Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Réflexions sur le statut des TIC au Maroc
Dans l’enseignement et l’évaluation des mathématiques
Article mis en ligne le 10 février 2017
dernière modification le 28 février 2017

par Elmostapha El khouzai, Said Haouassia

Auteurs :

  • Said Haouassia, Laboratoire de l’ingénierie didactique et dynamique des systèmes (L.I.D.D.S), Faculté des Sciences et Techniques. Université Hassan 1er, Settat, Maroc.
  • Elmostapha El khouzai, Laboratoire de l’ingénierie didactique et dynamique des systèmes (L.I.D.D.S), Faculté des Sciences et Techniques. Université Hassan 1er, Settat, Maroc.

shaouassia@yahoo.fr

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Résumé

Notre article se place dans le cadre d’une recherche, qui s’intéresse aux effets d’un système d’évaluation à caractère standard et statique sur l’enseignement des mathématiques. Il agit de façon croissante sur le système éducatif, son organisation, les programmes, les contenus, les tâches proposées, et par conséquent sur les pratiques d’enseignement, y compris l’utilisation des TIC comme outil d’innovation pédagogique. Diverses recherches et études montrent que les influences ne sont pas forcément positives. Elles montrent aussi comment la pression qui s’exerce sur les enseignants, les élèves et les établissements scolaires pour qu’ils améliorent leurs scores, tend à limiter les contenus mathématiques à tester des algorithmes vidés de sens, pour préparer les élèves aux évaluations. Sur le plan théorique, nous nous sommes situés dans le cadre de l’approche de compréhension d’un concept mathématique*, ce qui nous semble adapté par le statut donné dans cette théorie aux institutions. Pour atteindre les objectifs de notre étude, centrée sur les mathématiques. Les analyses menées nous permettent de discerner les registres de l’évaluation des mathématiques par rapport à d’autres évaluations à caractère international : PISA, TIMSS. Nous avons aussi étudié jusqu’à quel point les mathématiques enseignées et évaluées sont représentatives des valeurs, du contenu et de l’esprit du curriculum marocain. Lors de notre étude de terrain menée dans les établissements du grand Casablanca, Marrakech ainsi que Rabat, nous avons étudié le rapport des enseignants des mathématiques et nous avons montré sa dépendance du niveau socio-économique des établissements, décelé les diverses actions mises en place pour préparer les élèves aux évaluations mathématiques, et mis en évidence les conséquences sur les pratiques comme la contraction curriculaire au niveau des contenus et des tâches. Nous étudions le rapport éventuel de l’évaluation et le statut des TIC en mathématiques dans le cas de notre pays, au cycle fondamental et au lycée.

Mots clés : concept, compréhension, évaluation, curriculum, TIC.

Introduction

Cet article vise à montrer par le biais de deux concepts mathématiques véhiculés depuis le cycle du primaire jusqu’au supérieur,  « quadrillage/fonctions paramétriques » et le trapèze , l’importance que peut jouer l’utilisation des TIC, comme outil de dévoilement, d’innovation et d’amélioration des anomalies constatés dans l’enseignement des mathématiques en général, en l’illustrant dans le cas du système éducatif Marocain.

Nous partons du fait que le curriculum officiel des mathématiques dans les différents cycles – primaire, collège, lycée et supérieur- adopte l’approche par compétences incluant la compétence technologique, comme c’est le cas dans la plupart des systèmes éducatifs au niveau international. Nous constatons la dominance d’utilisation du « tableau noir et du papier » comme support d’enseignement et d’évaluation, ainsi que l’utilisation timide des TIC dans la pratique enseignante des mathématiques. Malgré l’adoption des programmes officiels, les orientations pédagogiques qui les accompagnent, et les manuels scolaires officiels, l’introduction des TIC dans les cours des mathématiques (le cas du programme dit Génie pour le Maroc) demeure faible. De plus nous constatons l’absence de séances significatives qui nécessitent le recours aux TIC comme outil d’élaboration du sens des connaissances enseignées. Cette remarque s’illustre dans les scénarios pédagogiques qui se caractérisent par le fait d’être statiques au sens didactique, c’est-à-dire que ces scénarios reproduisent des activités et situations conçues pour être présentées au tableau ou sur papier. De telles approches représentent une difficulté didactique et épistémologique pour l’utilisation des TIC comme outil d’élaboration de sens et par conséquent d’appropriation de compétences .

