La médaille Fields est la plus prestigieuse récompense en mathématiques ; pour la première fois en 2006, un mathématicien, spécialiste de la théorie des probabilités, Wendelin Werner a reçu cette récompense. Depuis quelques années, l’enseignement des probabilités au lycée a été généralisé à toutes les classes de première. Enfin, les nouveaux programmes de troisième incluent une première approche des probabilités : « c’est pour permettre au citoyen d’aborder l’incertitude et le hasard dans une perspective rationnelle que sont introduits les premiers éléments relatifs à la notion de probabilité » (B0 n°6, 19 avril 2007), et, plus loin, « la notion de probabilité est abordée à partir de situations familières (pièces de monnaie, dés, roues de loteries, urnes ). »
Toutes ces raisons, mais aussi nos convictions d’enseignants et les expériences faites dans le cadre de l’école, mais aussi hors du cadre scolaire nous ont montré à la fois l’intérêt et la difficulté à aborder la notion de probabilité avec des élèves. L@ feuille à problèmes, publication en ligne de l’IREM de Lyon ne pouvait être en dehors de ce mouvement. C’est pourquoi le numéro 11 de cette publication a été entièrement consacré à ce thème. L’objectif de ce numéro, comme l’a écrit Pierre Crépel dans l’éditorial était : « Etre utile et agréable, ne pas cacher les doutes et objections qu’on peut soulever à propos des probabilités, fournir quelques moyens modestes mais pertinents de les surmonter, et en plus de tout cela se faire comprendre et émanciper l’élève. Le défi est relevé . »
La feuille à problème était une publication papier de l’IREM de Lyon et, de 1981 à 1996, soixante quatre numéros de la Feuille à Problèmes sont parus. Lors de l’arrêt de la publication en 1996, un ultime numéro (numéro double 63-64) est paru, florilège de 201 problèmes parus au fil des années. Ces problèmes présentés « dans leur jus » allient souvent une extrême concision avec une recherche qui le sera beaucoup moins (Problème 64 : Etudier l’ombre d’un losange..).
L@ feuille à problème en ligne est née de ses cendres en 2005 et se veut un lien entre enseignants de mathématiques pour chercher et faire chercher des problèmes à leurs élèves, échanger des idées, communiquer des expériences ; on retrouve dans tous les numéros deux grandes rubriques :
- « dans nos classes » qui présente des comptes rendus d’expériences et des énoncés de problèmes souvent illustrés en utilisant des animations logicielles.
- « Remue-méninges » qui part de l’hypothèse que faire chercher des problèmes à ses élèves nécessite d’en chercher soi-même ! Des énoncés sont donc présents, avec, de numéro en numéro des éléments de solutions.
Le numéro 11 deL@ feuille à problèmes s’ouvre sur un éditorial de Pierre Crépel, professeur émérite à l’Université Lyon 1 et spécialiste de l’histoire de mathématiques et en particulier des probabilités.
Dans nos classes
Le compte rendu d’expérience montre comment un problème historique peut être adapté à la présentation de notions clefs de statistique et à faire sentir la nécessité d’une formalisation probabiliste dès la classe de seconde. Elle s’appuie sur la situation connue sous le nom des « urnes de Polya », en référence à l’article de 1930 de G. Polya, « Sur quelques points de la théorie des probabilités » (Polya, G. Sur quelques points de la théorie des probabilités. Annales de l’institut Henri Poincaré , 1 no. 2 (1930), p. 117-161) et qui est disponible en ligne.
Les énoncés :
- Lancer de deux dés +
- Lancer de deux dés -
- Le jeu de croix et pile
- Trois histoires de paris.
- Le premier problème du chevalier de Méré
- Le deuxième problème du chevalier de Méré
- Jouer jusqu’au bout
- Trouver le louis d’or (le problème de Monty Hall)
Lancer de deux dés +
Présenté comme une course, l’objectif de ce problème est de faire apparaître le concept d’événement élémentaire et la notion d’équiprobabilité.
On lance deux dés. On calcule la somme des deux nombres visibles. On trouve évidemment un résultat entre 2 et 12.. On continue de lancer les dés jusqu’à ce qu’un des résultats soit apparu 20 fois.
Sur quel résultat allez-vous parier ?
