En écrivant un article sur l’utilisation de Moodle il y a une dizaine d’années, j’étais loin de me douter, à l’époque, que je serais finalement très peu en mesure de mettre en pratique ce que j’y avais préconisé. Je travaillais alors dans un petit collège où l’accès à la salle informatique était aisée et où Moodle était à ma disposition suite à un stage établissement. Mais la carrière d’un enseignant est parfois chamboulée par une mutation. En arrivant dans l’un des plus gros collèges niçois, j’ai découvert d’autres conditions d’exercice : un établissement sûrement trop exigu pour les 900 élèves qu’il abritait, contraint d’attribuer la salle informatique principale pour des cours réguliers à des enseignants qui ne demandent pas toujours à utiliser des postes informatiques... Ainsi, il fallait composer avec et réduire drastiquement mes visites dans la salle dédiée. D’autre part, je perdais l’accès à Moodle. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais, parfois, petit pas par petit pas, la « chance » finit par sourire ! Ainsi, une suite d’événements m’a permis de prévoir cette année une tentative de « match retour ».
1) Mon nouveau collège
Mon nouveau collège est couplé à un lycée général et technologique dans un grand ensemble que l’on appelle une cité mixte. Les deux entités rassemblent environ 3 500 personnes soit près de 1 % de la population niçoise. C’est cette proximité et la direction commune des deux établissements qui a engendré un changement d’ENT, deux ans après mon arrivée. Dans les Alpes-Maritimes, les collèges reçoivent Agora06 et les lycées, pilotés par la Région Sud, sont dotés avec Atrium Sud. Pour faciliter le travail du service informatique de la communauté, la direction a décidé de déployer Atrium au collège également. Une des premières conséquences de ce changement fut l’apparition de la plateforme Moodle puisqu’est implantée une version dite « Moodle Atrium » de la plateforme d’apprentissage.
A cette occasion, la direction nous inscrit à un stage de formation sur Moodle auquel j’assiste. C’est officiel, Moodle redevient un outil possible d’utilisation avec les élèves mais l’accès aux salles informatique ou de technologie est toujours aussi délicat et quasi impossible si l’on veut assurer une continuité dans les apprentissages sur plusieurs séances consécutives. C’est la raison pour laquelle je ne me suis pas engagé dans cette voie jugeant que l’investissement en temps (pour moi et pour former les élèves à l’usage) était certainement trop conséquent par rapport aux contraintes et aux bénéfices à attendre.
Néanmoins, un événement planétaire très inattendu va me remettre le pied à l’étrier : une pandémie mondiale frappe l’année 2020 et le président de la République prend la parole pour demander à la population de rester chez elle et aux enseignants d’assurer leur service en « distanciel ».
Assez rapidement, je prends la décision d’utiliser Moodle pour organiser le travail, proposer des contenus de cours et des exercices à faire en ligne. Ma connaissance de la plateforme est un atout et j’estime que les élèves ont les moyens de s’y acclimater assez rapidement. Voici le message de présentation adressé aux élèves au début du confinement :
L’intégration de blocs de consignes, de vidéos, d’exercices interactifs, de morceaux de cours à construire ou à copier est simple. Les nombreux feedback que j’adresse aux élèves permettent à ceux-ci de corriger leur travail et de me proposer leurs corrections jusqu’à un rendu optimal.
Un dialogue très suivi et constructif s’installe avec les plus sérieux de mes élèves et ceux qui sont suivis activement par leurs parents.
Je m’aperçois bien vite que, comme de nombreux collègues, je travaille 12 à 14 heures par jour entre la conception des ressources, le conseil aux élèves pour les soucis techniques et la correction individuelle de leurs travaux. Et au bout de quelques jours, le pays s’aperçoit que les infrastructures des réseaux et des serveurs sont vite saturées par un trafic inhabituel, notamment sur les ENT et Moodle. La connexion devient très difficile aux horaires « de bureau », certains travaillent la nuit. La région est avertie, elle doit trouver des solutions pour doper en urgence les capacités d’Atrium... Au final, je suis ravi d’avoir renoué avec Moodle lors des 2 confinements stricts car je constate que c’est un très bon outil pour le travail à distance, mais comme tout le monde, je suis loin d’avoir touché 100 % des élèves et certains se sont très (trop ?) vite découragés avec les difficultés de connexion.