Nous constatons de même l’absence de la pratique d’évaluation des TIC dans les registres et cadres de références adoptés.

Ces constats peuvent conduire aux questions suivantes :

  • Quelles sont les causes d’absence d’utilisation des TIC dans la pratique enseignante des mathématiques ?
  • Est-ce que la structuration des programmes et par conséquent le curriculum officiel encourage une telle pratique ? ou ceci est-il dû à l’écart entre le curriculum officiel et le curriculum réel ?
  • Est-ce que les supports d’enseignement « tableau noir, et papier » ne sont pas des obstacles pour l’utilisation des TIC ?
  • Comment peut-on améliorer une telle pratique ?
  • Cette pratique ne découle-t-elle pas de l’organisation et de la gestion des programmes, entre autres de la gestion du temps d’enseignement et de la prévision des rythmes d’apprentissages ?

Pour ce faire nous allons rappeler et préciser les fonctions de l’enseignement des mathématiques, relater ensuite les apports didactiques et pédagogiques possibles de l’outil informatique dans l’acte d’enseignement et proposer enfin quelques pistes de réflexions au sujet du saut informationnel au sens de Guy Brousseau, des difficultés et obstacles didactiques et épistémologiques , et du jeu de cadres de R.Douady, tout en nous référant à la notion de visualisation [1].

Les caractéristiques des fonctions de l’enseignement des mathématiques.

L’enseignement des mathématiques fait partie des enseignements fondamentaux, et ses fonctions fondamentales peuvent se résumer de la manière suivante :

  • Donner à tous les individus la culture mathématique nécessaire : s’approprier les données numériques, savoir les traiter, les présenter, les interpréter, maîtriser les figures géométriques de base, être apte à reproduire, mesurer, coder.
  • Former l’esprit des étudiants à la rigueur intellectuelle, à l’argumentation, au raisonnement logique [2].
  • Préparer des inspirations d’études scientifiques ou moins scientifiques, dans lesquelles le statut des mathématiques est important, voire essentiel. A savoir que, au cycle supérieur, les fonctions des mathématiques peuvent se résumer à deux fonctions principales qui sont :
    • La modélisation des situations problèmes des différents cadres scientifiques « physique, chimie, biologie, économie, sciences sociales, médecine, etc. » dans le but de les résoudre.
    • La recherche théorique qui aura pour but l’amélioration des outils de modélisation et d’approche théorique.

Dans ces domaines, l’apport des TIC est aujourd’hui indispensable.

  • Lorsque dans la vie courante, le citoyen est confronté à des données chiffrées, géométriques ou graphiques, c’est la plupart du temps par l’intermédiaire d’un logiciel et souvent sur un écran. Il est indispensable que les jeunes – pour lesquels l’utilisation d’un clavier et la consultation d’un écran sont naturels - reçoivent une culture mathématique intégrant ces outils.
  • Nous développerons dans le paragraphe suivant l’apport des TIC par le biais de l’enseignement de concepts mathématiques, l’appropriation de sens et par conséquent des compétences, en particulier dans la résolution de problèmes.
  • Dans le milieu professionnel ou la sphère savante l’utilisation des mathématiques se réduit à la manipulation des logiciels généraux (logiciel de dessin ou de calcul, tableur, grapheur) ou spécialisés. Les spécialistes des mathématiques eux-mêmes, dans la plupart des cas se réfèrent à des logiciels de modélisation, de programmation ou de calcul. Bref, la pratique et l’utilisation spécialisée des mathématiques ne se conçoivent plus sans recours à des outils logiciels, souvent très élaborés et puissants.

