Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

L’enseignement des maths pendant le confinement en Allemagne, France, Israël et Italie

Gilles Aldon enquête auprès des enseignants de quatre pays (dont la France) pour comprendre leur vécu intime du confinement.

Article mis en ligne le 2 juillet 2020
dernière modification le 16 mars 2021

par Gilles Aldon

Introduction

Dans la période que nous venons de vivre, du jour au lendemain, sans aucune préparation, les enseignants ont été confrontés à une situation inédite : continuer à maintenir un rapport à l’école positif à des centaines de milliers de jeunes adolescents ou jeunes adultes. L’enseignement à distance n’est pas nouveau dans le paysage de l’éducation et de nombreuses expériences et travaux ont donné lieu à des comptes rendus et des articles, notamment dans cette revue (Clerc 2016, 2019, Aldon 2015). La question d’une brève du n°35 de mai 2013 posait déjà la question : « L’enseignement supérieur de demain se fera-t-il à distance ? ». Mais aussi, bien sûr, dans la communauté de l’éducation dans le monde (Rosa & Lerman 2011, de Carvalho Borba & Llinares 2012, Arzarello & al. 2014, Silverman & Hoyos 2018 etc.) ; cependant toutes les expériences relatées étaient fondées sur un travail préalable avec les acteurs de l’enseignement à distance, les professeurs, bien sûr, mais aussi les étudiants qui dans la grande majorité des expérimentations conduites bénéficiaient de conditions de travail permettant une connexion rapide et sûre. Ce n’a pas été le cas dans les mois de confinement que nous avons vécus ; malgré les discours rassurants (ou de pure communication) rien (ou peu de choses) n’était effectivement prêt pour faire face à ce nouveau type d’enseignement : les enseignants ont dû s’adapter rapidement en tenant compte des situations parfois difficiles que leurs élèves vivaient, en comptant sur leur propre matériel et les connexions personnelles. L’éducation est un « fait total » (Mauss 1923). Ce qui signifie qu’elle est liée étroitement à l’organisation de la société, dont l’école est un des piliers fondée sur des valeurs humaines qui ont comme but le progrès de la société dans son ensemble et le développement des connaissances héritées des siècles d’histoire. Lorsqu’un événement se produit qui bouleverse toute l’organisation de la société, l’École doit s’adapter et montrer qu’elle peut le faire. Le président de la République a déclaré que la nation était en guerre, et on ne peut s’empêcher de penser au discours de Ferdinand Buisson à l’issue de la première guerre mondiale, lorsqu’il déclarait :

Ce serait une erreur de parler de l’école comme d’un petit monde indépendant. Elle n’a ni fin, ni sa loi en elle-même. Faite par le pays, pour le pays, en tout temps elle lui doit des comptes. Combien plus dans celui que nous traversons !” (Buisson, 1915, p. 233)

La crise sanitaire actuelle est un événement sans précédent, imprévu, qui a surpris et profondément modifié le fonctionnement de la société. La question se pose donc : Comment l’École a-t-elle réagi ?

Avec quelques collègues avec lesquels j’étais en contact pour d’autres travaux de recherche, Annalisa Cusi en Italie, Florian Schacht en Allemagne, Osama Swidan en Israël, nous avons échangé sur les conditions de l’enseignement dans nos pays respectifs et nous avons souhaité étudier plus précisément ce qui se passait. Les conditions de confinement n’étant pas très propices à une méthodologie fondée sur l’observation, la rencontre et la discussion directe avec les enseignants, nous avons pris le parti d’interroger, à travers un questionnaire, des enseignants de nos quatre pays. L’idée initiale était de recueillir une trentaine de questionnaires dans chaque pays de façon à conduire une analyse qualitative des réponses ; grâce à une diffusion réalisée à travers des listes professionnelles, des journaux (merci à Gerard Kuntz d’avoir diffusé l’adresse du questionnaire dans MathémaTICE) et des réseaux d’enseignants (la liste des animateurs des IREM en France, par exemple) nous avons au total recueilli environ 700 réponses de collègues enseignants depuis les classes primaires jusqu’à l’université. Je profite de cet article pour remercier tous ces enseignants qui ont bien voulu prendre un peu de temps pour répondre à ces questions. Dans la suite de cet article, j’aborde tout d’abord la méthodologie et les principes théoriques qui ont guidé la constitution du questionnaire, puis l’analyse des réponses, et je donne les principaux résultats issus de ce travail d’analyse. Je m’intéresserai dans cet article plutôt aux réponses des collègues français, le travail de comparaison et une analyse plus théorique pouvant être trouvée dans l’article que nous avons écrit pour Educational Studies in Mathematics (Aldon & al. Soumis). La question essentielle à laquelle nous avons cherché à répondre peut se formuler de la façon suivante :

Comment les enseignants ont-ils géré l’enseignement à distance dans le cadre du confinement sanitaire, en mathématiques, en France, en Italie, en Israël et en Allemagne ?

