Arnaud Durand répond aux questions de Patrick Raffinat à propos de son site Mathix, plébiscité par les élèves
par Arnaud Durand, Patrick Raffinat
Arnaud Durand, professeur de collège, répond à une interview de MathémaTICE réalisée par Patrick Raffinat. Les images figurant dans l’article sont cliquables, à commencer par celle ci-dessous qui renvoie vers son site Mathix.
Bravo pour ton site Mathix, qui propose de nombreuses ressources pour le collège, les plus connues étant les vidéos des « problèmes DUDU »…
C’est probable car, dès la 4ième année de ce projet démarré il y a 9 ans avec mon frère Julien, elles ont été intégrées dans des manuels scolaires BORDAS [1]. Et, autre très belle surprise, nous avons aussi reçu un prix au forum des enseignants innovants !
C’était d’autant plus inattendu qu’au départ nous voulions nous amuser à faire un projet pour nos élèves, et faire évoluer nos pratiques pédagogiques à partir de situations de la vie quotidienne. Et nous sommes aperçus que nous touchions les élèves dès la première vidéo...
Ce projet a vraiment permis de nous faire connaître et, ensuite, de partager les autres ressources que nous mettons à disposition sur Mathix.
Quelles étaient tes motivations à l’origine des « problèmes DUDU », et comment les utilises-tu avec tes élèves ?
Un « problème DUDU » est utilisé sur plusieurs séances pour des travaux de groupe (généralement 3 ou 4 semaines). Chaque vidéo illustre une situation de vie quotidienne dans laquelle les mathématiques sont partie prenante (voir article). L’idée était aussi de montrer que des solutions exactes n’existent pas dans la vie réelle, mais que cela ne nous empêche pas de faire des mathématiques pour autant.
Durant ces 9 années, nous avons étoffé le panel, et toutes les notions du cycle 3 et du cycle 4 sont désormais traitées. Au début, comme nous ne couvrions que le cycle 3 avec les problèmes DUDU, j’ai fait un plus petit projet avec mes collègues du collège de Loué, nommé MATHALOUÉ, où là les notions sont pour les élèves de 6ième. Ça a permis à mes collègues de partager une manière de faire, mais cet autre projet n’a duré que 2 ans car il devenait très chronophage. Toutefois, mes collègues ont pu constater que le rapport à la tâche mathématique est différent une fois qu’elle est en vidéo, car les élèves sont plongés dedans et sont volontaires !
Pour les « problèmes DUDU », il y a non seulement des vidéos, mais aussi des BD ! Qu’as-tu à dire aux lecteurs à ce sujet ?
Un collègue, Olivier LONGUET, m’a proposé en 2014 une planche s’intitulant « les DUDU cuisinent », car il adorait ce qu’on faisait et ça l’avait inspiré. Quelle reconnaissance de savoir que son travail inspire ! Au culot, je lui ai proposé des scénarios, lui également et il les a mis sur papier : résultat, nous avons 9 BD exploitables au cycle 4.
Ces BD, je m’en sers en travaux de groupes, comme avec les vidéos. J’en offre 2 par groupe et les élèves décortiquent l’histoire comme ils décortiqueraient la vidéo : le fonctionnement est identique, mais le changement de support permet de rebooster la motivation en variant l’approche.
J’adore le travail qu’a fait Olivier car il a su garder l’esprit que nous avons mis dans nos vidéos, l’humour est excellent dans ces BD.
Puisque tu aimes les BD et l’humour, je vais volontiers en tenir compte pour formuler mes prochaines questions. Y a-t-il eu dès le départ l’adhésion des parents et de ta hiérarchie pour les DUDU, ou vous est-on au contraire tombé dessus « Abraracourcix » parce que toi et ton frère ne seriez pas assez sérieux pour être profs de maths ?
L’adhésion des parents et des élèves a été totale, parfois juste quelques parents ont indiqué que leur enfant s’investissait trop que cela portait préjudice à leur weekend … sauf que nous ne donnions aucune obligation de rapidité de résolution ! L’enfant était simplement conquis, et quoi de mieux ?
Les élèves de la première année des « problèmes DUDU » ont au début été un peu déstabilisés, car ils n’avaient pas l’habitude de nous voir comme cela. Ensuite, nous n’avons jamais eu aucun souci et, au contraire, les vidéos ont été vecteurs d’une grande implication.
Comme nous réclamons un rendu sous forme d’affiche, maquette Powerpoint … où le côté artistique est mis en valeur, chaque membre du groupe d’élèves trouve sa place en fonction de ses appétences.
Bref, ces 3 projets ont pour but de faire naître le travail de groupe et l’autonomie des élèves car, dans ces problèmes, toutes les données (par exemple la longueur des lignes blanches sur la route) n’y sont pas : il faut donc faire la démarche de les chercher ailleurs, notamment sur internet, pour trouver la solution.
Tu ne cultives pas toujours le même « Goudurix » dans ton approche pédagogique, en témoigne par exemple ta rubrique « cours-livret » plus classique…
Plus classique effectivement, mais toujours pour améliorer l’autonomie des élèves : le faire dans le cadre de la résolution de problèmes n’étant pas suffisant, nous avons donc cherché à étendre le concept d’autonomie à l’ensemble du parcours de l’élève.
Donc, chaque début d’année scolaire, nous donnons aux élèves un « livret de connaissances » : c’est l’ensemble des connaissances qu’il devront savoir à la fin de l’année.
