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Introduction du calcul littéral en début de cycle 4 à l’aide d’outils informatiques
Article mis en ligne le 10 juin 2024
dernière modification le 11 juin 2024

par Claire Pradel

Je vais vous présenter la façon dont j’aborde le calcul littéral en classe de 5e à l’aide de deux activités qui utilisent l’outil informatique, la première par l’usage du tableur et la seconde par l’utilisation de l’algorithmique.

L’idée m’est venue de changer ma façon de faire, car j’avais, par le passé, abordé le calcul littéral en considérant des longueurs qui variaient sur une figure géométrique, mais je n’étais pas convaincue par cette approche. En effet, comme les élèves n’avaient aucune maitrise des techniques de calcul littéral, l’expression obtenue devait être simple, non simplifiée même si cela était possible et l’usage de la lettre n’apportait aucune plus-value. Les élèves pouvaient tout aussi bien changer la valeur sur la figure et calculer. Il n’y avait pas de gain de temps par l’usage d’une lettre, et pas de nécessité. Ainsi, j’ai recherché une autre approche, avec d’autres apports, me dirigeant vers l’outil informatique.

Des ressources Eduscol d’accompagnement des programmes, intitulées Du numérique au littéral et datant de mars 2016 (lien ici) m’ont confortée dans cette idée.
En effet, on peut y lire, concernant la notion de variable : « La résolution de certains problèmes et l’utilisation d’un tableur sont particulièrement propices à un travail sur cet usage de la lettre ».

En premier lieu, je propose une activité sur tableur. L’idée est au départ de rappeler (ou de présenter) comment s’écrit une formule sous tableur. L’un des intérêts de cela est également précisé dans le document Eduscol susnommé dans les termes suivants :« L’utilisation d’un tableur est une autre occasion de donner du sens à la notion de variable dans la mesure où dans l’édition d’une formule, ce sont les adresses des cellules qui sont prises en compte et non leurs contenus du moment ».
La formule nécessitera ensuite d’être étirée dans le sens vertical. Ainsi, l’adresse de la cellule conservera dans tous les cas la même lettre, caractéristique de la colonne. Seul le nombre qui suit s’incrémentera, caractéristique de la ligne. On pourra exprimer aux élèves le parallèle avec une lettre, ici qui serait « B » (avec le tableur), ou plutôt « b » (en écriture plus mathématique), représentant une quantité utile.

J’ai choisi, comme contexte de cette l’activité, le Championnat de France de Ligue 1 de football, car je souhaitais pouvoir étirer une formule sur un grand nombre de cellules pour bien faire varier ma variable, pour montrer l’efficacité d’une formule plutôt que le calcul à la main et montrer la conservation de la lettre de l’adresse de la cellule. De plus, un quart des élèves de cette classe font partie d’une section scolaire football. LE contexte de l’activité est alors proche de leurs centres d’intérêt.

Durant la séance, il a fallu rappeler les bases concernant la création d’une formule sur tableur (signe = au début, * pour multiplier, adressage de la cellule). J’ai laissé les élèves taper plusieurs fois sur quelques lignes la formule, puis leur ai montré la possibilité de l’étirer.
Concernant la formule elle-même, j’ai donné la parole à un élève qui a expliqué comment on calcule les points obtenus par une équipe et ce que signifie le goal-average.

J’ai choisi de laisser les élèves recopier les données ci-dessous, ce qui a été assez rapide, puis leur ai demandé d’améliorer la mise en forme. L’usage efficace dans leur quotidien futur de l’informatique est une nécessité pour tous alors même que certains n’ont pas d’ordinateur chez eux, mais seulement téléphones et tablettes. C’est pourquoi je préfère les laisser créer intégralement leur travail sans leur fournir une base sous forme de fichier dans ce cas précis, ce qui est plus proche de ce qu’ils pourront être amenés à faire dans leur vie future. Par ailleurs, il est de notre devoir de faire travailler toutes les compétences informatiques aux élèves durant nos séances.

Ci-dessous, la base de travail à recopier avec des formules de calcul à inscrire dans les colonnes E et H.

