N.D.L.R : Cet article de Gilles Aldon est une invitation au voyage. A la rencontre d’autres enseignants de mathématiques qui dans leur pays, leur culture, leur environnement social et géographique transmettent à la génération montante les richesses millénaires accumulées, critiquées, remises en causes, reformulées aux bénéfice de leurs élèves et de leurs étudiants.
Peut-être serez-vous du voyage, en 2025,pour le prochain colloque EMF à Montréal ?
Introduction
Le huitième colloque de l’Espace Mathématique Francophone (EMF) s’est déroulé à Cotonou, au Bénin, du 12 au 16 décembre 2022. Après les années de confinement et de frontières fermées, cet événement du monde de l’enseignement des mathématiques a été bienvenu comme l’a montré la participation de nombreux pays du monde francophone (vingt et une nationalité étaient représentées à Cotonou). Les colloques, d’une façon générale, sont des occasions de présenter et de discuter des résultats obtenus dans la recherche. Ils sont aussi, à travers les actes, un moyen pour diffuser les connaissances acquises dans les travaux de groupes de recherche et discutées, augmentées par la confrontation des points de vue et les apports d’autres groupes de recherche. Pour la plupart, actuellement, la langue d’échange dans les colloques internationaux est l’anglais ; cependant, quelques colloques continuent à maintenir un bilinguisme (par exemple la Commission Internationale pour l’Étude et l’Enseignement des mathématiques (CIEAEM) organise chaque année un colloque, ouvert internationalement, bilingue français et anglais. L’Espace Mathématique Francophone quant à lui est le colloque international francophone dans le monde de l’éducation mathématique.
Je donne dans la première partie de ce texte un rapide historique de l’EMF et du pays d’accueil du huitième colloque EMF. Puis je propose un compte rendu personnel de ma participation et des échanges que j’ai vécus dans ces journées intenses de travail et de rencontres. Personnellement, j’ai toujours été très intéressé par les colloques EMF qui ont été des jalons de ma carrière professionnelle tant comme professeur de mathématiques en lycée que comme chercheur en didactique des mathématiques. Je propose donc ici ce compte rendu subjectif de ma participation. Un rapport écrit par les participants français soutenus financièrement par la CFEM (Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques) pourra compléter mon point de vue et certainement apporter un éclairage plus complet ; il peut être consulté ici.
Un abrégé de l’histoire de l’Espace Mathématique Francophone
La première conférence programmée par la Commission Internationale de l’Enseignement Mathématique (CIEM, ICMI en anglais) a été organisée à Lyon du 24 au 30 août 1969 ; c’est la régionale de l’APMEP et l’IREM de Lyon, tout juste né, qui ont assuré l’organisation de ce premier congrès. Dans sa résolution, que l’on peut lire dans les actes de cette conférence, les organisateurs insistent sur la nécessité de développer une coopération internationale autour de l’enseignement des mathématiques. Il est intéressant de noter que dans le discours inaugural, Hans Freudenthal, alors président de ICMI, disait : « Évidemment la vérité est la même à Toulouse et à Paris. » en faisant référence à la correspondance entre Fermat et Pascal. « Mais le monde s’est élargi », continuait-il, et il développait un discours sur l’universalité des mathématiques et la nécessité de dialogues entre mathématiciens et entre pédagogues du monde entier. Cette réflexion m’a d’autant plus marqué que justement, les discussions et le dialogue avec des mathématiciens provenant de pays et de cultures différentes, s’il est indispensable, comme le signalait Freudenthal, est peut-être l’occasion de remettre en cause une certaine vision de l’universalité des mathématiques et de leur enseignement, pour peu qu’on considère les mathématiques comme le résultat d’une réflexion dans un environnement socio-culturel particulier ; j’y reviendrai dans la deuxième partie de cet article.
