par Sasmaz Sultan , Kumps Audrey & De Lièvre Bruno (Université de Mons)
FR :
Apprendre les mathématiques, en particulier comment calculer les nombres décimaux, est un domaine où de nombreuses difficultés persistent dans le temps. C’est aussi la cause du manque de motivation de l’apprenant. Les études montrent une plus grande motivation et une meilleure performance avec les apprentissages en ligne comme la Khan Academy. Par conséquent, ce travail analysera la performance et la motivation des sujets de 6e primaire (6e collège) qui utilisent la Khan Academy en savoir calculer des nombres décimaux à des moments pédagogiques différents. Nos résultats montrent l’efficacité globale de l’outil dans ce domaine. En ce qui concerne les modalités utilisées avec la Khan Academy, nous constatons une plus importante performance dans le score des apprenants lors de la découverte ainsi que lors la différenciation. L’utilisation de la Khan Academy motive davantage les apprenants surtout lors de la différenciation et de la découverte. Sur la base de nos différentes conclusions, nous préconisons l’usage de la Khan Academy, dans les classes de 6e primaire (6e collège), comme un soutien pédagogique pour l’apprenant lors de la différenciation ou comme une introduction à de nouveaux concepts lors de la découverte afin d’améliorer leur compétence et leur motivation en savoir calculer.
Mots-clés : Khan Academy – mathématiques – savoir calculer – moments pédagogiques - motivation
EN :
Learning mathematics, especially how to calculate decimal numbers, is a subject where many difficulties persist over time. It is also the cause of the learner’s lack of motivation. Studies show greater motivation and better performance with online learning such as Khan Academy. Therefore, this work will analyse the performance and motivation of 6th grade pupils using Khan Academy in calculating decimal numbers at different instructional times. Our results show the overall effectiveness of the tool in this area. Regarding the modalities used with Khan Academy, we find a higher performance in the learners’ score during discovery as well as during differentiation. The use of Khan Academy enhances the learners’ motivation. However, they are even more motivated during differentiation and discovery. Based on our different findings, we recommend the use of Khan Academy in 6th grade classes as a pedagogical support for the learner during differentiation or as an introduction to new concepts during discovery to improve their competence and motivation in numeracy.
Key-words : Khan Academy – mathematics – calculation – learning moments – motivation
Introduction
En 2021, 60,5 % des échecs du Certificat d’Études de base (CEB), qui sont des examens effectués lors de la fin d’année scolaire en 6e primaire (6e collège) en Belgique, sont en mathématiques et seulement 51,1 % des élèves de 2e secondaire (4e collège) ont réussi l’épreuve externe certificative du 1er degré (CE1D), selon les rapports de la Fédération Wallonie-Bruxelles (2021). Les mathématiques, domaine essentiel de l’apprentissage, sont donc à l’origine de nombreuses difficultés pour certains apprenants.
Les nombres décimaux, notamment, sont une source de difficultés qui subsistent durant toute leur scolarité (Vivier & Durand-Guerrier, 2016) même s’ils sont manipulés et utilisés dès l’école primaire. La compréhension de ces nombres est essentielle pour d’autres notions comme la physique et l’informatique par exemple (Gravier et al., 2022). Les apprenants ont également une vision biaisée du savoir calculer et baissent facilement les bras face à cet apprentissage (Bhouche et al., 1991, cités par Van Nieuwenhoven et al., 2019). Depuis des décennies, les enseignants tentent de changer leur approche dans cette matière afin de lutter contre les échecs scolaires, les difficultés d’apprentissage, mais également la motivation des apprenants (Guichard, 2009).
La Khan Academy est un Learning Management System (LMS) qui permet d’individualiser l’apprentissage (Morrison & DiSalvo, 2014). L’enseignant peut observer les difficultés de chaque enfant séparément ce qui aidera ceux-ci à surmonter leurs difficultés liées au savoir calculer (Lungu & Elbaz, 2011). Cependant, malgré l’inclusion du numérique au sein des classes, le taux d’enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles utilisant les outils numériques en classe dans le fondamental ordinaire est de 29 % (Digital Wallonia, 2018). La plupart des enseignants utilisent les outils numériques uniquement pour préparer les cours en dehors de la salle de classe (Digital Wallonia, 2018).
