Mathématiques et sujets d’actualité - Faire des sciences de manière autonome
Auteur de l’article : Jacques Taillet est un des lauréats des trophées Shannon Il est professeur de mathématiques au Lycée Parc de Vilgénis de Massy. Il y anime depuis plusieurs année un atelier scientifique.
Il y a 10 ans au Lycée Parc de Vilgénis, 8 élèves faisaient spé-maths sur un total de 4 classes de TS. Face à ce nombre famélique, je me suis dit qu’il faudrait donner le goût des mathématiques à nos élèves. Un atelier de maths pour des élèves qui n’en veulent pas ne m’a pas semblé la bonne solution – c’est pourquoi j’ai préféré mettre en place un Atelier Scientifique qui traiterait de sujets intéressant les élèves et où les mathématiques seraient forcément présentes.
L’Atelier Scientifique créé il y a maintenant 6 ans et ne regroupant alors que quelques élèves de 1ère S, rassemble actuellement une vingtaine d’élèves de tous niveaux et de toutes sections du Lycée Parc de Vilgénis, qui se retrouvent à raison de 2h par semaine, sur leur temps libre, pour travailler sur le projet qu’ils ont choisi pour l’année.
Les objectifs sont divers, mais les 2 principaux sont le fait d’acquérir une véritable démarche scientifique et de développer des qualités d’autonomie et de présentation dans une ambiance conviviale. Ce qui compose l’essence de la « communauté scientifique junior » est le travail commun d’élèves de différents niveaux (les Terminales encadrant alors les Secondes, dans la forme comme dans le fond du raisonnement) et de différentes sections (le savoir-faire de chacun est un plus, les élèves des filières S, ES, STI et de l’enseignement professionnel ayant des qualités différentes).
Ainsi, l’atelier vise à :
– Montrer que les mathématiques sont partout.
– Développer l’autonomie
– Travailler en équipe
– Utiliser les Sciences, dont les Mathématiques
– Développer la culture du questionnement
– Acquérir de la confiance en soi, ne pas avoir peur de l’échec.
Fonctionnement d’une séance
Les élèves se sont divisés, selon les intérêts et compétences de chacun, par cercle de travail. Ces groupes de travail ne sont pas pour autant fixes et peuvent très bien évoluer au cours des séances, se mouvant alors avec les demandes et besoins de chaque groupe. Lors d’une séance, un élève de STI est venu raconter à certains élèves des expériences faites lors de ses cours et expliquer les points utiles à prendre pour le travail de cette année – mais il ne maîtrisait pas toutes les notions. C’est pourquoi, il a demandé à certains élèves de l’enseignement Professionnel et à des Terminales de l’enseignement Général de l’aider en mettant leurs connaissances à profit. Afin de vérifier que leurs explications étaient claires, ils ont présenté leurs travaux aux élèves de Seconde de l’atelier. C’est ce partage de savoir-faire qui crée l’atmosphère d’entraide au cœur de la « communauté scientifique junior ».
Les lycéens sont actifs et travaillent de manières diverses pour que leur projet aboutisse : certains font des algorithmes, d’autres des programmes, d’autres encore travaillent sur tableur. Une partie des élèves fait aussi des recherches et une autre s’occupe de la communication de la « communauté », c’est-à-dire qu’elle travaille à la diffusion de l’avancée des travaux sur Facebook (Atelier scientifique Vilgenis), Twitter (@atsvilgenis) et sur le site Internet.
http://ats2016vilge.wixsite.com/ateliersiencesvilge
Les enseignants ont un rôle spécifique, mais différent de celui qu’ils tiennent en cours. De manière imagée, on peut dire qu’ils sont les catalyseurs et les chefs d’orchestre tout à la fois. Ils permettent également à chacun de trouver sa place dans le groupe.
Sujets traités et choisis par les élèves
– 2011-2012 : Peut-on modéliser les relations proies-prédateurs ?
– 2012-2013 Faut-il tuer les requins à La Réunion ? Pourquoi les perruches se développent en Ile de France ?
– 2013-2014 Propagation de dengue en France métropolitaine.
– 2014-2015 Contamination d’un champ de maïs par un autre champ de maïs.
– 2015-2016 Gulf Stream et réchauffement climatique : influences sur L’Europe.
– 2016-2018 Étudier les énergies renouvelables afin de trouver le mix énergétique le plus adapté au lycée et rendre 2 salles de classes autonomes en énergie.
Ces dernières années les élèves ont participé à plusieurs concours et remporté plusieurs prix en sciences (Quintésciences, Faites de la Science au niveau académique, C’est Génial – un second et un premier prix nationaux, finalistes du Prix Education « Mon projet scolaire pour l’environnement et le climat ») dont un en mathématiques (2nd prix Trophée Shannon). Je suis très fier qu’ils aient été primés lors d’un tel concours, les mathématiques étant l’essence première du travail de l’Atelier.
Les élèves ont été invités à présenter leurs travaux à l’IHP (2014, 2015, 2016) et à Jussieu (2016) à l’occasion de la Fête de la science et au forum des mathématiques vivantes au 104 (2015) à l’occasion la clôture de la semaine des mathématiques.
Usages du numérique dans le cadre de l’atelier scientifique
Descriptif chronologique des usages du numérique à partir du travail sur la contamination d’un champ de maïs par un autre.
A) Utilisations de logiciels, programmes, vidéos.
- Un questionnaire a été réalisé sous Google Drive. Nous avions pensé utiliser Lillie notre ENT, mais nous aurions été limité quant au panel que l’on pourrait atteindre en France comme à l’étranger.
Une fois les données Google Drive récupérées, elles ont été traitées via Excel.
