par Mabien Bruny
Cet article entre dans le cadre de l’appel à contribution n° 4 (2011/2012)
Plan |
A) présentation d’Haiti
Haïti est le premier pays noir libre et indépendant de la Caraïbe. Il est situé dans l’archipel des Antilles à l’entrée du golfe du Mexique. Il est limité au nord par Cuba et les Bahamas, au sud par la mer des Caraïbes à l’est par la République Dominicaine et à l’ouest par la Jamaïque. Le pays compte environ 8,92 millions d’habitants sur une superficie de 27,750 Km².
Ce pays fut, par son passé, le grenier de la Caraïbe.
Par son climat tropical, ses montagnes perchées le long de ses côtes, ses plages où gît un sable argenté, ses cocotiers, ses palmiers qui pointent vers le firmament, tout cela fait d’Haïti une terre à découvrir.
B) Situation éducative
En terme d’éducation, le pays est doté de plusieurs institutions de formation, partant de l’école maternelle jusqu’à la formation universitaire. C’est le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle qui régule le système éducatif. Plus de 80 % du parc scolaire sont contrôlés par le secteur non public.
Notre système éducatif fait face à de sérieux problèmes. Parmi eux, l’écart existant dans la formation des maîtres.
Les enseignants sont formés dans des centres tel que :
– Les ENI (École Normale d’Instituteurs)
– Les CFEF (Centre de Formation pour les Écoles Fondamentales)
– L’Ecole Normale Supérieure
– Les Facultés des Sciences de l’Éducation
Toutes les villes du pays n’offrent pas l’opportunité d’une formation. Pour en bénéficier, il faut s’installer dans la capitale, ou dans une autre ville qui dispose des moyens de formation. Nous pouvons comprendre que la formation des maîtres n’est pas linéaire. L’écart entre les formations est d’autant plus grand qu’on est éloigné des villes.
Soulever la question de cette disparité dans la formation des maîtres conduit à des écarts entre les écoles. Dommage, nous ne comptons que des écoles à plusieurs vitesses, des écoles de qualité comme des écoles de qualité moindre. Les résultats aux examens de fin d’études secondaires mettent à nu les problèmes de notre système éducatif. Dans l’intervalle de 1990 – 2000 nous avons observé un taux considérable de redoublement dans les classes de rétho et de philo. En moyenne 63,40 % en classe de rétho et 45,98 % en philo. Pour les dix dernières années, la situation ne s’est pas améliorée. Notre système est construit sur la pédagogie par objectifs. Plus d’un a essayé de véritables réformes dans le système, c’est le cas de la Réforme de Bernard ou du Plan National d’Éducation et de la Formation (PNEF). Mais jusqu’à cette date, les effets de ces changements ne se font pas encore sentir.
C) Notre situation face aux TICE
Face aux nombreux problèmes que connaît notre système éducatif, des éducateurs avisés, des économistes, des sociologues, des ONG, des organisations du secteur de l’éducation, lèvent la voix pour un changement profond dans la façon de former nos apprenants. Nos enfants sont appelés à vivre dans le village global, un univers construit sur les technologies de l’information et de la communication. Le marché du travail évolue à grande vitesse. Personne ne connaît les types d’emplois qui seront disponibles demain. Beaucoup d’enseignants se mettent-ils d’accord avec l’idée de prendre des raccourcis ? Plus d’un voit des opportunités dans les TICE, d’autres sont plutôt sceptiques et d’autres encore sont plongés dans l’ignorance complète en ce qui concerne l’évolution des outils technologiques dans les écoles.
– Haïti a bénéficié des dons d’OLPC
– La BID a réalisé un sommet sur l’intégration des TIC dans les écoles en Haïti.
– Le CNES avec l’ONG DEFI ont tenté de mener un projet TICE dans les zones affectées par le séisme du 12 janvier 2010. (projet qui n’a pas pu être exécuté)
– La fondation Clinton par l’entremise de l’inveneo lance des projets TICE dans les contrées du Plateau Central.
– Des entreprises de l’extérieur offrent des pactes numériques aux écoles.
– Les éditeurs de manuels scolaires envahissent le terrain des livres numériques.
– Des écoles se sont hébergées sur le net.