La Khan Academy, choisie pour cette recherche, est reconnue comme un pionnier de la classe inversée où l’apprenant obtient ses connaissances chez lui au moyen de capsules vidéo et s’entraîne en classe avec l’aide de l’enseignant (Tran & Pham, 2020, p.531). La Khan Academy peut faciliter la tâche des enseignants, mais également des apprenants dans cette discipline. Le site utilise également la gamification pour motiver davantage les utilisateurs (Morrison & DiSalvo, 2014). Cependant, peu de recherches ont réalisé une analyse de l’utilisation de la Khan Academy dans les classes du primaire (Marple et al., 2019). Compte tenu des restrictions budgétaires dans le domaine de l’éducation et à la suite des analyses positives de l’outil dans d’autres recherches (Murphy et al., 2014), il est judicieux d’observer si cet outil gratuit est utile pour l’apprentissage des mathématiques au niveau des opérations, dans une classe et à quel moment. Ce travail analyse deux points de vue différents de l’outil. Une partie analyse la performance des étudiants avec la plateforme et vérifie les hypothèses suivantes : la Khan Academy est un outil permettant la progression des acquis des élèves de 6e primaire (6e collège) en savoir calculer et l’outil est bénéfique durant toutes les séquences d’apprentissage (découverte, exercices et différenciation). L’autre partie est une analyse sur la perception des utilisateurs face à cet outil qui tente de confirmer l’hypothèse suivante : la Khan Academy est un outil motivant pour les élèves de 6e primaire (6e collège) lors de leur apprentissage en savoir calculer.
Par conséquent, ce travail, divisé en quatre chapitres, analyse l’influence de la Khan Academy sur les progrès des apprentissages ainsi que la motivation en savoir calculer des élèves de sixième année primaire (6e collège). Le sujet de leçon utilisé est l’addition avec des nombres décimaux. Le premier chapitre est théorique et contient diverses notions essentielles à notre recherche. L’approche méthodologique décrit ensuite diverses questions de recherche, les variables à considérer, les échantillons sélectionnés, le dispositif expérimental et les divers instruments de mesure. Le chapitre 3, intitulé « Traitement des données », présente et décrit les résultats obtenus. Pour finir, la conclusion présentera les conclusions, les limites expérimentales et les perspectives possibles à ce travail.
Chapitre 4 : Conclusions
Ce dernier chapitre résume toutes les informations recueillies au cours de notre recherche. Les principaux résultats sont présentés dans un premier temps et une analyse réflexive, abordant les limites de notre recherche et les perspectives possibles pour de recherches futures, est proposée.
Synthèse
En 2021, l’apprentissage des mathématiques est toujours contraignant et source d’échecs pour des apprenants. Selon Randriantsaralaza (2019), ces connaissances arithmétiques sont indispensables à la vie de tous les jours, mais ce sont également des concepts essentiels pour l’apprentissage d’autres notions mathématiques. Toutefois, les méthodes d’apprentissage des nombres n’encouragent et ne motivent pas les apprenants. Or, la motivation a un impact très important sur l’apprentissage des mathématiques (Lafortune & Fennema, 2003).
Pour innover en ce sens, nous avons organisé, testé et évalué la Khan Academy, un dispositif pédagogique numérique, à différents moments pédagogiques. Selon Murphy et al. (2014), la Khan Academy augmente les résultats et réduit l’anxiété liée aux mathématiques. Le LMS a été choisi pour lutter contre les difficultés des apprenants en savoir calculer et renforcer leur motivation dans cette discipline (Ruthven & Henessy, 2002 ; Cazes et al., 2004, cités par Hersant & Vandebrouck, 2006).
Par conséquent, le premier objectif de notre étude a donc été d’améliorer les performances globales des acquis des élèves de sixième année en calcul : identifier et effectuer des opérations dans des situations variées, ainsi que dans les différents niveaux taxonomiques, en utilisant la Khan Academy. En effet, la Khan Academy permet une progression globale selon les résultats ainsi que les trois niveaux taxonomiques : « achever d’initiative », « inventer » et « reconnaître ». Cependant, d’autres niveaux n’ont pas évolué, comme « appliquer ». On peut supposer que la Khan Academy ne permet pas de progresse dans ce niveau, car les exercices ne sont pas nombreux, ils sont similaires et les consignes sont souvent les mêmes. Tannery (1940, cité par Randriantsaralaza, 2019) précise qu’une répétition des calculs permettra d’aboutir à la compréhension sur le sens des opérations et ainsi identifier et effectuer des opérations dans des situations variées.
La Khan Academy permet donc de progresser, mais à quel moment ce progrès est-il le plus avantageux ?
La Khan Academy, en classe, est souvent utilisée par les enseignants comme un soutien scolaire supplémentaire (Marple et al., 2019) et permet d’individualiser l’enseignement (Vidergor & Ben-Amram, 2020). En effet, son utilisation peut contribuer à faciliter la tâche des apprenants, mais également des enseignants surtout pour les mathématiques (Morrison & DiSalvo, 2014). Cependant, peu de recherches et de connaissances sur le moment ou la manière d’utilisation de ces interfaces existent (Salaway et al., 2008, cités par Cavus & Alhih, 2014). Pour répondre à cela, nous avons donc analysé et comparé les performances des acquis et la progression selon les niveaux taxonomiques de Tirtiaux des cinq groupes (52 élèves) qui ont été créés afin de représenter les cinq modalités pédagogiques d’utilisation de l’outil différentes : lors de la découverte, lors de l’évaluation formative, lors de la différenciation, pendant toutes les séquences pédagogiques et à aucun moment pédagogique.
