Après trois années d’investigation et de suivi des étudiants en situation de projet et afin de préparer ce nouveau type d’apprentissage, qui vise à mettre les étudiants en situation d’apprentissage par projets, nous avons réalisé des expériences dans la formation en BTS.
par Said Abouhanifa
A propos du traitement d’images, on pourra consulter deux autres articles de MathémaTICE :
- Fonctions et nuances de gris
- L’informatique au secours de l’algèbre...et réciproquement ! (deuxième partie de l’article)
par Said Abouhanifa
CRMEF (Centre Régional des Métiers de l’Education et de la Formation)- Settat- Maroc
Résumé :
Après trois années d’investigation et de suivi des étudiants en situation de projet et afin de préparer ce nouveau type d’apprentissage, qui vise à mettre les étudiants en situation d’apprentissage par projets, nous avons réalisé des expériences dans la formation en BTS.
Nous avons amené les étudiants à vivre des occasions propices où ils puissent apprendre, développer une attitude active et s’investir personnellement et en groupe, au cours desquelles motivations, apprentissages de notions programmes pluridisciplinaires et développement de compétences, sont articulés selon les trois phases d’une démarche de projet :
- Préparation d’une production à réaliser déduite du projet professionnel ;
- Exécution du projet, vers une élaboration d’une pensée et coordination des contributions ;
- Exploitation du projet, par une présentation et un retour réflexif sur ce projet.
Nous présentons cette expérience ainsi que les réponses à un questionnaire sur la conduite du projet, administré à 97 étudiants de BTS trois années de suite.
Mots clés :
Apprentissage par projets, interdisciplinarité, intégration des apprentissages, motivation, transfert.
Introduction
Au Maroc, le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) est un diplôme qui porte mention d’une spécialité professionnelle : il atteste que ses titulaires sont aptes à tenir les emplois de Techniciens Supérieurs dans le domaine informatique pour la section Développement des systèmes informatiques (DSI). Le contenu de la formation couvre les différents domaines techniques et scientifiques. Par ailleurs, les étudiants effectuent des stages en entreprises, durant les deux années de leur formation et réalisent des Projets de Fin d’Etude (PFE) en deuxième année de la formation.
- Le PFE occupe une part importante de la formation de technicien supérieur en DSI (108 h « soit 4 h par semaine » avec un coefficient de 30, soit 15% de la note globale).
- Le PFE est mené par deux étudiants ou trois étudiants ; il commence en octobre et se termine en fin juin de la deuxième année de formation.
Les types de projet accomplis sont basés principalement sur la synthèse et l’application des connaissances acquises. Ils sont fortement orientés par la volonté d’aboutir à un résultat de type professionnel (production).
Depuis l’année scolaire 2010/2011, une équipe d’enseignants formateurs du CPRT (appelé CRMEF actuellement : centre régional des métiers de l’éducation et de la formation) se sont engagés à utiliser des contextes d’apprentissage nouveaux dans le but d’élargir le désir de l’étudiant d’apprendre et de soutenir la structuration et l’intégration du savoir. Dans ce contexte, l’expérience a montré que les étudiants qui ont réalisé des projets de fin d’études favorisant l’apprentissage de nouvelles connaissances seront bien orientés dans leur cursus universitaire.
L’approche que nous proposons est basée sur l’apprentissage par projets. Il ne s’agit plus d’effectuer une application des acquis antérieurs mais bien d’utiliser le projet comme le moteur de l’apprentissage et d’intégrer les apprentissages, les connaissances, voire les matières enseignées autour d’objectifs pédagogiques. Dans ce type d’approche, l’enseignement doit être regardé comme la mise à disposition de l’étudiant d’occasions propices, où il puisse apprendre, développer une attitude active et s’investir personnellement et en groupe.
Talbot (1990) précise que le projet est un outil pédagogique obligeant l’étudiant à se confronter avec la réalité de la discipline étudiée, et ce dans la mesure où la planification, l’organisation, l’exécution, le contrôle permanent, le feed-back et le suivi ont été préalablement pensés et réfléchis par l’enseignant en fonction de son enseignement et des objectifs poursuivis par les étudiants à la fois dans les domaines du savoir, du savoir-faire et du savoir- être rattachés à la discipline enseignée.