Méthodologie et repères théoriques

Nous avons souhaité donner la parole aux enseignants, autant que faire se pouvait dans les conditions du confinement, de façon qu’ils puissent expliquer leurs conditions de travail et pointer les difficultés et les réussites que cet enseignement suscitait. C’est la raison pour laquelle presque toutes les questions étaient ouvertes (seulement 2 questions sur les 20 du questionnaire proposaient des réponses fermées). Même si le travail d’analyse en a été sérieusement compliqué, (l’ensemble des réponses pour le questionnaire français est un document de 660 pages), le jeu en valait la chandelle et les réponses proposées nous ont permis de dresser un paysage relativement fiable du comportement des enseignants de mathématiques pendant cet épisode de confinement. Bien entendu, les limites de cette étude proviennent du fait que nous avons analysé des déclarations que les conditions ne nous ont pas permis de vérifier par des observations ou des entretiens croisés. C’est donc en faisant l’hypothèse de la sincérité des réponses recueillies que nous tirons les analyses. Nous avons maintenu l’idée d’une analyse qualitative, bien que le nombre de réponses permette quelques résultats statistiques, parce que les conditions de recueil des données ne sont pas scientifiquement acceptables, les professeurs ayant répondu ne pouvant pas être considéré comme un échantillon au hasard. Ce sont donc plus des théorèmes d’existence que nous énoncerons plutôt que des vérités universelles.

Pour construire le questionnaire, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Rezat & al. (2012) repris par Ruthven (2012) et Prediger & al. (2019) qui modélisent les interactions entre enseignants et élèves à travers l’image d’un tétraèdre dont les sommets sont « le professeur », « les élèves », « le savoir mathématique » et « les ressources à disposition ». Bien que l’objet des questions de chaque section soit différent, toutes les questions portaient sur ce que faisaient les enseignants pendant la période de la pandémie COVID-19.

Le premier groupe de questions se concentre sur les interactions que les enseignants (et les élèves) ont avec les ressources : dans l’urgence de la situation, vers quels outils les enseignants se tournent-ils ? Qu’est-ce qui guide leurs choix, entre les recommandations de l’établissement, de l’institution et la familiarité des élèves avec certains outils ? Quel est leur niveau de confiance dans ces outils ?

Le deuxième groupe de questions porte sur le sommet « enseignant » du tétraèdre ; ou plus exactement sur les faces visibles depuis le sommet « enseignant » : à travers ce groupe de questions, nous nous interrogeons sur la manière dont chacun des enseignants gère les tâches fondamentales du processus d’enseignement, mais aussi sur les sentiments que la situation leur procure.

Le troisième groupe de questions est consacré à la face Elèves-Professeur-Savoir et nous nous concentrons particulièrement sur la manière dont les enseignants gèrent les interactions entre leurs élèves et les connaissances en jeu.

Enfin, le quatrième groupe de questions se concentre sur les connaissances mathématiques que les enseignants ont enseigné pendant cette période, avec un accent particulier sur leurs sentiments concernant les potentialités et les inconvénients de la situation d’apprentissage à distance.

Pour conduire l’analyse nous nous sommes appuyés sur deux cadres théoriques issus d’une part de la théorie anthropologique du didactique (Chevallard 1989), la Transposition Méta-Didactique (Arzarello & al. 2014) et d’autre part de la théorie de Bishop (2008) sur les valeurs transmises dans l’enseignement des mathématiques. Sans rentrer dans les détails des cadres évoqués, nous avons analysé les réponses à travers les filtres des types de tâches que les enseignants étaient amenés à effectuer, des techniques mises en œuvre et des justifications pragmatiques ou idéologiques que les enseignants exprimaient dans leurs réponses. C’est en particulier les valeurs qui sous-tendent et expliquent les justifications des techniques mises en œuvre, mais aussi des points de vue exprimés face à cette situation.

D’un point de vue méthodologique, nous avons déterminé un ensemble de tâches auxquelles les enseignants étaient confrontés, en analysant dans les quatre pays les réponses à la première question du questionnaire, que nous avons ensuite enrichi en parcourant l’ensemble des réponses.

Quelques données sur les répondants

Au total, nous avons recueilli environ 685 réponses (178 en France, 102 en Allemagne, 173 en Israël et 232 en Italie) :

France Allemagne Israël Italie Total
Ecole primaire 10 (age 6 à 10) 10 (age 6 à 10) 50 (age 5 à 11) 40 (age 6 à 11) 110
Secondaire 76 (age 11 to 14)
79 (age 15 to 18)
65 Gymnasium ;
28 vocational school (Gesamtschule) ;
1 Realschule ;
3 Hauptschule ;
1 Berufskolleg (age 11-18)
47 (age 12-15)
60 (age 16-18) 
35 (age 12-14)
157 (age 15-19)
538
Enseignement supérieur 24 (age >18) 13 (age >18)  37
Non renseigné 0 0 3 0
178 [1] 102 173 232 685

