Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Point de vue.
Un regard subjectif et critique sur cinquante ans d’évolution de l’Éducation Nationale
Article mis en ligne le 17 décembre 2024
dernière modification le 1er janvier 2025

par Gérard Kuntz
  Sommaire  

 NDLR :

Cet article parcourt la carrière professionnelle plutôt heureuse et épanouissante que son auteur a connue entre 1966 et 2003. Mais déjà durant cette période sans histoires, des événements surprenants et pour certains inquiétants dans une École que l’éthique n’aurait pas désertée, ont émergé de façon isolée. La plupart d’entre eux ont été couverts par l’opacité, le silence ou le déni. Ils contenaient pourtant en germes les graves dérapages qui s’étalent aujourd’hui dans les organes d’information [1].

L’auteur est seul responsable des propos de l’article qui traduisent son expérience personnelle au long de ces années. Il les assume sans réserves.

L’article fait l’éloge de lieux institutionnels ou associatifs, interstices dans le système éducatif, où les professeurs trouvent une plus grande liberté de parole et d’action, une formation continue approfondie, le dialogue avec leurs pairs, des expériences et des idées nouvelles pour affronter ensuite un quotidien devenu difficile, pénible parfois, dangereux même.

L’article rêve enfin d’une Éducation Nationale qui aurait de l’estime et de la considération (autres que verbales) pour ses professeurs, qui saurait repérer et épauler des individus ou des groupes particulièrement novateurs, imaginatifs et productifs (il y en a de nombreux), et diffuser les outils et les expériences qui en sont issus vers le corps enseignant et les élèves dans leur ensemble. Les moyens de diffusion ne manquent pas !

L’article, avec les nombreux liens qui l’enrichissent, peut être lu en plusieurs temps, la continuité n’est pas indispensable à la compréhension. Le sommaire interactif y aide considérablement. Les liens et les notes pourront aussi être explorés en seconde lecture.


L’article est placé sous licence CC BY-SA 4.0


 Introduction

J’ai raconté ailleurs comment la quatrième République finissante et la cinquième en ses débuts avaient fait de moi, enfant de famille pauvre d’après guerre, un agrégé de l’Université en à peine dix ans [2]. En 1966, j’ai fait, à 23 ans, ma première rentrée de professeur de mathématiques au lycée Mangin de Sarrebourg, petite sous-préfecture de Moselle sur le versant lorrain des Vosges.

 Trois années au lycée Mangin de Sarrebourg

Je fus un peu étonné par l’accueil empreint de déférence que me réservèrent l’administration du lycée et mes collègues. J’appris avec surprise et amusement que j’étais le premier et le seul agrégé de l’établissement, ceci expliquant cela...

L’accueil des élèves fut discret, sympathique et amusé quant ils découvrirent que j’avais à peine quelques années de plus qu’eux. On me confia (naturellement) la Terminale C du lycée, avec une vingtaine de garçons et de filles issus d’une vaste zone géographique autour de Sarrebourg. La plupart étaient d’extraction modeste (ouvrier, artisan ou paysan), plusieurs communiquaient spontanément entre eux en alsacien (y compris discrètement en classe quand ils résolvaient en commun des exercices).

Point n’était besoin de réclamer d’eux attention, respect, discipline ou calme, ils avaient de longue date intégré ces notions dans leur famille et leur parcours scolaire. Ce qui n’empêchait ni les traits d’humour, ni les questions et les discussions animées autour de notions difficiles. Le travail demandé hors de la classe était généralement bien débroussaillé, puis fignolé au retour [3].

Les autres classes qui me furent confiées ressemblaient dans les grandes lignes à la TC : certains élèves avaient un rapport plus difficile avec les mathématiques, ou un moindre intérêt, mais sans que cela nuise à leur travail, adapté naturellement à leur section.

De nombreux collègues du lycée faisaient chaque jour la navette avec Strasbourg où ils résidaient. Deux heures de trajet consacrées à corriger leurs copies ou à préparer des cours. Pour ma part, je m’étais installé sur place avec ma famille.

Dans ce lointain passé, l’administration du lycée laissait travailler les professeurs sans peser sur eux d’aucune manière. Peu de parents demandaient rendez-vous, et seulement en cas de problème sérieux ou lors de l’orientation en fin de lycée. La question des « Prépas » préoccupait déjà. J’ai le souvenir de rencontres respectueuses, courtoises, avec très souvent des remerciements pour le travail effectué.

Dans ces conditions, enseigner était simple, gratifiant et plaisant, j’avais le sentiment de m’être engagé dans un magnifique métier d’avenir.

J’ai passé trois ans dans ce lycée, profitant aussi de la proximité des Vosges pour les explorer et me ressourcer.

Les lointains bruits révolutionnaires parisiens de mai 68 arrivèrent atténués dans la Moselle profonde [4]. J’ai été très étonné de la soudaine hargne révolutionnaire de certain(e)s de mes collègues : pour ma part, je devais (ainsi que de très nombreux jeunes Français d’extraction modeste) à la République gaullienne qu’ils décriaient avec force, une ascension sociale rapide et inespérée, qui n’eut plus d’équivalent par la suite (et qui manque cruellement aujourd’hui) [5].

Je ne m’ennuyais d’aucune manière en cette période [6]

Ma dernière année au lycée Mangin fut celle des choix : je fus exempté de service militaire en tant que « soutien de famille ». La fin de la guerre d’Algérie en 1962 avait considérablement réduit les besoins de l’armée.

Nous décidâmes alors en famille de risquer le grand départ, vers Madagascar ou vers l’Océanie, pour y travailler. Le ministère de la Coopération me proposa un poste d’enseignant civil au lycée Galliéni [7] de Tananarive. Quelques semaines plus tard, le ministère des Dom-Tom m’offrit une nomination (pour 3 ans) au lycée Paul Gauguin de Papeete. Dans le même temps, l’Université de Strasbourg me recrutait pour un poste d’assistant... Un trop plein de d’éventualités prometteuses.

Des liens noués avec des malgaches à Strasbourg, l’envie de participer au développement d’un pays devenu récemment indépendant, l’idée de découvrir une île-continent, mais aussi le retour annuel en métropole pour toute la famille, toutes ces raisons nous firent opter pour l’Île Rouge.

Nous nous sommes envolés, un peu incrédules [8], vers l’Océan Indien, escale à Djibouti, début octobre 1969.

 Une plongée contrastée de sept ans dans l’enseignement à Madagascar

Le lycée Galliéni sur la colline sacrée d’Andohalo, à proximité du Palais présidentiel.

  Deux années de découverte d’un pays au lycée Galliéni

Quelques jours à peine après avoir débarqué (nous étions encore logés à l’hôtel), je me présentai au Proviseur du lycée, lui aussi expatrié. Une rapide présentation du lycée, de l’ambiance, de ce qui était attendu de moi, la confirmation que les programmes malgaches étaient alignés sur ceux de France, une rencontre protocolaire professionnelle sans grande chaleur, je n’en demandais pas plus.

Le premier contact avec les élèves du lycée avait lieu tôt chaque matin (les cours démarraient à sept heures) dans la rue menant au lycée, posé sur la colline : je remontais en voiture de très longues files d’élèves à pieds (le bus était trop cher) en route depuis les bas quartiers de la ville où ils logeaient dans un confort approximatif, souvent éclairés à la bougie...

Une entrée en classe impressionnante, quel qu’en soit le niveau : des élèves debout, dans un silence impressionnant, voire pesant, quarante visages impassibles posés sur le professeur, soudain envahi par un sentiment de grande solitude.

Pour briser le silence, je leur expliquai que j’étais heureux et fier d’être là, que je ferai de mon mieux pour les aider à apprendre des mathématiques, mais que je ne pourrai pas y arriver sans leur pleine collaboration. Qu’ils avaient le droit de ne pas tout comprendre tout de suite, de poser des questions, de se tromper. Qu’une erreur n’est pas une faute. Que je souhaitais travailler avec eux dans un climat de confiance.

Ce fut une longue patience pour dégeler (un peu) l’ambiance : à Madagascar, quand un ancien parle, on se tait, on l’écoute, puis on le remercie de ce qu’il a dit dans sa grande bonté... A l’insu de mon plein gré, j’avais endossé, malgré mon jeune âge, le costume d’ancien. Il faudra du temps et de la persévérance pour m’en défaire, sans que jamais la familiarité prenne le relais. Il fallait aussi tenir compte du fait que j’enseignais à ces élèves dans une langue qui leur était étrangère, ce qui compliquait la communication.

Manifestement, ces élèves savaient qu’être accueillis dans ce lycée historique prestigieux était un privilège rare et qu’ils y jouaient leur avenir : leur attention et leur écoute étaient acquises sans qu’il faille les demander.

Ce furent deux ans de travail paisible et plaisant, en toute quiétude.

  Vers de nouvelles fonctions, interrompues par la Révolution de 1972 [9]

L’inspection académique (dirigée par un expatrié, sous la tutelle du Ministre malgache de l’Éducation), préoccupée par la difficulté d’appliquer les programmes français (les maths modernes...) me convoqua et me proposa de faire office de conseiller pédagogique itinérant dans les lycées de Madagascar [10], et de participer, sous la direction d’un coopérant militaire normalien, à la création de l’IREM de Tananarive [11].

Je fis de mon mieux dans ces nouvelles fonctions itinérantes, discutant avec les collègues rencontrés des programmes et de leur enseignement, partageant mon expérience pédagogique encore limitée, essayant de répondre à leurs questions et constatant, avec les plus avertis, que les contenus, déjà contestables en France, l’étaient bien plus encore dans le contexte malgache. Dans certains lycées reculés, j’étais surtout un des rares visiteurs pour des collègues très isolés et souffrant de solitude.

