Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Les TIC dans l’enseignement des mathématiques
Article mis en ligne le 30 mars 2008
dernière modification le 27 mars 2008

par Jacques Moisan

Les fonctions de l’enseignement des mathématiques

L’enseignement des mathématiques fait partie des enseignements fondamentaux et l’on peut lui voir trois fonctions fondamentales :

  • Donner à tous les individus la culture mathématique 1 nécessaire au citoyen : comprendre les données numériques, savoir les traiter, les interpréter, les présenter, maîtriser les figures géométriques de base, être capable de mesurer, de reproduire, de coder.
  • Former l’esprit des jeunes à la rigueur intellectuelle, au raisonnement logique, à l’argumentation.
  • Préparer des poursuites d’études scientifiques ou moins scientifiques, dans lesquelles la place des mathématiques est importante, voire essentielle.

Dans ces trois domaines, l’apport des TIC 2 est aujourd’hui indispensable.

  • Lorsque dans son milieu professionnel ou dans sa vie familiale, le citoyen est confronté à des données chiffrées, géométriques ou graphiques, c’est la plupart du temps par le biais d’un logiciel et souvent sur un écran. Il est indispensable que les jeunes – pour lesquels l’usage d’un clavier et la consultation d’un écran sont naturels – reçoivent une culture mathématique intégrant ces outils.
  • Nous développerons longuement dans le paragraphe suivant l’apport des TIC dans la formation de l’esprit, en particulier dans la résolution de problèmes.
  • Les professionnels – de quelque niveau que ce soit, techniciens, ingénieurs, chercheurs – utilisateurs de mathématiques les utilisent et les pratiquent grâce à des logiciels généraux (tableur, grapheur, logiciel de dessin ou de calcul) ou spécialisés. Les professionnels des mathématiques eux-mêmes, dans la plupart des cas, ont recours à des logiciels de programmation, de modélisation ou de calcul. Bref, la pratique et l’utilisation professionnelles des mathématiques ne se conçoivent plus sans l’utilisation d’outils logiciels, souvent très élaborés et puissants.

On peut prendre l’exemple simple et compréhensible par tous du calcul. L’essentiel actuellement n’est pas le calcul « posé », même s’il reste un « épisode » essentiel dans la succession des apprentissages dans le domaine du calcul (pour la formation). L’essentiel est la maîtrise du calcul mental et de l’usage raisonné d’une calculatrice accompagné de procédures de contrôle. Si le calcul lui-même est fait (et bien fait) par une machine, la tâche de l’homme est dans le contrôle intelligent de son travail. Cela demande la construction d’autres compétences que les compétences traditionnelles.

La formation de l’esprit et la résolution de problèmes

« Les mathématiques aident à penser avec rigueur ; elles fournissent des outils pour agir, pour choisir, pour décider dans la vie courante. L’acte de poser et de résoudre des problèmes doit être au cœur des apprentissages, à la fois comme but de l’acquisition des connaissances et comme moyen permettant cette acquisition. » 3
La résolution de problèmes par les élèves, dans l’intégralité de la démarche :

  • rechercher, analyser, trier et organiser l’information ;
  • observer, conjecturer, contrôler, critiquer ;
  • raisonner, argumenter, mettre au point une démarche logique ;
  • communiquer ;

est l’objectif de la formation des élèves en mathématiques.
Dans cette démarche, l’utilisation des TIC permet d’élargir le champ des problèmes, de traiter des problèmes proches de la réalité scientifique, d’abréger les phases purement techniques souvent fastidieuses et d’aller ainsi à l’essentiel : le raisonnement, le contrôle, la mise en forme.
Bien entendu, il est parfaitement possible de donner aux élèves de véritables activités de recherche n’impliquant pas l’utilisation des TIC, mais je pense que cette utilisation est un apport qui facilite l’engagement des élèves et permet de varier les activités et de raccourcir leur durée. Les actes de l’université d’été 2007 de Saint-Flour « Expérimentation et démarche d’investigation en mathématiques » donnent des éléments intéressants dans ce domaine.

