par Christophe Declercq
Auteur : Christophe Declercq, ESPE de l’Académie de Nantes et IREM des Pays de la Loire. Christophe.Declercq@univ-nantes.fr
L’utilisation de Scratch comme environnement d’apprentissage de la programmation à l’école et au collège (cycles 3 et 4) se heurte à un défaut d’accessibilité pour les élèves en situation de handicap.
Selon la « loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » et les référentiels internationaux (WCAG 2.0) et nationaux (RGAA en France), l’accessibilité d’une ressource numérique est conditionnée par le respect des propriétés suivantes : un contenu numérique doit être perceptible, c’est à dire être suffisamment contrasté et pouvant être agrandi pour les déficients visuels ; les médias sonores doivent être sous-titrés, les contenus vidéos doivent faire l’objet d’une audio-description… bref, chaque utilisateur quelle que soit sa situation de handicap doit pouvoir le percevoir.
L’accès à un contenu numérique doit être utilisable : cette propriété est particulièrement critique pour les environnements interactifs. Pour un élève en situation de handicap moteur, l’environnement doit pouvoir être commandé par un dispositif alternatif à la souris, basé sur une commande au clavier, une commande vocale ou un autre dispositif spécifique adapté.
Pour le langage Scratch, la perceptibilité des couleurs des blocs peut paraître suffisante - des outils externes type loupe peuvent être utilisés - mais ceci est largement insuffisant en cas de handicap visuel important, car rien ne permet d’installer un retour vocal permettant une lecture par l’élève d’un programme déjà saisi. Pour s’en convaincre il suffit de tester la lecture écran d’un programme sur la version de Scratch en ligne.
De plus il faudrait déjà, pour un déficient visuel, avoir réussi à saisir un programme. En l’absence de raccourcis clavier permettant de choisir d’instancier des blocs et de les imbriquer, c’est bien sûr mission impossible. Pourtant en théorie, le principe de saisie syntaxique devrait permettre de proposer une interface de navigation permettant – via un algorithme de parcours en profondeur - de choisir interactivement les blocs à utiliser puis, après retour vocal des informations déjà saisies, de continuer la saisie en suivant la structure du programme.
L’enjeu de réalisation d’une telle interface est important car c’est la condition nécessaire pour que l’inclusion soit favorisée par l’environnement d’apprentissage - pour que des élèves différents puissent partager un même objet d’étude et contribuer à un même projet. Sinon c’est obliger les déficients visuels à se satisfaire des langages textuels avec leur syntaxe difficile.
Rendre accessible un langage de programmation pose de plus un problème spécifique : il ne suffit pas de rendre accessible sa lecture et son écriture, il faut de plus rendre perceptible et utilisable son exécution. Cela veut dire que toutes les interactions en entrée et en sortie doivent être programmées en fonction de cet objectif – par exemple que le bloc « dire » devienne « dire et écrire » avec des contenus alternatifs prévus par l’élève programmeur. Ce dernier point aurait aussi l’avantage de sensibiliser tous les élèves à cette question de l’accessibilité.
La recherche de l’accessibilité est aussi et toujours - pour tous les utilisateurs - un chemin à suivre pour une meilleure ergonomie – utilisabilité et acceptabilité - des instruments numériques.
Vous ou vos élèves êtes concernés par cette question de l’accessibilité de Scratch ? N’hésitez pas à nous faire part de vos témoignages. Vous avez déjà trouvé des solutions ? Partagez-les ! Vous avez des idées ? Participez à la rédaction du cahier des charges d’un environnement accessible d’initiation à la programmation créative.