De ce point de vue, ma visite au lycée de Mandritsara [12] fut épique : lors de l’escale de Majunga, ma valise fut oubliée et j’arrivai à destination, juste avant un cyclone qui allait couper les liaisons aériennes durant près d’une semaine [13] (au lieu des deux jours programmés). J’y trouvai trois militaires du contingent n’ayant jamais enseigné, sans formation pédagogique préalable, vivant en autarcie, face à des élèves au français terriblement balbutiant.

Nous avons beaucoup parlé durant la semaine. Ils m’ont dépanné d’un pantalon et d’une chemise. J’ai vu leur travail en classe et la grande difficulté de l’exercer de façon satisfaisante.

Je les ai revus quelques semaines plus tard, attablés à une terrasse de café dans le centre de Tananarive, sorte de bain de foule immobile après trop de solitude : l’autorité administrative les avait exfiltrés pour éviter une catastrophe.

J’ai parcouru l’île en tous sens, surtout par la voie des airs [14], à la rencontre de héros du quotidien, un corps enseignant très hétérogène et pour une part mal préparé à sa mission d’enseignement. J’ai par la même occasion découvert l’extrême beauté du pays [15] et la grande pauvreté de la population, restée malgré cela particulièrement accueillante.

La route nationale 25 (de Fianarantsoa à Mananjary) en saison des pluies

Cette itinérance confirma une impression de plus en plus perceptible : le nombre d’enseignants expatriés était trop important [16] par rapport aux enseignants malgaches qui, se sentant « étrangers dans leurs lycées » marquaient une distance de plus en plus évidente, signalant ainsi dans la vie des établissements leur refus de la situation.

C’étaient des signes avant-coureurs d’une contestation beaucoup plus globale qui couvait depuis des mois et qui éclata brutalement en mai 1972 : le président Tsiranana fit tirer sur des étudiants manifestant dans le centre de Tananarive. Il fut renversé en quelques jours, sans que l’important contingent militaire français de l’Océan Indien n’intervienne d’aucune manière [17].

Le soulèvement de la jeunesse, les 13 et 14 mai 1972 à Tananarive, chauffée à blanc par le brutal « rétablissement de l’ordre », mène à la chute du régime de Tsiranana en octobre 1972

Des groupes d’étudiants, manifestant avenue de l’Indépendance à Tananarive en mai 1972

  La révolution de 1972 et ses conséquences

Ce fut le début d’une très longue période d’instabilité gouvernementale, d’effondrement économique et d’un profond changement de la politique éducative, caractérisée désormais par le mot « malgachisation ».

Ce grand chambardement conduisit la France à créer, à côté des établissements d’enseignement malgache, un début de réseau d’enseignement français à l’étranger. Le lycée français de Tananarive fut créé en quelques mois et ouvrit ses portes début octobre 1972 dans les locaux d’un ancien petit séminaire catholique : beaucoup de coopérants français « inutilisés » depuis les événements y furent recyclés. Cet établissement permit la scolarisation des enfants d’expatriés français ainsi que celle d’enfants malgaches ou de minorités de la population de Madagascar [18] dont les parents firent ce choix. Depuis cette époque et jusqu’à nos jours, le réseau français d’éducation a connu à Madagascar un développement spectaculaire.

Je retrouvai donc en octobre 1972 un établissement fonctionnant selon les normes françaises, dans un pays en plein bouleversement, affaibli par la pénurie de denrées de première nécessité installée dans la longue durée...

J’y retrouvai des élèves qui ressemblaient à ceux du lycée Galliéni, agréables, sérieux, raisonnablement travailleurs sous le regard attentif de leurs parents, dont beaucoup enseignaient dans le lycée [19]... Quant aux enfants non Français, ils savaient que leur avenir allait dépendre fortement de leurs résultats scolaires, au cas où la famille se verrait un jour contrainte de quitter le pays [20]. Dans ce contexte, enseigner restait, malgré un environnement anxiogène, une activité gratifiante.

Le seul problème, mais il était de taille, résidait dans les programmes que j’étais censé enseigner à des élèves qui n’avaient pas atteint le degré d’abstraction indispensable à la compréhension de tels contenus [21]. Les sommités des mathématiques françaises avaient confondu des élèves de collège et de lycée avec des étudiants d’Université ! Même le Canard Enchaîné s’est ému de leurs délires (2 décembre 1970) :

Comment faire dans ce contexte ? Appliquer avec une grande modération des programmes inapplicables, réintroduire en parallèle des démarches expérimentales préalables à toute abstraction, en un mot réinterpréter les programmes pour trouver des formulations qui avaient quelque chance de prendre sens dans les jeunes esprits (des élèves de quatrième...).

C’était prendre le risque de devoir s’expliquer face à d’hypothétiques Inspecteurs Généraux sur les raisons du détournement des textes (qu’au demeurant ils connaissaient parfaitement). Mais le chaos de Madagascar les tinrent éloignés de l’Océan Indien pendant des années...

Je quittai la Grande Île en 1974 et l’Éducation Nationale pendant cinq ans pour un travail associatif en milieu étudiant, grâce à un congé sans solde qui me fut accordé [22].

En 1979, j’ai réintégré mon ministère d’origine et suis reparti en famille vers Madagascar, car il n’y avait pas de poste disponible à l’Île Maurice où j’avais candidaté. Je retrouvai le lycée Français de Tananarive dans un environnement très dégradé, forteresse assiégée, la France étant accusée de tous les maux dont souffrait le pays. La pauvreté avait gagné la grande majorité de la population (y compris la classe moyenne, dont les collègues de l’enseignement malgache), et avec elle une importante insécurité, inconnue jusqu’alors, rendait la vie difficile et compliquée [23].

Seul événement professionnel marquant de ce séjour, mais il était de taille, la venue d’un Inspecteur Général en 1981, qui réunit les enseignants de mathématiques et annonça que « l’enseignement des maths modernes était un échec et qu’il était abandonné ». Une page était tournée en peu de mots, non sans dégâts, ni conséquences de longue durée.

En 1981, je décidai de retourner enseigner en France.

 Le retour vers l’enseignement en France

  La découverte inopinée du collège français

A la rentrée de 1981, je découvris que le poste sur lequel j’étais officiellement affecté n’existait pas... Je me retrouvai nommé en catastrophe dans un collège du sud de Strasbourg. L’établissement recrutait dans une zone pavillonnaire CSP+ et dans une cité où vivait une population majoritairement immigrée, avec une faible maîtrise du français.

Créer l’hétérogénéité semblait alors une priorité de l’Éducation Nationale. Une Éducation Nationale qui avait en 1989 décidé de « placer l’élève au centre du système éducatif ». En réalité, ce furent les parents d’élèves et leurs associations à qui on donna le pouvoir, jusqu’à cogérer dans le pire des cas, les établissements avec leur direction.

Je n’en crus pas mes yeux devant la démobilisation d’une large partie des élèves qui m’étaient confiés. Je fis de mon mieux pour intéresser ces élèves aux mathématiques, en leur expliquant l’importance, même indirecte, que cette discipline pouvait jouer pour leur formation et leur avenir... Mais que dire à des filles résignées qui m’expliquaient qu’elles attendaient d’avoir l’âge d’entrer en apprentissage pour devenir coiffeuses, et qui étaient persuadées que ce qu’on leur apprenait au collège était du temps perdu ? Passer une année à attendre que le temps passe, est-ce vraiment un projet ?

Autre découverte sidérante, la remise en question de la notation par le chef d’établissement, sous la pression des parents et de l’institution. Il m’expliqua (gentiment) que mes « notes étaient trop basses ». Je lui répondis que je notais ce que je trouvais dans les copies des élèves, et en fonction de ce qui était attendu d’eux. Comme il insistait, je lui suggérai de me dire à partir de quelle note il fallait évaluer : 5 ? 8 ? 12 ? Autre ? En somme, un système emprunté aux taxis où vous payez une « prise en charge » indépendante du trajet ? «  Monsieur le principal, je veux bien adopter ce système, à condition que vous me le demandiez par écrit. J’en informerai alors les familles pour qu’elles comprennent que les notes de leurs enfants ne correspondent pas au contenu de leur copies...  ». Il n’en fit rien [24] et je continuai à privilégier (avec une certaine modération) le principe de réalité... au grand dam de certains parents d’élèves qui vinrent me dire sans fard et sans retenue que « j’expliquai mal ». Je m’abritai derrière les appréciations (élogieuses) de mes inspecteurs successifs [25]. Il était trop tôt pour que des actions d’envergure de parents très remontés envoient en « congé de maladie » des profs récalcitrants. Ce fut la découverte troublante de l’année suivante.

  Une année de dépannage dans un lycée huppé du centre ville de Strasbourg

En fin de vacances d’été, un IPR que je ne connaissais pas prit contact avec moi : il cherchait à remplacer en urgence «  une collègue tombée malade  » dans une Terminale C du centre ville. J’en acceptai le principe et me retrouvai quelques jours plus tard devant une classe, filles et fils de CSP++ (professeurs d’Université, ingénieurs, cadres supérieurs de toutes natures etc .).

J’y retrouvai l’ambiance du lycée de Sarrebourg, du lycée Galliéni ou encore du lycée français de Tananarive. Des élèves sérieux, programmés pour les « Prépas » du lycée Kléber ou pour des études de Médecine, des élèves sans lacunes scolaires, avec une puissance de travail et un sérieux sans failles [26], et sympathiques de surcroît ! Je changeai de monde par rapport au collège de l’année précédente, distant seulement de quelques kilomètres.