L’analyse qui suit s’appuie sur les 178 réponses françaises au questionnaire, réparties comme le montre la figure 1. Nous avons également demandé le nombre d’années d’enseignement et la figure 2 montre la répartition des répondants. Il est à noter que l’ancienneté médiane de cet échantillon est de 20 ans, ce qui ne peut que confirmer notre choix de ne pas traiter quantitativement les données, même si la représentation de la figure 2 montre une très grande symétrie. On pourrait se questionner sur cette médiane élevée, qui peut être interprétée ou bien comme une faible participation des jeunes collègues aux listes professionnelles par lesquels le questionnaire a été diffusé, mais aussi comme une plus grande difficulté à gérer l’enseignement à distance avec peu de recul et d’habitudes professionnelles. Ce sont bien sûr deux hypothèses qu’il s’agirait de confirmer ou d’infirmer.


Fig. 1 Répartition des niveaux d’enseignement des répondants


Fig. 2 Répartition de l’ancienneté des répondants

En ce qui concerne les élèves des enseignants ayant répondu au questionnaire, la participation de leurs élèves est la suivante :

Pourcentage de participation Nombre Exemple de commentaire des enseignants
0%-10% : 1 « Manque d’ordinateurs, mauvaise connexion… ils font comme ils peuvent » (Collège)
11%-20% : 5 « Problème de matériel informatique, de connexion Internet, de disponibilité (travail salarié, contexte familial, etc.) » (Université)
21%-30% : 6 « Coût du matériel informatique, mauvaise gestion des outils numériques (compétences b2i). J’ai environ 20% de mes élèves qui participent. » (Collège)
31%-40% : 6 « Pb matériel, je touche environ 1/3 des élèves » (Lycée)
41%-50% : 8
51%-60% : 13
61%-70% : 11
71%-80% : 35
81%-90% : 31
91%-100% : 57 « 100% participent . Les élèves en difficultés s’accrochent. Plus compliqué pour les plus scolaires, car plus déstabilisés. » (Collège)
Non réponse 5

Table 1 Participation des élèves

On voit dans les commentaires que l’absence de participation est largement due à des problèmes matériels.

Analyse et discussion

Dans cette partie, je propose les principales idées qui ressortent de l’analyse des réponses au questionnaire en exemplifiant avec des extraits des réponses données. Chaque réponse est bien sûr anonyme et seul le niveau d’enseignement est donné. Une première remarque sortie du nuage de mots construit sur les réponses des enseignants est que les élèves ont été au centre des préoccupations. Mais aussi que les difficultés (difficile, difficulté, problèmes apparaissent fréquemment) ont été loin d’être négligeables. D’autres mots de ce nuage, comme le verbe « faire », l’adverbe « beaucoup » montrent la volonté d’action dans un temps où les conditions sont extrêmes. Nous verrons dans la suite que cette activité des enseignants conduit à une créativité importante.

Fig. 3 Nuage des mots construits sur l’ensemble des réponses françaises au questionnaire.

Les principaux résultats issus de l’analyse des données françaises

1) La situation d’enseignement à distance est difficile

Les enseignants mettent en évidence les difficultés rencontrées pour mettre en place dans des délais extrêmement brefs l’enseignement à distance. Et même une fois les premières difficultés surmontées, ils pointent aussi les problèmes rencontrés avec des connexions difficiles, des élèves non équipés, le caractère chronophage de cet enseignement et le manque qu’il procure.

«  Pas évident, car je ne suis pas formée pour ça et je n’ai pas d’aide.  » (Lycée)

« Très désagréable, voire anxiogène. Une impression d’être dépossédé du métier. » (Université)

« Les échanges sont nécessairement moindres et différés dans le temps, donc plus difficiles. Même avec la visioconférence cela reste difficile lorsqu’un élève ne comprend pas.  » (Ecole)

« Très difficile, beaucoup d’élèves décrochent (je travaille en REP+)  » (Collège)

« Difficulté d’accès à l’ordinateur (1 ordinateur pour beaucoup de personnes dans la famille) ou pas d’ordinateur. 50-60% participent » (Collège)

Ces difficultés repérées conduisent parfois à un grand découragement :

« La classe virtuelle et les difficultés de connexion associées me posent problème et très honnêtement, je ne sais pas comment y remédier. » (Collège)

« Difficultés de connexion très variables suivant les jours, les heures, à titre personnel mais aussi pour les élèves. Manque de fiabilité des connexions et du débit.  » (Lycée)

Les enseignants se trouvent confrontés à une grande difficulté à s’occuper des élèves comme ils pouvaient le faire en classe et comme ils souhaiteraient le faire. La situation est difficile à la fois pour les enseignants et pour les élèves et demande beaucoup de temps ; le mot « chronophage » apparaît 30 fois dans les réponses, la référence au temps de travail 160 fois :

« C’est un enseignement assez particulier pour lequel je trouve qu’on a du mal à faire de la différenciation. Les élèves autonomes sont plutôt satisfaits, mais les élèves en difficulté ou très « scolaires » sont encore plus perdus. » (Université)