Avant ce premier congrès spécialement réservé au thème de l’enseignement des mathématiques, une petite partie des congrès de l’organisation mondiale des mathématiques (IMU pour International Mathematics Union) était consacrée à l’enseignement. Bien sûr, la volonté de proposer une rencontre entre pédagogues (à cette époque le terme didacticien des mathématiques n’était encore pas répandu) a conduit à organiser cette première rencontre à Lyon, sous l’égide de Hans Freudenthal. Ce premier congrès était en français et en anglais comme les actes en attestent mais, dès le deuxième congrès de l’ICMI, officiellement dénommé International Congres on Mathematics Education (ICME) l’anglais devint langue officielle et le reste encore aujourd’hui. Depuis cette date, tous les quatre ans, un congrès est organisé qui réunit tous les acteurs de l’éducation mathématiques dans le monde (Voir à ce propos l’ensemble des actes de ces congrès sur cette page).
En 2000, un groupe d’éducateurs du monde francophone [1] a organisé à l’occasion de l’année mondiale des mathématiques une rencontre à Grenoble pour discuter, en français, des enjeux de l’enseignement des mathématiques dans les pays francophones. Cette première rencontre, Espace Mathématiques 2000 (EM2000), a été pilotée par la sous-commission de l’ICMI pour la France, la CFEM (http://www.cfem.asso.fr/). L’Espace Mathématique Francophone s’est alors constitué pour promouvoir les échanges et les réflexions sur les questions vives de l’enseignement des mathématiques aux niveaux primaire, secondaire et supérieur. Reconnue comme « conférence régionale » par ICMI, l’Espace Mathématique Francophone était né ; la notion de « région » est ici définie comme un ensemble linguistique plutôt que géographique comme les autres conférences régionales. EMF organise depuis cette date des conférences triennales en veillant à un équilibre géographique entre pays du Nord et du Sud. Le bureau exécutif de l’EMF a pour but de favoriser l’organisation de ces colloques en respectant l’esprit initial afin de promouvoir les échanges au sein de la communauté francophone des enseignants et des chercheurs.
Ainsi, les colloques EMF se sont déroulés successivement à Grenoble en France (2000), Tozeur en Tunisie (2003), Sherbrooke au Canada (2006), Dakar au Sénégal (2009), Genève en Suisse (2012), Alger en Algérie (2015), Gennevilliers en France (2018) et Cotonou au Bénin en 2022, la date initiale ayant été reportée d’une année pour cause de pandémie. Les colloques EMF sont considérés comme des colloques d’interface, facilitant ainsi la participation et la parole de tous les acteurs de l’enseignement des mathématiques, professeurs, inspecteurs, formateurs et chercheurs. C’est à travers ces dialogues que les débats et les discussions permettent de faire grandir la communauté et donnent aux actes de ces conférences, tous publiés en ligne, un impact fort dans le monde francophone. J’ai personnellement participé à presque tous les colloques EMF pour proposer des contributions issus de groupes de travail de l’IREM de Lyon, comme professeur de mathématiques lorsque j’enseignais au lycée puis comme didacticien des mathématiques après avoir soutenu une thèse en didactique des mathématiques. J’insiste sur cette double appartenance, parce que les colloques EMF m’ont permis, et continuent à permettre à des enseignant.e.s de venir débattre des questions et des difficultés qu’elles ou ils rencontrent dans l’exercice de leur métier.
EMF 2022 à Cotonou
Le Bénin
Après l’accession à l’indépendance en 1960, la république du Dahomey vit des alternances de gestions civiles et militaires. Le 26 octobre 1972, l’ex-république du Dahomey devient la république populaire du Bénin puis en 1990, la référence « populaire » est abandonnée et la constitution de la nouvelle république du Bénin est mise en place. Le Bénin est située en Afrique de l’Ouest sur le golfe de Guinée. Il a été un point de départ important de la traite des esclaves au XVIIIe siècle, notamment à partir de la ville de Ouidah.