On peut citer l’exemple simple du calcul. L’essentiel n’est pas le calcul « posé », même dans l’acte d’enseignement et d’apprentissage dans le domaine du calcul. L’essentiel est la maîtrise du calcul mental et de l’aspect fonctionnel d’une calculatrice accompagné d’algorithmes de contrôle. Si le calcul lui-même est réalisé (et bien fait) par une machine, la tâche du contrôle intelligent demande la construction d’autres compétences que les compétences routinières à caractère algorithmique.

La formation de l’esprit et la résolution de problèmes

« Les mathématiques sont un outil de rigueur ; elles apportent des instruments cognitifs pour agir, pour choisir, pour décider. L’acte de formuler et de résoudre des problèmes, dans l’enseignement et l’apprentissage, pose deux questions : quels sont les buts de l’acquisition des connaissances et quels moyens permettent cette acquisition. » [3]

La résolution de problèmes par les élèves/étudiants, dans ce schéma de démarche :

    • Observer, conjecturer, contrôler, critiquer ;
    • Rechercher, analyser, trier et organiser l’information ;
    • Raisonner, disserter, mettre au point une démarche logique ;
    • Communiquer ;

est l’objectif de l’éducation mathématique.

Dans cette démarche, l’utilisation des TIC permet de structurer l’enseignement à base de problèmes proches de la réalité scientifique, d’élargir le champ des problèmes, d’abréger les phases purement techniques et souvent ennuyeuses et d’aller ainsi à l’indispensable : le raisonnement, le contrôle, la mise en forme, c’est-à-dire l’élaboration d’un contrat didactique qui tient compte du sens du savoir enseigné..

Bien entendu, nous tenons à signaler qu’il est possible de donner aux élèves des activités solides de recherche n’impliquant pas l’utilisation des TIC, mais cette utilisation est un apport qui donne souffle à l’engagement des élèves et permet de varier les activités et parfois de raccourcir leur durée.

Réflexions théoriques sur les apports pédagogiques et didactiques de l’outil informatique

Si l’évaluation des savoirs a priori est formulée en terme de situations problèmes partant d’un cadre explicite (cadres de références d’examen de fin des cycles primaire, de collège et de lycée, sans pour autant exister explicitement pour le cycle supérieur du système Marocain), on peut constater que les situations d’évaluation proposent des types de tâches techniques [4]. Quant à leurs formulations elles sont généralement régies par un découpage visant des savoirs d’ordre algorithmique ; par contre on trouve qu’une compétence repose sur la mobilisation, l’intégration, la mise en réseau d’une variété de ressources [internes et externes] […]. Cette mobilisation des ressources s’effectue dans une situation donnée, dans le but d’être employée : la compétence est nécessairement contextualisée ; pour autant, elle s’exerce dans une variété de situations, à travers un processus d’adaptation et pas seulement de reproduction de mécanismes [ aspect algorithmique…] : il est difficile de définir la notion de compétence indépendamment de son cadre d’apprentissage et des situations envisagées pour son évaluation (iGen, 2007, pp. 11-12) [5].

Si l’enjeu de l’institution éducative est celui de permettre aux élèves/étudiants de réaliser divers apprentissages, pour répondre, à des questions, on est vite amené à revenir sur ce que signifie apprendre. Dès lors des questions fondamentales s’imposent :

Que signifie acquérir, connaître un concept ? Qu’est ce que l’on demande au juste aux élèves/étudiants ? Qu’attendons d’eux ?

Il existe au moins deux façons différentes d’approcher ces dernières questions. Celle qui prévaut jusqu’à maintenant tend à privilégier une vision linéaire, de type algorithmique, basée sur une multiplicité de contenus et de savoirs disciplinaires. En revanche, il y a une autre façon d’approcher les questions précédentes privilégiant une vue globale. La distinction entre les deux points est très importante quant aux objets et aux situations d’apprentissage.