« C’est moins pire que si le lien avait été rompu, mais ce n’est pas entièrement satisfaisant car énergivore et fatiguant.  » (Collège et lycée)

«  [L’enseignement à distance] Ne permet pas de faire : différenciation et réponses en temps réel (classe virtuelle inadaptée). Possible mais avec beaucoup de travail » (Collège)

Mais cette difficulté n’est pas toujours récompensée et le sentiment de produire beaucoup de travail pour une efficacité moindre est décourageante :

« Ça demande deux fois plus de travail pour la moitié d’efficacité » (Lycée)

« Il ne permet pas de suivre efficacement les élèves qui sont vite découragés et/ou qui ne travaillent pas régulièrement. Par contre, il permet de gagner en efficacité pour les élèves autonomes » (Collège)

L’ensemble de ces remarques montrent à l’évidence que la soudaineté de la situation de confinement a posé des problèmes aux enseignants qu’ils ont affrontés du mieux qu’ils le pouvaient et auxquels ils ont répondu malgré la difficulté.

2) Les outils et ressources utilisés

Il est ainsi à noter que les enseignants ont redoublé d’inventivité et de créativité pour surmonter ces difficultés « avec les moyens du bord » comme le signale une enseignante de collège. Notamment en multipliant les outils de façon à toucher le plus grand nombre de leurs élèves. Les enseignants utilisent à la fois les solutions institutionnelles et les outils hors institution et justifient cette utilisation par une volonté de ne pas perdre les élèves en utilisant des outils que les élèves connaissaient déjà, parce qu’ils avaient été utilisé en classe. C’est aussi cette justification qui les amène à innover et à utiliser ce que les élèves leur proposent :

« C’est ce que j’utilise en classe, suite logique aménagée de notre façon de travailler.  » (Collège)

«  Je me connecte tous les jours sur Discord (je sais ce n’est pas un serveur fait pour ça, mais là au moins, les élèves connaissent et savent l’utiliser !) » (Lycée)

« Utilisation de plateforme comme Google Drive et ENT pour déposer cours et corrigés +application Discord pour séance audio de questions réponses. […] Les élèves m’ont incité et au départ l’ENT [n’était pas] pas en place. Il a fallu s adapter rapidement et ensuite une fois en place [je n’ai] pas eu envie de changer à nouveau, les élèves étant à l’aise avec. » (Lycée)

« Pour école directe, Labomep et maths mentales, on les utilise déjà en classe « normale », ils sont donc dans un environnement connu. » (Collège)

« Le choix des outils a été guidé par la connaissance de ces derniers, le partage de ressources, l’accessibilité et la simplicité pour les familles. La ritualisation et ne pas multiplier trop les ressources me parait être important pour conserver l’investissement des familles et les repères des élèves dans la continuité pédagogique » (Primaire)

Dans une perspective de continuité pédagogique, les enseignants s’appuient sur les ressources que les élèves ont l’habitude de manipuler, les manuels scolaires ou les polycopiés de cours sont beaucoup utilisés, tout comme les logiciels qui étaient pratiqués avant le confinement, GeoGebra, par exemple mais aussi LaboMep ou WIMS (plutôt au lycée ou à l’université). Il est intéressant de noter que l’efficacité, la simplicité et la volonté de ne pas rajouter de difficultés aux difficultés de la situation ont largement primé sur la demande d’utiliser les plateformes institutionnelles, même si la volonté de suivre le règlement général sur la protection des données (RGPD a parfois conduit à des découvertes :

« Pronote est le seul outil qui existait comme plateforme de travail dans mon lycée, l’ENT n’avait pas été développé. Nous avons donc poursuivi avec les habitudes des élèves : ils ont presque tous l’application sur leur smartphone. J’en ai découvert d’autres aspects intéressants » (Lycée)

«  […] j’ai découvert plein d’outils intéressants, mais je perds des élèves en route » (Lycée)

Cette dernière remarque montre bien la difficulté d’utiliser des outils nouveaux pour les élèves dans les conditions du confinement et renforce l’idée largement répandue de maintenir une continuité en s’appuyant sur les outils que les élèves savent manipuler, soit qu’ils ont été déjà utilisés en classe, soit qu’ils appartiennent à la panoplie des élèves (Discord est un bon exemple).

Un autre outil dont les enseignants se sont emparé est la création de vidéos ; des vidéos pour faire un cours, pour donner des explications, pour animer une séance « par exemple apprentissage du rapporteur en sixième », mais aussi pour garder le contact avec les élèves :

«  C’est ce qui correspondait les plus à mon fonctionnement et je ne vois pas comment continuer à accrocher mes élèves sans explications orales et visuelles (d’où les vidéos) » (Lycée)

« Pédagogiquement, la difficulté principale est liée au langage. Je m’explique : travaillant avec des élèves en grande difficulté avec la langue française, je suis amené constamment à reformuler mes explications pour en toucher le plus grand nombre. Ici, c’est nécessairement plus complexe. Pour faire face, nous essayons de travailler avec davantage de supports audios, visuels ou audiovisuels. (salon vocaux, capture d’écran ou vidéos...) » (Collège)

Et, là encore, bien sûr, le temps revient comme un frein à réaliser et diffuser les vidéos en même temps que le défi d’apprendre très vite à créer, monter, et diffuser des vidéos !