Actuellement, un parcours mémoriel, la route des esclaves, est organisé dans cette ville, conduisant :
- de la place du marché aux esclaves
- jusqu’à la porte du Non Retour
- et émaillé par des stations reprenant l’histoire tragique de l’esclavage
La porte du Non Retour symbolise le dernier voyage de tant d’Africains contraints à l’esclavage [2] par les colonisations française, anglaise et hollandaise. Cotonou n’est pas la capitale administrative du Bénin (c’est Porto Novo), même si c’est le lieu du siège du gouvernement, la plus grande ville du pays et la capitale économique.
Comme le dernier colloque s’était déroulé à Gennevilliers en France, il était normal en suivant les règles établies par le bureau exécutif de l’EMF, que ce colloque, initialement prévu en 2021, se déroulât dans un pays du Sud ; ce fut au Bénin, pays reconnu pour son système éducatif particulièrement développé malgré les difficultés économiques que le pays traverse. En s’appuyant sur les objectifs de développement du Bénin, le plan sectoriel de l’éducation (PSE) pour 2018-2030 stipule : « En 2030, le système éducatif béninois veille à ce que tous les apprenants, sans distinction, aient accès aux compétences, à l’esprit d’entreprise et à l’innovation qui feront d’eux des citoyens épanouis/réalisés, compétents et compétitifs, capables d’assurer la croissance économique, le développement durable et la cohésion nationale. ». En particulier, comme nous l’ont expliqué des inspecteurs béninois, les jeunes filles sont particulièrement visées par ce plan éducatif : des aides sont accordées aux familles de façon à permettre aux filles de venir à l’école.
Le colloque EMF 8 à Cotonou
Après un report dû à l’incertitude des déplacements dans le monde durant la période de pandémie, le comité scientifique et le comité d’organisation de EMF 8 ont pris le parti d’organiser en présentiel le colloque en décembre 2022. Au moment où la décision a été prise le pari était risqué, mais s’est avéré gagnant puisque cent soixante-quatre participants [3] représentant la francophonie ont pu dans d’excellentes conditions participer aux travaux de la conférence, aux onze groupes de travail, aux trois projets spéciaux et au deux discussions programmées. Le thème, « l ’activité mathématique dans une société en mutation : circulations entre recherche, formation, enseignement et apprentissage » est très significatif du contenu et des rencontres rendues possibles par le colloque. Le comité d’organisation, présidé par Aboubacar Marcos de l’Université d’Abomey-Calavi, a permis aux conférenciers de travailler dans de bonnes conditions malgré des difficultés matérielles. Comme on l’a vu précédemment, la délégation française a été la plus importante, et cela, grâce à la CFEM qui a pu aider financièrement un certain nombre d’enseignants et d’enseignants-chercheurs. En particulier des jeunes enseignants ont participé au projet « jeunes enseignants » qui commençait deux jours avant le colloque. Ils ont participé bien sûr au colloque ; voir à ce propos leurs témoignages dans le rapport de la CFEM (pages 28 à 33) ainsi que dans la vidéo du séminaire des IREM. Comme pour tous les colloques EMF, le cœur du travail se situe dans les groupes de travail thématiques dont le lecteur pourra trouver un descriptif sur le site du colloque.