Aguirre et al (2000) ont ressorti la distinction des deux objectifs suivants :
- la formation au projet avec un caractère essentiellement disciplinaire, professionnel ou opérationnel (projet d’application ou post- projet) ;
- la formation par le projet qui vise une capacité à s’adapter à la diversité des situations professionnelles et intellectuelles (le projet est un prétexte pour apprendre).
Afin de préparer ce type d’apprentissage, nous avons réalisé des expériences d’investigation et d’accompagnement des étudiants de BTS section DSI, en situation d’apprentissage par projets, pendant trois années de suite.
Nous avons veillé à intégrer étroitement un projet de conception qui tient en compte, les ressources mathématiques (traitement de signal), algorithmique, programmation C++… donnés tous au cours de la formation. Cet article présente l’expérience menée, ainsi que quelques enseignements que l’on peut en tirer. Nous allons décrire le rôle de l’étudiant (individuellement et en situation de groupe de projet), de l’équipe pédagogique d’encadrement et les aspects développés lors de l’apprentissage par projets. Par la suite, nous analyserons les avantages d’un apprentissage pluridisciplinaire en dévoilant les apprentissages réalisés en situation de projet interdisciplinaire.
1. La formule de l’apprentissage par projets
Lorsque l’apprentissage d’une méthodologie de travail spécifique à finalité professionnelle est également un objectif, il s’agit explicitement de l’apprentissage au projet.
Dans cette approche, la production finale n’est plus seulement le résultat ou la production, mais, le processus par lequel, chaque étudiant du groupe doit atteindre les objectifs assignés par les différentes disciplines associées au projet. Talbot (1990) a défini l’apprentissage par projets comme étant une approche pédagogique qui permet à l’élève de s’engager pleinement dans la construction de ses savoirs en interaction avec ses pairs et son environnement : « Cette approche invite l’enseignant à agir en tant que médiateur pédagogique privilégié entre l’élève et les objets de connaissances que sont les savoirs à acquérir. Dorénavant, les élèves sont appelés à manipuler et à constater la nécessité d’apprendre dans le cadre du travail par projet, ainsi ils sont actifs dans leur démarche d’apprentissage et comprennent la logique de ce qu’ils font. Ils constatent les choses, les questionnent plutôt que d’assimiler abusivement des connaissances éparses et dépourvues de sens transmises par un maître qui détiendrait toute vérité comme le faisait l’enseignement traditionnel ».ibid.
L’acquisition de compétences et de connaissances dans le cadre du projet d’apprentissage est déterminée en concertation avec les différentes équipes disciplinaires. Les concepteurs du projet et les tuteurs doivent pour cela veiller à recentrer le questionnement des étudiants vers ces compétences et éviter les divergences des buts (Ardoino, 1984). Cette régulation interdisciplinaire nécessite une étroite coordination des enseignants formateurs.
Tous les étudiants du groupe doivent acquérir ces objectifs disciplinaires. Cela nécessite de leur part un équilibre entre leur apprentissage individuel et le travail en groupe. La répartition des tâches, la spécialisation, doit être réfléchie. La mise en commun des tâches effectuées individuellement joue un rôle d’auto-évaluation entre étudiants. Une répartition du travail entre étudiants est réalisée par domaines d’activités ou suivant leurs affinités.
L’encadrement d’un projet d’apprentissage comprend des aspects similaires à celui d’un projet d’application, mais joue un rôle majeur dans l’apprentissage. Pour l’encadrant du projet, il ne s’agit ni de répondre à une question ni de rester non directif, mais d’aider l’étudiant à acquérir de nouvelles compétences. Dans ce contexte le projet aura comme objectif l’application de certaines connaissances ou pratiques acquises antérieurement, vers une acquisition de nouvelles connaissances.
L’évaluation est un réel moteur pour l’apprentissage, car les étudiants ont tendance à travailler pour réussir. Dans le projet d’apprentissage, elle comporte, outre une composante basée sur les résultats obtenus (qualité de la solution, démarche utilisée lors de la conception, rapport, présentation orale devant un jury), une évaluation spécifique à la gestion du groupe et à l’acquisition de connaissances et de compétences disciplinaires pour chaque étudiant.