Attention : il s’agit d’un document de travail d’élèves, ce qui explique l’absence de présentation.voir le fichier ci-contre :
questionnaireOGMlyceens 72702 resultats colonne V. - Pour semer notre maïs nous avons réalisé un plan sous géogebra, logiciel que nous utilisons régulièrement en classe.
voir le fichier champ 3 disponible ci-contre.
Attention à l’ouverture, le repère est décalé. - Les mesures des hauteurs de chaque plant ont été réalisées régulièrement (voir le fichier : tableau mesure plante), le tableur a servi à stocker les données avant de les traiter. Moyenne, médiane……
- Nous avons utilisé Geogebra afin de déterminer quelle représentation graphique de fonctions semblait passer au plus proche des points moyens.
voir le fichier ci-contre : Croissance courbe copie
- Puis nous avons réalisé une animation de la croissance des plants sous GeoGebra avant de faire un programme en langage C
Vidéo du premier programme :
https://www.youtube.com/watch?v=LZvQpPt09ro
Un programme en Java a été réalisé par la spécialité ISN de TS.
B) Internet et réseaux sociaux
En parallèle, nous avons réalisé un blog (https://ats20142015.wordpress.com) afin que tout élève de l’atelier ait accès aux informations de l’atelier bien qu’à chaque séance nous fassions un bilan oral du travail de chaque groupe. Cette année (2017) nous avons essayé de stocker nos travaux via Trello, mais l’ensemble du groupe ne parvient pas à utiliser cette « plateforme ». Elle ne semble pas convenir à l’atelier composé d’élèves de classes et sections différentes et de culture numérique différente. Nous n’en sommes donc pas très satisfaits. Je n’ai pas encore trouvé comment amener les élèves à l’utiliser régulièrement.
Seuls 4/25 l’utilisent. Pour compenser cela à chaque fin de séance, je fais un mail collectif.
Cette année-là, nous avions une jeune fille de ES qui veut devenir journaliste. Nous lui avons laissé gérer la communication (sous mon regard plus ou moins éloigné). Elle a obtenu que le Parisien et le journal de Massy publient un article sur l’Atelier..
Comme nous avions un blog pour retracer l’aventure avec le maïs (voir plus haut) nous nous sommes dit que les réseaux sociaux manquaient à notre panel.
Nous avons créé une page Facebook à partir d’un compte. Elle permet aux parents, aux lycéens et aux jeunes chercheurs qui travaillent avec nous de suivre l’avancée de nos travaux. Nous avons échangé avec FondationCgénial, IHP, LMD,….
Twitter nous permet de communiquer rapidement sur les données météo de notre station et d’avoir des réponses à de petits questionnaires, mais nous n’arrivons pas encore à obtenir un nombre significatif de réponses. Cela permet toutefois une visibilité.
Cela permet aussi d’échanger avec des sites de mathématiques et de savoir ce qui se fait un peu partout. Cela nous oblige à faire des tweets en anglais.
Pour finir, nous avons réalisé une vidéo afin de maîtriser un autre vecteur de communication. (https://www.youtube.com/watch?v=kehGAMoPLqU&t=39s)
La stratégie (Excel, programme, vidéo) se retrouve aussi dans nos projets antérieurs : relation proies prédateurs, dengue, Gulf Stream et données météo.
Deux exemples pour illustrer les travaux réalisés
Je vais vous présenter de façon détaillée deux des six thèmes abordés par les élèves.
– Contamination d’un champ de maïs par un autre (2014/2015)
– Données météo et énergies renouvelables (2016/2018)
Pour présenter ce travail, j’ai décidé de mettre les écrits des élèves, simplement relus et mis en page par moi-même.
Chaque exemple est précédé d’une présentation rapide puis présenté grâce aux écrits des élèves.
Premier exemple : contamination d’un champ de maïs par un autre
Une simple question d’élèves de l’atelier : « Pourquoi avons-nous peur des OGM ? » a donné un sens à un travail de 15 mois. Cette question s’est vite transformée en « une contamination est-elle possible ? »
Voir une vidéo de présentation
Nous avons donc semé des grains de maïs dans le parc de notre Lycée, observé la récolte, modélisé la contamination et comparé nos modèles aux résultats du champ.
Derrière tout cela se trouvent des maths : Réaliser un plan pour repérer les plants de maïs.
Comme nous avions plus de 100 plants, nous avons mesuré régulièrement la dimension de ceux-ci. Il y a donc des statistiques sur un grand nombre de données.
Les élèves voulaient voir voler un grain de pollen pour comprendre quelles fleurs femelles allaient être fécondées. Ils ont compris que cela ne servait à rien, qu’il s’agissait en réalité d’un problème de probabilité.
Pour la modélisation ils ont choisi de travailler avec une figure usuelle : le triangle équilatéral. (algorithme codé avec algobox).
Ils ont aussi réalisé un questionnaire, auquel 1 400 français et 400 européens ont répondu.
Deuxième exemple : données météo et énergies renouvelables
L’Atelier veut déterminer quel mix énergétique permettrait d’équiper de façon autonome les salles que nous utilisons. Pour cela il nous fallait connaître les données météo de notre Lycée. Nous avons pu les collecter à l’aide d’une station météo prêtée dans le cadre du projet : « Météo à l’Ecole ».
Voir une vidéo de présentation
Rapidement, en plus des questions énergétiques qui nous ont amenés à créer nos propres éoliennes (travail en cours), nous nous sommes posés des questions très mathématiques : Peut-on prévoir la température de demain à partir des seules données de notre station ? Peut-on réaliser des prévisions sur la France ? Pour y répondre, nous avons réalisé un maillage de la France en 25 carrés... travail qui nous a amenés à participer au prix Shannon.