– Des ressources en ligne sont utilisées par des professeurs
– Des séances d’échanges à distance ont été organisées pour informer les professionnels de l’éducation sur les possibilités des TICE.
Un vrai grand pas est en train de se produire dans ce domaine. Il est un impératif de s’introduire sur cette voie de changement, car personne ne peut douter de la puissance des outils technologiques en ce qui concerne le devenir de tout citoyen d’un pays. Reste à voir si ces raccourcis nous permettront de rattraper le temps perdu, qui nous retient accrochés en queue du train du développement.
D) Notre expérience avec les TICE
Le Groupe Résonance travaille depuis bien des années dans la production de réflexions autour de l’intégration des technologies dans les écoles. Ce groupe est constitué de professeurs cadres fonctionnant dans le système d’enseignement apprentissage à différents niveaux.
Cela fait plus de trois ans qu’il intervient auprès des enseignants et des élèves dans un processus de sensibilisation et d’expérimentation des TICE.
E) Le Collège de Cote Plage
Non loin de la capitale (Port-au-Prince), vers le sud, le Collège de Cote Plage est situé dans la commune de Carrefour spécialement à l’angle des rues Tovar et Cote Plage 18. Cette école privée, accueille depuis plus de trois ans l’expérience que le Groupe Résonance mène par l’entremise du professeur Mabien Bruny.
F) La découverte de Sésamath
A l’aide de l’Internet et notre réseau d’échanges avec la France, nous avons découvert l’association Sésamath avec ses nombreuses ressources didactiques et pédagogiques, son portail pour les enseignants, tous les outils qu’elle met librement au service de la communauté enseignante.
Nous avons produit des réflexions sur les apports de ces outils dans le processus de la construction du savoir chez nos apprenants. Nous avons évoqué différents scénarios de travail, spécialement le travail diversifié dont nous allons partager l’expérience avec vous.
G) Le travail diversifié
Le Collège de Cote Plage possède deux salles numériques équipées de vidéo projecteur, de TBI, d’ordinateurs reliés à Internet.
Nous avons choisi de réaliser notre vidéo de travail au mois de mars 2011. Elle rend compte d’une séance d’une heure et demie de travail. Tenant compte du niveau de chaque apprenant, nous avons constitué des groupes bien avant la séance.
Chaque groupe utilise un outil différent pour son travail avec des contenus de cours différents.
Le travail diversifié consiste à donner à chaque apprenant ou groupe d’apprenants des activités d’apprentissage différenciées.
Le premier travail qui est plutôt technique était de programmer, grâce aux médias disponibles dans la salle numérique, des scénarios d’apprentissage. Heureusement les ressources en ligne de la Sésamath facilitent la création de ces outils.
C’est avec les ressources numériques que nous alimentons le TBI. Nous utilisons un Ebeam interactif. Il nous accorde l’opportunité d’éditer nos séances à l’aide du Scrap Book.
Les activités programmées pour le groupe de TBI sont de format :
– QCM avec possibilité de trouver plusieurs réponses
– Des questions à trous, où les apprenants utilisent l’option glisser – déposer
– Des questions « vraies ou fausse », avec justificatif de la réponse choisie
– Des questions fermées avec moyen de réponse texte
– Des questions ouvertes, possibilité de transformer le TBI en tableau habituel de la salle de classe.
–
En plus du TBI, nous eûmes la prétention de montrer aux élèves la bonne façon de travailler avec l’Internet. Nous jouissons d’un abonnement Internet à faible débit. A cause de cette limite, nous sommes obligés d’exploiter des ressources techniquement adaptées. Ainsi, à la place de Labomep, nous avons programmé les séances sur Mathenpoche réseau. Toutefois, nos élèves connaissent bien Labomep. Ils l’utilisent en dehors de la classe soit dans un cybercafé, soit dans leur maison (article à venir). Pour un groupe d’élèves plus avancés, nous avons intégré une séance de classe de Seconde tirée de MATH O Lycée. Tout ceci pour développer le sens du travail collectif, l’entraide et l’autonomie chez chacun de nos élèves.
Enfin des groupes travaillent dans les cahiers et les manuels Sésamath. L’association Sésamath a mis gracieusement leur manuel et cahier à notre disposition, l’administration du Collège de Cote Plage a permis à chaque élève d’avoir une copie imprimée de cahier et du livre.