Les apports didactiques et pédagogiques de l’outil informatique

Il n’est ni dans mes compétences, ni dans mon rôle, d’avancer des preuves. Je ne peux m’appuyer que sur mon expérience de terrain, celle de celui qui va dans les classes – dans toutes les classes de collège et lycée – et qui, surtout, échange professionnellement avec ceux qui y vont.
Plus personne ne conteste, je crois, l’intérêt de l’utilisation raisonnée et ponctuelle en classe d’un ordinateur connecté à un vidéoprojecteur. D’ailleurs, lorsqu’un professeur ne l’utilise pas, les raisons données sont toujours techniques : complexité de la réservation, de la mise en place, de la préparation ou de la mise en route, absence de formation.
Pour ce qui concerne les séances de travaux pratiques de mathématiques en salle informatique, l’objection la plus fréquemment avancée par les enseignants non pratiquants est la perte de temps, car ils considèrent a priori ces séances de travaux pratiques comme des activités ludiques ou, en tous cas, non essentielles. Pourtant, je peux témoigner ici que nous voyons beaucoup plus de temps perdu dans les classes elles-mêmes (je veux dire de périodes dans le cours pendant lesquelles une majorité d’élèves n’ont aucune activité mathématique) que dans les salles informatiques : mais il est vrai que les enseignants qui prennent le « risque » d’inviter un inspecteur dans une séance de travaux pratiques maîtrisent en général la conduite de la séance.
Par mes discussions avec ces professeurs, mais aussi avec des didacticiens, je suis convaincu qu’une séance de travaux pratiques bien conduite peut être plus efficace en termes d’apprentissages qu’une séance de cours ou de travaux dirigés de même durée. Pour cela, bien sûr, il est indispensable que les objectifs de formation aient été bien identifiés et que la séance ait été préparée en fonction des dits objectifs. Il est indispensable aussi que – comme pour une séance en classe – les périodes de mise en commun, les traces écrites et les prolongements de la séance aient été prévus.
Enfin, last but not least, une séance de travaux pratiques de mathématiques en salle informatique bien conçue et bien conduite est attractive pour les élèves. À l’heure où notre discipline est attaquée et considérée par beaucoup comme rébarbative et coupée de la vie, cette attractivité n’est pas à négliger, pour peu qu’elle s’accompagne d’une meilleure efficacité – et je suis persuadé que cela ira avec.

Et l’évaluation ?

Il m’est difficile de terminer ce propos sans l’évoquer. Nous savons tous que dans notre pays l’évaluation pilote en grande partie les apprentissages. Nos épreuves traditionnelles écrites nationales et anonymes ne sont évidemment pas les plus propices à l’évaluation des compétences construites chez les élèves dans l’utilisation des TIC en mathématiques. En particulier, les questions « tableur-papier » qui apparaissent dans les sujets des séries L et STG ne sont que des pis-aller.

La solution la plus satisfaisante est celle d’épreuves de contrôle en cours de formation (CCF), comme celles qui se pratiquent en CAP, bac pro ou BTS : ce sont des épreuves cadrées (contrairement au contrôle continu) mais qui se passent dans l’établissement. À ma connaissance, ces épreuves sont satisfaisantes et ne créent aucun problème dans la voie professionnelle. Je souhaite pour ma part, pour l’évaluation des compétences liées à l’utilisation des TIC en mathématiques, que de telles épreuves puissent être mises en place dans tous les baccalauréats et au brevet.

Le projet d’épreuve pratique au bac S, actuellement en expérimentation, relève du CCF, mais le cadrage national est fort (avec une banque nationale de sujets) sur le modèle des épreuves d’évaluation des capacités expérimentales en sciences physiques et en SVT. Rien n’interdit par la suite d’envisager des modalités plus souples, avec une latitude plus grande laissée aux équipes d’établissement : l’avenir – et en particulier l’évolution des épreuves de DNB et de baccalauréat – le permettra peut-être !

Paris, le 16 février 2008,
Jacques Moisan


1 Au sens de l’OCDE, c’est : « l’aptitude d’un individu à identifier et comprendre le rôle des mathématiques dans le monde, à porter des jugements fondés à leur propos et à s’engager dans des activités mathématiques en fonction des exigences de la vie, en tant que citoyen constructif, impliqué et réfléchi ».Page 25, in « L’évaluation internationale PISA 2003 : compétences des élèves français en mathématiques, compréhension de l’écrit et sciences »
2 En mathématiques, l’usage des technologies d’information et de communication (TIC) recouvre à la fois l’utilisation de logiciels et de calculatrices scientifiques.
3 in « Pour la réussite de tous les élèves », rapport de la commission du débat national sur l’avenir de l’école, présidée par Claude Thélot.