familière la tablette qui apparaît déjà à ce moment de l’année comme un outil habituel dans la classe. Ils testent les possibilités offertes par les logiciels présents, comme, par exemple, cette élève qui prend des notes manuellement sur sa tablette que le logiciel transforme en texte manipulable dans un traitement de texte (Fig. 2).

Fig. 2 - Utilisation de la tablette pour prendre des notes (en classe de physique)

D’une façon générale, les discussions avec les acteurs ainsi que le regard que nous avons pu porter ont mis en évidence les difficultés techniques qu’il faut surmonter pour un bon fonctionnement d’une classe tablette. Le travail important réalisé par les professeurs et l’assistant informatique dans le collège permet néanmoins un déroulement de la classe (presque) transparent. Mais la nécessaire formation des enseignants apparaît d’ores et déjà comme cruciale pour un fonctionnement optimum mais surtout pour que les professeurs ne se découragent pas. Du point de vue des élèves, une grande majorité s’est emparée de l’outil avec intérêt et aisance. Il est cependant intéressant de noter que les élèves les plus en difficulté sur le plan scolaire ont été ceux qui ont le plus rechigné à utiliser la tablette. Nous verrons par la suite que ces réticences se sont estompées dans le cours de l’année grâce à une gestion intelligente de la part des professeurs qui ont su proposer sans imposer les potentialités de ces technologies. Mais aussi grâce aux autres élèves qui par leur enthousiasme ont fait lever les dernières réticences.

Cette observation peut être considérée comme un point de départ donnant une base permettant de mettre en évidence l’évolution du travail aussi bien du point de vue des élèves que du point de vue des professeurs.

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Deuxième épisode

Cette deuxième observation nous a permis de mesurer le travail réalisé et les évolutions tant du point de vue technique que du point de vue pédagogique. Si dans la première observation, la fiabilité des solutions techniques apparaissaient fragile et l’appropriation par les enseignants encore timide, cette observation montre une plus grande maîtrise des outils et des avancées importantes dans leurs utilisations. Même si des problèmes techniques surviennent encore, il sont rapidement surmontés et restent pratiquement transparents pour les élèves. Le duo tablettes dans la classe et TBI semble fonctionner de façon très naturelle et les analyses montrent bien tout l’intérêt didactique que les enseignants en tirent.

Nous, on arrive avec des besoins qui ont été déclenchés par l’utilisation. (Professeure d’anglais, entretien collectif)

Mais en même temps ces modifications importantes ne peuvent être faites que dans la mesure où les professeurs ont une expérience d’enseignement suffisante pour pouvoir tenter avec la classe des usages en direct :

Ça implique d’être à l’aise soit même dans sa pratique (Professeur de physique, entretien collectif)

L’observation et les discussions avec les professeurs montrent cependant la difficulté d’inclure les tablettes dans leur environnement de cours et ce jeu ne peut se jouer sans une conviction de l’intérêt et de la plus-value de l’usage des tablettes pour le fonctionnement didactique, ce qui nous renvoie aux grandes compétences nécessaires pour le fonctionnement transparent des diverses solutions techniques :

On partage ses expériences, c’est super intéressant mais c’est aussi extrêmement chronophage. (Professeur de français, entretien collectif)

Il est noté également un véritable travail d’équipe dans la classe, les problèmes pouvant être résolus collectivement parfois même avec les élèves :

Moi, c’est la première fois que j’ai l’impression d’avoir une véritable équipe de classe [...] J’ai vu qu’un élève savait faire, alors je lui ai dit, tu circules dans la classe, tu montres aux autres. (Professeur de mathématiques, entretien collectif)

Le côté ludique de l’utilisation des tablettes porte à la fois sur l’objet lui-même et sur les nouvelles façons de travailler comme l’explique la professeure d’espagnol en présentant une évaluation faite avec ses élèves sur Schoology [7]. Cette plate-forme semble montrer des potentialités importantes notamment en ce qui concerne des évaluations formatives des élèves.

Ils avaient en direct leur note ; alors ça, ça leur a plu [...] La compréhension orale avec Schoology, c’est à refaire, c’est vraiment pas mal (Professeure d’espagnol, entretien collectif)

Avoir un retour immédiat et exhaustif sur ce qu’ils ont faits, ça leur plaît, ils aiment beaucoup. (Professeur de mathématiques, entretien collectif)

Les élèves ont gagné en autonomie dans l’usage de leur tablette quand ils travaillent sur une activité proposée par le professeur. Par exemple, dans le cours d’anglais, même si le manuel numérique était nouvellement arrivé en classe, les élèves se l’étaient suffisamment approprié pour pouvoir gérer individuellement les temps d’écoute et de réponses aux exercices proposés. D’autre part, les élèves les plus en difficulté participent activement au travail de la classe. Les premières réticences observées en début d’expérimentation semblent surmontées et on a pu constater une appropriation par tous les élèves, y compris ceux qui avaient été effrayés par un apprentissage supplémentaire se surajoutant à leurs difficultés.