Enfin, le courriel et le téléphone ont été des moyens de communication très employés, pour contacter les élèves « perdus », pour communiquer avec les familles et pour garder le lien si ténu pour certains élèves.

« Un élève par classe participe rarement, je relance par téléphone sans arrêt.  » (Collège)

« J’essaye de garder le contact, par mail, par téléphone, par visio.  » (Collège)

« Je communique avec les parents d’élèves vis la plateforme Klassroom et par téléphone (Une fois pas semaine). » (Primaire)

Mais le téléphone a aussi été un guide pour la diffusion des cours et des ressources lorsque les élèves ou les étudiants n’avaient pas d’ordinateurs à leur disposition :

«  Je pars du principe qu’un élève ayant uniquement un téléphone portable doit pouvoir profiter de toutes mes ressources.  » (Collège)

« Grande disparité des équipements numériques. La plupart n’ont qu’un téléphone. » (Lycée)

« Certaines élèves ne peuvent se connecter aux classes virtuelles ou doivent faire des efforts importants pour suivre le cours sur ordi, téléphone et maîtriser le numérique. Risque de perdition… nécessité de maintenir du lien.  » (Lycée)

On voit à travers ces extraits que les outils ont été choisis pour tenter de maintenir le contact avec tous les élèves, ou en tout cas le maximum d’entre eux. Et ces outils ont parfois donné des idées aux enseignants pour la suite de leur enseignement ; à la question « qu’avez vous appris de votre expérience pendant cette période d’enseignement à distance », les réponses « Utilisation de nouveaux outils informatiques » (Collège), «  à utiliser moi-même certains outils technologiques que je n’utilisais pas au quotidien » (Primaire), « à mieux utiliser les outils numériques » (Lycée) sont fréquentes et peuvent laisser penser qu’ils pourraient être ré-utilisés dans un contexte ordinaire :

« Je vais essayer de créer moi-même une chaîne YouTube. Je vais essayer de garder une séance de classe virtuelle après le confinement car mes élèves l’ont demandé. » (Collège)

«  Que le présentiel n’est pas toujours adapté, je verrai bien un enseignement hybride (à distance et en classe). On a besoin de bien connaître les élèves tout de même. » (Lycée, Enseignement supérieur)

3) Les relations avec les élèves et la vision des professeurs du travail réalisé

La communication avec les élèves et leurs familles a été un point très important du travail que les enseignants ont réalisé dans la période de confinement. Mais, deux tâches sont particulièrement importantes dans le métier d’enseignant, transmettre des connaissances et évaluer les acquisitions des élèves. Les conditions du confinement et de l’enseignement à distance ont bouleversé les habitudes de classe et les professeurs ont dû s’adapter et adapter leurs méthodes pour effectuer ces tâches, même si le défi paraissait insurmontable :

« Les élèves à très faible niveau, sans aide à la maison, sont coulés » (Lycée)

« Le confinement agit comme une loupe sur les inégalités face aux apprentissages et les renforce de façon très inquiétante.  » (Collège)

« Extrêmement inquiète de creuser les inégalités » (Collège)

Cependant, les apprentissages sont d’autant plus difficiles à juger que l’évaluation des progrès réalisés et des acquisitions ne va pas de soi. Les professeurs ont souvent une désagréable impression «  d’avancer à l’aveugle » (Lycée) et de ne pas avoir de moyens d’évaluer ou de contrôler ce que les élèves ont appris. Ils ont du mal à observer la progression de leurs élèves, « difficilement » étant le mot qui revient le plus lorsqu’il s’agit d’évaluer les acquis. D’autant plus que les évaluations habituelles ne sont plus possibles et que la fiabilité et l’impartialité des évaluations organisées en ligne sont largement discutées, soit parce que les conditions de travail des élèves ne sont pas égales, soit que la certitude de corriger un devoir effectivement réalisé par un élève est loin d’être acquise :

[Le plus grand défi à relever pour donner des notes, c’est]

« d’être certain que tous les élèves puissent travailler dans des bonnes conditions » (Collège)

«  de ne pas pouvoir vérifier les conditions dans lesquelles ils font les évaluations. » (Lycée)

«  l’inégalité de ressources pour les élèves (ressources informatiques, aide des parents ou autres, capacité d’organisation et de concentration)  » (Lycée)

« trouver le moyen de s’assurer que les étudiants ont bien compris les notions et savent les manipuler  » (Enseignement supérieur)

Cependant, un grand nombre de réponses montrent que l’évaluation dans ce temps de confinement se dirige vers une évaluation formative, permettant de donner quelques repères aux élèves :

