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MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Une approche des mathématiques à l’aide d’un logiciel multifonction
Article mis en ligne le 4 décembre 2007
dernière modification le 8 mars 2012

par Bernard Parisse, Christiane Serret, Michèle GANDIT, Renée DE GRAEVE

du groupe « Mathématiques avec XCAS », Michèle GANDIT, Bernard PARISSE, Christiane SERRET et Renée DE GRAEVE, de l’IREM de Grenoble

Cet article continue la présentation de Xcas commencée dans le numéro précédent, il propose un autre TP qui avait été présenté aux journées régionales 2006 de l’APMEP de Grenoble.

On trouve peu d’études de scénarios de classe centrés sur la recherche d’un problème « ouvert » qui intègrent l’outil informatique, sans privilégier un type d’approche. Tel problème de géométrie plane sera exploré à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique, tel problème d’analyse fera appel à l’utilisation d’un logiciel de calcul formel ou à un tableur… Il est plus rare de voir combinées autour du même problème une expérimentation passant par la géométrie dynamique, une approche numérique par l’intermédiaire d’un tableur, une étude utilisant le calcul formel ou l’écriture d’un programme.

Nous vous proposons, dans une première partie, une réflexion sur la recherche d’un problème, abordée de différentes façons par des élèves de seconde, parce qu’ils utilisent un logiciel multifonction, XCAS, le logiciel libre et gratuit qui est développé à la fois à l’Institut Fourier et par notre groupe IREM1. Dans cette partie, vous allez ainsi être invité(e) à cheminer avec des élèves de seconde dans la recherche d’un problème de géométrie plane, ce qui vous amènera à un survol des possibilités offertes par le logiciel, voire à une rapide prise en main. Avant de poursuivre la lecture, vous pouvez en effet télécharger XCAS sur ce site.

Vous pourriez ainsi suivre les démarches des élèves en manipulant. Mais vous pouvez tout aussi bien lire cet article sans ordinateur : les copies d’écran vous permettront de comprendre l’utilisation de XCAS et de voir comment elle peut modifier la façon dont des élèves abordent un problème, quelles questions mathématiques ils peuvent être amenés à se poser, qu’ils ne se poseraient pas nécessairement dans un environnement papier-crayon.

Dans une deuxième partie, nous aborderons la question suivante : comment cette possibilité d’approche diversifiée peut-elle permettre un autre regard sur les programmes de lycée ? Un exemple de TP expérimenté en classe, en terminale S, illustrera quelques éléments de réponse à cette question. D’autres exemples de TP, pour les classes de seconde, première, terminales S et ES, sont disponibles sur le site mentionné ci-dessus.

Enfin nous aborderons une autre fonctionnalité de XCAS, qui permet les premiers pas dans la programmation, dès le collège, c’est « La Tortue ».

« Un quadrilatère dans un parallélogramme », avec des élèves de seconde

L’énoncé est le suivant : sur les côtés [ AD ] et [ BC ] d’un parallélogramme ABCD , trouver des points M et K tels que l’aire du quadrilatère obtenu comme intersection des triangles AKD et BMC soit la plus grande possible.

Voici les pistes de recherche empruntées par des élèves de seconde, dans le cadre d’un atelier Mathématiques-Informatique. Suivons leurs démarches.

Les premiers dessins à la main incitent à simplifier un peu la situation en considérant le cas où le parallélogramme est un rectangle. L’expérimentation sur des positions possibles de M et K sera facilitée par l’association de la géométrie dynamique et du calcul formel, qui donnera l’expression de l’aire du quadrilatère obtenu comme intersection des triangles AKD et BMC .

Pour obtenir la figure ci-contre, voici comment procéder : dans le niveau 1 qui apparaît à l’écran, déroulez le menu « Edit », puis « Add », puis « Geometry » :Tapez dans la ligne 1 qui apparaît :

« rectangle(0,8,5/8) », puis validez.Si le rectangle n’apparaît pas, utilisez le panneau de flèches qui apparaît à côté de la fenêtre graphique pour régler celle-ci.

