Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Dans les coulisses de la classe inversée
Nouveautés à partir de la rentrée 2017
Article mis en ligne le 21 décembre 2017
dernière modification le 5 janvier 2018

par Caroline Mathias

Article mis sous spip par Angelo Laplace.

Cet article est une reprise de l’article de Caroline Mathias sur son site « Au fil des maths ». Nous la remercions chaleureusement pour son accord de publication dans nos colonnes.

Cet article peut être librement diffusé et son contenu réutilisé pour une utilisation non commerciale (contacter l’auteur pour une utilisation commerciale) suivant la licence CC-by-nc-sa

C’est reparti pour 2017

Après les 4 mois d’expérimentation sur la fin d’année dernière, c’est décidé, l’année 2017-18 sera entièrement inversée pour toutes mes classes de 4ème et 3ème. Ces premiers pas, les retours des élèves, mes ressentis, les échanges avec ceux qui la pratiquent déjà et davantage de documentation m’ont permis d’avoir un petit peu de recul. Ainsi, j’ai pu rectifier quelques points et mettre en place de nouveaux dispositifs pour améliorer la pratique quotidienne : nouvelle disposition, cartes de rôle, fiche d’évaluation collective, logiciel pour gérer le bruit...


Première nouveauté : tenir compte des neurosciences

Quitte à repenser et changer ma façon d’enseigner, autant s’inspirer d’avancées en neurosciences et sciences cogintives. Bien modestement, j’ai donc essayé de tenir compte entre autres de quelques travaux de Stanislas Dehaene [1], de Steve Masson [2], Eric Gaspar [3] ...

Finis les neuromythes et place aux 4 piliers de l’apprentissage. En effet, Stanislas Dehaene souligne que les neurosciences ont identifié quatre facteurs facilitant les apprentissages :

 l’attention > veiller à ne proposer qu’une seule tâche à la fois et proposer des activités attrayantes (en quelque sorte la nouveauté des capsules vidéos et questionnaires en ligne en constitue une).
 l’engagement actif « l’apprentissage est optimal lorsque l’enfant alterne apprentissage et tests répétés de connaissance » > veiller à mettre en place davantage de situations d’évaluation (pas toutes sommatives).
 le retour d’information « Recevoir un retour d’information immédiat sur l’action en cours est constitutif de l’apprentissage. Plus le retour est proche dans le temps de l’erreur, plus l’action corrective sera efficace et intégrée de manière pérenne. Les erreurs sont positives et sources d’apprentissage. » > continuer à tenir la même position face à l’erreur et à faire des feedbacks plus rapides.
 la consolidation (l’automatisation et le sommeil) > continuer les petits exercices d’entrainement de calcul mental quotidien et réfléchir à d’autres.

Pour davantage de situations d’évaluation et la réactivation des connaissances, je me suis inspirée ici de la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus.

Il s’agit d’échelonner les tests répétés de différentes formes dans le temps :

 questionnaire en ligne juste après la lecture de la capsule vidéo (test non noté) avec un débrief rapide dès le début du cours suivant ;
 travaux de groupes : l’évaluation se fait par les pairs qui se sollicitent les uns, les autres. Cette évaluation n’est pas notée et elle est d’autant plus valorisante que les élèves prennent plaisir à valider ou invalider eux-mêmes pendant leurs échanges ;
 interrogation orale régulièrement soit au sein des groupes soit pendant la synthèse en classe entière. Elle n’est pas systématiquement notée si ce n’est par l’intermédiaire de bonus sur l’activité de groupe (cf paragraphe à ce sujet)
 évaluations de difficulté et d’exigence évolutives dans le temps (au même titre que les coefficients des notes obtenues) : calcul mental, QCM, interrogation pour finir par le devoir surveillé (bilan).


Deuxième nouveauté : une nouvelle disposition et une numérotation des îlots

Pour contribuer à un engagement plus actif des élèves, ma salle est disposée de manière permanente en îlots. Par rapport à l’année dernière, un léger réagencement a été opéré de manière à optimiser la différenciation et la circulation (d’autant que la salle n’est pas très grande et que mes effectifs sont chargés). Il y a plusieurs « zones » :

 des îlots de 4, davantage pour les élèves déjà très autonomes (au fond de salle) ou qui peuvent avoir besoin des petits coups de pouce (au centre de la salle)
 des îlots de 2 réagençables face au tableau pour les élèves nécessitant une aide appuyée ; très régulièrement ces élèves se regroupent aussi par 3 ou 4.
 un poste de travail informatique en libre accès pour les élèves qui auraient besoin de revisionner une ou plusieurs vidéos.