A ce niveau nous soulevons les questions de sens et de la définition de la notion de compétence et nous retiendrons quelques caractéristiques. Pour nous les compétences constituent tout un esprit de planification et de gestion des apprentissages et un principe fondamentale organisateur de l’enseignement et de la formation. La logique d’entrée par les compétences a des implications importantes sur les activités pédagogiques. En particulier la détermination des contenus et des objets d’enseignement est imposée par les compétences souhaitées qui leur donnent du sens. De même que pour l’architecture de l’évaluation de ces compétences souhaitées / déclarées dans le curriculum officiel.

En outre, la construction des compétences étant assez complexe et ne pouvant qu’être personnelle, elle nécessite des pratiques pédagogiques qui tout en visant à aider l’élève/étudiant dans ses efforts devraient favoriser l’activité individuelle et/ou en petit groupe, chose que les TIC peuvent permettre.

Dans ce sens nous constatons une coupure didactique entre le curriculum officiel – pour le cas du Maroc- qui adopte l’entrée par compétences (compétences méthodologiques, de communication, technologique, culturelle) et le modèle d’évaluation adopté en mathématiques et les autres disciplines scientifiques (physique –chimie, sciences de la vie et la terre, l’économie) formulé en terme de connaissances à dominantes algorithmiques et dans lequel ne figure aucune situation qui ferait appel à l’utilisation des TIC pour évaluer les compétences technologiques supposées acquises chez les élèves selon la conception officielle ; de telles pratiques d’évaluation influencent négativement la pratique enseignante et par conséquent les conceptions des élèves/étudiants et des enseignants .

Si nous adoptons la notion de visualisation comme « cadre » théorique, ceci peut éclairer nos propos :

pour mémoire, la visualisation est la création d’une image mentale d’un concept donné (Kosslyn, 1996). Ainsi, du point de vue de l’enseignement, la visualisation est une méthode puissante et efficace servant à améliorer la compréhension de concepts variés émanant de plusieurs disciplines telles que l’informatique, la chimie, la physique, la biologie, l’ingénierie, les statistiques appliquées ou encore les mathématiques. Spécifiquement, il y a plusieurs raisons qui justifient l’utilisation de la visualisation dans l’apprentissage et l’enseignement des mathématiques à travers tous les niveaux scolaires, du primaire à l’université passant par le collège et le lycée. Une revue de la littérature montre également que l’activité de “voir autrement” n’est pas évidente en soi, elle n’est pas un processus inné mais elle peut être créée et apprise (Whiteley, 2000 ; Hoffmann, 1998). Comme la science cognitive le suggère, on apprend à voir et on crée ce qu’on voit. Le raisonnement visuel est appris, il peut être également enseigné et il est important de l’enseigner (Whiteley, 2004, p.3 ; Hoffmann, 1998). Ainsi, les enseignants qui ont appris à utiliser la visualisation seraient capables de renforcer les concepts mathématiques et d’améliorer davantage le processus d’apprentissage en classe. La littérature suggère que l’imagerie cérébrale et la neuroscience confirment que le raisonnement visuel et schématique est cognitivement distinct du raisonnement verbal (Butterworth, 1999). Les recherches en cognition suggèrent également que les visuels sont largement utilisés, de différentes manières, par les mathématiciens (Brown, 1998). De plus, Whiteley (2004) a dit qu’il « travaille avec des enseignants de mathématiques au primaire, au secondaire et en post-secondaire. Ils sont surpris d’apprendre que les mathématiques modernes abstraites et appliquées peuvent être intensivement visuelles, combinant un très haut niveau de raisonnement avec une base solide dans les sens » p.1

La visualisation en tant que justification

La justification visuelle en mathématiques se réfère à la compréhension et à l’application des concepts mathématiques en utilisant des représentations à base visuelle et des processus présentés en diagrammes, des programmes informatiques graphiques et des modèles physiques.