A peu près au même moment, le département des Alpes-Maritimes qui gère les collèges a décidé d’investir dans des tablettes et des chariots de tablettes mobiles, ceci comme conséquence du grand Plan Numérique pour l’éducation, qui vise à fournir matériel et applications adaptées. Mon département a d’ailleurs toujours été très impliqué dans le domaine du numérique éducatif et il a par le passé été très « généreux » pour déployer les TBI, les ENT, des prises réseaux, des bornes WI-FI, et les vidéo-projecteurs dans les établissements. Le budget conséquent, la volonté d’être à la pointe de l’innovation, la proximité du pôle Sophia-Antipolis et le conseil départemental longtemps présidé par un homme politique de premier plan sont autant de raisons qui expliquent que nous n’avons pas eu à nous plaindre pour obtenir le matériel souhaité. La région Sud met aussi en parallèle le paquet sur les tablettes pour remplacer les manuels par des manuels numériques et attribue une tablette à chaque lycéen.
Chaque enseignant de collège se voit donc doté d’une tablette numérique en mars 2020. Malheureusement, les formations liées seront post-confinement et certains chariots de tablettes sont démantelés pour des prêts à des élèves qui n’ont aucun moyen pour suivre les enseignements à distance de leurs enseignants. C’est semble-t-il le cas du chariot que ma collègue d’Arts Plastiques, voisine de la salle d’à côté, avait demandé pour travailler notamment sur le traitement numérique de l’image. Elle retrouvera son chariot beaucoup plus tard, à l’heure de son départ en retraite.
Difficile de toute façon de prêter une tablette à chaque heure de cours à un élève différent sans risquer la propagation d’un virus alors que tout le monde porte encore un masque. La société reste profondément marquée pendant plus d’une année.
De mon côté, je suis de nouveau bien motivé pour faire utiliser Moodle au moins à la maison mais je constate que mes exercices interactifs tout prêts ont disparu de la plateforme. Du moins, tous ceux qui étaient réalisés avec le vieux logiciel Hot Potatoes. D’autre part, je suis moins en phase avec le contenu présent dans Labomep. Car les standards du web ont changé et la technologie Flash (abandonnée par Labomep) est obsolète, aussi je me rends compte que certainement les trois quarts du contenu que je pensais avoir accumulé pendant mon début de carrière est devenu inutilisable et n’a pas son remplaçant immédiat surtout dans une gamme RGPD. Cela met un terme brutal à mes intentions de départ et je décide de me concentrer sur d’autres sujets, bien moins numériques mais que je trouve moins chronophages.
En parallèle malgré tout, les chariots de tablettes finissent par revenir après un long processus de vérification et de mises à jour. Mais les premiers tests sont peu concluants : le réseau du collège semble saturer assez vite par moments, peut-être à cause de la multiplication récente des appareils connectés. Mon nouveau collègue d’Arts Plastiques peine à faire connecter les machines au WI-FI et à trouver les applications qui lui permettent de travailler sereinement. Les coupures sont fréquentes.
Les tablettes sont stockées dans la réserve entre nos deux salles mais elles restent inutilisées. Quand un outil ne fonctionne qu’à moitié, on finit par l’abandonner vite. Finalement, des travaux sont entrepris pour que le réseau fonctionne mieux.
D’autant que certains veulent surfer sur la vague du distanciel pour développer pleins d’applications pendant que d’autres insistent sur l’incarnation de l’enseignement par de vraies personnes. On parle de remplacement de courte durée, la contractualisation des enseignants est plus fréquente... Une certaine philosophie de la pédagogie « universelle » se fait jour avec notamment l’idée de la labellisation des manuels ou le recours systématique au numérique pour des évaluations nationales qui se développent ou les certifications comme Evalang, Pix ou l’ASSR. Développer des outils numériques universels et les rendre accessibles devient une voie pour gommer certaines défaillances du système.
Finalement, peu avant la rentrée 2024, le service informatique qui gère un parc énorme vu la superficie de l’établissement reprend les tablettes pour remplacement par un modèle plus récent. Il en profite pour configurer avec une belle efficacité toutes les tablettes. Un catalogue d’applications habilitées et prêtes à l’emploi est installé. Un clic suffit pour installer l’application sur la tablette, ceci sans code ou sans l’accord de l’administrateur réseau. Les bornes WI-FI sont vérifiées. Les tablettes reviennent pleinement opérationnelles dans le courant du premier trimestre. Les premiers retours sont positifs : la connexion est aisée, fluide.