Enseigner redevenait facile : liberté pédagogique retrouvée, notes redevenues acceptables, direction non interventionniste, infime minorité de parents consultant avec respect le professeur de leurs enfants.

Je découvris l’envers du décor en cours d’année, où par bribes et sous forme de confidence, on m’informa de ce qui m’avait conduit en réalité à remplacer une « collègue malade ». Pour des raisons que je n’ai jamais pu élucider, cette collègue avait déplu aux CSP++, parents des élèves de sa TC. Une puissante cabale auprès du rectorat conduisit la direction du lycée et les autorités académiques à lui « conseiller de prendre un congé de maladie ». Le pouvoir démesuré des parents d’élèves devenait réalité : malheur aux professeurs qui déplaisaient à des groupes très influents, le harcèlement finissait par avoir raison de leur résistance. Cette méthode fit des émules, là ou sévissait une cogestion des établissements entre une direction faible et de puissantes associations de parents d’élèves. J’allais retrouver ces agissements scandaleux, assumés dans le secret et l’opacité par l’administration, quelques années plus tard dans un autre contexte.

  Une année de formation universitaire à l’informatique

Au cours de cette année de remplacement, je me suis porté candidat et je fus recruté, avec une quinzaine de collègues de toutes les disciplines, pour une année de formation universitaire à l’informatique, avec une décharge totale des tâches d’enseignement durant l’année 83-84. Une situation idéale et inespérée pour apprendre. Il me semblait en effet que cette informatique sous toutes ses formes allait bouleverser l’enseignement scientifique, et l’enseignement en général, à travers les logiciels qui commençaient à fleurir (malgré leur caractère encore sommaire). J’ai raconté l’essentiel de cette expérience très importante à mes yeux (avec toutes ses surprises) dans cet article (p. 290-291).

Suivit une année de formation à l’informatique des collègues volontaires, sous forme de stages de « cent heures » réparties par groupes de deux jours au cours de l’année scolaire. Je formais un binôme avec une collègue de français, rare rescapée non scientifique du stage lourd de l’année précédente [27].

Les groupes que nous prenions en charge étaient hétérogènes quant aux connaissances scientifiques et présentaient des attentes de nature très disparates. L’accent mis dans ces stages sur l’algorithmique et la programmation fit fondre les effectifs au fil des séances et donna aux formateurs un sentiment d’échec. Il aurait bien mieux valu proposer une large formation aux outils bureautiques qui allaient devenir indispensables à tous, et réserver algorithmique et programmation à celles et ceux qui en auraient le goût et l’usage dans leurs enseignements. Il nous semblait que les responsables des contenus de ces stages reproduisaient (avec une générosité touchante) les erreurs déjà rencontrées dans le long et pénible épisode des maths modernes [28].

  La découverte de l’enseignement technologique [29]

Après cette peu convaincante année de formation de collègues, il me sembla temps de retourner dans un établissement, face à de « vrais élèves ». Je fus nommé dans un grand lycée d’enseignement général et technologique, le lycée Couffignal [30] de Strasbourg.

Un des bâtiments du Lycée Couffignal de Strasbourg et quelques autres images

2000 élèves, environ 200 professeurs, un internat, en un mot une grosse cité scolaire réunissant LEGT et LEP, et pour moi un enseignement nouveau dans des classes technologiques en lycée et en sections BTS pour l’enseignement supérieur.

Un sondage réalisé en Seconde en début d’année m’apprit qu’une majorité d’élèves avaient choisi ce lycée en imaginant fuir l’enseignement général (maths et français) qui serait remplacé avantageusement (espéraient-ils) par du travail manuel (certains parlaient de « bricolage » ou de « mains dans le cambouis »). Le malentendu était important et source de déception rapide pour beaucoup...

Il fallait d’abord leur expliquer comment travaille un technicien dans une entreprise, et la formation dont il avait besoin pour faire face aux attentes (la commande numérique arrivait en entreprise). Bien évidement, les mathématiques étaient enseignées davantage comme outil au service de l’électronique, de l’électrotechnique, de la conception de produits industriels, de la productique etc. plutôt que comme objet théorique d’étude en soi. Quant au français, j’essayai de les convaincre qu’une maîtrise correcte de la langue (et sans doute d’une langue étrangère pour les frontaliers qu’ils étaient...) faisaient partie du bagage minimal réclamé par toute entreprise dans les relations avec les fournisseurs et les clients... Expliquer, convaincre, s’exprimer clairement, il leur fallait développer ces qualités, en complément de leurs compétences techniques. Au-delà de la vie professionnelle, leur future vie citoyenne et culturelle en serait enrichie.

Dire que j’étais entendu et compris serait faire preuve d’un optimisme un peu béat... Il faudrait du temps, plusieurs années sans doute, pour que ces idées étranges finissent par infuser et par s’imposer dans certains esprits.

Malgré leurs idées simples et largement fausses au départ, ces élèves étaient plutôt sympathiques et, somme toute, disposés à évoluer si on leur en laissait le temps. Leur résistance était surtout passive...

L’ambiance des classes était compatible avec un travail raisonnablement efficace. Il me fallut lutter contre l’habitude de tenir de pénibles conversations privées pendant que je leur expliquais certaines subtilités mathématiques. Quand le désordre montait, il m’arrivait de m’interrompre, de m’installer au bureau, signalant que j’allais vaquer à mes affaires en attendant qu’on me demande de reprendre, avec cette fois l’attention requise.

Ces élèves avaient dans l’ensemble une attitude dont rêveraient les professeurs d’aujourd’hui : pas de propos déplacés, un respect convenable, une pincée d’humour dans les relations de classe, un dialogue de niveau tout à fait correct qui facilitait la vie. Ni violences, ni « incivilités », ni menaces.

Une singularité mérite d’être signalée : dans toutes ces classes (y compris dans les Terminales E), il n’y avait qu’une ou deux filles ! C’est peu dire qu’elles étaient isolées, ignorées même, avec une scolarité difficile à la clé. Mieux qu’un long discours, cette situation reflétait une méfiance tenace des familles à l’égard de l’enseignement technique industriel, considéré encore comme choix par défaut pour les garçons et sans issue pour les filles. Il fallait organiser chaque année des visites guidées du lycée pour les élèves des collèges environnants et leurs professeurs, et y faire une soirée de présentation du lycée pour les parents, pour que le lycée puisse maintenir (à grand-peine) ses effectifs et ses classes...

La découverte de l’enseignement technique fut une étape très importante dans ma vie professionnelle. J’ai décrit dans cet article ce que j’y ai trouvé, qui a transformé en profondeur ma vision et ma pratique d’enseignant.

  Calculatrices et informatique bousculent l’enseignement des maths




L’arrivée des calculatrices graphiques et formelles rendit obsolètes la plupart des énoncés classiques de problèmes proposés aux élèves, y compris au baccalauréat. Une maîtrise technique correcte de ces machines permettait de traiter l’ensemble de ces problèmes sans véritable connaissance mathématique.

Il fallait changer les énoncés pour qu’ils permettent à nouveau d’évaluer la maîtrise mathématique attendue des élèves : partir de la courbe (fournie dans l’énoncé) d’un phénomène physique par exemple. Et interroger sur les propriétés qui en découlent dans la situation proposée. Extraire l’information pertinente, interpréter le graphique plutôt que de le construire, la machine le faisant instantanément à partir d’une formule...

Ces nouveaux problèmes avaient de sérieux inconvénients : ils (re)mettaient en évidence les faibles compétences mathématiques des élèves et conduisaient à des notes en baisse. On se résolut donc à revenir aux problèmes classiques au baccalauréat, quitte à fermer les yeux sur l’activité véritable du candidat. La stratégie du renoncement opérait déjà (discrètement mais avec efficacité) dans l’Éducation Nationale !

  L’option informatique des lycées [31]

Étape supplémentaire dans l’importance donnée à l’informatique, cette option fut introduite au lycée Couffignal à la fin des années 80. Elle comportait, pour les élèves ayant choisi l’option, une heure de cours par semaine et, pour la classe dédoublée, une heure trente de travaux pratiques sur ordinateur. L’activité algorithmique et la programmation étaient privilégiées, mais une réflexion sur les implications sociales et professionnelles du développement de l’informatique faisaient partie de cet enseignement. Le dernier trimestre de l’année était consacré à la réalisation d’un projet personnel mettant en œuvre les démarches et techniques enseignées. Tout cela sonnait bien sur le papier, la réalité s’est révélée moins brillante...

Beaucoup d’élèves inscrits à l’option pratiquaient déjà une forme de programmation sauvage, accumulant des lignes de programme et les testant au fur et à mesure... Généralement le programme écrit au clavier sans réflexion préalable « plantait » : les modifications y apportaient des améliorations et... de nouvelles erreurs en un cycle sans cesse relancé et sans fin. Quand enfin le programme semblait maîtrisé, de nouvelles données en entrée faisaient s’écrouler le château de cartes...

Construire un programme court, bien documenté et parfaitement structuré d’une dizaine de lignes semblait indigne du « génie spontané » attribué à ces élèves. C’était pourtant la porte d’entrée de programmes structurés, traduits ensuite en langage lui aussi structuré (le turbo-Pascal remplaçant le Basic universellement utilisé) : ces petits programmes allaient devenir les fonctions ou les procédures testées une à une, puis assemblées en un programme plus vaste, bien plus facilement maîtrisable et transmissible à quelqu’un qui serait chargé de le faire évoluer.

A la base de cette démarche, la thode ductive « Médée » [32] fut déployée et très largement utilisée. Elle présentait aux yeux de nombreux élèves l’inconvénient majeur de devoir travailler sur papier avant toute précipitation vers le clavier, évitant la bidouille généralisée.

