Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

La démonstration géométrique revisitée avec Exogeo.
Un exemple en classe de Seconde
Article mis en ligne le 27 mars 2009
dernière modification le 15 décembre 2009

par Hugues Faucheu

Plan

Exogeo est un logiciel qui permet de construire des démonstrations de géométrie sous forme de déductogrammes. Exogeo se présente sous forme d’un site internet où sont proposés différents exercices utilisables directement avec un navigateur. J’ai développé Exogeo et je l’utilise pour la recherche et la mise en forme de démonstrations en classe de seconde.

Les objectifs de ce logiciel sont de :

  • Faire prendre conscience à l’élève de ce qu’est une démonstration
  • Aider la mise en forme et la rédaction d’une démonstration
  • Proposer une méthodologie de recherche d’une démonstration
  • Proposer des aides à la recherche de la démonstration notamment en utilisant des figures extraites.

La séquence se déroule en quatre heures : 1ère heure en cours en salle normale pour « réactiver » les théorèmes vus au collège, 2ième heure en cours avec vidéo-projecteur (ou Tableau Blanc Interactif ), 3ième heure en module en salle informatique, et enfin 4ième heure en cours en salle normale.

1ère heure

Pour réactiver les théorèmes de géométrie vus au collège, je distribue aux élèves une photocopie avec une quinzaine de figures illustrant des théorèmes qu’ils sont sensés connaître. En travaillant par groupe de deux, ils doivent retrouver les énoncés des théorèmes correspondants (l’idée n’est pas de moi). Au bout de 20 min, 4 élèves sont envoyés au tableau pour écrire leur version de 4 théorèmes. Ensuite on corrige ce qui est au tableau avec l’ensemble de la classe. On renouvelle l’opération avec 4 autres élèves ...

Pour quelques théorèmes, on explicite les différentes formes de l’énoncé d’un théorème :

  • Une forme que j’appelle «  résumé  », par exemple « Une droite qui passe par les milieux de 2 côtés d’un triangle est parallèle au troisième côté »
  • Une forme que j’appelle «  en français  », par exemple :
    DANS un triangle,
    SI on a le milieu d’un côté et le milieu d’un autre côté,
    ALORS la droite définie par ces deux milieux est parallèle au troisième côté.
  • Une forme que j’appelle «  avec des lettres  », par exemple :
    DANS le triangle ABC,
    SI I est le milieu de [AB] et J est le milieu de [AC],
    ALORS (IJ) est parallèle à (BC).

Cette dénomination peut paraître arbitraire, en effet l’énoncé «  avec des lettres  » est écrit en français, et celui «  en français  » est écrit avec des lettres.

Je suis à la recherche de toute autre dénomination plus pertinente et utilisable avec des élèves.

2ième heure

Présentation

En classe entière, avec un vidéo-projecteur, je propose aux élèves un exercice simple sur Exogeo. Pour que toute la classe puisse voir, j’utilise la taille de police maximale.

On visualise clairement ce qu’on sait (à gauche), ce qui est à démontrer (à droite), et ce qu’on peut utiliser (les théorèmes au milieu).

Les assertions déjà démontrées (ou données dans l’énoncé) sont en vert-pomme et les assertions non démontrées sont en turquoise.

La figure de l’exercice utilise TraceEnPoche :


Exogeo propose un théorème sous les trois formes vues précédemment : « résumé », « en français », « avec des lettres »

Recherche et mise en forme

Exogeo permet de mettre en place une méthodologie de recherche de démonstration.

Après avoir clairement identifié « ce que je sais » et « ce que je cherche », on peut se poser la questions suivantes :

 Ce que je sais me permet d’utiliser quels théorèmes ?

Dans ce cas très simple on pense à T2 :

On « branche » les données au théorème :

Le théorème est alors contextualisé : les points du théorème sont remplacés par des points de l’énoncé.

Pour éviter les confusions, j’utilise les lettres de A à L pour désigner des points de l’énoncé et les lettres de M à Z pour les points des théorèmes non contextualisés.

Les lettres qui désignent des points de l’énoncé sont en gras alors que celles d’un théorème non contextualisé ne le sont pas.

Lorsque toutes les hypothèses d’un théorème sont vérifiées, les conclusions sont alors démontrées, on peut les utiliser dans la suite de la démonstration. On a aussi deux nouveaux boutons qui apparaissent : [ε] et [fig].

[ε] permet de « compacter » le théorème pour faire de la place sur le plan de travail et améliorer la lisibilité :

Le bouton [Ω] permet d’afficher le détail du théorème.

[fig] permet d’afficher la figure extraite avec codage qui illustre l’application de ce théorème dans cet exercice :

Deux droites parallèles sont tracées de la même couleur (qui n’est pas du bleu).

 Quels théorèmes me permettent de démontrer ce que je cherche ?