Le cahier est un exerciseur, comme un didacticiel qui fournit des activités à un apprenant. Nous avons proposé un ensemble considérable d’exercices aux groupes et aussi défini un temps limité pour remettre le travail.
Le manuel, par sa structure, encourage et facilite le travail de groupe. Une activité construite sur la recherche, l’échange, la réflexion et la production fut confiée aux groupes exploitant le manuel.
H) La vidéo
La vidéo qui suit, a été réalisée dans l’une des salles numérique du Collège de Cote Plage sous la direction du professeur Mabien Bruny, enseignant de mathématiques et auteur de cet article. Merci à chaque élève qui a participé à cette réalisation.
La vidéo évoque l’utilisation des manuels et des cahiers Sésamath par les élèves. Voici quelques précisions au sujet de ces ouvrages.
L’association Sésamath a offert gratuitement au Collège de Cote Plage les versions complètes des manuels et des cahiers pour les classes depuis la 7ème AF jusqu’en 3ème, sous format numérique, avec droit de reproduction sans utilisation des préfaces.
L’administration de l’école a permis à chaque élève d’avoir une copie imprimée du cahier et du manuel afin d’y travailler. Le manuel et le cahier utilisés par les élèves ont été imprimés en noir et blanc. Après avoir reçu les copies numériques de Sésamath, l’administration de l’école a procédé à leur impression à l’aide d’une imprimante laser disponible pour le personnel. Ensuite, elle en a confié la reproduction à une imprimerie locale qui lui a remis, en reliure dure, des copies pour plus de 200 élèves. Le coût du manuel et du cahier, bien qu’en noir et blanc, est un peu élevé, 10 dollars US pour un manuel et un cahier. Pour faciliter l’acquisition de ces ouvrages par les apprenants, l’administration du Collège a dû prendre à sa charge 20 % du coût de la production. Heureusement, grâce au vidéo projecteur et au TBI, l’utilisation complète des manuels numériques en ligne sur le site de Sésaprof est possible et gratuite.
I) La conclusion
Cette façon de travailler libère du temps pour le professeur, il lui permet d’être disponible pour tous les groupes et pour chaque élève en particulier. Au besoin, un groupe ou un élève peut faire appel au professeur. Toutes les traces des travaux sont conservées : au moment opportun le professeur peut revenir sur le travail d’un groupe pour le partager avec la classe. Pour cette séance, c’est le travail de l’équipe du TBI qui fut mis en exergue.
Cette approche donne l’occasion
– d’évaluer le rythme de travail des apprenants
– de juger la capacité de chaque élève à travailler en groupe
– De responsabiliser chaque apprenant au sein d’un groupe
– D’être présent pour chaque apprenant
– De définir l’accompagnement qu’il faut donner à chaque apprenant en fonction de son rythme d’apprentissage.
Remerciements à Lyonel Sanon pour avoir mis son débit Internet à notre disposition pour le transfert de la vidéo.
Annexe : un commentaire au sujet de l’article (ONG Défi)
Cher Monsieur,
Félicitations à vous et à votre équipe pour cet effort de s’ouvrir aux TICE et d’en faire profiter vos élèves. Bravo de partager vos expériences.
Ce que j’aime bien dans votre article, c’est de bien décrire comment vous ADAPTEZ les outils et les ressources en tenant compte des réalités incontournables :
- les infrastructures haïtiennes comme Internet en bas débit. Vous montrez que l’on peut surmonter un obstacle qui en décourage plus d’un.
- les différents niveaux des apprenants et le soin particulier que vous donnez à votre travail déjà complexe.
Vos expériences ouvrent plusieurs perspectives, maintenant on sait que l’on peut utiliser les TICE en Haïti, c’est complexe mais possible ! De mon côté je diffuse vos témoignages à nos contacts qui oeuvrent dans l’éducation en Haïti , et pourquoi pas à nos partenaires des autres pays qui travaillent avec nous dans l’éducation et qui, sans conteste, connaissent les mêmes réalités.
Je vous remercie encore, cher Monsieur, de partager avec nous vos expériences.
Solidairement votre,
Hanta Rakotondramavo
Directrice ONG DEFI
http://www.ongdefi.org
Développer Former Informer