Cette montée en puissance lente et maîtrisée de l’algorithmique et de la programmation rencontra de fortes résistances parmi le public de l’option. Seule une minorité l’adopta sans réticence et progressa rapidement (c’étaient surtout des élèves sans passé informatique ludique et spontané). Les autres persévérèrent dans leur génie imaginé et n’arrivèrent jamais au bout du projet de fin d’année qui supposait une démarche maîtrisée. C’était l’époque où la presse célébrait les « petits génies de l’informatique », un mythe que j’eus très rarement l’occasion de voir se réaliser dans cette option. Un mythe qui conduisit de nombreux élèves dans une impasse, les éloignant des débouchés professionnels de la discipline [33].

Cet enseignement trouva une meilleure efficacité dans le cadre d’une Terminale E (puis S, option sciences de l’ingénieur) dont tous les élèves avaient aussi choisi l’option informatique. Les allers/retours entre maths et informatique, l’informatisation de certains algorithmes classiques de mathématiques (qui suppose de la précision et de la clarté plutôt que du bricolage habile), tout cela mit en évidence la puissance de l’informatique au service des maths et conduisit ces classes à une meilleure ouverture d’esprit, source de progrès à moyen et long terme.

L’option informatique des lycées connut des hauts et des bas, véritable politique en dents de scie : suppression, rétablissement et nouvelle suppression se succédèrent, donnant le tournis aux enseignants, aux parents et aux élèves. Cette gestion brownienne, « au coup par coup » est symptomatique d’une Éducation Nationale sans idées claires, sans politique dans la durée, sans mobilisation de moyens financiers pluriannuels [34], que l’on retrouve aussi dans les programmes disciplinaires (les mathématiques par exemple), sans cesse modifiés (pesant aussi sur le renouvellement des manuels scolaires, périmés à peine édités...). On pourra comparer cette politique erratique et pesante à celle d’une Finlande travaillant dans la confiance et la durée avec ses enseignants, avec l’efficacité que l’on sait (on lira avec profit les pages 110 et 111 de ce document).

 Des activités hors de la classe

L’Éducation Nationale n’envisage la place des professeurs que devant des classes. C’est en effet leur fonction essentielle. Mais à force d’être face à des élèves, les professeurs affrontent la solitude, l’usure, ils perdent l’enthousiasme, le doute et l’inquiétude s’installent. Surtout quand on les met sous surveillance et qu’on met en cause leur activité.

Je voudrais évoquer des lieux de ressourcement, de capture d’idées nouvelles, de découverte de nouveaux horizons dans des espaces certes connus, mais peu fréquentés par une majorité de collègues. C’est à ces lieux, aux femmes et aux hommes qui les font vivre que je dois ma survie intellectuelle et morale tout au long des années devant des classes et jusqu’à aujourd’hui, après vingt ans de retraite.

  Dans le cadre des IREM

  L’importance des groupes de recherche des IREM

Participer à un groupe de recherche de l’IREM de Strasbourg fut pour moi un temps de formation approfondie. Dominique Guin responsable universitaire du groupe consacré aux tout débuts de l’intelligence artificielle, nous apprit à travailler à partir de publications déjà parues dans le domaine étudié, partagées [35] et discutées au sein de l’équipe de recherche avant toute écriture nouvelle. Cet article décrit la façon de travailler du groupe consacré aux lointains débuts de l’intelligence artificielle. Il montre aussi comment les échanges et les découvertes du groupe étaient in fine livrées au collègues sous forme de publication (ici dans Repères-IREM). On pourra au passage mesurer l’évolution considérable des idées ayant cours dans l’IA, de 1994 à nos jours... On y verra aussi les très mauvaises habitudes d’un monde universitaire se contentant de reprendre des citations d’articles sans en vérifier la source.

Ces travaux et ces publications furent suivis de participation à plusieurs universités d’été sur le sujet, à Toulouse au cours des années suivantes, conduisant les participants à lier de plus en plus leur enseignement à la recherche.

Le bandeau du site de l’IREM de Strasbourg avec allusion à l’École d’Athènes
  Des déplacements hors de France

Le pas suivant à consisté à répondre à des invitations hors de France. Chaque déplacement a systématiquement été complété par une publication de synthèse présentant des aspects utilisables dans l’enseignement en France. Le colloque de Thunder Bay (Ontario, Canada) fut particulièrement instructif par son éclairage très international.

En janvier 90, je fus chargé par le directeur de l’IREM de Strasbourg d’une mission exploratoire auprès de l’IREM de Niamey en vue de la mise sur pied de sessions de formation pour les enseignants du secondaire au Niger. Dans les années qui suivirent, deux semaines de formation pour les collègues Nigériens furent organisées, l’une à Niamey, l’autre à Agadez. Dans chacune de ces missions, je fus accompagné d’un (puis d’une) collègue de l’IREM de Strasbourg. L’équipe d’encadrement fut renforcée par des collègues locaux expérimentés et connaissant bien les participants aux stages ; se mettre à l’écoute de leurs besoins était une priorité absolue.

Stage de mathématiques à Agadez au nord du Niger

Durant ces déplacements, le choc de l’extrême pauvreté nous sauta au visage, conduisant à nous interroger : « pourquoi enseigner largement les mathématiques dans ces conditions... N’y aurait-il pas d’autres priorités ? ». Et déplaçant ces questions du Niger vers la France, « Quelle est la contribution de l’enseignement des maths à toute la population scolaire dans un pays développé ? ». Nous retrouvions les questions que s’est posées le comité scientifique des IREM : Enseigner les Mathématiques dans le cycle obligatoire : Quoi ? Pour qui ? Pour quoi ? (voyez un peu plus loin).

Ces questions me préoccupèrent longtemps encore après les voyages au Niger. Elle me conduisirent à rédiger en 1995 Conjectures sur l’utilité d’une formation mathématique pour la vie économique et sociale. Un article qui n’élude pas la question du pourquoi, crainte et fuie par trop de collègues (mais abordée frontalement et avec une désarmante ignorance par nombre d’élèves : les maths, ça ne sert à rien dans la vie !).

Quelques années passées au comité scientifique des IREM furent l’occasion de travailler au contact de mathématiciens et pédagogues d’envergure (voyez par exemple).

J’y ai entre autres participé à la rédaction et à la publication de certains documents élaborés en son sein. Par exemple le dossier Enseigner les Mathématiques dans le cycle obligatoire : Quoi ? Pour qui ? Pour quoi ? qui garde toute sa pertinence dans la période actuelle.

  Trente ans de participation au comité de lecture de Repères-IREM

Alors que je participais activement aux groupes de recherche de l’IREM de Strasbourg, je fus sollicité début 1991 pour intégrer le comité de lecture de la revue Repères-IREM. Je ne me doutais pas que j’en ferais partie durant plus de trente ans et que ce serait pour moi une formation continue haut de gamme. Dans ce comité cohabitaient tous les niveaux d’enseignement : université, lycée, collège. L’enseignement primaire était représenté de façon intermittente par un membre de la Copirelem à défaut d’y inviter un professeur des Écoles (dont la libération pour assister aux réunions semblait administrativement difficile...).

Des mathématiciens de haut vol, des enseignants du secondaire très expérimentés et très engagés, ce comité offrait aux participants (quatre réunions par an à Paris) des interventions de qualité exceptionnelle, des débats passionnants et passionnés, suivis de publications d’excellente qualité (vous pouvez en juger, l’intégralité des numéros est en ligne). On ne sort pas indemne de ces années de travail, au contact des nombreux auteurs engagés dans les IREM et du comité de lecture chargé d’améliorer leurs articles et de sélectionner ceux qui seront publiés.

Je ne cacherai pas cependant que les premières années dans ce comité furent difficiles, pénibles parfois, conflictuelles même, car on peut être un mathématicien savant et très cultivé, mais aussi un homme pénible et caractériel en réunion...

A peine la présidente du comité avait-elle annoncé l’article à discuter que le savant universitaire, toujours le même, prenait la parole et donnait son avis, généralement tranché, montant en décibels en cas de désapprobation, sorte de point final d’une discussion non entamée. Il devenait d’emblée difficile d’apporter un avis distinct, plus nuancé, pour de simples professeurs de collèges ou de lycées. Celles et ceux qui s’y sont essayés ont essuyé des discours d’une violence insupportable (ils résonnent encore aujourd’hui douloureusement à mes oreilles).

Le sommet fut atteint lors de l’examen en 1995 d’un article de Nicole Vogel et Denis Tasso, de l’IREM de Strasbourg (que j’appréciais pour leur intelligence et leurs qualités novatrices). Il s’agissait d’une prudente première expérimentation de « Quelques semaines du cours d’analyse de 1re S avec DERIVE, logiciel de calcul symbolique. »

Il s ’en suivit une exécution capitale, sans la moindre nuance. Devant tant d’injustice et d’incompréhension, je me résolus à relever le défi, quel qu’en fût le coût. Je proposai de présenter pour la prochaine réunion du comité une critique alternative écrite afin de reprendre le débat sur des bases plus saines et plus équilibrées. Les échanges écrits et très polémiques, violents parfois, par voie postale [36] durèrent plusieurs semaines avant que le comité y mette un point final par un vote.

Ce courrier de Henri Bareil, alors membre du comité de rédaction, dit l’essentiel en peu de mots et avec élégance. (Certains noms ont été masqués). Il donne aussi une bonne idée du climat d’ensemble excellent qui régnait dans ce comité.