2. Le projet interdisciplinaire
Si le monde professionnel a changé, il en est de même des étudiants qui arrivent actuellement aux études supérieures. Ces étudiants ont d’autres compétences, d’autres centres d’intérêts, une autre échelle de valeur que ceux du passé (Bajoit, 1997). L’apprentissage par projets peut être défini comme une approche pédagogique qui permet à l’étudiant de s’engager pleinement dans la construction de ses savoirs en interaction avec ses collègues de même groupe de projet et son environnement, et qui invite l’encadrant à agir dans des moments opportuns de dépassement d’obstacles en tant que médiateur pédagogique entre l’étudiant et les objets de connaissances (Proulx, 2004).
Décloisonnements des disciplines
La programmation est une matière qui étudie les propriétés générales de développement informatique. L’apprentissage de la programmation JAVA nécessite des connaissances de bases dans l’algorithmique, les mathématiques et d’autres langages de programmation.
Le projet tient compte des acquis de l’étudiant, il intègre plusieurs disciplines de l’année (mathématique, programmation C++, communication, sciences humaines…).dans le but d’en développer de nouvelles connaissances et capacités (Lebrun, 2002).
La mise au point de ce type de projet demande une réflexion profonde, tant dans la détermination des objectifs d’apprentissage, que lors du choix des méthodes d’enseignements et d’encadrement ou encore de l’évaluation.
La mobilisation des représentations des étudiants, la prise en compte de la variété de leurs modes de pensées et de raisonnements, le type de groupement des étudiants dans une classe, ou la sélection des contenus des programmes souvent très denses…constituent autant de facteurs déterminants dans la qualité des acquis réalisés par les étudiants ; chose devenue possible en situation de projet interdisciplinaire (Abouhanifa, 2013, p72-73).
3. Rôle de l’étudiant et de l’équipe pédagogique d’encadrement en situation de projet
Chaque étudiant, dès son choix effectué, s’inscrit volontiers dans un itinéraire d’apprentissages déterminé par son choix personnel et par les apprentissages définis par l’équipe des encadrants : une succession de situations obstacles qui constituent en même temps des moments critiques d’apprentissages, où le professeur encadrant intervient pour capitaliser l’apprentissage en question (Boutinet, 2003 - 2004).
L’équipe pédagogique définit, pour chacune des compétences retenues dans le projet de production, les situations obstacles, les critères, les indicateurs de performances, les capacités en cause... le tableau 1 suivant illustre les trois phases de réalisation du projet, répartis en sept étapes :
Phases | Etapes | Rôles de l’étudiant | Rôles de l’enseignant | Indicateurs de performance | Transfert des apprentissages |
---|---|---|---|---|---|
Préparation du projet | Choix du sujet | Choisir la production qui s’apparente avec le projet de l’étudiant Formulation de groupe |
Respecter le choix de l’étudiant et les critères pour la prise de décision | Adhésion au groupe Rapport de synthèse admis par le groupe |
Choisir le groupe |
Repérage des ressources | Répertorier les ressources Liste des besoins matériels Lectures sur le sujet Visites externes en rapport avec la production |
Mettre les ressources à la disposition du groupe | Recherche documentaire Autres investigations Communication Cahier de charge Rapport de synthèse |
Négocier un contrat | |
Organisation du travail | Déterminer les règles de fonctionnements | Organiser et planifier le déroulement Scénario des opérations |
Coût de la production Rapport |
Simuler une production Construire une relation authentique avec les membres du groupe | |
Exécution du projet | Elaboration progressive d’une pensée | Assemblage Montage Mise en marche Tous les gestes de la réalisation |
S’assurer de la pertinence des informations cherchées et de l’avancement du projet | Mise en œuvre des savoirs faire Garder la motivation de l’étudiant |
Réaliser une production choisie |
Coordination et synthèse des contributions | Rédiger le projet | Guider et accompagner Suivi et feedback |
Faire des liens entre les disciplines impliquées | Adopter une attitude de recherche | |
Exploitation du projet | Retour sur le projet | Corriger Vérifier le plan Retour réflexif sur le projet |
Vérifier les apprentissages réalisés et les stratégies utilisées | Les normes de la présentation orale et écrite | Vérifier Communiquer |
Présentation et diffusion ou le projet peut prendre suite | Exposer le produit Contribuer à l’exploitation | Capitaliser les contenus disciplinaires | Caractéristiques du produit Apprentissages réalisés |
Evaluer la production S’auto évaluer |
4. Démarche et conduite de projet
Dans le but d’instaurer la méthode d’apprentissage par projets dans le processus d’enseignement et d’apprentissage, nous avons convenu de suivre, au cours de l’année 2012/2013, le déroulement des tâches effectuées par les différents groupes de projet dans la formation BTS. Pour cela, nous avons choisi le projet qui vise le Traitement d’images comme projet témoin. Ce dernier a été réalisé par les deux étudiants Lahssen et Aziz, dans le cadre de leur projet de fin de formation BTS. Le but principal de ce projet est d’apprendre et maîtriser les fonctionnalités du logiciel JAVA, qui ne faisait pas partie du programme officiel, pendant cette période. Ainsi que, réaliser une application de traitement des images en Java, permettant de :
- Comparer deux images, compresser, enregistrer et réaliser des modifications (de la couleur ou de la forme) sur une image contenue dans un fichier au différent format JPEG, PNG, BMP,.. (Les formats natifs ou compressés).