En ce qui concerne l’utilisation des tablettes dans une perspective d’évaluation formative, l’exemple du cours de mathématiques est tout à fait significatif.

Les tablettes et le système NetSupport School [8], qui les relie au TBI, sont intégrés et utilisés de manière fluide pendant la séance. Le professeur demande aux élèves d’écrire sur l’éditeur de texte de leurs tablettes pour qu’il puisse ensuite récupérer leurs propositions en faisant des captures d’écrans depuis son ordinateur (Fig. 3).

Fig. 3 - Le professeur a accès au travail des élèves depuis son ordinateur

Les élèves sont ainsi encouragés à plus utiliser leurs tablettes et à avoir recours au cahier comme accompagnement, comme brouillon, pour faire des calculs ou des essais. La tablette est devenue un outil ordinaire parmi les autres à disposition des élèves qui peuvent choisir comment les utiliser pour mener leur travail (Fig. 4). Ce choix réfléchi de l’outil de la part du professeur et de la part des élèves est un indice du fait qu’ils sont en train de se les approprier dans leurs pratiques d’enseignant et d’élèves.

Fig. 4 - Travail coordonné de tablette et calculatrice

Le professeur utilise à plusieurs reprises le TBI comme lieu de mise en commun des propositions des élèves, qui sont montrées et discutées dans la classe pour ensuite devenir, éventuellement amendées et corrigées, partie des notes du cours. Pendant les moments de discussion le professeur bloque les tablettes des élèves pour avoir leur attention.

D’autres exemples d’utilisation de la tablette comme outil de communication sur le réseau sont également présents quand le professeur envoie une question aux élèves, les laisse réfléchir et répondre sur leurs tablettes et relève leurs réponses pour pouvoir en discuter ultérieurement.

L’introduction aux probabilités faite lors de la séance observée est un exemple emblématique. Le professeur propose le problème suivant :

On lance deux dés et on fait la différence des résultats obtenus (le plus grand moins le plus petit). Le jeu consiste à parier sur un résultat. Sur quel résultat allez vous miser ?

Les élèves travaillent en groupe pendant quelque temps et à l’issue de cette recherche, le professeur recueille les résultats de chaque groupe au TBI (Fig. 5 et Fig. 6). Le cours est alors construit sur les propositions des élèves dans un dialogue (et un débat) entre les élèves et avec le professeur. Cette pratique pédagogique n’est pas nouvelle et pourrait être organisée sans la technologie, mais ici la technologie permet d’effectuer une modification profonde de la tâche à accomplir sans en changer la nature. Le professeur recueille de l’information et la renvoie à la classe en permettant à chaque élève de devenir acteur de son propre apprentissage en même temps qu’il délègue à la classe la responsabilité de son apprentissage.

Fig. 5 - Les propositions des élèves sur le TBI
Fig. 6 - Notes de cours

Il apparaît que les intentions du professeur relatives à la mise en place d’une évaluation formative sont renforcées et augmentées par l’utilisation de la technologie. Dans cet exemple, cet enseignant traite les données des élèves en utilisant les fonctionnalités des tablettes en réseau dans une perspective d’évaluation formative. De plus, le processus d’évaluation formative qu’il met en place modifie son enseignement en fonction d’une analyse immédiate, mais aussi d’une analyse différée en gardant les traces du travail sur le TBI.

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Troisième épisode

Ce troisième épisode s’est déroulé au milieu du mois d’avril. Les professeurs comme les élèves ont maintenant complètement intégré les tablettes dans les outils de la classe. Les observations montrent une très grande maîtrise de ces outils et une véritable réflexion pédagogique pour en tirer parti au mieux dans le cours de la classe. L’exemple du travail collaboratif mis en place par la professeure d’espagnol est significatif de cette maîtrise de l’outil : les élèves, par groupe, collaborent sur un document partagé dans le cadre d’une création de texte et la professeure peut intervenir sur les textes en cours d’élaboration depuis sa tablette. Le travail s’appuie sur la diffusion d’une petite vidéo que les élèves peuvent voir et écouter à loisir.

Dans les séances observées lors de cette troisième semaine d’observation, le professeur de mathématiques intègre le système Maple TA [9] parmi les outils technologiques de la classe. Il accède à cette plate-forme depuis son ordinateur et les élèves y accèdent via leurs tablettes. Cet outil permet au professeur de préparer un quiz et de le faire passer aux élèves, en recueillant les résultats. Le plus value par rapport à d’autres plates-formes comme Schoology est de nature didactique : sur Maple TA il est possible d’écrire des mathématiques, soit dans les questions conçues par le professeur, soit dans les réponses données par les élèves. Grâce aux compétences techniques mises en jeu par le professeur (notamment pour régler des imprévus), l’intégration de Maple TA est ici un exemple de balance entre l’enrichissement et la complexification du travail du professeur.