Toujours en réponse à la question : [Le plus grand défi à relever pour donner des notes, c’est]

« de ne pas en donner. Ce n’est pas équitable du tout ! Je fais donc des évaluations formatives où ils s’auto-évaluent et m’envoient leur test pour que je vérifie également. » (Collège, Lycée)

« que les élèves soient dans des conditions satisfaisantes pour travailler, ce qui n’est pas toujours le cas » (Collège)

Mais ce n’est pas une remarque générale. Souvent l’absence de notes ou l’impossibilité d’en donner avec une certaine fiabilité donne aux enseignants un goût d’inachevé et d’injustice qui nuit à un bon déroulement de leur enseignement :

[Le plus grand défi à relever pour donner des notes, c’est]

«  d’accepter qu’elles ne comptent pas !  » (collège)

« [de] trouver un moyen pour évaluer individuellement chaque élève sur sa propre production » (Lycée)

« J’ai résolu le problème : je n’en donne pas en ce moment […] Ce serait totalement injuste. » (Collège)

En ce qui concerne les apprentissages, les avis sont très contrastés. Pour certains, l’enseignement dans le temps de confinement porte plus sur la nécessité de maintenir un lien avec les élèves et l’apprentissage de nouveaux contenus est second, pour d’autres au contraire, il y a une opportunité d’enseigner différemment et pour les élèves d’apprendre différemment.

« […] je ne sais pas ce qu’ont appris mes élèves, je ne les vois pas faire et il est difficile de faire confiance à ce que l’on reçoit, il y a hélas pas mal de triche, et probablement plus que ce que l’on peut imaginer...  » (Lycée)

Ce qui est pointé, c’est la difficulté, voire l’impossibilité, de suivre le travail des élèves et par conséquent de pouvoir apporter une aide nécessaire au moment voulu.

« Mais restons réaliste, pour l’instant il s’agit de faire en sorte qu’il ne décroche pas trop avant une rentrée des classes prochaines (?). Je me satisfais de leur implication, pas de leurs résultats ! » (Lycée)

De la même façon, certains enseignants voient une opportunité pour faire travailler leurs élèves sur des tâches non traditionnelles, de leur faire résoudre des problèmes, débattre ou travailler en groupes, mais très souvent les tâches proposées relèvent d’exercices d’entraînement et d’application directe qui semblent plus faciles à transmettre et à corriger.

Les enseignants ont soutenu leurs élèves durant ce temps de confinement et des liens nouveaux se sont créés, les enseignants découvrant des qualités et des capacités de certains élèves qui se sont révélés, et en général les enseignants donnent des avis très positifs des relations établies pendant cette période :

« Ils sont très volontaires et je suis très satisfaite d’eux. Un élève casse-pieds et qui ne fait pas grand-chose habituellement est volontaire pour l’heure de soutien pendant les vacances. Pour chaque classe, j’ai 4 ou 5 élèves volontaires pour l’heure de soutien. J’ai une élève qui a demandé des feuilles supplémentaires pour s’entraîner, un autre qui a demandé sur quel site il peut aller pour s’entraîner. Plusieurs messages des élèves ou des parents pour me remercier de tout ce que je fais pour eux.  » (Collège)

« C’est étrange : les élèves qui communiquent le plus ne sont pas toujours ceux qui participent le plus en classe. Je découvre l’intérêt de certains élèves d’habitude plus en retrait » (Collège)

« Je constate que mes élèves à l’aise sont toujours autant à l’aise et travaillent. »

« Je constate que des élèves en difficulté se révèlent ! Je pense, mais ce n’est que mon avis, qu’un environnement moins perturbateur, la possibilité de travailler à son rythme, d’avoir un contact personnalisé avec l’enseignant, ont permis à ces élèves de donner le meilleur d’eux-mêmes, ce qui n’est pas le cas habituellement (à 30 dans une classe, ce ne sont pas forcément ces élèves qui prennent le plus de place et que nous pouvons aider autant qu’ils en auraient besoin ...). » (Collège)

Même si parfois, un sentiment partagé, ou franchement négatif, apparaît, souvent dû à une impuissance à pouvoir connecter tous les élèves.

« Je suis très partagée, satisfaite pour ceux qui se connectent et avec lesquels j’ai des échanges, mais démunie face aux autres...  » (Lycée)

« C’est une catastrophe : moins de 25 % de réponses acceptables » (Collège)

Les enseignants perçoivent cependant une augmentation de l’autonomie de leurs élèves :

« La principale satisfaction est la hausse de leur autonomie. Pourquoi ? Car, face au contexte, ils s’interrogent davantage sur leurs erreurs pour poser des questions précises (ne se contentent plus de « Je n’ai pas compris ». Ils réfléchissent davantage sur le temps qu’ils veulent passer sur chaque tâche, sur la chronologie des apprentissages et l’importance de la leçon.  » (Collège)