Lors de la comparaison de différentes modalités, il n’y a pas de différence significative entre les groupes, ils restent homogènes. L’analyse des groupes individuellement permet cependant de noter que les sujets utilisant la Khan Academy lors de la découverte et de la différenciation ont un meilleur résultat. En effet, de nombreux enseignants utilisent ce site en classe pour exercer leurs élèves, introduire de nouveaux concepts mathématiques et considèrent l’outil comme un excellent moyen de différenciation (Murphy et al., 2014). Si l’enseignant souhaite améliorer le niveau taxonomique « reconnaître », il peut utiliser la Khan Academy lors de la différenciation. S’il désire développer le niveau « inventer », l’utilisation du dispositif lors de la découverte est recommandée et s’il réclame une progression pour le niveau « achever d’initiative », c’est la phase d’exercices qui sera la plus efficace pour l’apprenant.
Ensuite, nous avons examiné la perception de la motivation des sujets utilisant la Khan Academy. Globalement, les résultats présentés, lors de la séquence d’apprentissage en savoir calculer nous permettent de répondre que chaque dispositif utilisé permet la motivation des apprenants. D’autres études (Murphy & al., 2014 ; Marple et al., 2019) confirment nos observations. Les utilisateurs de la Khan Academy changent positivement leur perception et leur vision des mathématiques. En effet, la disposition des objectifs spécifiques et généraux avec une association de feed-back ainsi que d’auto-évaluation instantanée favorisent la motivation de l’apprenant (Galand & Vanlede, 2004). L’enseignement individualisé permet également la progression au rythme de l’apprenant ce qui favorise leur motivation (Ruthven & Henessy, 2002 ; Cazes et al., 2004, cités par Hersant & Vandebrouck, 2006).
Individuellement, la modalité pédagogique utilisée avec l’outil qui obtient une plus grande motivation de la part des apprenants est au moment de la différenciation ce qui soutient le travail de Vidergor et Ben Amram (2020).
En conclusion, la Khan Academy, comme le confirment les études (Murphy & al., 2014 ; Marple et al., 2019), possède de nombreux avantages. Mais pour profiter de tous les aspects positifs de ce site gratuit, l’enseignant doit l’utiliser comme un soutien scolaire lors de la différenciation ou de la découverte (deuxième moment le plus motivant). Sa manipulation pourra alors servir à faciliter la tâche des apprenants, mais également des enseignants surtout pour les mathématiques. En effet comme le stipule le fondateur, Salman Khan : « Si je devais choisir entre un enseignant extraordinaire et une technologie extraordinaire, je choisirais toujours l’enseignant. L’idéal, cependant, c’est quand une technologie extraordinaire peut être utilisée pour donner du pouvoir à ce professeur extraordinaire » (Khan Academy, s.d.).
Limites et perspectives
L’une des limites que nous pouvons énoncer est la durée de l’enquête. Premièrement, notre étude a duré moins d’un mois et les résultats à long terme n’ont pas été évalués. Il est donc conseillé d’utiliser l’outil pendant une longue période pour permettre aux apprenants les plus faibles d’acquérir à leur rythme les compétences dont ils ont besoin. Cependant, l’individualisation systématique des apprentissages des élèves n’est pas bénéfique pour tout le monde. Afin de permettre une progression des apprentissages, il faut mettre en place une différenciation profitable pour tous les apprenants. De plus, selon certains enseignants, la motivation des élèves avec la Khan Academy est due à un environnement pédagogique nouveau. Ils supposent que cet outil perdra de son attrait au fil du temps (Mastafi, 2020). Il serait alors intéressant non seulement d’effectuer le même traitement sur une plus longue période avec différentes leçons, mais aussi d’utiliser un questionnaire plus précis sur les perceptions des apprenants à l’aide de l’outil pour déterminer la cause de cette motivation.
La seconde limite porte sur les tablettes utilisées pour accéder au site. La plateforme étant en ligne, la connexion parfois insuffisante du Wifi des établissements scolaires a déclenché quelques difficultés. En raison du manque d’outils numérique, le nombre de sujets a également été limité. Il n’y avait que 10 tablettes pour toutes les expériences. L’utilisation paraissait parfois pénible pour les apprenants. Notamment, lorsqu’ils devaient recommencer leur « devoir » après une mauvaise manipulation, car toutes les réponses avaient disparu. D’autres domaines sont également présentes sur la Khan Academy, en mathématiques : les grandeurs, les solides et les figures ainsi que les problèmes, mais également la programmation et l’histoire de l’art. Il serait intéressant d’observer la motivation et la performance de sujets dans ces autres matières.
Dans notre recherche, nous avons choisi des sujets de 6e primaire (6e collège), car nous pensons qu’ils sont plus autonomes. Une autre perspective consiste à organiser des leçons pour le degré inférieur pour observer l’autonomie chez les apprenants. Il est important de noter que le fondateur de la Khan Academy, lui-même, précise que cet outil est complémentaire à un scénario pédagogique, il est encore insuffisant à lui seul. Les leçons proposées ne sont pas en alignement avec les références pédagogiques. Cependant, son utilisation peut aider lors d’une différenciation pour les apprenants.