La publication de l’article incriminé fut décidée en 1996, dans le n° 25 de la revue. Un changement de procédure améliora considérablement le fonctionnement du comité : l’ordre de prise de parole pour discuter des articles devint tournant, évitant aux membres d’avoir dès le départ à affronter des avis définitifs. L’ambiance changea, elle devint plus respirable et nettement plus efficace. Tous purent enfin s’exprimer et être mieux écoutés, sans crainte excessive.

Quelques années plus tard, le collègue tonitruant quitta le comité de lecture. La présidente du comité de lecture se retira également. Le nouveau président était un homme conciliant et chaleureux, rigoureux, ouvert au débat. Les vingt années suivantes se passèrent en réunions efficaces, sympathiques, sans tensions inutiles en dépit d’inévitables désaccords (résolus par vote). Chaque membre y trouva sa place et une formation incomparable, au contact et à l’écoute des autres.

J’y appris entre autres à apprécier le retour critique approfondi (et bienveillant) au sujet des articles qu’au fil des ans j’avais proposés à la revue. Cet article montre ce qu’apporte, en améliorations et en approfondissement, une lecture critique par un collègue compétent (voyez les notes et l’annexe).

Dans les critiques adressées aux autrices et auteurs à propos de leurs propositions d’articles, j’ai peu à peu appris à privilégier d’abord les aspects positifs, puis à leur suggérer de prendre en compte les suggestions du comité de lecture, en en expliquant les raisons. Éviter le ton condescendant ou tranchant fut une de mes priorités. Convaincre plutôt qu’imposer : parfois le courrier de retour me signalait mes propres incompréhensions, expliquant des choix qui nous avaient paru contestables sans que nous en ayant compris les raisons. Le respect du travail des collègues est une qualité essentielle d’un membre du comité de lecture...

Réunion du comité de rédaction de Repères-IREM au CIRM à l’occasion du 20e anniversaire de la revue [37]

Ultime satisfaction, la mise en ligne des articles dès leur parution sur papier est maintenant effective : j’avais plaidé en faveur de cette décision depuis des années, sans succès. L’expérience de la publication en ligne des manuels de Sésamath, simultanément à leur vente en librairie m’avait convaincu à ce sujet. Cette simultanéité avait été la risée des éditeurs à ses débuts : plus personne n’en rit plus aujourd’hui, d’autres (et non des moindres) ont suivi l’exemple.

J’ai fait environ 130 allers/retours à Paris pour les réunions de Repères-IREM, les lundi d’abord, samedi ensuite. J’en ai profité, en prolongeant le séjour le dimanche (frais supplémentaires à ma charge évidemment) pour fréquenter pratiquement l’ensemble des grandes expositions de l’époque : élargir la culture à d’autres domaines ne nuit pas à l’enseignement des mathématiques !

  Financement des activités des IREM et de leurs commissions

Au cours de la décennie 1990, l’assemblée des Directeurs d’IREM (ADIREM) négociait avec le ministère de l’Éducation Nationale un budget global pluriannuel couvrant l’ensemble des activités des IREM [38]. L’ADIREM répartissait ensuite les sommes obtenues dans les divers IREM, au prorata de leurs besoins et de leurs activités. Les budgets obtenus étaient raisonnables et permettaient de rémunérer par quelques heures supplémentaires les participants aux activités et de rembourser dans les grandes lignes les frais de déplacement. Les IREM ne vivaient alors ni dans le luxe, ni dans la misère.

  Dans le cadre associatif

  Avec l’APMEP

J’ai participé durant quelques années au comité de rédaction du Bulletin Vert (BV) de l’APMEP. J’en garde le souvenir de discussions souvent passionnantes et de haut niveau, ainsi que d’une grande ouverture d’esprit de la part des membres du comité. L’aventure du BV (plus que centenaire) s’interrompit brutalement (et d’une façon peu élégante) en 2018 par l’avènement d’une nouvelle revue, sans doute « plus jeune » et plus en phase avec le corps enseignant.

L’APMEP joue auprès des enseignants de maths un rôle essentiel : son site témoigne de ses nombreuses et excellentes activités.

  Avec Sésamath

En 1998, Sésamath se constitua en association, avec l’idée d’explorer ce que les technologies pouvaient apporter à l’enseignement des mathématiques. J’ai rencontré dans les assemblées générales de cette association des collègues ayant une pratique informatique virtuose et décidés à se lancer dans l’aventure (très chronophage) de création de bases de données d’exercices interactifs de maths destinés aux élèves. MathEnPoche fut leur première réalisation, très utilisée par de nombreux élèves. Elle en aida beaucoup à sortir de l’échec en mathématiques. Sésamath s’adressait prioritairement aux élèves en marge des mathématiques , qui constituent encore aujourd’hui une grande partie des collégiens. C’était aux yeux de l’association la toute première urgence. Les critiques fusèrent de la part de ceux qui privilégiaient d’éventuelles futures médailles Fields, dont par ailleurs MATH.en.JEANS s’occupait fort bien. On ne peut pas courir plusieurs lièvres, aux vitesses très différentes, à la fois.

Quand MathenPoche devint d’utilisation courante au collège (mais aussi en seconde et auprès des parents en reconversion professionnelle), Sésamath dont les militants croulaient sous la tâche [39], espéra obtenir du soutien de la part du ministère : quelques décharges à mi-temps auraient accéléré le mouvement et grandement facilité leur tâche de sauvetage mathématique de nombreux élèves. Les demandes répétées se heurtèrent à un silence obstiné, de nature idéologique : le ministère a toujours préféré confier les travaux informatiques à des sociétés privées, dont les concepteurs n’avaient qu’une vague idée de ce qu’est un élève. Nous reviendrons plus loin à cette défiance insistante de la rue de Grenelle à l’égard de ses professeurs...

Alors naquit dans l’esprit des responsables de Sésamath (il faut rendre hommage à la clairvoyance de Sébastien Hache) une idée un peu folle : financer les décharges horaires de quelques professeurs travaillant aux outils informatiques pour la classe, par l’édition de manuels pour le collège. Des manuels numériques accessibles gratuitement, doublés d’une édition papier (nécessairement payante) destinée aux élèves, dont les royalties espérées financeraient les activités numériques de l’association.

Les éditeurs ayant pignon sur rue se gaussèrent et s’esclaffèrent : vendre ce qui existe gratuitement était pour eux une idée totalement saugrenue. Mais pas pour tous les éditeurs, ceux qui avaient compris la nature de la révolution numérique (Générations 5 puis Magnard) vendirent des ouvrages papier en très grand nombre (et à prix très concurrentiel), permettant à Sésamath de salarier quelques collègues, d’accélérer les développements de sa sphère numérique et la pénétration de ces manuels en classe sous leur deux formes.

Autre idée féconde née en 2006 au sein de Sésamath, celle d’une revue libre et gratuite, exclusivement en ligne, destinée aux professeurs de Mathématiques pour les aider à intégrer les technologies dans leur enseignement. C’est toute l’aventure de MathémaTICE qui vous permet, dix-huit ans plus tard, de lire cet article. MathémaTICE mérite de plus amples développements : vous les trouverez un peu plus loin dans ce texte.

Mais revenons maintenant à mes dernières années d’enseignement où plusieurs événements marquèrent à mes yeux des craquements significatifs dans les établissements, annonciateurs d’événements infiniment plus graves qui ponctuent aujourd’hui la vie des enseignants en activité.

 Des signes encore ténus, annonciateurs d’une importante dégradation du système éducatif

  Des ricaneurs décomplexés, sans courage ni mémoire

An 2000, Terminale S, deux filles dont l’une d’origine maghrébine. Nous l’appellerons Leïla. Une moitié de la classe aux noms fleurant bon l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Les exercices préparés à la maison sont corrigés en classe par des élèves volontaires (rares), en dialogue avec le professeur et la classe. Leïla était souvent volontaire : son travail personnel avait bien défriché le problème, elle butait sur les questions finales (c’est à elles qu’était consacrées les séances de « questionnement socratique » que j’avais adopté avec succès de longue date). Les élèves bien installés dans leur confort se mirent à ricaner sous cape quand leur camarade hésitait ou butait sur une question délicate. Puis ils ricanèrent sans retenue, déstabilisant Leïla.

Je leur signalai alors qu’ils étaient libres de la relayer au tableau et que le minimum, s’ils n’en savaient pas plus qu’elle, était de respecter son engagement et son courage. Et que si les ricanements persistaient, j’enverrais les ricaneurs la remplacer et cette fois sans l’empathie habituelle. Quelques expériences un peu rudes suffirent à calmer les garçons qui se défoulaient sur une fille d’origine maghrébine, oubliant que quelques années plus tôt, de braves lycéens alsaciens s’étaient moqués des « macaronis » et des immigrés sud-européens qui avaient précédés Leïla. Fin (provisoire) de l’épisode, souvent une réaction claire et rapide suffit à freiner les mauvais instincts.

  Des attitudes de « voyous » émergent dans un lycée « sans histoires »

Même période. Prenez un téléphone muni d’un capteur photographique, l’ancêtre de nos smartphones. Cet engin donna des idées lumineuses à leurs heureux propriétaires : par exemple, prendre des photos sous les jupes d’une professeure assise au bureau et envoyer ces merveilles sur les réseaux balbutiants. Ces agissements publics furent rapidement connus au lycée, les parents convoqués étaient consternés. Plusieurs professeurs (j’en étais), pressentant les possibles développements de ces agissements lamentables [40], encouragèrent le Proviseur à porter plainte avec la collègue concernée. Il hésita (« la réputation du lycée, vous comprenez... L’avenir de l’élève... » et bla bla bla), puis finit par se laisser convaincre. L’élève écopa d’un rappel à la loi, il entendit des paroles fortes prononcées dans un cadre impressionnant qui ne lui était pas familier. Cela calma ses ardeurs et celles de ses semblables. On éteint plus facilement un feu débutant qu’une forêt embrasée. En attendant des « progrès technologiques » garantissant l’impunité aux pires voyous, désormais masqués.