L’activité s’est bien déroulée. J’ai noté une grande hétérogénéité de la maîtrise du tableur. Certains ont, au départ, tapé : « 12*3+4 » dans la cellule E2 puis continué ainsi dans les lignes en dessous. Une fois que d’autres camarades ou moi-même leur avons montré qu’une formule permettait de gagner un temps important grâce à un étirement instantané de la formule, les élèves ont compris l’intérêt des formules. De plus, j’ai ensuite montré qu’après une journée de plus de championnat, un ajout dans l’une des colonnes B, C ou D permettait d’obtenir instantanément le nouveau total de points, ce qui a fini de les convaincre. À la fin de l’activité, j’ai mis en avant la formule au tableau, transformant « 2*B2+C2 » ou « 2*B3+C3 » ou … en « $2 \times b+c $ ». Les variables étaient arrivées dans la classe, accompagnées de leur efficacité.

Dans un second temps, j’ai organisé une activité sous scratch. En effet, un programme permet de voir autrement la notion de variable, avec une dénomination de cette variable qui peut être un mot puis qui peut, par la suite, se réduire à une lettre afin de coller au plus près de ce qui sera effectif lors du retour à un travail mathématique.

L’utilisation de l’outil informatique présente plusieurs intérêts :

  • Possibilité de faire varier instantanément la valeur attribuée à la variable et d’en voir les effets de façon immédiate.
  • Aucune barrière n’est créée par le manque de connaissance en calcul littéral des élèves, l’élève voit l’utilité, sans crainte de difficulté. Il reste sur le sens et n’est pas bloqué par la technique, qui sera vue par la suite.
  • L’élève ressent de la curiosité, de l’intérêt sur le fait de comprendre le fonctionnement de l’ordinateur. Lui montrer ensuite qu’il est tout aussi capable que l’ordinateur lui est positif.

J’aurais pu choisir un classique programme de calcul, mais ce n’est pas le cas et je vais expliquer pourquoi. En effet, ces programmes de calcul nécessitent des connaissances techniques pour qu’elles aient un intérêt (programme en plusieurs étapes qui peut se résumer à une ou deux étapes après simplification des calculs par exemple). Je pratique ce type de travail à partir de la classe de 4e. Les activités de découverte que je présente ici n’ont pas vocation à faire travailler la technique de calcul, mais plutôt à montrer l’intérêt et même la nécessité de ces connaissances.
De plus, certains programmes de calcul posent problème pour la bonne compréhension et pourraient être source de blocage ultérieur si on les aborde trop tôt pour un élève.

En voici un exemple :

Ci-contre un programme de calcul qui pourrait être source de confusion, car la variable x change de valeur d’une ligne à l’autre alors que ce ne sera pas le cas dans les calculs mathématiques qui suivront.
Pour cette année de 5e et même en début de 4e, je favorise plutôt l’écriture ci-contre pour un programme de même fonction, avec la création de deux variables supplémentaires nommées « résultat 1 » et « résultat 2 » qui n’ont qu’une valeur qui leur est attribuée à chaque nouveau lancement du programme.

Lors de la séance en classe, je commence par lancer le programme ci-dessous en le montrant aux élèves à l’aide d’un vidéoprojecteur. Ce programme présente une librairie où la libraire propose des livres de poche et des mangas à la vente. Une petite saynète s’affiche où la libraire se déplace, questionne le client sur ses achats, puis elle donne le coût total et repart.

N’ayant à disposition que 15 postes informatiques, je fais travailler les élèves par binôme pour la plupart. Je dépose alors, pour chaque binôme, une photocopie couleur de la fiche reproduite ci-dessus, sous pochette plastique, fiche que je récupère en fin de séance afin de les réutiliser pour un autre groupe. Les élèves peuvent ainsi recopier certaines parties du programme, en utilisant les couleurs pour trouver les bonnes instructions. C’est la première fois qu’ils gèrent des variables sous scratch et ne peuvent pas tout trouver seuls. J’utilise souvent, sous scratch cette technique qui consiste à leur donner un programme écrit pour qu’ils le recopient en l’adaptant à la tâche qui leur est demandée.
Les variables ont alors des noms très concrets afin de permettre de les identifier rapidement. Oralement, je délimite un temps pour le choix du fond d’écran et du ou des lutins (quelques minutes) et demande de s’occuper en premier des variables et de la détermination du prix. Les élèves n’ont le droit de s’occuper des déplacements des lutins qu’une fois cette partie terminée et vérifiée par mes soins. Ces consignes ont pour but d’empêcher l’élève de passer à côté du thème principal de la séance (la compréhension et l’utilisation des variables en algorithmique). Ce n’est qu’ensuite qu’ils ont tout loisir d’autres créations.
C’est, pour eux, la découverte des variables sous scratch. La première difficulté est la création elle-même. Une aide pas à pas à l’aide du vidéoprojecteur est nécessaire pour la création de la 1re variable.

