C’est pourquoi je ne suis pas du tout d’accord avec le programme officiel qui propose, par exemple, l’étude des fonctions avec un logiciel d’algorithmique. Pour pertinents qu’ils soient, Algobox et Scratch, pour ceux que j’ai aussi utilisé en classe, ne sont pas des logiciels traceurs de courbes, ni de géométrie dite dynamique, ni des solveurs (calcul formel).
Ces deux logiciels sont peu adaptés pour la géométrie (voir le questionnement : ce triangle est-il rectangle ou pas ?) avec la gestion des valeurs approchées des nombres, ce que je précise dans la fiche 2 sur Algobox, en haut de la page 10 dans la version .pdf comme dans la version .odt), et cela tant pour les calculs géométriques (problèmes du traitement des nombres avec la précision du logiciel) que pour les représentations des figures.
Chaque outil a son domaine d’utilisation qu’il faut respecter ou alors, si on veut aller aux frontières de leur domaine, qu’il faut utiliser précautionneusement, en situation d’apprentissage par exemple, mais ne surtout pas oublier d’en donner ses limites et, bien sûr, surtout ne pas oublier de le faire devant les élèves (proposer des « contre-exemples [4] », élèves qui ont trop tendance à croire tout ce qu’ils voient, lisent ou entendent. Voir avec Internet !
Pour un prolongement en première S et TS, je suis moins convaincu de la pertinence de l’algorithmique (mais je ne l’ai pas essayé !) vu la lourdeur des programmes et la petitesse des horaires. De plus, le bac doit se préparer sous la forme qu’il a actuellement, ce qui suppose exclusivement une formation « classique » aux mathématiques (quid de l’épreuve expérimentale ?)
Autre domaine de « recherche-expérimentation » : l’évaluation.
Par conviction personnelle, tout travail doit être évalué, voire noté. Je tente dans ce domaine des évaluations, ce qui n’est pas si évident : comment séparer les compétences mathématiques des compétences informatiques ? Je suis quand même surtout enseignant de mathématique pour mesurer les premières !
Première (et seule ?) certitude : il faut abandonner, au moins dans ce domaine, une notation « traditionnelle », au ¼ de point ! Elle n’a pas de sens, contrairement au résultat d’un calcul numérique classique (équation, intégrale,....). Il reste à s’attacher aux démarches, tentatives, motivations, … .
Autre difficulté : les élèves sont très attachés à leurs résultats chiffrés (notes qu’ils espèrent valorisantes) et c’est bien légitime. On ne peut donc pas se contenter d’un rendu « global » du type : « C’est bien – moyen -pas assez de travail – jusqu’au sempiternel - Peut mieux faire [5] ! ». D’où la question : comment inclure ces travaux dans leurs résultats (notes) du trimestre ? La facilité, dans laquelle je m’engouffre bien vite, va consister à donner un bonus (systématiquement au-dessus de leur moyenne, calculée auparavant) et chiffré. Pas très original mais assez efficace et « juste », du moins si j’en crois les remarques d’éminents collègues dans les multiples débats sur la notation des Devoirs Maison !
Comment trouver les critères de compétences dans ce domaine ? Après quelques infructueuses recherches, je vais m’approprier les indications données par Monsieur l’Inspecteur Général Xavier Sorbe lors d’une conférence, même si elle concerne le socle commun mis en place au collège :
1. Se fonder sur les potentialités de chaque élève
Comment ? Remarquer (et noter en aparté) les différences de comportement en situation de recherche devant l’ordinateur (motivation, initiatives, convivialité avec ses camarades, ….) et motiver, encourager, ….
L’hétérogénéité est grande : je mobilise les plus avancé(e)s comme assistant(e)s ! A eux de se « transformer » en enseignant(e)s, et c’est très bien perçu !
2. Évaluer plutôt que noter
Comment ? Je crée une grille d’évaluation. Les élèves sont avertis, je circule devant leurs écrans ou leurs calculatrices, demande à voir telle ou telle figure (pour Scratch) ou tel résultat et le programme associé (vérification, par exemple, de l’utilisation d’une boucle plutôt qu’une succession d’instructions identiques). Au bas de la grille, les compétences demandées sont notées (un pense-bête !) ou, pour les résultats numériques j’ai déjà les solutions.
3. Former avant tout
Les élèves savent que j’innove et sont honnêtement avertis de leur rôle de cobaye ! Bonne anticipation car, malgré tous mes efforts intellectuels, plusieurs de mes fiches vont finir à la poubelle. Bonne expérience de modestie et de remise en question !
Pour ce nouveau thème, je précise aux élèves les objectifs de cette nouvelle formation (surtout pour ceux qui ne poursuivront pas en S) : développer l’esprit scientifique dans :
l’analyse du sujet
la mobilisation des connaissances
la mise en place de stratégies
les questionnements
les compte-rendu ou la restitution de résultats (même perçus comme négatifs, ...)
En insistant beaucoup sur le fait que cette démarche leur sera utile tout au long de leur vie [6] quelle soit professionnelle (travail donné par le patron) ou familiale (déclaration d’impôts par exemple !).
4. Donner du temps aux élèves
Comment ? Ne pas bousculer : rien que du bonus, rien que du bonheur !
Je rajoute donc la possibilité de travailler à la maison, au CDI, … : je grave un CD-ROM avec le logiciel SCRATCH et ALGOBOX (entre autres) que je fais circuler en classe (peu d’élèves ont une connexion rapide à l’Internet [7])
De plus, j’essaie de parler d’algorithmique à chaque occasion (sans que cela fasse « cheveux sur la soupe » quand même !), lors des cours « traditionnels »
5. Différencier enfin
L’évaluation sera personnelle : après un début de travail en binôme sur les ordinateurs, je mobilise ensuite plusieurs salles pour que chaque élève ait son propre ordinateur. Toutes les machines étant en réseau, j’ai accès à tous les travaux des élèves (après avoir imposé une appellation claire et transparente pour les noms de fichiers !). Pour les calculatrices, je suis sans pitié : chacun la sienne !
Voici ce que cela donne (de façon très imparfaite, mais au moins j’ai tenté !)