Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Arbres syntaxiques en algèbre

Récit d’une expérience menée en accompagnement personnalisé avec le logiciel Scratch

Cf. l’appel à contributions n° 2

Article mis en ligne le 7 juin 2011
dernière modification le 8 octobre 2018

par Alain Busser

À la question « combien fait 5+2*3 ? » plusieurs élèves de Seconde (oui, de Seconde !) répondent « 21 » parce qu’ils voient un produit (tout simplement parce qu’ils lisent de gauche à droite) au lieu d’une somme (pour voir une somme, il faut une connaissance des règles de priorité opératoire suffisante pour « formater » la vision dans le cerveau). En effet la psychologie de la forme nous montre que le cerveau humain est tout-à-fait capable d’apprendre à voir des parenthèses qui n’existent pas.

Pour y remédier, on peut essayer, comme cela avait été fait il y a quelques années avec le logiciel Aplusix (logiciel monoplateforme et propriétaire), de représenter l’expression par un arbre syntaxique.

La séance d’accompagnement « personnalisé » a commencé par une question :

Comment trouver l’image de 1,4 par la fonction $x \mapsto \frac{2x-1}{5x+3}$ avec le logiciel Scratch (langage) ?

En effet, les calculatrices [1], même graphiques, et les logiciels ont ceci de commun qu’ils manipulent des expressions en ligne.

Le programme a été construit dans la « scène » de Scratch et non dans un lutin comme il est de coutume avec ce logiciel. Après avoir créé deux variables x et y et mis x en mode « potentiomètre » j’ai alors poussé une instance de x sur le plan de travail (au vidéoprojecteur) :

puis demandé « que dois-je faire ensuite ? » La plupart des élèves ont trouvé logique de commencer par la multiplication, en l’occurence de 2 par x, qui se construit en poussant le symbole de multiplication sur l’établi et en y plaçant le 2 (au clavier) et le x (à la souris) :

À ce stade, il est clair que les élèves regardent le numérateur, se réservant le dénominateur pour la suite (ce qui explique leur tendance à écrire les traits de fraction trop bas). Ils me demandent alors d’introduire la soustraction (soustraire 1) :

puis de faire de même pour le dénominateur :

Il ne reste alors plus qu’à assembler la fonction homographique avec les pièces qui traînent sur l’établi :

Pour afficher l’image de 1,4

on peut affecter x avec 1,4 et y avec l’expression précédemment créée :

Pour peu que ces affectations soient déclenchées comme ci-dessus par un clic sur le drapeau, on a l’affichage voulu. Mais bien que x soit en mode « potentiomètre », la modification de sa valeur ne modifie pas celle de y.

Les meilleurs élèves (en algorithmique du moins) ont alors proposé la modification suivante :

qui, à chaque clic sur le drapeau, affiche l’image de x par la fonction.

Bien que l’expression ait été créée comme un arbre, elle est bel et bien affichée en ligne : Si on la regarde comme des rectangles arrondis imbriqués (mais sans le rectangle extérieur) :

ce qui reste après avoir gommé les traits horizontaux :

Plusieurs élèves ont vu ces parenthèses dans le bloc Scratch, dont un avant que j’aie eu le temps de le signaler...

Il y a un arbre dans cette expression

La même expression, telle qu’elle a été construite dans Scratch, a été construite comme un arbre, ainsi que le curseur ci-dessus le montre (en déroulant l’arbre) :

<carmetal|doc=2875|largeur=538|hauteur=377>

Le parcours infixe de l’arbre

donne exactement l’expression en ligne, alors que le parcours préfixe

donne la phrase telle que j’ai l’habitude de la lire :

« Le quotient dont le numérateur est la différence du produit de 2 par x et de 1, et dont le dénominateur est la somme du produit de 5 par x et de 3 ».

Le parcours préfixe d’un arbre syntaxique permet d’éviter les parenthèses grâce à la notation polonaise qui ici donne [2]

/-*2x1+*5x3

Cette concision [3] rend l’expression compliquée à lire, ce qui a eu le mérite de réconcilier les élèves avec les parenthèses ! Et a permis un intéressant débat sur l’ambigüité de l’écriture polonaise : Un des élèves a remarqué (toujours spontanément) que le signe « moins » pose problème parce qu’il désigne à la fois une opération unaire et une opération binaire !

Bien entendu, les arbres syntaxiques (que certains élèves se rappelaient avoir déjà vus en Français) ne peuvent aider les élèves à voir des expressions que s’ils pratiquent un peu les arbres. Ce qui m’a amené à terminer la séance par quelques exercices

  1. de passage de l’expression à l’arbre
  2. de passage de l’arbre à l’expression (plus facile apparemment)

La feuille d’exercices est téléchargeable au format pdf en bas de l’article.

Le cas des sommes de trois termes a permis de montrer qu’une même expression peut correspondre à plusieurs arbres syntaxiques différents. Comme en plus, le développement de l’expression permet de montrer qu’une même fonction peut être définie par plusieurs expressions, le domaine est particulièrement riche (d’une richesse arborescente d’ailleurs !) !

En conclusion, explorer l’influence de l’apprentissage sur la perception et l’aide que celle-ci peut apporter en algèbre, donne à cet accompagnement personnalisé un succès qui fait regretter de ne pas avoir fait la séance plus tôt dans l’année !