- Créer une interface donnant la possibilité de charger des images et faire les traitements nécessaires.
Afin de caractériser ce projet, nous avons effectué des observations sur le déroulement des projets jusqu’aux soutenances. Ensuite, un questionnaire écrit a été administré aux 18 étudiants de l’année universitaire 2013 dans le but de situer le contexte de ce projet par rapport aux projets réalisés par les autres groupes de la classe.Ce questionnaire a été administré à une somme de 97 étudiants de BTS trois années de suite.
Les autres sujets des projets réalisés sont dominés par la résolution de problèmes liés à la gestion informatique, à savoir :
- Gestion des illustrations Mathématiques et physiques ;
- Gestion d’un service pharmacie d’un hôpital militaire ;
- Gestion de documentation BTS ;
- Gestion de location de voitures ;
- Gestion partagée d’un cabinet médical ;
- Interfaçage PHP monitoring réseau.
Voici le discours synthétique des deux étudiants sur le déroulement et la conduite de leur projet ‘Traitements d’images’. Ils ont évoqué :
- Les objectifs de leur projet de fin d’étude ;
- La démarche suivie et les étapes effectuées ;
- Les difficultés et les problèmes rencontrés lors du déroulement de leur projet.
« …Notre objectif est de réaliser une application utilisant un nouveau langage de programmation, nous avions aussi l’intention de ne pas se limiter à un projet de gestion,…sachant que ces projets sont les plus répandus par les collègues de la classe, dans notre centre de formation.
De ce fait, la proposition de l’un des encadrants, nous a attiré l’attention, et en même temps nous avions une forte peur d’avoir des problèmes au niveau de JAVA et au niveau de tous ce qui concerne l’image, puisque le domaine de l’imagerie est un domaine nouveau pour nous, et est une spécialité à part entière.
Après une semaine de discussion et de recherche, nous avons eu le courage d’entrer dans cette aventure dont les conséquences sont inconnues.
Notre équipe d’encadrement nous a bien expliqué la nature du projet, les fonctions à assurer, les contraintes à respecter, la méthode de travail, etc. La recherche sur des images était le premier travail à faire parce que c’est la matière brute de notre projet et cette dernière tourne autour des images.
La première difficulté rencontrée était la rareté de source de l’information concernant les images même si on avait de la chance de trouver quelques documentations sur java dans la bibliothèque, ce qui nous a obligé d’orienter notre recherche vers l’Internet ce qui nécessite un « budget ».
On est arrivé à télécharger presque 350 fichiers de différents formats (.ppt, .doc, .pdf, .htm).on a rencontré quelques problèmes de compréhension de quelques notions des images, et de choisir un éditeur, un autre encadrant nous a expliqué l’environnement de développement java, et nous a conseillé de bénéficier de l’expérience et les recherches au domaine des images faites par un formateur au centre.
Lors de la programmation, nous avions des difficultés pour ouvrir une image, ça nous a coûté un mois de recherche, et après ça, le projet a pris son chemin…
La pré-soutenance se rapproche, nous avons été obligé de présenter le travail de 3 mois en 10 minutes, et pour cela nous avons préparé la présentation de l’état d’avancement ainsi que l’application, nos encadrants nous ont laissé le choix d’organiser la présentation pour que nous puissions savoir nos erreurs pour les éviter lors de la soutenance finale.
Pendant la présentation nous n’avions pas respecté le délai, sans oublier le trac et les lacunes constatées par les membres de jury. Ces derniers, n’ont pas hésité à critiquer notre projet soit d’une manière négative ou positive, en fin de compte cela nous a désespéré jusqu’au bout, et par contre on a constaté que les projets habituels (de gestion) ont la satisfaction du jury même s’ils sont ‘ simples ’.