Ma participation à EMF
- Une vision globale
Si toute la partie précédente était factuelle et objective, cette partie est plus subjective puisque je raconte la façon dont j’ai vécu ma participation au colloque. Comme je l’ai dit dans l’introduction, j’ai beaucoup participé aux rencontres de l’EMF, en tant que professeur en lycée ou chercheur en didactique des mathématiques. L’ouverture permise par cette conférence me tient particulièrement à cœur, parce qu’elle représente bien l’idée que je me fais des recherches en didactique des mathématiques qui, à mon sens, se doivent de prendre en compte l’ensemble des avis et des réflexions des différents acteurs de l’enseignement des mathématiques. Avoir la possibilité de confronter sa pratique de professeur avec les théories construites par des chercheurs m’a, tout au long de ma carrière d’enseignant, beaucoup apporté du point de vue de ma pratique. Et de la même manière, confronter son point de vue de chercheur avec la réalité de l’enseignement des mathématiques dans un contexte donné est excessivement enrichissant et indispensable pour fonder ses recherches sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques. La chance que j’ai eue de pouvoir discuter du travail réalisé à l’IREM de Lyon avec des chercheurs comme Claude Tisseron ou Michel Mizony a sans aucun doute été fondamentale dans le développement de ma pensée. La possibilité d’élargir encore ces discussions à l’échelle internationale apporte une réflexion qui dépasse les cadres habituels et transcende la pensée. J’ai commencé cet article en citant Freudenthal et la vision largement partagée de l’universalité des mathématiques. Mais travailler et discuter avec des collègues béninois, camerounais ou sénégalais permet de relativiser cette vision en ancrant les mathématiques dans une culture et dans l’organisation sociale d’un peuple. Sans nier le caractère universel des mathématiques, la réflexion éthno-mathématique née à la fin du XXe siècle (Zaslavsky 1973, D’Ambrosio 1985, Ascher & Ascher 1986, Gerdes 1994) porte sur l’étude des usages des mathématiques hors des champs institutionnel et savant, mais culturellement implantés : « Il a été souligné qu’au-delà des mathématiques importées de l’école, il existait et continue d’exister d’autres mathématiques. » [4] (Gerdes, 1994, page 19). L’éthno-mathématique s’est ainsi donné le but d’étudier les mathématiques ou les idées mathématiques dans leurs relations avec une culture et une vie sociale donnée qui révèle de la sorte l’existence de beaucoup de mathématiques, spécifiques à des cultures particulières. Ces points de vue, développés par les chercheurs, remettent en question une universalité imposée par une culture dominante et renvoie à une vision multi-culturelle des mathématiques. Ainsi, cette universalité des mathématiques apparaît comme le résultat de l’intégration de toutes les mathématiques développées dans les cultures et organisations sociales du monde : « L’élément de culture universelle est un élément culturel que l’on retrouve dans toutes les cultures du monde. » (Juandy, 2021, page 270) [5].
Ces idées éthno-mathématiques sont portées notamment par le professeur Saliou Touré, mathématicien et homme politique de la Côte d’Ivoire, président de l’Université internationale de Grand-Bassam ; sa conférence d’ouverture du colloque a montré les liens étroits des mathématiques et de leur enseignement avec le milieu socio-culturel dans lequel ils se développent. En particulier, cela montre bien que se concentrer sur les mathématiques telles qu’elles ont été développées dans le monde occidental nous prive d’une vision plus large de ce que peuvent représenter les mathématiques dans un contexte, dans une culture ou dans une société donnés. Le discours du professeur Saliou Touré enjoignant les jeunes à continuer le travail qu’il a commencé, par exemple, dans l’inventaire des jeux africains, leurs explications mathématiques et leurs usages dans l’enseignement des mathématiques, m’a semblé extrêmement positif et enrichissant et participe à une vision élargie de l’universalité de mathématiques.