Pour un même chapitre, la place des élèves est fixe. A chaque nouveau chapitre, ils ont la possibilité de changer de groupe en accord entre eux et/ou avec moi.

Par ailleurs, cette année, les îlots ont été équipés de plusieurs étiquettes :

 tout d’abord, une étiquette numérotée de 1 à 9 : ce qui pourrait être un détail nous apporte, aux élèves et moi, un gain de temps et d’efficacité tant pour l’organisation, l’évaluation ou l’identification des groupes entre eux.

 ensuite, des cartes de rôle scotchées à chaque place : l’élève se positionne à son îlot en fonction de sa casquette pour le chapitre en cours (voir paragraphe suivant à ce sujet).


Troisième nouveauté : les cartes de rôle

Twitter est une formidable source de ressources que nombre d’inverseurs utilisent pour échanger et partager. Les professeurs des écoles sont très créatifs. En m’inspirant de leurs travaux et de ceux de Florence Raffin (professeur de physique en lycée) et de Cyril Lascassie (professeur de collège et formateur), j’ai pu concocter des fiches de rôle adaptées aux besoins de mes élèves sur notre façon de pratiquer la classe inversée. Il y a deux sortes de carte :

 tout d’abord, 4 cartes quotidiennes : les responsabilités pour un gardien du temps, un rapporteur, un animateur et un pacificateur sont attribuées pour tout un chapitre. Au chapitre suivant, les élèves ont la possibilité soit de garder le même rôle et en particulier celui où ils peuvent exploiter au mieux leurs qualités pour le groupe, soit d’en changer. Néanmoins, une règle est établie : ils doivent avoir exercé au moins une fois par trimestre chacun des quatre rôles.
 ensuite, 2 cartes exceptionnelles : une fois par cours, par chapitre ou par semaine (selon le contexte), ils peuvent utiliser une carte joker, celle de l’agent secret ; elle est présentée pour aller visiter un autre groupe ou jeter un coup d’œil aux réponses aimantées au tableau (voir photo plus bas). Enfin, pour les élèves ayant terminé rapidement ou correctement leur travail, une carte tuteur leur est attribuée pour circuler dans les îlots ayant besoin d’aide.

En deux mois, les règles du débat scientifique se sont mises en place plus naturellement : les réponses sont discutées, validées ou invalidées plus calmement, l’argumentation est plus riche et l’entraide se développe. Sur mes 27 groupes, 1 seul ne fonctionne pas encore correctement.



Quatrième nouveauté : une fiche d’évaluation d’activité

La fiche réalisée à la va-vite et sur le tas l’an dernier ne me satisfaisait pas, d’autant qu’elle était chronophage. Je me suis ici encore une fois largement inspirée du travail de Florence Raffin et Cyril Lascassie pour en réaliser une nouvelle en fonction de mes attentes auprès des élèves. Une première version a servi pour le 1er chapitre mais elle a très vite montré ses limites. Je l’ai donc ajustée et affinée suite aux situations rencontrées en classe. Voici la deuxième version qui pour le moment fonctionne mieux, bien que d’autres adaptations seront apportées en cours d’année.

Cette fiche donne lieu à une note par chapitre. A la fin du trimestre, une moyenne de ces notes sera calculée et intégrée à la moyenne trimestrielle de maths afin de valoriser et tenir compte de l’activité produite par les élèves tout au long du trimestre.

Cette fiche ne tient pas compte du contenu mathématique, elle évalue :

 l’activité individuelle hors la classe de l’élève (sur 8 points) : cours recopié et questionnaires en ligne remplis ;
 l’activité collective au sein des îlots (sur 12 points) : chacun des 4 axes (gestion du temps, production écrite ou orale, autonomie et collaboration) est échelonné de 0 à 3 points ;
 la participation individuelle pendant les phases de synthèse en classe entière (0,5 point en bonus par participation ou 0,5 point en malus par bavardage pendant la phase de synthèse en classe entière.)

Télécharger cette fiche en PDF :


L’activité en classe est bien plus intense, la coopération se développe, les bavardages diminuent au profit de l’écoute et chacun prend son rôle au sérieux. Quant à la participation, elle n’a jamais été aussi importante : les bonus semblent booster les élèves y compris les plus timides ou les plus en difficulté. La difficulté justement est désormais de mon côté pour essayer de bien répartir la parole pendant les phases en classe entière.


