Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Réalisation de frises géométriques en CM2
Article mis en ligne le 7 avril 2017
dernière modification le 27 avril 2017

par Nicolas Hulot

Avec la mise en application en septembre 2016 de nouveaux programmes, l’initiation aux codes et aux algorithmes fait son entrée dans les activités mathématiques du cycle 3. Parfois annoncé comme un nouveau savoir fondamental au même titre que « lire » et « compter », « coder » permet à chacun de devenir un utilisateur averti des outils numériques.
Professeur de mathématiques, j’exerce dans un établissement regroupant tous les niveaux de classe de la maternelle à la Terminale. En concertation avec les professeurs des écoles, j’y ai proposé une série d’interventions dans les classes de CM2 ayant pour objectif d’initier les élèves au codage. La finalité était la réalisation de frises géométriques inspirées du patrimoine culturel local.

Nicolas Hulot
Professeur de Mathématiques
Lycée français international Marguerite Duras
Hô Chi Minh –Ville Vietnam

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Objectifs (compétences retenues en conseil de cycle 3 – juin 2016) :

  • Programmer des déplacements de plus en plus complexes d’un robot ou d’un personnage sur écran.
  • Utiliser des instructions du type « devant », « derrière », « à gauche », « à droite », et enrichir ce lexique de notions de distances et de rythme.

Conditions matérielles :
Les séances décrites dans ce document se sont déroulées avec la classe de CM2B du Lycée français international Marguerite Duras de Hô Chi Minh-Ville (24 élèves). Elles ont pris place dans une salle informatique équipée de 13 ordinateurs.
Le logiciel Géotortue a été retenu comme outil d’initiation.

Déroulement et contenu des séances :
Séance 1 (10 octobre 2016)

  • Présentation de Géotortue et définition de la notion d’algorithme.
  • Prise en main du logiciel et de ses commandes de bases.
  • Reproduction de figures simples.
  • Programmation d’un déplacement pour sortir d’un labyrinthe.
  • Décodage d’un déplacement sur une feuille pour trouver le nom d’une mathématicienne célèbre.

Séance 2 et séance 3 (17 et 18 octobre 2016)

  • Commentaires sur la séance 1 : optimisation d’un code.
  • Notion de boucle : répétition d’instructions (itérations).
  • Reproduction de figures simples avec boucle « répéter n fois ».
  • Décodage d’un déplacement sur une feuille pour trouver le nom d’un mathématicien célèbre.

Séance 4 (21 octobre 2016)

  • Étude de photographies présentant des frises appartenant au patrimoine culturel de Hô Chi Minh –Ville.
  • Réalisation de frises (sur papier à petits carreaux en utilisant les instruments usuels de géométrie).

Séance 5 et séance 6 (7 et 8 novembre 2016)

  • Réalisation des frises avec Géotortue
  • Mise en forme des productions finales avec les outils de coloriage de Géotortue.

Commentaires

Le choix de Géotortue

Pour aborder le codage et les algorithmes avec les élèves, plusieurs modalités ont été envisagées. Un travail sur le déplacement de robots pouvant conduire à des productions de type « light painting » était une perspective attrayante... Elle s’est heurtée aux difficultés d’organisation matérielle...
Un travail pour une création graphique sur écran d’ordinateur a donc été choisi. Deux logiciels étaient alors en concurrence : Scratch et Géotortue. Tous deux reposent sur une approche ludique de l’algorithmique et permettent aux élèves de créer, de raisonner et de coopérer.
Malgré des atouts certains à mettre au crédit de Scratch (attractivité de l’interface, polyvalence, lecture synthétique des scripts, accessibilité en ligne et esprit de partage de la communauté d’utilisateurs), Géotortue a été choisi car il offre :

  • La possibilité de coder les déplacements de façon intelligible dans un langage qui permet des activités avec ou sans ordinateur.
  • Une transition rapide et intuitive du codage « en cliquant » sur des icônes au codage par une saisie « directe » au clavier.
  • Un cadre formateur en termes de rigueur syntaxique.
  • Une interface graphique fonctionnelle pour colorier les figures.