La page suivante permet de simuler en ligne une course, puis de cumuler les résultats des courses ; utilisé en seconde, il est possible d’illustrer avec ces expériences répétées la fluctuation d’échantillonnage et de faire apparaître la « convergence » des fréquences. Un scénario possible pour la classe complète la présentation de ce problème qui se prolonge par le problème de la somme de trois dés, connu sous le nom du problème du duc de Toscane du fait du courrier que ce dernier envoya à Galilée pour lui poser la question :
Comment se fait-il que le total de 10 apparaisse plus souvent que le total de 9, alors qu’il y a exactement le même nombre de façons différentes d’écrire ces deux nombres comme sommes de trois termes compris entre 1 et 6 ?
Lancer de deux dés -
Cette fois-ci, le pari porte sur la différence des deux nombres visibles dans un jet de deux dés ; le simulateur en ligne permet de se faire une idée, la formalisation du hasard permettra de se convaincre du résultat.
Le jeu de croix et pile
Il s’agit d’un problème historique qui a été l’occasion d’un article dans l’encyclopédie de Diderot et D’Alembert qui propose un raisonnement faux, intéressant à proposer à la sagacité des élèves :
CROIX OU PILE, (analyse des hasards) Ce jeu qui est très-connu, et qui n’a pas besoin de définition, nous fournira les réflexions suivantes. On demande combien il y a à parier qu’on amènera croix en jouant deux coups consécutifs. La réponse qu’on trouve dans tous les auteurs, et suivant les principes ordinaires, est celle-ci. Il y a quatre combinaisons,
 De ces quatre combinaisons une seule fait perdre & trois font gagner ; il y a donc 3 contre 1 à parier en faveur du joueur qui jette la pièce. S’il parioit en trois coups, on trouveroit huit combinaisons dont une seule fait perdre, & sept font gagner ; ainsi il y auroit 7 contre 1 à parier. Voyez COMBINAISON & AVANTAGE. Cependant cela est-il bien exact ? Car pour ne prendre ici que le cas de deux coups, ne faut-il pas réduire à une les deux combinaisons qui donnent croix au premier coup ? Car dès qu’une fois croix est venu, le jeu est fini, & le second coup est compté pour rien. Ainsi il n’y a proprement que trois combinaisons de possibles :
- Croix, premier coup.
- Pile, Croix, premier & second coup.
- Pile, pile, premier & second coup.
Donc il n’y a que 2 contre 1 à parier. De même dans le cas de trois coups, on trouvera.
- Croix.
- Pile, croix.
- Pile, pile, croix.
- Pile, pile, pile.
Donc il n’y a que 3 contre 1 à parier : ceci est digne, ce me semble de l’attention des Calculateurs, & iroit à réformer bien des règles unanimement reçues sur les jeux de hasard.
Histoire de paris
Trois problèmes historiques sont présentés ici, connus sous le nom du chevalier de Méré qui s’entretint avec Pascal et Roberval sur d’apparents paradoxes ce qui permit l’apparition d’une première formalisation des lois du hasard
Trouver le Louis d’or
Connu aussi sous le nom du problème de Monty Hall ou du paradoxe du prisonnier, ce problème montre bien la difficulté à se laisser guider par son intuition et la nécessité d’une formalisation précise pour lever les ambigüités apparentes.
Trois jetons sont posés sur une table, au dos d’un des jetons est collé un louis d’or. Le but du jeu et de déterminer lequel.
Le meneur de jeu vous présente les trois jetons.
La première étape consiste à choisir un des jetons. Le meneur de jeu retourne alors un des deux autres, mais bien sûr pas le gagnant (s’il a un choix à faire, il le joue à pile ou face).
Garderez-vous votre choix initial ou non ?
La possibilité de tester en ligne est ici intéressante pour mettre en défaut une première idée fausse qui consisterait à dire que donner une indication après le choix d’une place parmi trois ne modifie pas la probabilité.
Remue-méninges
Enfin, la partie Remue-méninges de cette feuille propose
- une application des probabilités dans le domaine de l’arithmétique en donnant un exemple de test probabiliste de primalité,
- deux problèmes à chercher dont l’un est historiquement connu sous le nom de paradoxe de Bertrand et l’autre est en lien avec le premier problème pour la classe :
Est-il possible de truquer deux dés de telle sorte que les onze résultats possibles pour la somme soient équiprobables ?
Bonne lecture, bonne recherche !