Cinquième nouveauté : expérimentation de Bouncy Balls pour la gestion du bruit

L’an dernier, le plus grand souci rencontré concernait la gestion du bruit et malheureusement ce problème n’est pas près de se résoudre : ma salle mal isolée et sans sous-plafond résonne toujours autant et toutes les classes de 4e et 3e avec qui je pratique la classe inversée ont des effectifs très chargés (30 élèves chacune).

Sous le conseil de Loïc Asius, j’ai testé : https://bouncyballs.org/. C’est un outil pratique, gratuit, facile à prendre en main. Pourtant, après quelques tentatives j’ai progressivement arrêté. Sur la première heure d’essai, les classes bruyantes le sont devenues davantage car certains malins s’amusaient à parler volontairement plus fort pour faire bouger l’animation. C’était prévisible et ça leur montrait que ça fonctionnait bien. Heureusement, les « testeurs » se sont rapidement lassés. Le problème ne s’est pour autant pas réglé car pris dans l’activité, les élèves ne regardaient pas plus l’état de Bouncy Balls au tableau et leur niveau sonore n’avait pas baissé par rapport à l’an dernier : 9 groupes qui échangent dans une salle mal insonorisée, ça fait forcément du bruit. Le deuxième inconvénient de la projection de Bouncy Balls au tableau était que le tableau justement n’était plus disponible pour aimanter les réponses ou pour des explications plus personnalisées. Peut-être aurait-il fallu, un ordinateur par îlot avec Bouncy Balls, mais nous n’avons pas cet équipement au collège.

Bref, petit à petit, cet outil a été délaissé et je suis toujours en train de chercher un moyen de faire chuchotter mes élèves pendant leur travail de groupes et surtout mes 3es avec leurs « grosses voix ».


A propos du travail hors la classe

Je n’ai pas modifié ce point depuis l’an dernier, si ce n’est que j’anticipe bien davantage : je laisse plus de temps aux élèves et évite de leur demander de visionner une vidéo la veille pour le lendemain. Leur travail hors la classe consiste donc à regarder une capsule vidéo, recopier le cours associé (soit manuellement, soit sur la fiche de cours téléchargeable) et remplir le questionnaire en ligne.

Voici les objectifs que je me suis fixés à ce sujet :

 objectif en terme de temps : veiller à ce que le temps de travail hors la classe ne soit pas plus important en classe inversée que celui que la classe traditionnelle leur demandait. Par ailleurs, chaque élève peut décider par lui-même de profiter d’autant de temps dont il a besoin pour travailler une notion.
 objectif en terme d’autonomie : veiller à ce que le travail hors la classe ne nécessite aucune aide extérieure. L’élève doit pouvoir regarder la vidéo, recopier le cours et remplir le questionnaire en ligne seul et facilement.
 objectif en terme d’initiative : faire en sorte que l’élève soit libre de piocher dans les différentes ressources et y ait facilement accès pour anticiper, approfondir ou réviser une notion.


A propos du déroulement du cours

 Dans les 10/15 premières minutes, c’est moi qui ait la main : en général pour un entraînement quotidien au calcul mental, pour le débrief collectif sur les questionnaires en ligne (ce qui n’empêche pas d’apporter une explication personnalisée ensuite au sein des îlots si besoin) et un rappel du plan de travail.

 Ensuite, les élèves suivent ce plan de travail pour réaliser en groupe leurs exercices en respectant les rôles qu’ils se sont attibués (gardien du temps, pacificateur, animateur, rapporteur). Pendant ces séquences, il peut arriver que les réponses soient aimantées au tableau à disposition de tous pour s’inspirer, se corriger, débattre...

 De mon côté, je fais plusieurs tours de classe. Le premier est très rapide : il consiste à vérifier que les cahiers de cours sont à jour voire à préciser quelques notions individuellement (en fonction d’erreurs dans les questionnaires en ligne commises par une minorité d’élèves). Un deuxième tour en « décélération » commence par les groupes les plus à l’aise pour vérifier que la mise en route s’est bien passée. Je continue en m’attardant et en consacrant davantage aux îlots qui ont le plus besoin d’aide.

 A la fin de chaque chapitre, le rapporteur du groupe me remet la copie du groupe (NB : les autres membres ont systématiquement aussi une trace écrite dans leurs cahiers).


Chaque journée, chaque cours fait évoluer cette classe inversée... au fur et à mesure, les situations rencontrées, les retours d’élèves ou les échanges avec les inverseurs me permettent de faire les ajustements nécessaires, de trouver des outils et des pistes... ce n’est que le début ! Merci à ceux qui me conseillent, avec qui j’échange, ceux qui partagent et inspirent des inverseurs débutants comme moi, ceux qui me permettent de faire évoluer et améliorer ma pratique...