À propos des activités

Séance 1

Feuille d’activité « Géotortue : Découvrons les commandes de base »

Les fichiers labyrinthe 1 et labyrinthe 2

Les élèves ont rapidement saisi le sens des différentes instructions de Géotortue. Actifs, ils ont pour la plupart réussi à faire toutes les figures de la feuille d’activité et à faire sortir la tortue des labyrinthes (fichiers en accès sur leurs ordinateurs). Il est à noter que l’utilisation des icônes incite les élèves à faire avancer la tortue en ajustant sa position par « petits pas » comme on le ferait pour déplacer un personnage sur un écran de jeux vidéo. On pourra regretter que la vision synthétique du déplacement soit occultée et donne lieu à l’utilisation d’instructions redondantes ou inutiles (par exemple : « av 50 ; av 50 » au lieu de « av 100 » ou « tg 90 ; tg 90 ; tg 90 » au lieu de « td 90 »). Pour une figure simple (réalisation d’un rectangle) les élèves ont parfois besoin d’une trentaine d’instructions élémentaires. Il est intéressant de noter que cela est souvent lié à des difficultés pour trouver le sens de rotation adéquat. Cet « empilement » de lignes de code compromet alors la lisibilité du programme. Un regard critique sur ce qu’il faut en « garder » (en effaçant les instructions inutiles) est alors très difficile. Cette première activité donnera lieu à la définition d’un nouvel objectif pour les séances suivantes : limiter le nombre d’instructions au strict nécessaire !

Séances 2 et 3

Feuille d’activité « Géotortue : Utilisation des boucles »

La correction de l’activité de déplacement sur papier quadrillé de la première séance a permis de découvrir le nom d’Ada Lovelace et de donner quelques repères historiques sur l’histoire du codage.
Avec la deuxième feuille d’activité, les élèves ont assez vite intégré les boucles « rep n [...] » (répéter n fois) dans leurs algorithmes. Cette contrainte les a incités à saisir directement leurs instructions au clavier. L’avantage est que ce procédé permet de saisir plusieurs instructions successives sur une même ligne (alors qu’en cliquant sur les icônes, un retour à la ligne dans la fenêtre de commande est inévitable entre instructions élémentaires). Ils ont pu se mesurer à quelques difficultés : saisie des crochets, précision et respect de tous les caractères. A ce stade, la moindre faute de frappe, conduit à des bugs. Cela n’est pas sans provoquer des incompréhensions ! Mais, les élèves se sont vite adapté à la rigueur nécessaire de cet exercice. D’autre problème dans l’utilisation du logiciel ont alors émergé : problème de cadrage ou d’échelle de la feuille de travail, adaptation de la vitesse de la tortue... La Co-animation se révèle en l’occurrence bien précieuse !
Ces séances ont également permis un retour sous forme de petits exercices « débranchés » pour comparer différentes façons de rédiger en programme. Ce moment a été suivi d’une discussion sur les procédures les plus efficaces.
La correction de l’activité de déplacement sur papier quadrillé a mis en lumière Alan Turing, son rôle dans l’Histoire (lien avec l’étude de la Deuxième Guerre mondiale en CM2), son influence sur les Sciences du numérique...

Séance 4

Un fichier « Exemples de frises »

Les bases de la programmation avec Géotortue étant connues, la séance avait pour objet d’accompagner les élèves vers leur production finale : la conception d’une frise géométrique. Elle s’est ouverte sur l’étude de frises appartenant au patrimoine culturel local. Les frises des vêtements traditionnels ont été particulièrement commentées : c’est précisément avec des métiers à tisser que la notion de programmation est apparue dans les processus industriels au début du XIXe siècle avec le métier Jacquard.
Ensuite, la consigne était d’inventer et de programmer le motif d’une frise.
Après concertation avec l’enseignante de la classe, une phase préparatoire a été engagée. Les élèves devaient réaliser une frise géométrique sur papier quadrillé en utilisant les instruments géométriques usuels.
Mal perçues, certaines contraintes ont dû être reprécisées par l’enseignante. Les motifs ne devaient pas se limiter à un enchevêtrement de lignes : ils devaient contenir des surfaces fermées pouvant être « coloriées ». Enfin, il fallait éviter les arcs de cercles que les élèves n’auraient pas pu reproduire avec la tortue.
En activité « débranchée » des échanges de programmes de tracés de frises ont été organisés entre élèves.