On utilise une variable, soit k , pour repérer la position de K sur [ BC ] et une autre variable, soit m , pour la position de M sur [ AD ]. L’instruction assume qui est utilisée ci-dessous permet d’introduire ces variables, en leur donnant une valeur initiale, valable seulement pour le dessin, et un intervalle qu’elles décrivent, mais les variables seront conservées pour toute instruction de calcul formel.
 Tapez ensuite et validez chacune des lignes suivantes :
« assume(k=[1,0.0,8.0])
K :=point(k,0)
assume(m=[6,0.0,8.0])
M :=point(m,5). »

Observez où se placent les points K et M , on peut les déplacer à l’aide des curseurs qui sont apparus en dessous du panneau de flèches. Ceci nous sera utile pour une première conjecture.
 Définissez les sommets du rectangle en tapant chacune des lignes suivantes, puis en les validant :
« A :=point(0,5)
B :=point(0,0)
C :=point(8,0)
D :=point(8,5) ».
 Tracez les droites ( BM ), ( CM ), ( AK ), ( DK ) en tapant chacune des lignes suivantes, puis en les validant :
« droite(B,M)
droite(C,M),
droite(A,K)
droite(K,D). »
 On peut nommer les deux autres sommets du quadrilatère obtenu et colorier son intérieur en rouge, en tapant successivement et validant chacune des lignes suivantes (pour inter_droite , on peut se reporter au menu « Geo », puis « Points ») :
« I :=inter_droite(droite(B,M),droite(A,K))
J :=inter_droite(droite(C,M),droite(D,K))
couleur(polygone(K,J,M,I),rempli+rouge). »

Si l’on fait bouger les points K et M à l’aide des curseurs, on peut observer des positions des couples ( M , K ) qui donnent une surface rouge plus ou moins importante. Peut-être pouvez-vous tenter une première conjecture ? Rappelons-nous que nous suivons la démarche d’élèves de seconde.

On peut avoir une expression de l’aire du quadrilatère rouge, en fonction du couple de variables ( k , m ) :
 allez à l’entrée de calcul formel n°1 située en haut de l’écran (le numéro 1 figure devant un cadre blanc plus grand que ceux qui sont placés à côté de la fenêtre graphique ;
 tapez, dans cette ligne l’instruction suivante, que vous validez :
« a :=normal(aire(K,J,M,I)) ».

Cette expression est très complexe pour des élèves de seconde. On peut cependant remarquer qu’elle n’est définie ni pour k = m = 0, ni pour k = m = 8, car le quadrilatère KJMI n’existe pas : pour ( k , m ) = (0, 0), le point I n’existe pas et pour ( k , m ) = (8, 8), c’est le point J qui n’existe pas.

Comme l’expérimentation porte sur deux points, M qui varie sur [ AD ] et K sur [ BC ], on continue à simplifier la situation en fixant l’un d’eux. On choisit de fixer M sur [AB] tel que AM = 6, et d’explorer le comportement du quadrilatère KJMI(rouge), seulement en fonction de la position de K sur [ BC ]. Les élèves comprennent ainsi l’intérêt du choix d’un paramètre. Comme ils viennent de travailler en cours sur les fonctions, ils ont ensuite l’idée de considérer l’aire du quadrilatère KJMI , à M fixé sur [ AB ] tel que AM = 6, comme une fonction de l’abscisse du point K, et de la représenter graphiquement pour conjecturer l’existence d’un maximum : la possibilité d’ajouter cette représentation graphique à la figure géométrique facilite grandement cette conjecture, comme vous allez le voir.
 Pour obtenir cette courbe (voir ci-dessous), il suffit de donner à m la valeur 6, de définir la fonction « aire de KJMI » comme fonction de kseulement, puis de tracer la courbe, en tapant, puis validant chacune des instructions suivantes :
« m :=6,
a6 :=a
plot(a,k=0.. 8) ».
La première réaction des élèves de seconde est de dire qu’il s’agit d’une parabole. Une première interrogation : qu’est-ce qu’une parabole ? Une courbe « un peu arrondie » est-elle nécessairement une parabole ?

En tapant, dans une ligne de calcul formel, l’instruction suivante, on obtient une expression simplifiée de l’aire de KIMJ en fonction de k, pour m = 6.