Le TBI devient de plus en plus un outil indispensable pour les systèmes d’exploitation de l’orchestration instrumentale de la classe. Il est un lieu d’expérience commune, quand les élèves vont placer avec leur doigt des points ou vont saisir des coordonnées sur l’ordinateur de la classe. La responsabilité de ce qui est fait au TBI, et pas seulement de ce qui est montré, est partagée entre le professeur et les élèves. La pratique d’utiliser le TBI comme lieu de mise en commun des propositions des élèves, de recentrage du travail de la classe et d’institutionnalisation est de plus en plus stable pour ce professeur. En même temps, au cours de cette observation, le TBI intervient de façon plus marquée dans le processus d’évaluation formative. Un tableau significatif est celui proposé en Fig. 7 où plusieurs propositions autour de la définition de fonction affine ne sont pas seulement mises en commun, mais aussi validées, commentées et amendées par le professeur qui donne ainsi aux élèves des retours immédiats sur leurs productions en cours d’apprentissage.

Fig. 7 - Le TBI comme lieu de discussion des propositions des élèves

Un autre moment important pour le processus d’évaluation formative a lieu quand le professeur interprète les résultats des quiz avec les élèves. Cela lui permet de faire un bilan de la classe et de justifier aux yeux des élèves ses choix par rapport au travail qui est encore à faire. Ce qui est extrêmement intéressant est le fait que l’analyse faite par le professeur des compétences acquises et à retravailler reste notée au TBI et constitue une partie des notes de la classe dans le déroulement de la séquence.

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Conclusion

Le recherche menée dans le contexte de cette classe tablette nous a permis de suivre les professeurs et les élèves dans le processus conjoint d’appropriation des outils technologiques et d’évaluation formative. Les interactions entre pratique et recherche dans ce contexte fructueux, dû au croisement entre le projet au collège et FaSMEd, ont donné lieu à une mise en œuvre de plus en plus consciente de stratégies d’évaluation formative supportées par l’utilisation de la technologie.

Le processus d’évaluation formative se met en place progressivement et conjointement au développement des compétences technologiques que ce soit dans des situations spécifiquement construites (quiz, interrogation des connaissances des élèves,...) ou dans le déroulement de la classe.

Il apparaît clairement que les tablettes connectées dans un réseau permettent au professeur de prendre des informations rapidement sur le travail de l’ensemble de la classe et de traiter ces informations pour la conduite de la suite du cours. Le TBI comme lieu de recentrage de l’activité de la classe ou comme lieu de partage et d’expérience joue un rôle central dans l’orchestration instrumentale et participe au processus d’évaluation formative.

Un aspect important mis en avant par cette étude concerne la mobilité permise par l’utilisation des tablettes dans la classe. Le rôle du professeur est modifié du fait d’un changement topologique de sa position dans l’espace de la classe : le professeur isolé derrière son bureau devient un “professeur-guide” dans le voisinage de chaque élève. Et de la même façon, les élèves peuvent intervenir dans l’espace de la classe par l’intermédiaire de la projection du contenu de leur tablette sur le TBI ou par l’intermédiaire de captures d’écrans présentées à la classe.

En revanche, un aspect important, que nous n’avons pas suffisamment abordé dans cette recherche et qui mériterait d’être approfondi grâce à des activités ciblées, concerne les potentialités tactiles des tablettes. Elles n’ont été que peu exploitées par les élèves dans cette expérience à travers les logiciels proposés. Lors des observations nous avons pu voir quelques exemples de telles utilisations où les élèves mettent à leur main l’artefact pour prolonger sur les tablettes le travail fait avec papier et crayon. De sa part, l’usage des potentialités tactiles pour le professeur passent plus par l’utilisation du TBI.

Cette remarque ouvre un grand champ de questions concernant d’une part les distinctions des deux genèses instrumentales des élèves et des professeurs, certainement minimisés dans le contexte du collège Fontreyne par le fait que les élèves n’emportaient pas la tablette chez eux, et d’autre part les apports possibles dans une perspective didactique des potentialités tactiles de la tablette.

Les questions restent ouvertes et pourraient certainement être étudiées dans une poursuite de ce travail, afin d’interroger plus profondément, dans des situations proposées, le travail des élèves et les effets de ces nouvelles stratégies supportées par la technologie sur l’apprentissage.

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Références

Aldon, G. et Panero, M. (2015). Classe tablette au collège Fontreyne de Gap. Une étude didactique. DOI : 10.13140/RG.2.1.2495.5606.

Black, P. & Wiliam, D. (2009). Developing the theory of formative assessment. Educational Assessment, Evaluation and Accountability, 21(1), 5–31.

Panero, M. et Aldon, G. (2016). How teachers evolve their formative assessment practice when digital tools are involved in the classroom. Digital Experience in Mathematics Education,
DOI : 10.1007/s40751-016-0012-x.

Wiliam, D., Thompson, M. (2007) Integrating assessment with instruction : What will it take to make it work ? In C. A. Dwyer (Ed.), The future of assessment : Shaping teaching and learning (pp. 53–82). Mahwah, NJ : Erlbaum.

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