- Présentation du travail de l’IREM de Lyon
Comme je suis particulièrement reconnaissant à mes maîtres de l’IREM de Lyon de m’avoir incité à proposer des communications dans les différents colloques de l’EMF, j’ai trouvé important de pouvoir accompagner des jeunes collègues travaillant dans le groupe DREAM (Démarche de Recherche pour l’Enseignement et l’Apprentissage des Mathématiques) de l’IREM de Lyon pour proposer une communication conjointe à Cotonou. Le travail réalisé dans ce groupe porte sur l’usage des problèmes dans l’enseignement des mathématiques. Nous avons monté conjointement un dispositif d’enseignement fondé sur la recherche de problèmes : au lieu de structurer l’année par des chapitres portant sur des notions mathématiques, elle est organisée autour de problèmes. Ces problèmes ont été travaillé dans le groupe en commençant par une analyse mathématique et didactique, et en poursuivant par des observations nombreuses dans des classes : l’ensemble de ces travaux montrent la robustesse des problèmes utilisés dans ce balisage de l’année, en termes de connaissances mathématiques qui peuvent être convoquées et travaillées dans la recherche d’une solution, mais aussi, en termes de compétences méta-mathématiques telles qu’envisagées dans les programmes de mathématiques : Chercher, Modéliser, Représenter, Raisonner, Calculer, Communiquer. Bien sûr, ces compétences fondamentales des mathématiques sont travaillées dans la recherche de problèmes mais notre hypothèse est, qu’outre les compétences méta-mathématiques, les notions et concepts mathématiques des programmes sont convoqués et la recherche de problème participe à leurs apprentissages pour peu que le professeur puisse les repérer et les institutionnaliser. Une question, amenée par les enseignants qui participent à ce groupe, a été de mesurer l’impact d’une telle organisation sur les apprentissages effectifs des élèves.
C’est ainsi que le groupe IREM a mis au point une méthodologie pour mesurer les progrès réalisés par les élèves ainsi que l’évolution de leurs rapports aux mathématiques. Nous avons ainsi proposé un questionnaire aux classes impliquées dans l’expérimentation et construits des pré-tests/post-tests que nous avons fait passer à des classes de collège et de lycée. Ce sont les premiers résultats de ce questionnaire ainsi que les traitements statistiques des pré tests et post tests qui ont donné lieu à la communication soumise à l’EMF par Miriam Di Francia, professeure au collège Lagrange à Vaulx en Velin, Antoine Guise, professeur au lycée La Martinière à Lyon et moi-même.
La communication a été retenue dans le groupe spécial « démarche d’investigation et résolution de problème dans la classe de mathématiques » qui a été rattaché au groupe de travail « modélisation, interdisciplinarité et complexité ». De façon à mieux faire comprendre notre propos, nous avons eu l’opportunité de mener un atelier pendant lequel nous avons proposé aux collègues une réflexion autour d’un problème dont nous parlions dans la communication : les nombres trapézoïdaux [6]. Le premier intérêt de cet atelier, dirigé par Antoine et Miriam, a été de faire chercher un problème de mathématiques, mais surtout de discuter des apports d’un tel problème dans la classe de mathématiques dans des contextes culturels différents. La discussion, très riche, a porté sur le possible usage dans les classes, les objectifs qui peuvent être assignés à une telle recherche, mais aussi à l’accompagnement des professeurs pour mettre en œuvre une telle situation de recherche dans la classe et pouvoir en tirer des leçons pour fonder son enseignement sur les recherches des élèves. Elle a également questionné le problème lui-même et le choix que nous avons fait de proposer un problème directement dans le monde mathématique et non pas un problème provenant d’une situation réelle qui demande une modélisation. En partant de cet exemple, nous avons pu mieux présenter le travail réalisé parce que le contexte, les objectifs et l’organisation didactique et pédagogique avaient pu être mis à l’épreuve dans le groupe de travail. La communication portant alors sur les résultats du questionnaire et des pré tests - post tests réalisés dans les classes a été bien accueillie. Là encore, la discussion qui a suivi notre communication a été intéressante dans le sens où notre proposition a recueilli un accueil positif et semblait pouvoir être utilisée dans d’autres contextes, même si les écueils essentiels à la mise en œuvre d’une telle organisation ont bien été pointés par les participants : le nombre d’élèves dans une classe, l’accompagnement des professeurs pour se sentir légitimes à proposer ce type de situations et surtout à en tirer profit pour l’apprentissage des élèves.