Après la pré-soutenance, nous n’avons eu que le désespoir et l’envie de changer le projet. Ce qui est arrivé à un autre groupe de projet qui a aussi un projet intéressant (Système de gestion des données techniques en C++), il a été obligé de le changer. Cela n’a été pas le cas pour nous parce que notre équipe d’encadrants nous a assuré et motivé d’avantage. Donc nous avons continué notre travail après une semaine d’arrêt…
Jusqu’à maintenant nous avons fait pas mal de choses, puisque notre projet est vague, chaque fois on essaie d’améliorer notre application soit au niveau de l’interface soit au niveau des fonctionnalités… ».
5. Les enseignements sollicités de cette expérience
A travers les exemples de projet en situation d’apprentissage, où les étudiants ont une marge d’initiative suffisante, ils développent des stratégies d’apprentissages fondées sur leur expérience (la leur et celle de leurs collègues), ils inventent des protocoles expérimentaux et adaptent les trouvailles : analyser, synthétiser puis transférer. Cela suppose bien entendu un enseignement centré sur l’étudiant qui lui fournisse les armes nécessaires à la construction de ses apprentissages.
Les principaux moments marquant le processus de réalisation du projet :
- Le choix du projet est effectué par les étudiants, ce qui leur permet de garder une forte motivation durant le processus de réalisation du projet (Jonnaert, 2000) ;
- Ils ont repéré toutes les ressources nécessaires ;
- Ils ont proposé une amorce du plan d’organisation du travail ;
- Ils ont exploré un environnement de développement informatique favorisant le traitement d’images.
L’objectif d’évaluation prédomine sur les objectifs d’apprentissage, ce qui a pour effet que les étudiants craignent une mauvaise évaluation s’ils tentent d’adopter une solution personnelle. L’étudiant doit bâtir lui-même ses connaissances, et ses apprentissages ne doivent pas se limiter à un ensemble de procédures et de contenus à mémoriser. L’intégration des apprentissages correspond, d’une part, à la construction progressive d’un tout cohérent à partir de connaissances, d’habiletés et d’attitudes diverses et, d’autre part, à la mobilisation des nouveaux acquis dans différentes situations (Perrenoud 1997). Le transfert se produit lorsque ces connaissances acquises antérieurement influencent la façon dont de nouvelles sont acquises (Tardif, 1999).
Nous ne pourrons dresser le bilan de cette expérience avec les étudiants qu’en fin d’année scolaire. Cependant, de ces multitudes d’activités de préparation coordonnée issue des cours de différentes disciplines impliquées dans le projet, nous espérons qu’elles permettront aux étudiants de devenir davantage auteurs et acteurs de leurs apprentissages.
Cette situation qui met en tension les conceptions de l’étudiant, face au défi de surmonter la tâche- obstacle en présence, constitue une condition nécessaire pour un nouvel équilibre de l’étudiant, avant une acquisition authentique de l’apprentissage en question.
Dans cette situation, l’étudiant dans son groupe de projet est contraint d’exprimer et de mettre en confrontation ses conceptions et motivations internes, il accepte les consignes et les critères venant de l’équipe d’encadrement et milieu socioprofessionnel.
De plus, les interactions entre les phases de la préparation, la réalisation et l’exploitation du projet pourront enrichir leur réflexion sur la démarche entreprise et les connaissances qu’ils doivent acquérir au cours de la formation BTS (Mabardi, J.F. ,1996).
6. Analyse et interprétation des résultats du questionnaire
a. Les principales difficultés rencontrées
Les principales difficultés rencontrées par les étudiants lors de la conduite de leur projet, sont regroupés en quatre catégories :
- Apprendre des langages de programmation (pour 47 % des répondants) ;
- Manque de ressources (documentations, d’outils de travail) (pour 35 % des répondants) ;
- Organisation et méthodologie de travail en situation de projet (les tâches des membres de groupe ne sont pas partagées, la structure du réseau informatique est non fonctionnel et définir le vrai besoin du projet), (pour 29 % des répondants) ;
- Insuffisance de temps de travail (pour 23 % des répondants).
