Les tables de multiplication prennent une nouvelle dimension avec cet outil qui en propose une approche sensorielle : une pyramide puzzle de 100 pièces, pour découvrir les propriétés de la table Pythagore.
Les tables de multiplication prennent une nouvelle dimension avec cet outil qui en propose une approche sensorielle : une pyramide puzzle de 100 pièces, pour découvrir les propriétés de la table Pythagore.
Chaque élément présente sur son sommet un résultat et met en évidence différentes décompositions sur ses quatre faces.
Ce matériel a pour objectif de comprendre comment les tables sont construites et de faciliter ainsi leur mémorisation en rassemblant sur un même support les décompositions importantes.
J’ai été enseignant spécialisé en classe de perfectionnement puis ensuite maître E dans un RASED (Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté).
Tout au long de ma carrière j’ai créé des supports et des outils pour faciliter l’accès à des concepts, aussi bien dans le domaine du logico-mathématique que dans celui de la langue. Les supports visuels, en aidant à créer des images mentales et par les manipulations qu’ils autorisent, permettent de résoudre certaines difficultés d’apprentissage.
Je crois qu’il est au moins autant venu à moi que je ne suis allé à lui.
Il s’est trouvé au point de rencontre de quatre de mes centres d’intérêt :
- le jeu, un vecteur privilégié pour remettre en selle les enfants en difficulté en découvrant que jouer, c’est très sérieux, qu’il faut mobiliser un tas de compétences pour réussir,
- les maths, un passage obligé et tellement important pour tous les autres apprentissages et pour comprendre le monde physique et notre environnement,
- le bricolage et le travail du bois en particulier, un matériau noble et chaud. J’avais au fond de ma classe un établi où les questions de géométrie, de mesure, de méthode, de raisonnement et d’organisation des tâches trouvaient leur solution en se confrontant à la réalisation d’un objet ou d’un jouet,
- et bien sûr la pédagogie...
Tout a commencé il y a plus de vingt ans dans ma classe de perfectionnement, c’était au siècle dernier. Nous avions entrepris de reconstituer l’ensemble des tables de multiplication à partir de la technique des fenêtres, on ne disait pas Windows à l’époque. L’idée peut être reprise en remplaçant les carreaux par des carrés de chocolat, même si avec l’outil final que l’on a créé, un puzzle, on se trouve à cent lieues des tablettes.
Nous avons commencé par reproduire sur du papier quadrillé toutes les fenêtres présentes dans l’établissement où j’enseignais, une grande école, avec des bâtiments anciens et des fenêtres de formats différents composées de nombreuses petites vitres. La plus petite était celle des WC : un seul carreau.
Nous les avons découpées puis classées selon le nombre de rangées et de colonnes qu’elles comportaient. Nous avons ensuite identifié et découpé toutes les fenêtres qui manquaient à la collection.
Nous sommes arrivés au tableau suivant :
Pour chaque grille, nous avons noté dans le dernier carré en bas à droite le nombre de cases qui la constitue.
Ainsi le catalogue des fenêtres à 3 rangées jusqu’à $3 \times 6$ se présente ainsi :
Ce travail permet de mettre en évidence l’ajout d’une colonne de trois carreaux à chaque modèle. La fenêtre du $3 \times 4$ est incluse dans celle du $3 \times 5$ qui est elle même incluse dans celle du $3 \times 6$ ...
On peut alors superposer les différentes fenêtres tout en conservant la visibilité et la lisibilité des résultats, et pour garder un souvenir de l’opération, il reste à les coller :
d’abord le 15 sur le 18,
Puis le 12 sur le 15
et ainsi de suite jusqu’à :
Sous le 3, il y a déjà six épaisseurs de papier !
La troisième dimension était née, elle était arrivée sans crier gare !
En reproduisant ce travail pour les tables de 2 ( et de 1 !) nous sommes arrivés au collage suivant qui donne déjà une idée du résultat final :
Sous le 1, il y a maintenant trente épaisseurs de papier.
Nous avons alors continué le processus pour arriver à la grille complète :
La même, vue de profil, présente un relief insoupçonné et bien particulier :
Et c’est là qu’un de mes élèves, Joachim, plein de bon sens, a dit : « Le 1 est le plus haut, le 100 est tout en bas, c’est bizarre, c’est le plus petit qui est le plus grand et le plus grand qui est le plus petit... »
De là l’idée de fabriquer une table ou le 100 tiendrait bien son rang de nombre le plus grand et sur le point haut du relief...