Il existe plusieurs caractéristiques distinctes de justification visuelle (raisonnement) dans de nombreuses disciplines :
 La justification visuelle dans la résolution de problèmes est au cœur de nombreux domaines autres que les mathématiques telles que les statistiques, l’ingénierie, l’informatique, la biologie et la chimie.
 Le raisonnement visuel ne se limite pas à la géométrie ou aux mathématiques représentées dans l’espace. Tous les domaines des mathématiques contiennent des processus et des propriétés qui fournissent des motifs visuels et un raisonnement structuré visuellement. La combinatoire par exemple est très riche en motifs visuels. L’algèbre et la logique symbolique reposent également sur une forme visuelle pour évoquer les étapes et les comparaisons appropriées.
 La pédagogie basée sur le visuel ouvre les mathématiques aux élèves qui seraient exclus dans d’autres situations. Des études suggèrent que les étudiants (et les adultes) atteints d’autisme et de dyslexie peuvent compter davantage sur le raisonnement visuel que sur le raisonnement verbal. (Grandin, 1996 ; West, 1998 ; Whiteley, 2004 ; Gooding, 2009).

Dans ce sens les TIC comme outil de visualisation peuvent être moyen de dévoilement et de franchissement de strates et d’obstacles didactiques, ce qui renvoie à la question du lieu d’importance des TIC, dans le passé, présent ou le futur ? Nous postulons que la structuration des contenus dans les systèmes éducatifs était faite en fonction du tableau noir, ce choix a causé des erreurs « graves » insoupçonnées. Les TIC permettent de débusquer ces « erreurs » surtout dans l’enseignement des mathématiques et des sciences et techniques, à propos de la structuration d’enseignement, qui génère soit des contenus « faux » ou incomplets au niveau de la présentation des concepts ; autrement dit les TIC peuvent permettre le dévoilement des obstacles didactiques sur lesquels butent les systèmes d’enseignement, en particulier au niveau de la structuration des contenus,.Le tableau noir comme support didactique conduit aux présentations des concepts d’une manière inadéquate.

L’utilisation des TIC « téléphones portables, tablettes,….etc » par des enfants dès le plus jeune âge, pose un défi d’adaptation à cette nouvelle donnée par les systèmes d’enseignement et questionne le statut de support « classique » « le tableau noir » comme support didactique d’enseignement.

Nous évoquons le cas du quadrillage comme concept enseigné à des enfants dès la maternelle [6], ce concept est en relation organique avec le concept des fonctions paramétrées enseigné au cycle supérieur, on remarque dans la structuration régie par le tableau noir comme support didactique ne permet pas de dévoiler le lien existant entre les deux notions (quadrillages et fonctions paramétrées). Par exemple si on propose à des enfants de CP de reproduire un lion avec des ailes dans le quadrillages sur un ordinateur ou une tablette, il serait une trajectoire engendrée par un point animé ; cette animation que ne permet pas « le tableau noir », devient un obstacle didactique qui rend le point animé aveugle dans les contrats didactiques qui adoptent ce support.

De même en considérant le concept de trapèze comme modélisation d’accélération de vitesse et de freinage d’un mobile : son premier coté indique l’accélération, la base veut dire que la vitesse est constante, par contre le côté qui descend veut dire qu’il y a freinage ; la structuration actuelle liée au tableau noir privilégie la présentation du trapèze par l’intermédiaire de ses propriétés à savoir son périmètre, sa surface, sans pour autant dévoiler son sens, qui permet de l’utiliser comme outil de modélisation et résolution de problèmes dans le cadre physique, et par conséquent « le tableau noir » devient un obstacle didactique dans la pratique enseignante actuelle pour dévoiler le triplet (trapèze, accélération, freinage), En rapport avec les TIC, le scénario pédagogique serait une segmentation du trapèze (calcul d’aire, traçage d’équation d’une droite,..etc.), Cela permettrait de dévoiler le sens, ainsi que les carences qui sont les conséquences de la structuration des savoirs enseignés en référence au « tableau noir » ; on peut postuler que les TIC peuvent être un outil d’élucidation de connexions de cadres au sens de R. Douady.