Les cinq sessions de ce groupe de travail nous ont également donné l’opportunité de mieux comprendre les points de vue proposés par les collègues sénégalais, camerounais et suisses qui ont proposé à leur tour des communications sur la façon dont ils concevaient la modélisation, la démarche d’investigation et le rôle des problèmes dans l’enseignement. Les réflexions sur l’éthno-mathématique ont encore été mises en discussion à propos des méthodes d’enseignement et des conceptions culturelles des concepts de modélisation et d’investigation. Les discussions ont pointé la diversité des situations d’enseignement et la nécessité d’une réflexion spécifique à chaque contexte, mais aussi l’intérêt de la confrontation qui permet de prendre en compte des idées ou des méthodes qui ne pourraient pas émerger dans un contexte particulier.
- Les autres moments du colloque
D’autres moments importants du colloque se sont déroulés lors les séances plénières. J’ai déjà parlé de la conférence inaugurale, mais d’autres plénières ont permis de faire le point sur le traumatisme des confinements dans différents pays. Moustapha Sokhna, doyen de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a ainsi pu partager les difficultés rencontrées au Sénégal qui rejoignaient largement notre propre expérience : après la rupture brutale imposée par la pandémie, les professeurs se sont sentis impuissants, mais ont développé un nombre impressionnant d’initiatives, tant didactiques que pédagogiques, pour maintenir un lien avec les élèves. Mais aussi, tout comme dans beaucoup de pays, ce temps n’a fait que mettre en évidence les inégalités liées à l’appartenance sociale ou géographique des élèves.
Mais la participation à un colloque EMF c’est aussi le plaisir de rencontrer des collègues à l’occasion des pauses, des temps libres et des repas. Les discussions informelles font complètement parties des apports des colloques, ce que le sevrage imposé par la pandémie n’a fait que révéler de façon encore plus cruciale. Nous avons vécu la conférence ICME 14 à distance et même si les échanges scientifiques dans les groupes de travail étaient intéressants, il y manquait cruellement ces temps de discussion informelle pendant lesquels de nouvelles idées, de nouvelles collaborations germent et prennent corps. Par exemple, en discutant lors d’une pause avec des inspecteurs béninois, ils nous ont proposé de rendre une visite à une école et d’assister à des cours, ce qui a constitué une expérience très enrichissante (voir par exemple, le compte rendu de Miriam Di Francia sur le site de la CFEM ainsi que la photo qui suit).
C’est ainsi également que j’ai pu rencontrer Giscard Nguembou dont la proposition d’article (maintenant publié dans MathemaTICE) avait provoqué des allers retours par mail sans beaucoup de résultats : le fait de discuter face à face lève souvent des difficultés peu solubles par courriels....
Enfin, la visite de la ville lacustre de Ganvié
a été une occasion de rentrer plus avant dans la compréhension de la culture béninoise, mais aussi de prolonger les discussions avec les collègues dans un environnement culturel nouveau et surprenant.
Conclusion
Ce colloque EMF à Cotonou a été très réussi ; on peut cependant regretter le déséquilibre entre les participations des pays et même si le colloque avait lieu sur le continent africain, beaucoup de collègues n’ont pas pu participer du fait des prix des voyages et d’hébergement. C’est certainement une question que le comité exécutif d’EMF devra prendre en compte pour imaginer des solutions et faire en sorte que les différents pays du monde francophone puissent être également représentés.
Le prochain colloque de l’Espace Mathématique Francophone aura lieu à Montréal en 2025.
Références
Ascher, M. & Ascher, R. (1986). Ethnomathematics. History of Science 24 : 125-144.
D’Ambrosio, U. (1985). Ethnomathematics and its place in the history and pedagogy of mathematics. For the Learning of Mathematics 5 (1) : 44-48
Juandi, D., Afriyani, D., & Fitriza, R. (2021). The Exploration of Ethno-Mathematics Embedded on Traditional Architecture of Rumah Gadang Minangkabau, Advances in Social Science, Education and Humanities Research (ASSEHR) , 160, 270-276.
Gerdes, P. (1994). Reflections on ethnomathematics. For the learning of mathematics , 14 (2), 19-22.
Zaslavsky, C. (1973). Africa Counts. Number and Pattern in African Cultures. Boston : Prindle, Werber and Schmidt