Nous nous sommes mis au travail, tout le monde était hyper motivé et se tenait... à carreau. Nous avons mesuré, scié des tasseaux, assemblé, collé, étiqueté et vernis l’ensemble pour arriver à l’objet suivant :
Il était esthétique et rappelait un peu l’univers de Vasarely.
Spontanément, les enfants ont commencé à jouer en montant avec les doigts les marches de cette pyramide constituée d’escaliers de différentes tailles dans tous les sens.
Et cet objet n’a plus évolué pendant dix ans.,,
Deux inspecteurs en visite dans ma classe l’ont remarqué et m’ont posé quelques questions quant à son utilisation. L’intérêt premier avait été de le construire, ce qui est très formateur, le deuxième de s’entraîner en faisant appel à la mémoire du geste et à la mémoire auditive,
En attendant, mes élèves en ont bien profité. Certains sont devenus charpentiers ou maçons. Il n’y a pas de vitrier, ni de carreleur ou de chocolatier parmi ceux que j’ai revus par la suite.
Je pressentais qu’il y avait autre chose, mais ce n’est que dix années plus tard, lors du colloque de la FNAME (Fédération Nationale des Associations de Maître E ) à Albi, après une intervention de Stella Baruk que le déclic est venu : il fallait libérer les tasseaux, les rendre mobiles au lieu de les assembler dans un bloc compact. La pyramide est devenue puzzle de 100 pièces.
C’est là que j’ai commencé à sérieusement cogiter. La suite s’est déroulée dans mon sous-sol avec ma petite scie et mes tâtonnements.
Dans un escalier, chaque multiple dépasse le précédent d’une marche, toujours de la même taille :
$15=12+3$
$12=9+3$
$9=6+3$
$6=3+3$
Pour l’escalier du 3, on peut donc marquer cette hauteur de marche, 3 en l’occurrence, sur la partie visible, mais sur la partie cachée on va pouvoir également laisser la marque de tous les 3 qui ont précédé.
Et puis bien sûr, le pédagogue de base étant un vil profiteur, les deux faces arrière de chaque bloc ont été utilisées, quant c’était possible, pour mettre en évidence d’autres décompositions. Ainsi pour 42 qui est présent deux fois sur la grille, à $6 \times 7$ et $7 \times 6$, d’autres solutions sont proposées : pour l’une $3 \times 14$ et $14 \times 3$, et pour l’autre, $2 \times 21$ et $21 \times 2$. Sur chacune des barres la commutativité de la multiplication est vérifiée.
Nous approchons ainsi de la construction finale avec cette table, à l’échelle 3, construite avec des tasseaux carrés de section 18mm, alors que la première était à l’échelle 2 en tasseaux de 15. Je ne vous parle pas du temps passé sur l’ordi familial pour préparer toutes les petites bandes autocollantes nécessaires à l’habillage des quatre cents faces et 100 sommets.
Bernadette Guéritte Hess, que j’avais rencontrée à l’issue de l’une de ses conférences m’a incité à chercher un éditeur, ayant pris conscience que nous tenions là un nouvel objet mathématique. Puis ses conseils m’ont permis de compléter l’outil en ajoutant quelques accessoires, une série de 100 petits blocs et une grande règle pour dérouler linéairement toutes ces éléments rassemblés sur le socle et les mettre en relation.
L’aventure a alors pris une autre dimension avec la recherche d’une maison d’édition pour porter la fabrication et la commercialisation. Le premier essai a été infructueux et puis je suis arrivé chez Asco-Celda où comme François Barbé l’a bien noté également pour le facteur de Mafate, l’accueil de la directrice générale a été super. Inutile de vous préciser l’état de mon coeur quand j’ai reçu son coup de fil un soir de décembre. Son équipe d’ingénieurs a trouvé des techniques innovantes pour la réalisation. C’est compliqué d’imprimer de manière rigoureusement précise un tasseau de bois sur cinq des six faces.
J’ai appris, plus tard, que sa forme, bien particulière était un paraboloïde hyperbolique. J’ai découvert au contact de matheux professionnels ce qu’il y avait sous ce terme qui n’est plus un gros mot pour moi (espèce de paraboloïde...)