Une erreur fréquente (environ la moitié des binômes) est la création par la suite d’une variable « réponse ». En effet, « réponse » se situe dans la catégorie « Capteurs » des instructions scratch. Ce n’est pas une variable que le programmeur doit créer. C’est une façon d’indiquer au programme qu’il doit aller récupérer une information entrée au clavier. C’est ce que l’on nomme une « entrée » en langage de programmation. Cela marque néanmoins une compréhension plutôt satisfaisante de la notion de variable informatique. L’erreur est légitime. Seule la couleur (bleue et non orange) aurait pu permettre aux élèves d’éviter cette erreur.

Les élèves se sont très bien investis dans ce travail. La bonne gestion des variables a été la principale source d’erreur (utilisation d’une mauvaise variable, manque de perception de quelle variable correspond à quelle donnée malgré l’identification précise avec des mots). Ce dernier écueil montre que l’accès à une variable n’est pas simple pour l’élève alors qu’il nous parait si évident. Et c’est là, le point clé que souhaite faire travailler cette activité : une variable représente une donnée, garde sa valeur une fois que cette valeur lui est affectée. Cette activité a donc pour objectif secondaire d’avoir un accès facilité au type d’exercice du genre « calculer la valeur de $2a+3b+a \times b$ quand $a=5$ et $b=1,1$ ».

Durant la séance, certains élèves ont juste eu le temps de créer leur lutin vendeur et d’assurer la vente alors que d’autres ont pu faire se déplacer un ou plusieurs lutins interagissant entre eux. J’ai apporté une aide plus importante aux élèves qui rencontraient des difficultés avec les variables, leur conseillant parfois de commencer par la vente d’un seul article. Le fait que les élèves soient en binôme a permis d’éviter des blocages trop importants, l’un des deux élèves étant généralement plus à l’aise que l’autre. Ceci et mon aide individuelle ont permis que tous parviennent à un programme de calcul de prix qui fonctionne. Voici des exemples de créations d’élèves :

  • Programme où l’objectif de gestion des variables est atteint.
  • Voici un programme qui m’a posé problème, car il présente une mauvaise dénomination des variables (le nombre de pains devient un prix) alors que ce programme fonctionne dans la mesure où le résultat donné est bien celui attendu. N’ayant pas repéré cela lors de la séance, il m’a fallu dialoguer par la suite avec les élèves de ce binôme afin de vérifier la bonne compréhension. Il s’est avéré que les élèves avaient juste cherché à « gagner du temps ». La notion m’a semblé acquise.
  • Programmes où les élèves sont parvenus, en plus, à gérer des déplacements de lutins.
  • Programme avec des interactions entre lutins.
  • Programme avec un déplacement de lutin dans la profondeur.
  • Et enfin, une partie du programme d’un élève qui a choisi de ne vendre qu’un objet, mais en distinguant les cas selon le nombre d’objets achetés.

La création de telle saynète est le premier travail que je demande aux élèves (en classe de 6e). Ils ont pu réinvestir ces notions lors de ce travail sur les variables.

Suite à ce travail, j’ai pu noter un attrait des élèves pour les variables. Le rejet que j’avais pu voir d’autres fois avec des questions ou réflexions du type « à quoi ça sert dans la vie quotidienne ? », « je n’y comprends rien » n’a pas été d’actualité lors des séances suivantes plus mathématiques et techniques même si des difficultés sont bien évidemment apparues.

Cela fait 3 ans que je pratique ces activités que je trouve bénéfiques.