L’analyse de la situation par les enseignants montre à l’évidence que le travail qui est réalisé est un pis-aller et que rien ne pourra remplacer le contact humain. La situation particulière montre en creux l’incroyable importance des interactions non verbales :

« L’enseignement à distance ne permet pas d’avoir un retour des étudiants, ni d’avoir une communication non verbale qui est pourtant très importante quand on enseigne.  » (Université)

« […] L’enseignement à distance n’est qu’un pis aller en ce moment et peut être un outil en plus en situation de classe. » (Collège)

« J’apprends à rassurer sans la communication visuelle et non verbale, c’est difficile. » (Collège)

Ainsi les relations avec les élèves ont été maintenues coûte que coûte même si le constat général est qu’à l’évidence l’enseignement à distance, même s’il peut apporter des satisfactions n’est pas en soi suffisant pour enseigner sereinement.

Quelques éléments de comparaison

Le questionnaire a été diffusé dans quatre pays et nous avons pu comparer les réponses données. La première remarque qui ressort des analyses des données est que le comportement des enseignants dans les quatre pays considérés est très ressemblant. Aucun des filtres d’analyse auquel nous avons soumis les données ne montre une différence significative entre les pays. On peut certainement expliquer ce phénomène en considérant que ces pays sont des pays occidentaux dont les valeurs en termes d’éducation sont proches. Mais aussi, d’une façon générale, les enseignants confrontés à une situation inédite, ont adapté leurs comportements sur les valeurs essentielles de l’École dans un état démocratique.

Dans les quatre pays, l’enseignement à distance s’est majoritairement déroulé dans une approche transmissive des connaissances et les justifications données par les enseignants ont été de deux ordres : ou bien il s’agissait de maintenir des paradigmes d’enseignement auxquels les élèves étaient déjà habitués ou bien, parce que l’enseignement à distance ne permettait pas, ou de façon très difficile, de mettre en œuvre un autre type d’enseignement. Ces remarques, fréquentes et étayées sur les conditions de travail des élèves en particulier des élèves vivant dans des milieux défavorisés, est tout à fait primordiale pour penser l’enseignement de demain :

« L’apprentissage collaboratif me manque aussi. Moi qui ai l’habitude de proposer un problème et les élèves qui travaillent ensemble en discutant, ou moi qui guide le problème sur le tableau et eux qui proposent des solutions, qui viennent écrire sur le tableau. Ils font des tentatives, ils raisonnent. L’un se lève, puis un autre et ensemble, ils trouvent la solution plusieurs fois. Avec l’enseignement à distance, ce n’est pas possible ou, du moins, je ne peux pas le faire... et c’est dommage. » (Italie, deuxième cycle de l’enseignement secondaire)

« La communication est réduite ; l’enseignement de cette manière devient - parfois - plus centré sur l’enseignant ( »frontal« ) et plus transmissif » (Allemagne, Gymnasium)

De la même façon, dans les quatre pays, la plupart des professeurs ont renoncé aux notes et les remarques sur l’évaluation des élèves déjà faites dans le cas de la France sont encore valables.

«  [Le défi est] que les étudiants ont fait un test à domicile et ont triché.  » (Israël, premier cycle de l’enseignement secondaire)

« Idéalement (j’évaluerais) avec des tests de diagnostic, mais c’est difficile, car on ne peut pas savoir qui copie le travail de quelqu’un d’autre. » (Allemagne, premier cycle de l’enseignement secondaire)

Cependant, des situations d’évaluation formative donnant aux élèves la possibilité d’être les acteurs de leurs propres apprentissages montrent que l’enseignement à distance peut être l’occasion d’évaluer différemment :

« L’autre idée que j’ai essayé de transmettre aux étudiants est que l’enseignement à distance doit maintenant être vraiment leur choix. Il est facile de se cacher derrière un écran et de copier, d’envoyer toutes les bonnes choses, de prétendre tout savoir. L’apprentissage devient un choix conscient.  » (Italie, deuxième cycle de l’enseignement secondaire).

« Les jeunes élèves sont beaucoup moins indépendants que je ne le pensais. C’est un gros problème à notre époque. Ils doivent apprendre plus tôt à assumer la responsabilité de leur propre apprentissage  ». (Allemagne, Gymnasium)

« Vérifier leur solution et leur dire où ils se sont trompés. Les laisser partager le tableau blanc en Zoom. Les laisser poser des questions. Je demande aussi aux autres élèves de s’expliquer mutuellement.  » (Israël, premier cycle du secondaire)

Les aides apportées aux élèves passent souvent dans les quatre pays par des interactions directes, des corrections répétées, du temps consacré pour revenir avec parfois des petits groupes :

«  Je leur donne des explications détaillées par le biais de la leçon en ligne ou de la vidéo » (Israël, premier cycle du secondaire).