Généralement, le souci des étudiants est d’apprendre les fonctionnalités des nouveaux langages de programmation informatique.
b. Utilité du projet dans la formation
Le but du projet selon les conceptions des étudiants, est d’obtenir une bonne note et satisfaire les formateurs. Ce qui permet d’interpréter ces jugements par l’intention dominante de la logique productive. Ce résultat semble en opposition avec le but primordial du projet comme prétexte à l’apprentissage. Le déclassement de la proposition concernant la résolution des problèmes concrets liés à l’entreprise est dû au caractère subjectif lié à la démarche de résolution du problème constatée à partir des représentations des étudiants (Marc. BRU et Not, L. ,1996).
c. Le choix du sujet du projet
Pour 62,2 % des étudiants interrogés, on peut affirmer qu’il y a une opposition entre les suggestions et les orientations des professeurs encadrants qui étaient les mieux confirmées par les étudiants et l’influence des collègues qui est le moins suggérée. Par contre, pour une portion de (30,9 %), on peut voir une nette opposition entre les contenus des programmes de la formation et les problèmes liés aux cours dispensés en classe. Tandis que, l’expérience personnelle vécue, telle que, les visites et les stages réalisés en entreprise en première année n’ont aucun effet dans le choix du projet. La formation BTS est professionnelle par excellence, car il est prévu qu’elle consacre une enveloppe horaire au stage en entreprise. Or, jusqu’à présent, même si le stage compte pour la réussite de l’étudiant, aucune disposition ne le réglemente.
d. Les critères d’acceptation d’un sujet du projet
L’acceptation d’un sujet de projet est soumise à la réception d’une déclaration formelle indiquant que les termes du contrat pédagogique ont été respectés (Benichou et al, 2007-2008)
Selon les conceptions des répondants, les critères qui marquent le choix du sujet du projet du plus défavorable au plus favorable comme suit :
- le coût de réalisation du projet,
- les délais de réalisation des étapes du projet,
- l’application des langages étudiés en classe et les besoins de l’entreprise,
- le travail de groupe (Pantanella, 1997).
- l’originalité du sujet,
- les modalités des soutenances du projet : production d’un logiciel, proposition d’un plan du projet,
- la faisabilité du sujet,
- l’exploitation du projet dans le domaine de l’entreprise
- le suivi des étapes de la démarche de projet.
e. Conceptions des étudiants sur les modalités d’encadrement du projet
Les modalités d’encadrement qui constituent la pièce maîtresse du projet, apparaissent en convergence sur trois blocs :
Le premier bloc s’articule autour d’une modalité-charnière qui correspond au rôle de l’encadrant comme facilitateur, mais également comme coordinateur qui se charge de communiquer les directives aux étudiants sous forme d’un contrat concernant l’organisation d’un projet et de préciser, pour chaque délai, ce que chaque groupe est tenu de réaliser ou d’apprendre. Durant cette période, l’encadrant exige une qualité dans l’analyse des problèmes informatiques, l’utilisation efficace du cahier de charge, un document de synthèse qui précise en même temps le besoin en termes de fonctions, de coût et de délai. Il oriente aussi les étapes ultérieures du projet ; et veille aussi à l’utilisation judicieuse des méthodes de gestion du projet qui consiste à la planification optimale des tâches à accomplir et à la maîtrise du rythme de l’avancement du projet. Ainsi, il contribue aux résolutions de problèmes informatiques qui dépassent les capacités des producteurs. Le 2ème bloc s’accorde plutôt avec une mise en évidence de la qualité de documentation, qui s’inscrit nettement dans la logique où l’accent, est de ce fait, mis davantage sur la collaboration avec l’encadrant seul et qui lui-même exige le choix des méthodes appliquées ainsi que des critères de sélection. Par sa position à faible distance de l’intersection des axes factoriels, se situe le 3ème bloc de modalités qui s’oppose au second, il décrit les différents modes de rencontres avec les partenaires extérieurs. Les modalités qui décrivent ce bloc sont : le rendez-vous hebdomadaire entre l’encadrant et les étudiants, la coopération des techniciens et des ingénieurs en exercice dans l’entreprise.
f. Les situations de formation par projet
Les situations de formation vécues par les étudiants sont polarisées autour de deux blocs : le premier concerne le travail coopératif et le second est spécifique à la promotion de l’insertion professionnelle des étudiants au sein des entreprises :
- le travail coopératif avec quelques représentants du monde professionnel tels que les techniciens, les ingénieurs, les experts… est une dimension importante dans toute situation de formation. Il permet au groupe d’atteindre un maximum d’efficacité dans la conduite du projet. Sa composition pluridisciplinaire constitue actuellement la force essentielle dans tout processus de formation. Il permet la mobilisation des compétences des membres du groupe pour atteindre l’objectif visé. Ce portrait favorise une marge de liberté accordée aux étudiants pour bonne coopération entre eux et avec l’équipe d’encadrement qui doit veiller à la participation de tous les membres du groupe de projet. L’étudiant ou son groupe sera soutenu et accompagné tout au long du projet par l’équipe pédagogique.
