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Et si on prenait de la hauteur pour faire des maths ?
Le projet googlem@ths

Le projet googlem@ths consiste en une série de problèmes (tâches complexes) dont l’élément déclencheur est une vue aérienne tirée de Google Maps.

Article mis en ligne le 3 février 2022
dernière modification le 2 mai 2022

par Jean-Yves Labouche

Le projet googlem@ths consiste en une série de problèmes (tâches complexes) dont l’élément déclencheur est une vue aérienne tirée de Google Maps. Ces problèmes ont tous une structure similaire et se veulent ancrés dans le réel. Je vais vous les présenter et vous expliquer ma démarche.

De la semaine des maths au projet googlem@ths

C’est à l’automne dernier, en préparant un exerciseur pour l’association M@ths en-vie sur le calcul de vitesses moyennes à partir d’itinéraires donnés par Google Maps, que l’idée d’une utilisation plus conséquente de cet outil pour créer des activités mathématiques a commencé à germer dans mon esprit. Les vues aériennes de certains monuments ou de certaines localités pourraient être des supports de travail intéressants et pertinents. Les possibilités de travaux sur les formes géométriques, les échelles et la proportionnalité ou les calculs d’aires sont évidentes.

Sur Google Maps, l’échelle est donnée (ici, en bas à droite de l’image) par un segment et l’indication de sa longueur réelle. Calculer une longueur réelle sur l’image relève donc d’un calcul de proportionnalité.

Un peu plus tard, Christophe Gilger (co-concepteur de l’association M@ths en-vie, entre autres) m’a demandé si j’étais intéressé par la production d’activités pour la semaine des mathématiques. J’ai accepté et c’est là le véritable point de départ du projet googlem@ths. J’ai passé énormément de temps à explorer Google Maps à la recherche de constructions, de parcs, de places, de fontaines qui pourraient évoquer une situation mathématique. Et ce n’est pas forcément évident si l’on ne souhaite pas se cantonner à un calcul d’aire ou de longueur.

Car, en effet, je recherchais des problèmes qui utiliseraient une vue aérienne d’un site remarquable comme point de départ. Mais je voulais, une fois le caractère géométrique ou dimensionnel acquis, que celui-ci serve à son tour de donnée pour la résolution d’un problème plus complexe ou plus complet et surtout plus utile et concret. On peut calculer l’aire du stade de France, d’un bassin du jardin de Versailles, d’un rond-point ou d’une fontaine… mais pour quoi faire ? Car c’est bien la question que nous entendons tous dans nos classes, « les maths, à quoi ça sert ? », et à laquelle il est important de pouvoir répondre en ces périodes de désaffection pour les mathématiques. Dans ces problèmes, j’essaye d’apporter des éléments de réponses à cette question : avec l’aire de la pelouse du stade de France, je peux calculer le temps que devra passer le jardinier à la tondre ; avec l’aire d’un rond-point, je peux calculer le nombre de plants à commander pour le fleurir ; l’aire d’un bassin me permet d’estimer la population d’une espèce de poisson y vivant ; l’aire d’un toit est nécessaire pour estimer le coût d’installation de panneaux solaires, etc. Dans l’esprit des riches photo-problèmes de M@ths en-vie, il s’agit ici de donner du sens aux mathématiques en en donnant des applications concrètes et accessibles à la fois.

Mais pour cela, pour que ce sens apparaisse, il faut que cette seconde étape du problème s’appuie elle aussi sur du réel. Alors, je repars pour de nouvelles recherches sur Internet : réglementations (places de stationnement, cours de tennis…), documentations techniques (tondeuse à gazon, pompe à incendie…), fiches commerciales (coût d’installation de panneaux solaires, boites de semis), fiches-conseils professionnelles (plantation de fleurs, stockage des gaz liquides) ou des articles de presse ou de Wikipédia (pluviométrie à Paris, estimation d’une population de brochets, rendement des plantations de maïs…).

Documentation technique d’une pompe à incendie utilisée dans le problème googlem@ths #2 « Au feu ! ».

En effectuant ces recherches, et c’est le travail le plus chronophage pour créer ces exercices, je me suis rendu compte qu’il existait une quantité impressionnante de documents, utilisés ou produits par des professionnels, qui peuvent servir en cours de mathématiques.

Par exemple, la réglementation sur les dimensions des places de stationnement est une mine d’or à elle toute seule et pourrait permettre de créer des problèmes de différents niveaux, tout en étant d’une grande simplicité et parfaitement accessible pour des élèves de 6e.

Extraits de la réglementation sur les places de stationnement en France utilisés dans le problème googlem@ths #1 « Un parking pour les sportifs ».

Autre exemple, cette documentation technique d’un pavé (pavage urbain) est extrêmement riche en données et pourrait donner lieu, à elle seule, à plusieurs types d’exercices : travail sur le système d’unités anglo-saxonnes, travail sur les aires ou les volumes, travail sur les pavages, explications des mots « rang » et « cube »…

Extrait de la documentation technique d’un pavé utilisé dans le problème googlem@ths #8 « Pavons la place Stan ! ».