Un petit livret, certes, mais plutôt indigeste tant il y a de choses dedans. C’est un support ressource, que nous donnons aux élèves pour qu’ils piochent dedans quand ils bloquent, pour qu’ils « osent aller chercher ». Cette forme « indigeste » doit provoquer la nécessité auprès des élèves de faire une fiche ou une carte mentale, si bien qu’ils conçoivent eux-mêmes leur trace écrite de cours.
Alors, pour les guider, je mets à disposition une entête de chapitre avec les références au livret, les objectifs du chapitre et un QR-Code qui pointe vers un site reprenant le cours du livret avec des vidéos d’explications.
Quelles sont les autres rubriques de Mathix visant à rendre les élèves autonomes ?
Nous avons voulu rendre les élèves autonomes dans leurs révisions, ce qui nous a conduit à nous lancer dans la conception d’exerciseurs. J’inclue leurs références dans les entêtes de chapitres, pour que les élèves puissent retravailler les notions qui y sont étudiées. Et je les fais toujours aller en salle informatique pour qu’ils goûtent aux exerciseurs.
Je citerai en particulier les exerciseurs suivants : équations, repérage sur un plan ou en général, « permis rapporteur ». Les élèves les adorent, d’autres exerciseurs sont moins appréciés car « moins jolis », mais restent efficaces. La conception d’un exerciseur reste fastidieuse, surtout que je suis complètement autodidacte.
Autre exemple, avec le confinement récemment, les parents ont voulu plus de ressources pour aider leurs enfants chez eux pendant les vacances. J’ai donc conçu des cahiers de vacances pour les 4 années du collège, avec un QR-Code pointant vers le cours numérique pour chaque chapitre. On retrouve de l’autonomie encore, l’élève peut s’entraîner sur des exercices de révisions.
Enfin, j’ai entamé depuis 2 ans un fonctionnement en classe inversée pour quelques notions, en m’appuyant sur toutes les ressources que j’avais déjà créées (exercices en vidéo, vidéos de cours...). J’ai donc commencé des séquences entières en « Plan de Travail » afin que les élèves soient autonomes en classe (non tributaires de l’enseignant) et coopératifs entre eux. C’est épuisant à concevoir mais, franchement, le retour est très positif.
Voilà l’axe de recherche sur l’autonomie tel que nous l’avons exploité. Ça a été le vecteur principal de Mathix.
Comme tu proposes plein d’autres rubriques dans Mathix, je t’invite à en donner une vision plus « Panoramix ». Par quoi veux-tu commencer ?
Il y a par exemple la série « le saviez-vous ? », où j’explique des petites anecdotes mathématiques, anecdotes que je mettais il fût un temps en fin d’évaluation.
J’ai aussi créé des affiches pour décorer la salle, une grande série sur les mathématiciens et une autre sur les erreurs les plus courantes en maths. Ces affiches connaissent un certain succès auprès des élèves dans les couloirs.
Et puis, parlons aussi un peu des nombreuses autres vidéos...
Je propose souvent des « Problèmes ouverts » basés sur des émissions télés, où des erreurs apparaissent et il faut les débusquer (voir lien). En activité mentale c’est excellent et ça permet aux élèves de changer de posture sur la télé, il faut avoir un regard actif et non passif sur les chiffres donnés !
De manière générale les vidéos sont toutes là : https://mathix.org/galerie_videos (pensez ensuite à cliquer sur « recherche par catégorie »).
Le dernier projet que j’ai conçu avec Julien est « La preuve par Du² ». Nous avons remis au goût du jour les démonstrations des propriétés vues au collège, afin que les élèves sachent qu’elles ne viennent pas par hasard. Nous avons voulu les rendre dynamiques et drôles, ça a suffi en tout cas pour qu’elles soient aussi diffusées chez un éditeur. Nous avons un très bon retour sur cette série, qui d’ailleurs va aussi être utilisée dans certains INSPE.
Il y a également une web-série collaborative sur l’égalité de « Pythou », que j’ai avant tout remarquée car tu fais participer plusieurs collègues que je viens d’interviewer … et d’autres que MathémaTICE va peut-être contacter !
J’en ai eu l’idée récemment, je voulais que des professeurs exposent leur démonstration de ce théorème. Au début je m’étais fixé comme objectif 8 personnes, puis j’ai eu une très belle surprise quand je me suis rendu compte de l’attrait que cela a suscité : 22 collègues ont répondu présents, donc 22 épisodes sont prévus jusqu’à mi août !
C’est une super réussite, sachant que l’IREM s’est greffé sur le projet pour livrer des documents numériques d’accompagnement pour les élèves.
D’ailleurs, ce dernier projet résume vraiment l’approche que j’ai de l’éducation, la coopération et le partage et franchement, quand les gens ont la même optique, ça crée de belles choses.
C’est une très belle approche … et aussi une excellente conclusion pour cette interview ! A propos de coopération et de partage, pourrais-tu terminer en nous parlant de la rubrique « ressources partagées » ?
Cette rubrique est née il y a 2-3 ans. Suite à une demande d’aide de Claire Lommé pour partager ses fichiers, je lui ai proposé un espace de partage que j’ai ensuite ouvert à tous (voir lien). Chacun est libre d’y venir piocher des ressources et d’en proposer, mais il faut qu’elles soient libres de droit.