Dans ce cas très simple on pense à T1 :

On branche « l’assertion à démontrer » à « la conclusion du théorème ».

Remarque : les assertions que l’on peut brancher sont les assertions complètement contextualisées, qu’elles soient démontrées ou non. Le triangle de branchement est alors encadré en noir.

Les hypothèses du théorème sont alors partiellement contextualisées.

On remarque que le théorème nous fait considérer le triangle MJI avec A milieu de [MJ] et B milieu de [MI], le point M étant un point non contextualisé qui sera remplacé par un point de l’énoncé. Un rapide coup d’œil sur la figure nous indique que ça ne convient pas du tout à l’exercice.

En utilisant le théorème T1, il y a en effet plusieurs façons possibles de démontrer que (AB) est parallèle à (IJ). En cliquant sur les différents nombres dans la partie inférieure du théorème, on passe d’une façon à une autre.

Ces différentes façons correspondent aux différentes contextualisations possibles de l’assertion « (QR) est parallèle à (PN) » par l’assertion « (AB) est parallèle à (IJ) ».

On peut permuter les points A et B, les points I et J, les droites (AB) et (IJ). Il y a donc en tout 2^3=8 contextualisations (ou permutations) possibles.

Deux contextualisations différentes peuvent correspondre à une même configuration géométrique.

En s’aidant de la figure, on choisit une contextualisation qui semble correspondre à l’exercice. Il y a plusieurs contextualisations qui conviennent.

Le point M est un point non contextualisé qui sera remplacé par le point D.

On obtient alors la vue d’ensemble suivante :

Toutes les assertions démontrées peuvent être cochées afin d’avoir une figure extraite avec les éléments que l’on veut. Voici différentes possibilités :

Il est alors facile de terminer la démonstration :

Voici la figure extraite illustrant l’utilisation de T1 :


Je demande alors aux élèves de rédiger la démonstration.

Enfin, je leur propose de commencer un nouvel exercice dans lequel les théorèmes ne sont pas donnés a priori. Il faut aller les sélectionner dans une boîte à outils où ils sont rangés par thème. Un même théorème peut apparaître dans plusieurs thèmes.

Bilan

Le premier exercice est très simple et a servi de prétexte à familiariser les élèves avec l’outil et à introduire les questions que l’on peut se poser pour rechercher une démonstration.

Mais le principal objectif est de faire prendre conscience à l’élève des contraintes logiques fortes d’une démonstration : il ne suffit pas de « Â voir » sur la figure. Il faut passer d’une géométrie d’observation à une géométrie déductive. Le logiciel ne tolère pas l’imprécision et il faut explicitement préciser les hypothèses de chaque théorème utilisé.

Cette séance peut se faire aussi avec un Tableau Blanc Interactif, en effet on n’a pas besoin de saisir de texte et on utilise simplement des clics et des glisser-déposer. Il faut cependant veiller à bien calibrer l’appareil car certaines zones cliquables sont assez petites.

3ième heure

Lors de cette séance, les élèves sont un par poste en salle informatique. Je leur donne une liste d’exercices de difficulté croissante.

Les tutoriels

Si des élèves ont été absents à la 2ième heure, ils peuvent lancer des tutoriels qui va leur montrer au moyen d’animations comment résoudre l’exercice : en commençant par les données ou en commençant par la conclusion

Les différents types d’exercices

Les exercices peuvent être :
 soit en mode « puzzle » : tous les théorèmes à utiliser sont donnés a priori, il n’y a pas de boîte à outils (c’est le cas du 1er exercice de la 2ième heure).
 soit en mode « boîte à outils » : la plupart des théorèmes doivent être sélectionnés dans la boîte à outils (c’est le cas du 2ième exercice de la 2ième heure).

Par ailleurs, les exercices peuvent être
 soit en mode « sans permutation » : le problème des multiples contextualisations possibles d’un théorème est masqué : un théorème est « en français » lorsqu’il n’est pas ou pas complètement contextualisé, puis passe automatiquement « avec des lettres » lorsqu’il est complètement contextualisé. Dans ce mode, le branchement des assertions « en commençant par la fin » n’est pas possible.

 

 

 soit en mode « avec permutations » : On peut choisir entre les différentes contextualisations possibles lorsqu’elles existent (c’est le cas du 1er exercice de la 2ième heure)

L’aide intégrée

Dans cet exercice une aide intégrée est disponible. Lorsque l’élève clique sur le bouton [aide] de l’énoncé il entre dans un système d’aide qui peut être représenté par un graphe :

Les aides sont les vignettes bleues, et pour chaque aide l’élève a la possibilité de cliquer sur des boutons (vignettes grises). Il accède alors à une nouvelle aide.

Les aides utilisent du texte mais aussi des figures extraites.