Avec ces documents, les exercices sont tels que je les souhaitais : bien ancrés dans le réel. Tous ont une structure de résolution similaire en deux étapes : une étape de modélisation et de calcul à partir de la vue aérienne suivie d’une étape de recherche, réflexion et calculs s’appuyant sur ces documents fournis.

Après avoir créé 2 activités sur ce principe pour la semaine des maths de M@ths en-vie, j’avais envie de poursuivre ce travail. J’étais persuadé de l’utilité et de la pertinence de ce genre de documents. Et il n’a pas été difficile d’en convaincre Christophe Gilger que je remercie pour son enthousiasme et son soutien. C’est ainsi qu’est né le projet googlem@ths, sous l’œil bienveillant de M@ths en-vie.

Les problèmes googlem@ths en application dans la classe

J’étais d’autant plus motivé à poursuivre ce travail que cette période de recherche coïncide avec la publication du guide «  La résolution de problèmes mathématiques au collège  » sur le site éduscol. Ce guide, précieux par la richesse de son contenu, rappelle la nécessité de la mise en œuvre des quatre piliers de l’apprentissage et que la situation de résolution de problèmes le permet : « Les activités de résolution de problèmes offrent la possibilité de mobiliser et de bénéficier des quatre piliers de l’apprentissage que sont l’attention, l’engagement actif, le retour sur l’erreur et la consolidation. L’attention est évidemment nécessaire, et, comme cela a été souligné au début de cette introduction, l’engagement actif est favorisé par les activités de résolution de problèmes. L’élève est en effet mis en position de recherche active de la solution, est amené à s’interroger, à remettre en cause ses interprétations premières, à approfondir ses premières analyses, à partager ses réflexions lors de moments de mises en commun. » (page 18).

J’ai commencé à partager ces activités sur mon site le 2 février 2022 au rythme d’un nouveau problème par semaine. Chacun est évidemment libre d’en adapter le scénario en fonction de la réalité de sa classe ou de ses besoins pédagogiques, tout en tenant compte des recommandations du guide. Je peux toutefois donner quelques pistes quant à leur mise en œuvre dans la classe.

Par leur structure même, les problèmes googlem@ths que je propose sont des tâches complexes qui s’adressent à des élèves de 6e ou de cycle 4 (la plupart d’entre eux sont accessibles en classe de 5e). Ils laissent la part belle à la prise d’initiative et ce sont de parfaites activités pour travailler en groupe en mobilisant les six compétences rechercher, raisonner, modéliser, calculer, représenter et communiquer de notre programme de mathématiques. Pour cette dernière compétence, en effet, ils se prêtent bien à la rédaction d’une narration de recherche. De plus, pour certains problèmes, les solutions seront très différentes d’un groupe à l’autre (par exemple, le problème #01 sur les places de parking) en raison des choix qui pourront être faits par les élèves. Dans ce cas, une courte présentation orale, par chaque groupe, des méthodes de résolution choisies me parait tout à fait pertinente.

Pour le lancement de l’activité, avant que les élèves prennent connaissance de la consigne, j’aime bien montrer à la classe la photo déclenchante (ici la vue aérienne) en posant la question : « d’après vous, quelle question pourrais-je vous poser à partir de cette image ? » Souvent les élèves ont des idées originales. Des propositions faisant intervenir un calcul d’aire ou de longueur ne manqueront pas d’apparaître pour ces problèmes. Cette courte phase de réflexion pousse les élèves à modéliser spontanément la situation avant même d’avoir connaissance du problème. Et si la notion d’aire (ou de longueur) apparaît, une autre question intéressante est : « pouvez-vous en donner un ordre de grandeur ? ». Cette nouvelle question permettra de confronter les intuitions des élèves à la réalité : il est important d’y revenir une fois que l’aire dont il est question aura été calculée.

La suite du travail se fait en groupe (2 ou 3 élèves) et en autonomie (des aides pouvant être données aux groupes qui seraient en difficulté). Comme déjà dit plus haut, une narration de recherche et/ou une présentation orale permettent de faire de ces activités des outils pédagogiques complets.

Pour aller plus loin

Dans l’idéal, j’aimerais que ce projet soit collaboratif : d’autres collègues pourraient proposer leurs problèmes, sur le même modèle, et les partager. Il est également possible de ne partager qu’une vue aérienne qui laisse à voir des possibilités mathématiques sans autre précision : juste pour le plaisir de partager des images évoquant les mathématiques. Ces images inspireront peut-être de futurs problèmes. C’est dans ce but que j’ai lancé sur Twitter la balise #googlemaths… J’espère que de nombreux collègues se prêteront au jeu et que ce projet apportera sa petite contribution à la diffusion de la culture mathématique !

https://twitter.com/jy_labouche/status/1487741732657631232?s=20&t=WLP-WQxS9TGfJIrw2lGiSA

https://twitter.com/jy_labouche/status/1488027181578027009?s=20&t=eBPmI7hKChfHOcu7M2HliA