  Des parents en viennent à menacer les professeurs

A la même époque, dans la Terminale S dont j’étais le professeur principal. Passant dans les couloirs devant une salle de classe, le bruit invraisemblable qui en émanait m’interpella. Par les vitres en hauteur dans le couloir et donnant dans la classe, j’aperçus certains de mes élèves chantant, hurlant, brayant à tu-tête, debout sur les tables pendant un cours de philosophie. J’ai parlé à la classe de ma découverte, les félicitant pour leur brillant show, leur suggérant de créer une troupe qui révélerait leur exceptionnel talent ! Renseignement pris auprès des élèves, ceux qui étaient intéressés par la philosophie se regroupaient à l’avant de la classe pour tenter d’entendre la professeure en dépit du brouhaha ambiant.

Je les avertis que la situation ne pouvait pas durer. Je leur expliquai l’importance de la philosophie pour leur formation personnelle, professionnelle et citoyenne (ricanements sous cape : ces élèves ne considéraient comme importants que les enseignements scientifiques et techniques... Question de coefficients bien sûr). Je les ai prévenus qu’en cas de récidive, j’agrémenterai certains livrets scolaires d’une remarque sans équivoque signalant leurs agissements et les perturbations qui en résultaient. Le meneur, aisément repérable sur les tables, serait particulièrement visé.

Le cirque persista. Inutile d’en parler avec la collègue concernée : dans les conseils de classe elle avait coutume de répéter rituellement : « la classe est sympathique, elle ne pose aucun problème ». Un déni de réalité que tous les collègues et la direction du lycée connaissaient.

Je passai donc aux actes, ciselant une remarque bien sentie sur le livret scolaire du meneur de revue.

Le père, maire de son village et, cerise sur le gâteau, professeur, déboula au lycée ! Il me somma de retirer la remarque sur le livret scolaire de son fils « remarque qui allait ruiner son avenir ». Il me fit remarquer qu’étant prof de maths, je n’avais pas à me mêler d’autres matières.

Je rétorquai qu’étant professeur principal de la classe, j’avais à connaître du bon déroulement de l’ensemble des enseignements. Que son charmant bambin était prévenu de la sanction, faute de cesser ses agissements « que vous semblez approuver. Je ne retirerai pas un iota de mon appréciation ».

Il allait prendre un avocat, porter plainte au rectorat. « Faites, cher Monsieur, mon dossier est solide, je saurai le défendre. »

Il informa le Proviseur de ses noirs desseins : « Je vous le déconseille, Monsieur Kuntz a une excellente réputation... » Je n’entendis plus jamais parler du père, maire, professeur, venu défendre l’indéfendable.

L’élève fut admis dans une des Prépas du lycée (qui ne croulait pas sous les candidatures et qui était plutôt demandeur...) et admis à l’Internat où il se conduisit si mal qu’il en fut exclu en cours d’année. Bis repetita !

  Des élèves qu’il convient d’éduquer et des professeurs qui peinent à voir certaines compétences de leurs élèves

Maxime était un élève inclassable, aux multiples centres d’intérêt. Un travail scolaire correct mais sans excès, un engagement électif à tous les étages de la vie du lycée, jusqu’au Conseil d’Administration, un franc parler parfois à la limite du dérapage... Perdant son sang froid, il en arriva à insulter sans retenue le Proviseur, à propos d’un désaccord qui était intervenu. Je le pris en tête à tête et lui expliquai que s’il voulait faire entendre ses propositions, il devrait renoncer à toute forme d’insulte et de mépris. Ne pas oublier qu’entre lui et le Proviseur, il y avait au minimum une dissymétrie dont il devrait tenir compte. Je l’encourageai à mener de front ses études et son engagement, avec la conviction qu’on lui connaissait, mais aussi avec la modestie qui sied à un élève de Première. Je savais tout ce que pouvait annoncer de positif pour l’avenir un double engagement équilibré et respectueux.

Garçon intelligent et à l’écoute, il présenta ses excuses qui furent acceptées par le Proviseur. Fin Terminale, il postula pour une Prépa du lycée où il fut admis.

Il y poursuivit ses multiples engagements, s’attirant rapidement des avertissements pour « manque de travail » : « si vous continuez ainsi, vous n’avez aucune chance de réussir aux concours ». Le naturel revenant au galop, il rétorqua « J’ai toujours travaillé ainsi et jusque là j’ai réussi. Je ne vois pas pourquoi ça changerait ».

J’ai demandé à un collègue de Prépa du lycée ce qu’il en pensait : « Le pire, c’est qu’il a probablement raison ». Ce réalisme lui venait de sa connaissance des admissions dans les « Grandes Écoles », avec des moyennes (déjà à l’époque) étonnamment basses...

Maxime fut admis dans un École d’ingénieurs parisienne. Dès sa sortie, il postula pour la multinationale allemande Siemens. L’entretien d’embauche se passa en allemand et en anglais, langues dans lesquelles il excellait (ses professeurs de Prépa n’avaient tenu aucun compte des compétences non scientifiques dans leurs mises en garde). Ses interlocuteurs constatèrent qu’il était très à l’aise dans l’entretien. Ses activités « syndicales » n’y étaient sans doute pas étrangères. Il fut embauché sur l’heure, sans la moindre question scientifique ou technique (les recruteurs connaissaient la qualité de la formation scientifique dans les Grandes Écoles françaises).

L’épilogue de cette histoire eut lieu lors d’une journée portes ouvertes au lycée Couffignal. Des anciens élèves venaient partager leurs débuts d’expérience professionnelle avec les élèves, les professeurs et les parents d’élèves. Maxime était l’un des orateurs invités. Ses anciens professeurs de Prépa (qui lui avaient annoncé un avenir funeste) brillèrent par leur absence. Il est difficile d’être démenti par les faits ! Et d’accepter que des qualités non perçues ou non valorisées par l’institution scolaire puissent devenir déterminantes dans la « vraie vie ». [41]

  Une professeure harcelée par la coalition d’élèves, d’associations de parents, avec en coulisses l’appui de la direction

Une collègue de français du lycée Couffignal (nous l’appellerons Claire), voyant la retraite se profiler, caressa l’idée de quitter l’enseignement technique (après vingt ans de bons et et loyaux services) pour s’adresser à des élèves davantage intéressés par la littérature et la belle langue. Elle obtint sa mutation pour un petit lycée aux grandes ambitions de la plaine d’Alsace, à l’allure sympathique et accueillante.

Elle prit contact avec la direction courant juin pour se présenter et glaner quelques informations. Son assurance et la solidité de son projet (ouvrir les élèves à de beaux textes littéraires, leur apprendre à mieux maîtriser la langue) sembla déplaire et créer une forme de malaise. A la rentrée, le malaise se transforma en surprise au vu de l’emploi du temps morcelé, avec des classes nombreuses et très chargées. Une sorte de punition préventive. Elle comprit, au contact des élèves de Première S, que leur seule et unique préoccupation concernait les épreuves de fin d’année du Baccalauréat. Elle était tombée dans un lycée ou sévissait comme unique projet, un bachotage forcené.

La classe attendait (exigeait) que la professeure leur dicte en détail « ce qu’il faut dire sur les sujets d’écrit » (les annales « corrigées » étaient leur monde mental) et leur fournisse une liste courte de textes, eux-mêmes les plus courts possibles, pour l’oral. « Vous nous dictez ce qu’il faut savoir, nous on « gratte », on apprend par cœur ce que vous nous aurez dit avant l’examen, on le recrache à l’examinateur. » L’injonction en trois temps était d’une clarté aveuglante !

Le célèbre texte « le passage du Rhin » de Voltaire fut accueilli par des exclamations : « Voilà qu’on fait de l’histoire en français, on aura tout vu » ! De telles remarques témoignent de la courte vue inculte de ces élèves prétentieux, aux rêves peuplés de Prépas.

Le projet de Claire et celui de ses élèves ne pouvait que conduire à un clash rapide. Le harcèlement parental se mit en place : contestation des notes insistante et répétée, refus de reconnaître l’évidence de travaux d’élèves « entièrement copiés à partir de corrigés en ligne », mise en cause de la « compétence de la professeure. Claire s’épuisa à faire front aux classes et aux parents, dans le silence désapprobateur et complice de la direction (avec de fréquents contrôles du cahier de textes de la classe, espoir d’y trouver quelque faute utile au « dossier »).

La direction lui proposa une « solution » qui la plongea dans le désarroi : « Vous êtes épuisée (il aurait été plus juste de dire : « nous avons fait ce qu’il fallait pour vous épuiser »), prenez donc un congé de maladie ». Elle s’y résolut (elle qui n’avait jusque là manqué que très rarement à son poste) pour mettre un terme au tir de barrage qu’elle subissait depuis la rentrée pour avoir voulu « faire son métier de façon intelligente et utile pour les élèves » et pour réfléchir à l’issue de la situation.

Elle fut remplacée durant plusieurs mois par une collègue « qui donna entière satisfaction aux élèves et à leurs parents ! »

Au hasard d’un dîner de fin d’année d’une classe du lycée Couffignal, je parlais de cette mutation ratée avec une ancienne collègue de français de Claire. A ma grande surprise, elle confirma que « pour obtenir des résultats corrects au baccalauréat, on ne pouvait pas faire autrement... ». Je faillis tomber de ma chaise.