A notre point de vue, les systèmes d’enseignement qu’ils soient au Maroc, en France ou ailleurs ne pourront pas supporter longtemps ce genre d’insuffisance, vu l’explosion de l’utilisation des TIC de la part des jeunes enfants au niveau mondial, et de leur présence dans le domaine professionnel qui a tendance à minimiser sinon à bannir l’utilisation du papier.

De ce qui précède nous pouvons postuler que la structuration de l’évaluation est, elle aussi régie par le choix didactique du « tableau noir », du fait qu’elle suppose le recours au papier comme moyen de référence sans pour autant mesurer l’appropriation supposée par les élèves/étudiants de la compétence technologique, ce qui montre son impact négatif sur la pratique enseignante des classes de collège et lycée. Cette coupure est sentie par tous les acteurs institutionnels dans toutes les classes de collège et lycée.

L’analyse didactique permet entre autres le dévoilement de ces obstacles, l’outil du tableau noir et du papier mènent à présenter des concepts mathématiques d’une manière réduite, c’est-à-dire à approcher un concept d’un seul aspect à savoir son aspect algorithmique quand il est formulé dans le cadre algébrique ou arithmétique ou analytique, ou le présenter d’une manière statique au cadre géométrique, partant du fait qu’un concept mathématique se manifeste sous différents aspects :

  • L’aspect structurel lié à la définition du concept, cet aspect inclut des points faibles du genre : à quoi sert le concept ? Quelles relations avec d’autres concepts ? Existe-il d’autres formulations du concept dans d’autres cadres mathématiques ? [7]
  • L’aspect symbolique en lien avec sa charge sémantique.
  • L’aspect épistémologique qui reflète son évolution à travers l’histoire.
  • L’aspect opératoire en liaison avec son aspect algorithmique.
  • L’aspect technologique qui met en relief son caractère dynamique.
  • L’aspect fonctionnel est l’étape où le concept devient un outil de résolution de problèmes.

L’utilisation des TIC qui permettent la visualisation des concepts et l’émergence du caractère dynamique des concepts seraient un moyen efficace d’élucider et de dévoiler ces aspects, ainsi que la possibilité des connexions des cadres comme le cas évoqué du trapèze,. Les TIC peuvent être efficaces dans la gestion du temps d’enseignement, surtout quand la structuration des contenus enseignés est basée sur des activités qui prennent les connaissances supposées acquises par les élèves (au primaire, collège et lycée) comme référant particulier pour construire des situations d’enseignements qui permettront soit la généralisation d’une telle connaissance dans un champ plus large, soit pour montrer les limites des connaissances anciennes pour répondre à la situation étudiée. Par conséquent celle-ci conduira à l’adoption d’une nouvelle définition, ou d’un théorème ou simplement d’une nouvelle technique/algorithme, cependant nous constatons que les manuels scolaires adoptés officiellement (au moins pour le cas marocain) et qui sont supposés illustrer une telle approche qui vise à priori la construction d’une compétence s’oriente vers une autre conception qui privilège l’aspect opératoire/algorithmique des concepts enseignés, ce qui provoque un phénomène « Topaze » dans la pratique enseignante et le phénomène du glissement métacognitif selon Guy Brousseau [8]

Dans cette analyse didactique on ne peut négliger l’influence de l’acte d’évaluation sur la pratique enseignante ainsi que des rythmes d’apprentissages.