- Le second bloc se structure autour d’une modalité qui concerne l’enquête préliminaire auprès des chefs d’entreprises, des techniciens et des ingénieurs, conscients de la nécessité de l’insertion professionnelle des étudiants. L’accent est mis sur deux composantes :
- découvrir le contexte de formation par des visites préalables à l’entreprise et l’étude- documentaire sur cette entreprise. L’étudiant apprend en transformant son milieu et son environnement.
- favoriser l’intégration des acquis théoriques en tenant compte des connaissances acquises en classe (Abouhanifa, 2012).
g. Les apprentissages réalisés en situation de projet
- Compétence d’ordre intellectuel
Les répondants ont affirmé que les capacités : résoudre des problèmes nouveaux liés à l’entreprise et exploiter des connaissances antérieures sont les plus marquées dans le développement de la compétence d’ordre intellectuel. A l’opposé, les deux autres capacités : développer la personnalité au sein de l’entreprise et assumer la responsabilité dans l’entreprise sont antagonistes et se situent à une position nettement déclassée, ce qui signifie que leur contribution dans le développement de cette compétence n’est pas significative. La capacité de développer l’identité personnelle se démarque par rapport à la capacité d’assumer la responsabilité dans l’entreprise.
- Compétences d’ordres personnel et social
Les répondants ont classé les capacités suivantes par ordre de priorité : Intégrer l’équipe de projet visant le développement de l’entreprise, analyser les systèmes d’information adaptés aux besoins de l’entreprise et développer des applications informatiques spécifiques aux besoins de l’entreprise. La démarcation de la capacité de développer des sites web, peut être expliquée par l’accessibilité des logiciels de conception qui facilitent cette tâche.
- Compétences d’ordre méthodologique
L’acquisition de compétences méthodologiques peut être réalisée au moyen d’une mise en situation réelle telle que maintenance du réseau informatique de l’entreprise, est la plus suggérée par les répondants. Ce genre de situation permet de donner plus de liberté aux étudiants, ce qui les motive et leur permet de développer plus facilement les aptitudes méthodologiques telles que l’autonomie, la prise de risque et la créativité.
- Compétences de la communication
Entretenir les relations de l’entreprise avec l’environnement économique est la capacité la plus marquée par les répondants, à l’opposé de celle d’entretenir les relations de l’entreprise avec l’environnement juridique. Par contre, la communication externe et interne revêt moins d’importance chez les étudiants.
h. Evaluation des acquis en situation de projet
i. Difficultés rencontrées lors des soutenances
Diverses difficultés et dysfonctionnements ont été mis en évidence auprès des étudiants et des membres de jurys lors des soutenances :
- évaluer objectivement les étudiants d’un même groupe (durée trop courte, questions non équilibrées, profil des enseignants non équivalents, note attribuée à chaque étudiant, les rôles des étudiants lors de l’exposé ne sont pas assez coordonnés).
- Donner le temps nécessaire au groupe de projet pour s’exprimer et défendre leur rapport.
- Homogénéiser le fonctionnement des trois jurys (coordination).
- La grille d’évaluation utilisée présente beaucoup de composantes et d’indicateurs pour un même critère, ce qui rend difficile l’appréciation du travail effectué.