C’est donc ainsi que grâce à mes bonnes relations et la proximité géographique avec le pole Arts Plastiques, on me propose d’utiliser les tablettes lorsqu’elles sont libres. C’est une bonne manière pour renouer avec Moodle, puisque je peux espérer avoir le matériel assez régulièrement voire sur plusieurs séances consécutives. Cela règle partiellement mes difficultés d’accès à la salle informatique, qui ne se sont pas spécialement arrangées dans un collège qui flirte désormais avec les 1000 élèves et dont les emplois du temps sont encore plus contraints par la mise en barrette des cours de français-maths dans le cadre des groupes de « besoins » du « Choc des Savoirs ».
Le chariot mobile de tablettes est facilement transportable d’une salle à une autre. Il contient 32 tablettes réparties en 4 poches de 8 avec des cordons d’alimentation. Une prise secteur unique permet de charger les 32 tablettes en simultané.
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2) Choisir une séquence de travail
Le choix que j’ai fait, peut-être à tort, est de réaliser une séquence quasi entière avec l’aide d’une tablette par élève. Cela me semblait plus rentable d’utiliser le matériel sur des séances entières plutôt que de les utiliser ponctuellement 5 minutes par ci, 5 minutes par là. En effet, même si le matériel est pensé pour être pratique, la manutention et la distribution aux élèves prend un peu de temps qu’il n’est pas toujours possible d’anticiper en dehors de la séance de cours. On peut estimer à environ 7 minutes par séance les phases de distribution, connexion au WI-FI, connexion aux espaces de travail, déconnexion, ramassage et éventuellement branchement/débranchement des tablettes. D’autant que le matériel étant onéreux, il convient d’être organisé et de compter les unités prêtées et de les ranger lorsqu’elles ne sont pas utilisées dans le chariot qui se verrouille avec un code. Des responsables de rangées peuvent être nommés dans la classe pour aider le professeur dans ces tâches. J’ai donc pensé que, sur le long terme, cela me permettrait de perdre moins de temps d’enseignement que de faire un exercice informatisé par jour.
Il convenait ensuite de choisir un niveau d’enseignement et un thème de travail. J’ai jugé qu’un « chapitre » calculatoire serait beaucoup plus simple à mener qu’un menu géométrique. D’autre part, je me suis orienté vers des élèves de quatrième, sachant que c’est un âge où l’autonomie est certainement plus développée qu’en sixième-cinquième et que la manipulation des comptes utilisateurs serait mieux acquise. D’autre part, il est important de s’assurer que le niveau de lecture des jeunes « cobayes » est correct pour pouvoir comprendre les consignes et organiser son travail car l’essentiel du guidage ne passe pas par l’oral et l’enseignant se met en retrait pour laisser chacun travailler à son rythme. Je n’ai pas essayé le niveau troisième où le temps pour finir le programme avant l’examen est précieux. Mais néanmoins, il m’est arrivé de ne pas ranger les tablettes utilisées par les quatrièmes pour réaliser une activité avec les troisièmes qui leur succédaient dans la salle de cours.
Par rapport à ma progression annuelle, j’ai donc traité la seconde partie du travail sur les opérations avec les nombres relatifs :
– quotient de 2 nombres relatifs, règle des signes ;
– enchaînements des 4 opérations avec les nombres relatifs ;
– programmes de calcul avec les nombres relatifs.
C’est aussi pour moi l’occasion de travailler un peu de programmation, en expliquant la notion de variable et en travaillant les opérations induites sur des variables dans un algorithme ou un script scratch.
Cette dernière partie prépare en quelque sorte la séquence de calcul littéral consacrée à la résolution de problèmes notamment avec un tableur et via les équations du premier degré qui s’annonce quelques semaines plus tard.
3) Transformer la version papier en un parcours Moodle
Deux semaines avant la réalisation en classe, j’ai repris les feuilles d’exercices que j’avais traitées l’année dernière sur ce sujet en version papier-crayon et j’ai entrepris de les transformer en une version hybride qui aurait son pendant informatisé disponible dans Moodle Atrium. Dans l’immense majorité des cas, je n’ai fait aucun changement par rapport aux énoncés 2023-2024. Mais pour des raisons informatiques, il m’est arrivé de modifier à la marge un exercice pour simplifier la réalisation technique du fichier correspondant.
J’ai d’autre part ajouté un exercice d’appariement (mise en paires) pour apporter davantage de variété à la forme que je trouvais un peu monotone, tant informatiquement que sur le plan des exercices de calcul. Il s’agit de glisser-déposer des blocs réponses pour reconstituer les paires.