Je me revis en seconde et en première à l’École Normale d’Instituteurs ou ma professeure de français, Madame Gusdorf (épouse du célèbre philosophe Geoges Gusdorf) avait tiré de leur ignorance et de leur absence de culture des générations d’élèves d’extraction modeste pour leur faire goûter de beaux textes et améliorer peu à peu leur expression française. Elle pratiquait la méthode socratique, elle nous faisait lire les textes à haute voix, elle nous interrogeait sur notre perception, elle rectifiait nos inévitables approximations, en un mot elle nous apprenait à embrasser, comprendre et aimer des textes dont sans elle, nous n’aurions rien su (il n’y avait pas de livres dans la plupart des familles).

Elle m’a ouvert l’univers des livres qui ont embelli ma vie tout entière.

J’ai gardé (à soixante ans de distance...) le souvenir des épreuves de français du « premier bac » (1959). A l’écrit le commentaire d’un poème de Verlaine, Il pleure dans mon cœur ; à l’oral (sans liste limitative prédéfinie) Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée. Nous n’avions pas étudié ces deux textes durant l’année, mais Verlaine et Victor Hugo ne nous étaient pas inconnus... J’ai pris un véritable plaisir à commenter, à l’écrit comme à l’oral, ces textes magnifiques, sans avoir «  ni gratté , ni appris par cœur, ni recraché  ». Et les notes furent bien sûr au rendez-vous !

Aux alentours de l’an 2000, certains lycées avait déjà discrètement abdiqué leur vocation émancipatrice et formatrice [42], la remplaçant par la fabrication artificielle de notes et de résultats au baccalauréat, horizon indépassable de l’enseignement. L’École a appris, puis perfectionné le mensonge, avec la complicité, d’abord tacite, puis revendiquée d’une partie des élèves, des parents, des directions d’établissements, des IPR et malheureusement aussi de professeurs exténués, mis au pas par la pression ambiante.

Les épreuves de mathématiques suivirent peu ou prou la même voie, mais de façon moins visible : problèmes stéréotypés à partir de modèles répétés d’année en année, le moindre écart conduisant à des cris d’orfraies sur les réseaux « sociaux », dénonçant des « épreuves infaisables » et conduisant à l’indulgence annoncée des jurys. Les épreuves infaisables corrigées avec indulgence satisfaisaient pleinement les consommateurs peu regardants ! [43]

Durant son congé de maladie de longue durée, Claire prit contact avec une collègue et amie, responsable syndicale au lycée Couffignal. A sa grande surprise, elle apprit, après étude de sa carrière, qu’elle avait les annuités pour demander et obtenir sa mise à la retraite immédiate, « pleine et entière ». Elle n’hésita pas un instant et déposa son dossier au rectorat. Elle retrouva, soulagée, paix et liberté, alors qu’elle aurait, dans des conditions normales, prolongé avec plaisir son enseignement quelques années supplémentaires [44].

Ultime vexation, la direction du lycée demanda, à quelques semaines de son départ en retraite, que Claire soit inspectée... L’IA-IPR réquisitionné s’étonna du caractère incompréhensible (car sans effet possible) de l’inspection, puis constata « un enseignement de bonne qualité » (les élèves impressionnés par une présence étrangère firent profil bas). Il confia à Claire qu’il l’enviait de pouvoir partir à la retraite... Il n’envoya jamais son rapport d’inspection.

  Une réforme juste et généreuse, mais qui pèse sur les seules épaules des professeur(e)s (et parfois de leurs élèves)

Plutôt que les discours (toute la chaîne de décisions, de l’Assemblée Nationale aux chefs d’établissement y excelle !) parlons d’expériences réelles.

1) Une classe de lycée. Quelques jours avant la rentrée, Anne, la professeure de mathématiques apprend l’arrivée d’un élève avec un fort déficit visuel. Anne n’a pas la moindre expérience dans ce domaine : comment, dans cette situation faire de la géométrie ? Comment l’élève prendra-t-il des notes etc. etc. Aucune formation n’est possible en quelques jours... Anne s’en ouvre au Proviseur : « Madame, c’est la loi (une phrase qu’on entend souvent dans ce contexte...). Autrement dit, c’est votre problème, faites comme vous pouvez ». Traduisons, comme aurait dit Ponce Pilate : « Je m’en lave les mains ».

Anne fait contre mauvaise fortune bon cœur. Elle s’informe en catastrophe sur les réseaux sociaux. On lui signale quelques logiciels utiles. Elle retourne vers le Proviseur, pour demander que le lycée achète celui qu’elle a choisi pour atténuer le problème : « Nous n’avons pas de crédit pour cela !!!) ».
Alors Anne achète elle-même ce logiciel... Et durant toute l’année, elle prépare deux cours : celui pour sa classe initiale, un autre pour l’élève de dernière minute.

Elle aura l’année entière une vie plus difficile, un fort accroissement du travail de préparation, sans la moindre compensation de la part de tous ceux qui ont pris les décisions en amont (et qui se félicitent de leurs réussites). Les décideurs ne sont pas les payeurs !

2) Une classe de CP. Une élève fortement handicapée, sans plus de précision... Une mère combative, assistée par des associations agressives. Dès le début, la scolarisation se passe mal, pour l’élève ajoutée d’abord : elle pleure, puis crie, elle crée une ambiance sonore impropre à toute écoute et à toute transmission de savoir.

Si vous avez déjà subi un enfant hurlant dans une salle d’attente, vous comprendrez la situation. Imaginez que cela se reproduise des jours durant... Dans quel état serez-vous ?

La classe et la professeure subissent. En fin de journée, c’est l’épuisement pour tous, maux de tête et palpitations garantis. Les apprentissages (lire, écrire, compter, nous sommes en CP) sont à l’arrêt, ils nécessitent sérénité et calme. Les parents protestent. Les associations exigent que les choses se poursuivent. Et cerise sur le gâteau, la mère traite la professeure de « raciste » !

La professeure alerte la direction de l’école, qui alerte l’inspection, qui alerte la médecine scolaire. On réunit à plusieurs reprises tout ce monde qui constate l’impasse, qui donne de vagues conseils, sans rien décider.

On aurait pu espérer, devant l’épuisement des uns et la vive tension des autres, que quelqu’un d’expérimenté et de courageux dans ce savant aréopage, proposerait de prendre en charge la classe, pour montrer comment faire ... (Il y avait dans le passé des écoles d’application où des élèves-maîtres apprenaient au contact d’enseignants chevronnés). Rien de tout cela : la multiplication de réunions conflictuelles n’esquisse évidemment aucune solution.

À plusieurs reprises, il fallut faire appel au SAMU quand les crises échappaient à tout contrôle. La professeure, donnant des signes d’épuisement, fut mise en congé de maladie (et, bien sûr, non remplacée).

La sortie de crise (très provisoire) résulta d’une décision d’un courage exemplaire : l’élève handicapée fut... changée d’école...

La professeure récupéra lentement, mais elle savait que dorénavant une épée de Damoclès la menacerait en permanence, elle et ses semblables).

Les « décideurs » décident, les « décisions » dégringolent allègrement la chaîne hiérarchique (on se félicite à chaque étape), celles et ceux du bout de la chaîne trinquent (et eux seuls !).

 Une invitation générale du ministère à la pré-retraite à partir de ... 58 ans

En 2001, je trouvai dans mon casier en salle des profs, une circulaire ministérielle proposant aux enseignants de 58 ans une pré-retraite de deux ans : un travail à mi-temps (payé à 80%) suivi d’un départ en retraite dès 60 ans. Ma surprise fut grande à cette lecture totalement imprévue. La générosité du ministère pour ses vieux professeurs était touchante...

L’idée ne répondait en fait à aucune générosité : aux yeux des « experts » de la rue de Grenelle, l’âge devenait un handicap rédhibitoire dans la nouvelle et brillante École qu’ils construisaient. Les « vieux » étaient moins adaptables aux « progrès supposés » et davantage enclins à résister aux capitulations revendiquées par les évolutions récentes. Le recrutement de « jeunes » allait faciliter les adaptations exigées... On n’imaginait pas alors que, quelques années plus tard, il faudrait recruter des enseignants par petites annonces et les prolonger à la tâche jusqu’à 64 ans ! La clairvoyance des experts est sans limites !

Instruit par l’expérience de Claire et voyant les mêmes tendances s’installer par petites touches dans mon lycée, je répondis positivement à l’invitation, avec la ferme intention de la détourner de ses intentions inavouées. Mes deux ans (très agréables) à mi-temps passés, je glissai avec un immense plaisir vers une liberté totale, débarrassé des contraintes, sans soucis financiers, bien décidé à prolonger mon activité sous différentes formes à ma convenance, tant que j’en aurais la force, le goût et l’envie.

 Vingt ans d’activités bénévoles (un mi-temps) au sein d’associations d’enseignants

La République m’avait mis le pied à l’étrier dans mon enfance et ma jeunesse : ces années offertes sont une forme de reconnaissance à son égard.

La liberté d’agir au sein d’institutions et d’associations, à mon rythme et selon mes centres d’intérêt, fut à partir de 2003 mon quotidien. Avec du temps pour la famille, les voyages et la culture. Le luxe absolu [45].

Je continue de contribuer régulièrement à Repères-IREM, après avoir participé au comité de rédaction de 1991 à 2022. J’en ai parlé en détail plus haut dans cet article.