« Très peu de réactions directes, les difficultés peuvent difficilement être traitées collectivement, les solutions doivent être répétées souvent » (Allemagne, gymnasium)

« Les vidéos et le tableau blanc partagé des leçons permet à ceux qui sont le plus en difficulté de revenir plusieurs fois sur les mêmes contenus » (Italie, deuxième cycle de l’enseignement secondaire)

Quelques professeurs signalent cependant que l’aide aux élèves est paradoxalement plus facile en ce temps de quarantaine ; ils s’appuient alors sur des idées de l’évaluation formative en rendant les élèves responsables de leur apprentissage mais aussi de l’apprentissage des autres élèves :

« Paradoxalement, ayant le temps et l’énergie, je pense qu’il est presque plus facile d’aider des élèves en difficulté dans cette situation que dans un environnement traditionnel.  » (Italie, deuxième cycle de l’enseignement secondaire).

«  J’encourage les étudiants à travailler ensemble, car ils connaissent leurs difficultés et savent comment les gérer. Je les aide également s’ils ont besoin de mon aide. » (Israël, premier cycle de l’enseignement secondaire)

«  Je crée des groupes de travail dans ma classe virtuelle pour faire de la différenciation mais aussi pour faire travailler ensemble les élèves en îlots, les faire collaborer, mutualiser les compétences, les plus forts aident les plus faibles... » (France, Lycée)

Outre les tâches décrites précédemment, de nombreux enseignants ont rédigé dans leurs réponses au questionnaire des réflexions profondes et détaillées qui ne peuvent pas toutes être écrites dans cet article. L’un des résultats les plus importants est la réflexion des enseignants sur le rôle des normes et des valeurs dans leur travail. De nombreux enseignants relèvent le défi de garantir la justice et l’équité, en particulier pour les élèves ayant de faibles résultats, même si certains souffrent de ne pas pouvoir garantir cette justice. Dans ce contexte, de nombreux enseignants abordent également le manque d’interaction avec les élèves (« L’apprentissage à distance est la mort de l’interaction », professeur de lycée, Italie), et regrettent l’absence de contact visuel et la possibilité d’utiliser des gestes lors des interactions.

Conclusion

Les enseignants enseignent selon leur conception de l’enseignement, leurs hypothèses d’apprentissage, leur épistémologie personnelle dans le contexte particulier (institution pour reprendre le vocabulaire de Chevallard) du système éducatif de leur pays, mais aussi de l’école dans laquelle ils enseignent, de leurs classes et de leurs élèves. L’enseignement au sens large vise à transmettre des connaissances mais aussi à transmettre des normes et des valeurs tant éthiques, scientifiques, philosophiques, morales que politiques. La tâche éducative d’amener les élèves à l’universel (Hegel parlait de « Chose ») incombe à l’École considérée dans sa fonction politique au sein d’une société donnée :

«  [...] l’école est la sphère médiane qui fait passer l’homme du cercle de la famille dans le monde, au rapport naturel du sentiment et du penchant dans l’élément de la Chose. […] Dans la famille l’enfant doit agir comme il faut dans le sens de l’obéissance personnelle et de l’amour ; à l’école, il doit se comporter dans le sens du devoir et d’une loi, et, pour réaliser un ordre universel, simplement formel, faire telle chose et s’abstenir de telle autre chose qui pourrait bien autrement être permise à l’individu » (Hegel, G.W.F. Discours du gymnase du 2 septembre 1811 dans Textes pédagogiques de Hegel, ted. B. Bourgeois, Ed. Vrin, 1990, p.108-109

Le contexte particulier du confinement met en lumière cette distinction lorsque les deux cercles se rapprochent de telle façon que l’apprentissage se fait dans le cadre de la sphère familiale. L’étude menée montre bien la volonté des enseignants de maintenir la présence de cette « sphère médiane » ; pour ce faire les techniques qu’ils ont développées et mises en œuvre tendent toutes à garder le contact avec les fonctions essentielles du système éducatif en proposant un contenu mathématique et des choix d’éducation. Les praxéologies didactiques sont liées aux connaissances que les étudiants doivent apprendre dans une institution donnée (programme national, normes,...), les praxélogies méta-didactiques sont liées aux valeurs qu’un système éducatif veut promouvoir mais aussi que les enseignants favorisent individuellement. L’étude a permis de mettre en évidence à la fois les praxéologies didactiques et méta-didactiques mises en œuvre. Cet épisode montre la responsabilité des enseignants dans cette œuvre fondamentale de notre société. Et qui est souvent reconnu par les élèves eux-mêmes comme en témoigne cette dernière citation relevée par un collègue de lycée :

Bonjour Monsieur.

Je tenais à vous remercier pour votre investissement pour nous aider, vos cours sont très clairs et vraiment bien faits ! Je ne sais pas si vous avez eu d’autres retours de la part des élèves mais on est nombreux à penser ça et on tenait à vous dire un grand merci pour le temps que vous avez consacré à chercher les meilleurs moyens pour qu’on puisse travailler dans les meilleures conditions !

Merci pour votre patience !

Bonnes vacances (Lycée, retour d’une élève de 1ere)

Références

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