- Parfois le jury donne une note globale, ensuite, il la subdivise selon le pourcentage (2 x 30 % et 40 %) entre les critères retenus pour chaque aspect, ce qui rend inutile le rôle des critères d’évaluations proposés dans cette grille.
ii. Grille d’observation des soutenances destinée aux encadrants des projets
Les critères d’évaluations proposés sont regroupés dans le tableau suivant :
{{}} | Critères d’évaluations |
La production | La qualité de la démarche utilisée La qualité des acquis méthodologiques Les résultats obtenus |
L’apprentissage | Les acquis interdisciplinaires nouveaux Le degré d’atteinte des objectifs L’intégration des acquis vus en classe |
Le travail de groupe (collaboration) | L’effet de groupe comme moteur de projet L’implication de chacun au sein du groupe |
Le projet personnel | Les connaissances acquises individuellement La capacité à communiquer les résultats obtenus |
L’encadrement | Le degré de satisfaction de l’encadrant envers le travail effectué |
- La production
80,6 % des répondants affirment que les critères d’évaluations des productions réalisées par les étudiants sont plus que moyens.
Dans les productions présentées, la qualité des résultats obtenus était la mieux appréciée par les encadrants lors des soutenances. Par contre, la qualité des acquis méthodologiques se démarque nettement par rapport aux autres critères ; ce qui suggère d’accorder plus d’importance à la méthodologie adoptée dans la réalisation des projets.
- L’apprentissage
43,4 % des répondants affirment que le projet est une occasion idéale pour construire des apprentissages. Dans cette perspective, le critère portant sur le niveau d’intégration des acquis vus en classe se situe donc au centre des préoccupations des encadrants, renvoyant ses conceptions au genre de projet d’application.
- Le travail de groupe
80 % des encadrants expriment leur satisfaction à propos de l’adhésion des étudiants au groupe.
- Le projet personnel
60 % des encadrants ayant répondu visent dans la soutenance des projets, les acquis individuels en termes de connaissances et la communication des résultats obtenus.
- L’encadrement
La grande majorité des encadrants a manifesté un degré de satisfaction élevé envers le travail effectué par leurs étudiants en situation de projet.
Conclusion
Le projet d’apprentissage tel qu’il est défini par Aguirre et al (2000), consiste à amener l’étudiant à réaliser des apprentissages nouveaux, rencontrés en situation de projet, développés dans les disciplines et réintégrés dans le projet. Ce type de projet semble plus approprié à la pratique des projets de fin d’études pour l’étudiant de BTS. Le projet d’application actuellement en vigueur dans les pratiques de ces projets et qui consiste à appliquer des acquis antérieurs est alors d’un moindre intérêt.
L’apprentissage en situation de projet favorise la satisfaction individuelle de l’étudiant grâce à l’implication directe de ses propres représentations, ses compétences et sa motivation. Cela nécessite des interventions externes permettant des régulations et des capitalisations des expériences vécues en vue d’une conceptualisation de cet apprentissage. Le rôle de l’encadrant doit soumettre à certaines restrictions, vu que, lui-même, il ne peut répondre à toutes les attentes souvent liées à d’autres disciplines.
La conduite du projet retenu par le groupe d’étudiants et leurs encadrants permet de réaliser deux types d’apprentissages distincts :
- L’adoption d’une méthodologie de résolution de problème rencontré sur le terrain ;
- L’acquisition de notions-programme officiel, qui peut être, mise en cause en milieu professionnel.
Ces deux types d’apprentissages sont sanctionnés par la réalisation d’une production initialement peu évidente.
Une stratégie d’encadrement permettra d’assurer une articulation régulière entre les notions théoriques acquises dans les cours et les pratiques du terrain. Dans cette perspective, la production finale réalisée aura joué le rôle de véhicule aux apprentissages que chacun des étudiants devrait atteindre. La conduite du projet permettra à chacun de trouver l’équilibre nécessaire à son apprentissage entre ses efforts individuels et ceux du groupe.
Dans son itinéraire d’apprentissage, l’étudiant se donne des moments de réflexion sur les apprentissages réalisés, qu’ils soient de nature disciplinaires ou méthodologiques. Des arrêts bilans permettront au groupe de répartir les apprentissages inhérents à chacun des obstacles rencontrés durant le projet.
L’évaluation des acquis en situation de projet semble difficile à cause de la variété des apprentissages mis en cause et l’absence des critères observables permettant d’exprimer leurs niveaux de performance. Cependant, muni de grilles d’observation appropriées, discutées et admises par les encadrants et les étudiants, on peut parvenir à des évaluations relativement objectives des différents apprentissages réalisés.
En prolongement de cette recherche, la difficulté majeure à surmonter serait d’amener les professeurs encadrants à adopter la méthode de l’apprentissage par projets. Cette méthode suggère qu’une partie du programme de formation, en général, soit directement traitée en situation de projet.
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