On observe que l’évaluation qui a comme tâche la régulation, la mesure et la validation des apprentissages, peut elle-même être la cause d’une déformation de la pratique enseignante quand elle privilège l’aspect algorithmique, et par conséquent devient un obstacle didactique à l’utilisation des TIC dans l’enseignement des mathématiques ; ceci vient du fait que les compétences technologiques ne figurent pas dans les cadres de références des examens certificatifs et donc ne sont pas mesurées ; on perd ainsi dans ce schéma la mobilisation des TIC en tant qu’outil d’illustration de sens du savoir enseigné, comme nous perdons le caractère dynamique du concept mathématique qui englobe son aspect épistémologique et fonctionnel.

La structuration de la pratique évaluative réelle, le choix des aspects cognitifs à mettre en avant, devient un obstacle didactique pour le choix d’utilisation des TIC comme outil d’appropriation du savoir en tant qu’outil de résolution de problèmes. Cette structuration de l’évaluation présente une coupure pour la réalisation de connexions de cadres informatiques et mathématiques d’où la difficulté de réaliser les compétences transversales et la manipulation outil/objet.

Pistes pour améliorer l’évaluation ?

Comme nous l’avons vu dans l’analyse didactique, l’évaluation guide en grande partie les apprentissages. Les épreuves nationales écrites traditionnelles et anonymes ne sont évidemment pas les plus convenables à l’évaluation des compétences construites chez les élèves dans l’utilisation des TIC en mathématiques. En particulier, les questions « tableau-papier » ne sont que détournées.

La conception qui régit l’évaluation dans les cycles primaire, collège et lycée est construite à partir de deux axes : le premier concerne les applications directes des savoirs enseignés, le deuxième concerne une combinaison des savoirs, c’est l’application des techniques de résolution de problèmes routiniers.

La solution réside dans la structuration des contenus enseignés, qui doivent prendre en considération les TIC comme outil et critère de performance des systèmes d’enseignement,. Cette structuration influencera le modèle d’évaluation actuel, et permettra le dévoilement des obstacles didactiques et épistémologiques qu’il recèle ; ainsi le contrat didactique aura une autre forme qui met en avant les TIC comme élément constituant et non facultatif comme c’est le cas maintenant.

Ce choix peut améliorer les scores de nos élèves dans les évaluations internationales surtout TIMS [9] qui se basent sur l’évaluation des cadres : nombres, géométrie et mesure et les représentations des données, probabilités et statistiques : les TIC seront un outil efficace d’illustration des données et de conjecture pour la résolution des problèmes.

Références
[1] D.lamrabet-1993- Réflexion sur la compréhension d’un concept mathématique, colloque franco-maghrébine, Fès, Maroc.
[2] DOCUMENTS PEDAGOGIQUES OFFICIELS
 Ministère de l’Éducation Nationale de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Guide pédagogique de l’enseignement primaire, Maroc, 2009
 Le livre blanc volume 2, curricula des cycles primaires, Maroc, 2002 
 Les programmes de mathématiques de l’enseignement primaire
 Les programmes de mathématiques de l’enseignement primaire 2010 primaire et secondaire collégial 15
 Les programmes de mathématiques de l’enseignement secondaire collégial, Maroc, 2009
 Les programmes de mathématiques de l’enseignement secondaire qualifiant, Maroc, 2007
 Cadre de référence des examens du brevet, baccalauréat, Maroc, 2015
[3] IREM de la réunion-2104- enseignement par compétences.
[4] A. Bodin-2009- une classification des types de problèmes, APMEP, France.
[5] BAGNI, G. T. (s.d.). Visualization and Didactics of Mathematics in High School : an experimental research.
[6] M. Bahra-2014- apprendre avec les écrans et le numérique, colloque think about education, 27-28 mai 2014, Marrakech, Maroc.
[7] D. lamrabet- 2000- analyse par frame – revue des sciences de l’éducation, faculté des sciences de l’éducation, Rabat, Maroc.
[8] Guy Brousseau-1998- théorie de situations didactiques, pensée sauvage, Grenoble, France.
[9] S.Haouassia-2016- réflexions sur le rapport soutien et évaluation, colloque national d’évaluation, Benguerir, Maroc.