Les élèves de seconde ne savent pas étudier ce type de fonction. Néanmoins, ils sont confrontés à cet objet nouveau. Certains ont tenté une représentation graphique à la calculatrice. Des questions se sont alors posées : comment saisir la fonction ? pourquoi voit-on trois branches à la calculatrice, alors qu’il n’y a ici qu’un morceau ? Il ne s’agit pas, bien sûr, d’étudier ce type de fonction en seconde, mais on peut répondre à ces questions. Les élèves se les seraient-ils posées s’il n’avaient pas eu accès à la fois à l’expression formelle et à la représentation graphique ?

Modifiez-vous votre conjecture ?

Nous venons d’explorer ce problème par l’utilisation combinée de la géométrie dynamique et du calcul formel. Une autre piste fut explorée par certains élèves : la voie numérique par l’intermédiaire du tableur, pour quelques valeurs fixées de la position de M. Suivons-les en passant au tableur :
 Déroulez le menu « Edit », puis « Add », puis « Tableur », donnez un nom à votre feuille de calcul (elle est ci-dessous nommée « qua », compte 40 lignes et 6 colonnes).

Au-dessus et à gauche de cette feuille de calcul, la cellule A0 apparaît dans une fenêtre. Un espace blanc juste à droite permet de saisir l’instruction suivante : « tablefunc(a6,k,0,0.25) »

Après validation, on obtient ainsi, dans la feuille de calcul, le tableau des valeurs de a6 (l’aire de KIMJ , m étant fixé à 6) pour k prenant la valeur initiale 0 avec un pas de 0,25 : la colonne A de la feuille contient les valeurs de la variable k avec un pas de 0,25 et la colonne B celles de a6.

Pour quelle valeur de k voyez-vous la plus grande valeur de a6 ?

On peut tenter une exploration pour quelques autres valeurs de m : on utilise pour ce faire la combinaison du calcul formel et du tableur. Il faut en effet redéfinir la valeur de m, puis nommer l’aire de KJMI pour cette nouvelle valeur de m, et demander le tableau de valeurs de cette nouvelle fonction.
 Allez à une nouvelle entrée de calcul formel. Puis tapez et validez chacune des lignes suivantes :
« m :=5
a5 :=a ».
 Dans la feuille de calcul utilisée précédemment, saisissez dans la cellule C0, la formule « tablefunc(a5,k,0.0,0.25) », puis validez. Cette instruction donne le tableau des valeurs de la fonction a5, pour la variable k partant de 0 avec un pas de 0,25.
 

Vous pouvez refaire l’opération avec plusieurs valeurs de m.Vous avez ci-contre une feuille de calcul qui comporte trois tableaux de valeurs, avec les valeurs de m suivantes : 6, 5 et 3.Votre conjecture se confirme-t-elle ? On peut aussi se demander ce que représente une aire de 10 par rapport au rectangle de départ et reprendre la voie géométrique.

Enfin une dernière exploration demandée par un élève qui a posé la question suivante : nous avons représenté des fonctions en fixant une des variables, mais serait-il possible de représenter directement la fonction des deux variables m et k ? Encore une fois, cette question ne pourrait pas apparaître si l’on n’avait pas accès simultanément au calcul formel et à la géométrie. Il faut profiter de cette question pour montrer la surface qui représente la fonction de (m , k).

Pour obtenir ce dessin, il suffit de dérouler le menu « Edit », puis « Add », puis « geo3d ». On tape et valide ensuite chacune des lignes suivantes :

« purge(m,k)

plotfunc(a,[k,m]). »Il reste à régler la configuration (dans le panneau à droite de la figure) pour X variant de 0 à 8, Y de 0 à 5 et Z de 0 à 10 (puisque cette valeur est le maximum conjecturé à l’aide du tableur ou de la courbe en deux dimensions).

Jusque là, aucune preuve n’a été donnée. Elle reste à faire. Mais ce n’était pas ici notre objectif. Il s’agissait seulement de montrer quelques facettes de la recherche d’un problème, possibles grâce à XCAS, à ses multiples fonctions, ainsi que les questions soulevées par les élèves, amenés à fréquenter des objets mathématiques nouveaux, lors de cette exploration.