La vue du dessus de la pyramide rappelle exactement la structure de la table de Pythagore :
La version ultime est à l’échelle 4. Le tasseau le plus petit, celui qui représente $1 \times 1$ mesure 4 mm alors que celui du $10 \times 10$ fait 40 cm. L’ensemble des 100 tasseaux repose sur un socle de 23cm de côté, le poids total atteint les 5 kg. La section est maintenant de 22mm pour que chaque pièce puisse tenir debout.
Quand le puzzle est assemblé, les deux multiplicateurs apparaissent juste en dessous du résultat.
Pour le code couleur, nous avons essayé de créer des liens de parenté, ainsi les multiples de 2, 4, 8 sont dans les tons jaunes et oranges alors que ceux de 3, 6, 9 sont dans les bleus.
Comme tout matériel pédagogique, celui-ci peut être vu sous différents angles. Les enseignants et les formateurs sont des spécialistes du détournement des modes d’emploi.
Il peut être considéré tout simplement comme un puzzle de 100 pièces, et alors il faut bien un quart d’heure, même si on connaît les résultats sur le bout … des doigts, pour tout remettre en place en respectant le sens de lecture et le code couleur, en effet chaque pièce a un emplacement unique dans le dispositif.
Le travail peut se limiter à la reconstitution d’une série de multiples ou viser une notion précise, par exemple la reconstitution de la série des multiples de 2.
Le temps de préparation puis de rangement n’est pas négligeable et doit être pris en compte dans le déroulement de chaque séance.
Je me suis aperçu rapidement que les applications de cet outil dépassaient largement le champ pour lequel il avait été conçu. En effet, la représentation concrète des nombres permet de vérifier par la manipulation d’autres relations qui existent entre eux.
J’ai eu le plaisir de participer à plusieurs reprises au salon « Culture et Jeux mathématiques », place Saint Sulpice, à Paris. C’est toujours un bon moment avec des contacts très riches mais aussi un peu décourageant par moments, certains visiteurs du stand découvrant en deux minutes des applications qui m’avaient demandé deux ans.
Voici quelques notions que l’on peut aborder :
- les multiples de 2
- les propriétés de la multiplication
- les pairs de Pythagore
- les décompositions de 100
- la division
- le complément à 100
- la suite naturelle des nombres
- la mémorisation avec des jeux spécifiques
mais aussi les propriétés de la multiplication, les doubles, les moitiés et toute addition et soustraction grâce à la règle graduée.
- trois techniques pour trouver sans erreur possible le PPCM de deux nombres : technique 1, technique 2, technique 3
- le calcul de la somme des 10 premiers nombres
- la représentation de fonctions
- la somme de puissances de 2
- le théorème de Pythagore
La liste s’enrichit toujours et je reste persuadé que la grande pyramide n’a pas encore livré tous ses secrets.
Jusqu’où peut-on aller dans la reconstitution de la suite naturelle des nombres ?
La série des multiples de 2 peut aussi être prolongée jusqu’à... en utilisant uniquement les éléments disponibles sur le plateau.
La production, presque artisanale, est assurée à Sarreguemines au siège de l’éditeur qui a tenu a maîtriser toutes les étapes. Elle a été facilitée par une des propriétés de la table de Pythagore en 3D : toutes les pièces peuvent être rassemblées dans un rectangle.
Et puis accessoirement, on peut aussi calculer la longueur de tasseau utilisée pour la fabrication...
J’ai commencé à réfléchir à la numérisation de l’activité. J’ai pensé créer des films d’animation au lieu des vidéos que j’ai tournées il y a quelques mois avec l’aide d’un ami (merci Daniel…). . Mais cette tâche me dépasse.
Il me semble que, pour un programmeur expérimenté, la modélisation de la Pyramide ne devrait pas poser de problèmes insurmontables. Chaque pièce est un parallélépipède et il n’y a que dix couleurs. Reste ensuite à créer des minis programmes pour animer les éléments, les juxtaposer , les déplacer, varier les angles de vue. Cela ne devrait pas effrayer les spécialistes dans ce domaine.
Pour cette étape, ma petite scie et les bandes autocollantes ne seront plus suffisantes. Je ne peux pas aller plus loin tout seul. Quelqu’un parmi les lecteurs de cet article peut-il proposer son aide ou suggérer une piste à suivre ?
Il serait magnifique de rendre l’objet plus accessible en le numérisant. Il passerait ainsi du XX ème au XXIème siècle en un clin d’oeil ! (un clic !)
C’est un projet stimulant qui me fait encore une fois vibrer, un peu comme dans la période où je cherchais l’éditeur de la version matérielle.