Je fus sollicité, après 2006 par Sésamath, pour devenir rédacteur en chef de la revue en ligne MathémaTICE, responsabilité que j’exerce avec bonheur jusqu’à aujourd’hui, en relation avec un comité de rédaction remarquablement actif et disponible. C’est un privilège de m’installer à un poste de travail, chez moi ou n’importe où ailleurs, d’y recevoir des propositions d’articles, de discuter à distance avec les collègues du comité de rédaction au sujet des améliorations qu’il faudra suggérer aux autrices ou aux auteurs. De mettre en ligne, numéro après numéro, les nouveautés reçues et retravaillées. De continuer à aider ainsi les collègues en activité, de mettre à leur disposition des travaux, des idées et des méthodes riches et intéressantes pour leurs classes.

Débattre avec les collègues du comité de rédaction exerçant leur métier dans diverses parties du monde, de Taipei à Bogotá, de la Martinique à la Réunion ou à Mayotte, en Tunisie, au Maroc ou en France métropolitaine est un véritable privilège. Lire en retour que ce travail bénévole est pour eux une formation continue appréciée et de qualité, représente une satisfaction certaine.

Durant ces années, j’ai pu mesurer la générosité, le dévouement, l’extrême compétence des très nombreux(ses) collègues que j’ai côtoyé(e)s ou fréquenté(e)s de façon virtuelle.

 Une gestion calamiteuse des enseignants par le ministère et les rectorats

Je me suis souvent demandé si les experts de la rue de Grenelle connaissaient le sens de ces mots... S’il y avait en leur sein (et dans les rectorats) des DRH capables de repérer des collègues exceptionnels qu’ils auraient pu aider et solliciter pour diffuser de façon contractuelle leurs idées et leurs travaux hors normes dans tout le système éducatif. Comme cela se fait dans n’importe quelle entreprise qui se respecte. Car dans les entreprises, les talents négligés passent à la concurrence ! Dans l’Éducation Nationale, il reste aux professeurs particulièrement talentueux et dévoués la liberté du bénévolat, à leurs frais, dans tous les sens du terme.

Aucune main tendue à Sésamath, dont les exercices interactifs sont utilisés, depuis l’arrivée du numérique à large échelle dans les classes. Au moment des confinements, ses outils ont été considérablement sollicités (sans que les serveurs, financés eux aussi par l’association, ne rendent l’âme). Mais Sésamath a dû concevoir (grâce au bénévolat de ses professeurs) et éditer des manuels papier de maths pour pouvoir développer, financer et maintenir ses outils numériques utilisés gratuitement dans les classes... Et c’est aujourd’hui toujours le cas.

Imaginez un professeur qui aurait construit une chaîne YouTube consacrée à l’enseignement des maths. Imaginez qu’il ait 2.68 millions d’abonnés utilisant ses vidéos qui couvrent l’ensemble des programmes de maths du secondaire .

Un rectorat aurait-t-il pris contact avec un tel professeur pour l’aider dans son travail herculéen ? Le ministère lui aurait-t-il proposé une décharge, ne serait-ce que de quelques heures, pour alléger son travail de Sisyphe (à chaque changement de programme, il doit se remettre à la tâche) ?

  • Yvan Monka est un de ces incroyables professeurs livrés à eux-mêmes par les autorités administratives dans leur travail bénévole, pourtant au service de toute la population scolaire.

    Dans cet entretien qu’il a accordé à MathémaTICE, il donne son sentiment : «  Dans un premier temps, ça a peut-être été assez mal vu que je fasse bande à part. Après, comme la chaîne a eu du succès et que l’Institution a vu que c’était utile pour faire progresser les élèves, je pense que le regard a été un peu différent. Est-ce que j’ai été remercié par l’Institution pour mes travaux, je ne dirai pas spécifiquement. Par contre j’ai toujours été bien évalué par mes inspecteurs, ce qui m’a permis de bien progresser dans ma carrière.  » Plus loin il ajoute : «  Lors de la dernière réforme du collège, il a fallu sortir les quatre niveaux d’un seul coup : travail insensé, ça a été une horreur…  ».

    Pour un créateur de contenu comme lui, ce n’est pas d’argent dont il aurait eu besoin à cette occasion, mais de temps d’élaboration et de mise en forme des contenus. Et là, aucune proposition concrète ne lui a été faite. Comme ce fut le cas pour Sesamath ou pour les exemples à suivre dans l’article.

    Il peut certes se consoler : il est infiniment plus utile aux élèves (et plus connu d’eux) que les éphémères ministres de l’Éducation. Ne parlons pas des nuées « d’experts » qui cogitent et décident rue de Grenelle, pathétiques mouches du coche.
  • Bernard Ycart a réalisé dans les mêmes conditions solitaires, un immense travail de création d’un site de diffusion de l’Histoire des mathématiques destiné tout particulièrement aux professeurs et à leurs élèves. Sésamath héberge le site, accessible lui aussi gratuitement à tous les utilisateurs.
  • Autre site monumental, Les-mathematiques.net créé en 2000 par Emmanuel Vieillard-Baron (EVB), avec le concours de plusieurs enseignants du Supérieur, est un lieu de ressources et de débats mathématiques. Il est très fréquenté par des étudiants, des agrégatifs ou des candidats au Capes, mais aussi par de simples amateurs de belles mathématiques, qui cherchent dans les innombrables forums du site une aide précieuse lorsqu’ils butent sur un problème : ils y trouvent alors idées et aides pour cheminer vers une solution. Ils pourront à leur tour voler au secours d’un utilisateur du site à propos de questions qu’ils maîtrisent... Laissons EVB préciser le trait : Près de 2.5 millions de messages ont été échangés sur le forum depuis sa création. Ils sont 83 000 utilisateurs enregistrés. Au terme de toutes ces années, une petite communauté s’est formée avec ses règles et ses habitudes. Les échanges sont souvent d’une grande richesse. Peu de questions restent sans réponse. Ce forum apporte, par la culture de ses intervenants et la qualité de sa modération, une aide précieuse à de nombreuses personnes à travers l’Internet francophone (l’Afrique est particulièrement concernée). Une entente tacite entre les participants évite la prise en charge de devoirs à la maison ou d’autres détournements analogues …

    Au-delà de l’aide immédiate qu’il apporte, le forum constitue une base de données dans laquelle sont archivées des réponses à des centaines de milliers de problèmes. Il est devenu une riche base documentaire accessible via les moteurs de recherche et utile au travail quotidien de nombreux mathématiciens.

    Hélas, le fonctionnement par bénévolat a trouvé là aussi ses limites après des années de plus en plus épuisantes pour l’équipe de maintenance et d’animation : Malgré son succès auprès de la communauté mathématique et son utilité reconnue, le site souffre d’un manque de reconnaissance institutionnelle. Faut-il envisager une solution impliquant des mécènes privés, quitte à introduire de la publicité  ? Les milliers d’heures de travail bénévoles investies pour mettre en ligne des ressources, pour administrer le serveur et pour coder ses pages, nécessitent désormais un soutien financier solide pour permettre au site de poursuivre son développement.

    Est-il impensable que le Ministère de l’Éducation Nationale ou celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche viennent au secours d’un site qui a fait ses preuves depuis 25 ans ?
    Peut-on imaginer que la SMF reconnaisse la valeur et l’intensité du travail réalisé et le récompense par un de ses prix ?

On pourrait multiplier les exemples. L’exploitation sans contrepartie des compétences, du dévouement, du bénévolat, du temps libre des professeurs n’est pas une politique acceptable. Les professeurs ne sont pas des « sœurs de charité » [46], taillables et corvéables à merci ! Il serait bon que les autorités en prennent conscience, faute d’accélérer encore la désertion des talents hors du système éducatif...

 Conclusion d’un parcours demi séculaire

Je m’arrête là, j’ai dit l’essentiel [47]. Depuis mon départ à la retraite, la difficulté d’enseigner s’est considérablement accrue et la pratique même en est devenue dangereuse. Professeurs et élèves harcelés, professeurs menacés et parfois abandonnés à leur sort par leurs supérieurs (et certains collègues), travaillant la peur au ventre, s’autocensurant pour ne rien aborder de conflictuel (même inscrit dans les programmes...) qui pourrait finir en drame. Je n’aurais jamais imaginé futur aussi sombre en 2003 en quittant le service actif. C’était totalement impensable en 1966 quand je suis entré dans la carrière. Je ne m’étonne pas que l’on peine à mettre un professeur devant chaque classe et qu’on recrute (pur scandale !) les contractuels au lance-pierre.

L’École suivra-t-elle dans son délabrement l’Hôpital, aujourd’hui dans un extrême dénuement (à cause de politiques absurdes, et malheureusement durables), incapable de faire face aux besoins de la population, urgences comprises ?

Le pire n’est certes jamais entièrement sûr, il devient malheureusement fortement probable.

Banderole au CHU de Strasbourg (2022) : urgences en souffrance, pédiatrie à l’agonie

La banderole est elle-même au diapason...

ANNEXE

1) Articles publiés par l’auteur dans Repères-IREM et dans le Bulletin de l’APMEP (BV)

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2) Yves Martin signale que l’IREM de Strasbourg a été, pendant de longues années, une référence pour beaucoup beaucoup de collègues, avec ce summum : la collection ISTRA (livres de Mathématiques pour la classe, collège et lycée). Il y a quelques exemplaires consultables à la bibliothèque de l’IREM de Strasbourg. Ces ouvrages ne sont pas numérisés pour l’instant.

Repères-IREM a été à l’origine de son intérêt pour les géométries non euclidiennes.
Cet intérêt s’est précisé grâce à la publication de l’OUVERT par ce même IREM, en particulier les articles de Klaus Volkert dans le n° 84 et le n° 85 : Et pourtant quelques-uns sont quarrables.

L’IREM de Strasbourg a aussi publié Les annales de didactique et des sciences cognitives (entièrement numérisées).