Séances 5 et 6

Feuille d’activité « Géotortue »

Les élèves ayant préalablement réalisé des frises en binôme avec leur enseignante, il ne restait donc plus qu’à coder les déplacements de la tortue. Les groupes se sont investis avec motivation. Le côté ludique de l’usage de l’ordinateur les mettait en confiance car le statut des erreurs était bouleversé. En effet, elles offraient parfois la surprise de voir se réaliser un motif beaucoup plus riche que celui qui était prévu !
Mais, à l’issue de la première de ces deux séances, les frises étaient encore loin d’être réalisées et un bon tiers des binômes se sentaient « perdus » et avaient besoin d’aide pour avancer dans leur projet. Les difficultés rencontrées lors de la première séance ont refait surface avec un retour aux déplacements par « petits pas » en cliquant sur les icônes de la partie droite de l’écran. Là encore, une relecture attentive des programmes élaborés a mobilisé beaucoup de temps avant de trouver les corrections qui s’imposaient. Pour d’autres élèves laissés en autonomie, l’utilisation de boucles combinées aux autres instructions a souvent donné lieu à des rosaces plutôt qu’à des frises linéaires. Y trouvant là une source d’inspiration nouvelle et plus riche, certains ont alors décidé de faire de ces rosaces leur motif de base ; motif qu’il fallait par conséquent dupliquer... Quelques groupes ont réalisé leur frise en exécutant le motif de base, puis en « remontant » dans la « fenêtre de commande » pour le reproduire autant de fois que nécessaire. Mais, le plus judicieux était bien entendu de laisser travailler la tortue de façon autonome sur la réalisation de toute la frise ! Comment ? En mettant en boucle les boucles... Il faut reconnaître alors qu’une intervention auprès des groupes était indispensable, la démarche n’étant pas intuitive. Difficulté importante commune à tous : l’insertion de « sauts » entre deux motifs à partir d’une position et d’une orientation bien pensée de la tortue. Une fois cette tache accomplies, les élèves ont pu tester plusieurs configurations, notamment en modifiant certains paramètres de longueurs ou d’angles.

Pour conclure ces séances, les élèves ont mis en couleur leurs réalisations. Elles ont ensuite été imprimées en vue d’être exposées au Lycée dans le cadre de la Semaine des Mathématiques.

Pour quelques élèves la notion de « procédure » a été vue avec la troisième fiche d’activité, néanmoins, elle n’a pas pu être exploitée à l’échelle de la classe faute de temps et par souci de ne pas lasser les élèves sur des aspects théoriques. Le passage à la production des frises a permis de garder une dynamique positive sur l’ensemble des séances. Évidemment, ce qui est dommage, c’est que la troisième fiche faisait apparaître Claude Shannon, dont nous célébrions le centenaire en 2016 ! Il n’a donc pu être évoqué avec les élèves que de façon brève. Sa théorie de l’information trouvait sa place dans les considérations sur les qualités d’un « bon code » qui avaient été évoquées à l’issue de la première séance !

Exemples de frises

Exemple de motif que les élèves ont reproduit « manuellement » en réitérant les instructions à partir de la deuxième ligne.
Proposition de programme pour une exécution automatique de l’ensemble de la frise avec « boucle de boucle »
Un motif issu d’un « heureux hasard » alors que les élèves pensaient faire une frise « linéaire » :
La reproduction du « flocon » a été reprise pour constituer la frise. Néanmoins, il ne fallait pas se contenter de mettre en boucle le motif du flocon. L’ajout d’instructions de « saut » (surlignées en jaune) a été nécessaire, sans quoi la tortue serait repassée sur les mêmes traits.
Exemple de motif relativement simple mais nécessitant un grand nombre d’instructions
Un groupe s’est lancé dans un autre type de frise en modélisant une sorte de pavage, et en anticipant l’alternance des couleurs pour intervenir dans leur motif.
Production finale :

Conclusion :

En tâtonnant, en testant plusieurs sortes de figures et en tirant profit de leurs erreurs, l’imagination des élèves a été stimulée au cours de ces séances. En partant de constructions modestes mais nécessitant une certaine rigueur, ils ont trouvé les moyens de réaliser des projets de plus en plus ambitieux, quitte parfois à exploiter d’heureux hasards (mais, la sérendipité n’a-t-elle pas contribué à des belles avancées scientifiques !?) et avoir besoin d’aide.
Bien que certains aient connu des moments de découragement (lorsque l’ordinateur se bloque de façon obstinée pour un simple caractère erroné), la programmation de ces premiers algorithmes a été très formatrice. Tous retiendront que « coder » c’est apprendre à communiquer avec une machine, comprendre ce qu’est une instruction, une information. Mais surtout, que cela permet d’expérimenter, de jouer, de fabriquer...