A chaque fois que l’élève clique sur des boutons d’aide, cette action est inscrite dans un historique.

On visualise l’historique en cliquant sur le bouton [historique] :

Lorsque l’exercice a été résolu, cet historique de l’aide demandé peut servir de base à une évaluation de l’élève.

L’aide intégrée n’a pas été testée avec des élèves car elle vient d’être développée.

Bilan

Comme c’était prévisible, les élèves ont beaucoup plus de difficultés en mode boîte à outils qu’en mode puzzle. Ils ont beaucoup de mal à identifier des configurations afin de savoir quel théorème pourrait être utilisé. Dès qu’ils savent quels théorèmes utiliser, la plupart y arrive assez rapidement.

Les élèves ont du mal à organiser correctement le plan de travail. On voit souvent quelque chose comme cela :

Les meilleurs élèves sont arrivés à l’exercice 5. Ces élèves dessinaient la figure sur papier et cherchaient la démonstration sur papier. Exogeo ne servait qu’à mettre en forme leurs idées.

J’ai privilégié les exercices avec boîte à outils, il aurait été intéressant de voir si les élèves trouvaient un côté ludique au mode puzzle.

4ième heure

Lors de cette séance j’aborde la rédaction d’une démonstration en utilisant des références numérotées.

Ainsi la rédaction de ce déductogramme :

I est le milieu de [AB]    (1)
J est le milieu de [BC]   (2)
K est le milieu de [CD]   (3)
L est le milieu de [AD]   (4)

D’après (1) et (2), (IJ) est parallèle à (CA)    (5)
D’après (3) et (4), (KL) est parallèle à (AC)    (6)
D’après (5) et (6), (KL) est parallèle à (IJ)    (7)

D’après (1) et (4), (IL) est parallèle à (DB)    (8)
D’après (2) et (3), (JK) est parallèle à (DB)    (9)
D’après (8) et (9), (IL) est parallèle à (JK)    (10)

D’après (7) et (10), (IJKL) est un parallélogramme

Outre sa concision et sa précision, une telle rédaction montre bien à l’élève qu’un déductogramme se traduit simplement en une démonstration rédigée.

Inversement on peut extraire le déductogramme d’une démonstration rédigée. On peut prendre la démonstration rédigée d’un élève et essayer d’en extraire le déductogramme.

Le fait qu’on puisse extraire un déductogramme correct d’une démonstration rédigée permet de valider celle-ci.

Bilan de la séquence

Certains élèves qui se débrouillaient assez bien en démonstration ont été déroutés par le logiciel. Ils avaient déjà une représentation mentale de la démonstration, et celle proposée par le logiciel leur imposait un travail de transcription supplémentaire. Ces élèves démontraient tout sur papier avant de n’utiliser le déductogramme que pour la mise en forme.

D’autres qui partaient pratiquement de zéro ont pu arriver à quelque chose alors qu’ils avaient beaucoup de mal à rédiger l’application correcte d’un théorème.

Exogeo semble surtout avoir un intérêt en classe de 4ième au moment de la découverte de la démonstration. C’est l’occasion de leur proposer une représentation avec laquelle ils peuvent jouer (mode puzzle) et arriver à un résultat gratifiant même s’ils sont en difficulté.

Autres expériences

D’autres expériences ont été menées au collège et au lycée : Lycée Etienne Bezout de Nemours, Lycée Jacques Duhamel de Dole, Collège Paul Langevin de Carros.

Si vous voulez essayer ce logiciel dans vos classes, je suis prêt à vous fournir un soutien technique.

Je suis intéressé par des retours d’expérience sur l’utilisation de ce logiciel.

Développement prévus

Voici les développements prévus dans la prochaine version qui sortira après les vacances de Pâques :

  • le codage des perpendiculaires.
  • le mode recherche sans validation : un élève peut brancher n’importe comment les assertions, ce n’est qu’à la fin que le déductogramme est validé.
  • la génération des assertions à partir des objets tracés dans TraceEnPoche :
    Par exemple :
    le script TraceEnPoche suivant
    A = point( -7.77 , 1.06 ) ;
    B = point( -6.77 , -2.48 ) ;
    C = point( -1.09 , -2.11 ) ;
    I = milieu( A , C ) ;
    D = symetrique( B , I ) ;

    va générer les assertions suivantes dans Exogeo :
    I milieu de [AC]
    D est le symétrique de B par rapport à I

    On pourra alors démontrer dans Exogeo que ABCD est un parallélogramme.

Si vous avez d’autres idées de développement, merci de m’en faire part, je ferai mon possible pour les développer ou pour vous expliquer comment vous en passer.

Pour la rentrée 2009, Exogeo sera intégré dans LaboMep.

Voir aussi l’article suivant à propos d’Exogeo..

Plus informations sont disponibles ICI