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J’ai aussi créé un exercice de vérification de la compréhension de la règle des signes à la fin de la première séance. Ainsi qu’un autre exercice sur le traitement des variables pour fluidifier le parcours dans lequel j’interviendrai forcément moins à l’oral que d’habitude. L’exercice de bilan me servirait par ailleurs à repérer les élèves en grande difficulté avant la séance 2 (s’il y en a).
Sinon, j’ai repris sans modification les préparations de cours que je fais copier, et je me suis attaché à les faire construire aux élèves avant qu’il ne puisse les recopier grâce aux fonctionnalités de Moodle ce qui faisait une sorte d’activité préparatoire.
- « découverte » de la méthode de rédaction pour un programme de calculs
J’ai crée par contre de toutes pièces une douzaine de cartes Flash dans Moodle pour que les élèves puissent s’assurer de la bonne compréhension du cours en traitant de tête des exemples.
J’ai transformé mon diaporama d’évaluation de calcul mental en un questionnaire DocEval à faire en ligne.
Sur le plan pratique, je dois alors faire un rapide tour d’horizon des outils à ma disposition pour réaliser le parcours Moodle dans Atrium. Je retiens ainsi :
– Les fonctionnalités internes à Moodle Atrium ;
– DocEval (dont voici une présentation) ;
– DocShare (qui permet d’échanger très facilement notamment des fichiers Scratch d’enseignant à élèves) ;
– Les applications de Christophe Auclair dont Défi Relatifs, présentée ici.
a) Moodle Atrium
L’accès à Moodle est direct depuis le compte Atrium de l’élève sans identification supplémentaire grâce au connecteur ENT. Il me suffit juste d’inscrire mes classes à mon cours dans Moodle pour que l’élève puisse y accéder. Cela me prend 2 minutes.
Dans Moodle Atrium, pour construire le parcours, sont à disposition des activités et des ressources variées.
Dans la catégorie « ressources » :
- Les ressources dans Moodle Atrium
Dans la catégorie « activités » :
- Les activités dans Moodle Atrium
Je n’ai pas une connaissance exhaustive des capacités de chacune d’elles mais je connais les activités (et leur fonctionnement) qui me permettent de réaliser le pendant numérique de la plupart des situations d’enseignement classiques.
Voici donc une liste des éléments que j’ai utilisés pour construire le parcours d’apprentissage de mes élèves de quatrième. A chaque fois, j’en précise l’usage et l’intérêt.
- Zone de texte et média : pour placer des messages d’encouragement et des blocs de consignes entre les activités ;
- URL : pour donner le lien vers une vidéo de cours externe (par exemple d’Yvan Monka) ou vers un exerciseur externe comme DocEval ou Labomep ;
- Contenu interactif (H5P) ;
Cette activité semble constituer une « mise à jour » des anciennes activités Hot Potatoes. H5P facilite la création de contenu interactif en fournissant une gamme préfabriquée de types de contenu. H5P est en réalité un plugin qui s’intègre facilement à un site WordPress, Moodle ou Drupal. On retrouve dans H5P, les fonctionnalités de réalisation de « textes à trous », « mots croisés », « mots mêlés » « qcm » « glisser-déposer » (entre autres) qui ont fait les beaux jours de Hot Potatoes autrefois. On peut également réaliser des présentations type diaporama, des jeux de Memory ou intégrer des iframes comme par exemple des exercices Labomep (dont la note sera non enregistrée).
Pour le textes à trous ou les QCM, les syntaxes sont très faciles d’accès pour un novice et il est assez facile de réaliser une activité de ce type. Les bonnes réponses s’écrivent entre astérisques et des réponses alternatives correctes sont séparées par des slash dans le texte correct. Avec des nombres relatifs à saisir, il faut veiller à ce que la machine accepte -5 ou (-5) et 3, (+3) ou +3.
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Grâce au feedback que H5P envoie, l’élève peut comprendre qu’il a fait une erreur puis tenter de la corriger indéfiniment.
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Une correction est même à disposition pour l’élève qui remplit tous les blancs.
Le mode « Présentation » est pratique pour des exercices où les pages s’enchaînent comme pour les exercices que je prévois pour le travail sur les variables qui sont écrasées et mises à jour. Finalement, il n’était pas si difficile de combler le manque que la perte de mes anciennes activités Hot Potatoes avait engendrée.
- Jeu de cartes Flash :
Editer les cartes est très facile et très intuitif :
Voici les 2 faces d’une carte avec une phase de correction détaillée pour que l’élève puisse vérifier son raisonnement et comprendre ce qu’il devra savoir faire :
Le rendu n’est malheureusement pas impeccable car certaines lignes sont coupées avant la fin. Néanmoins, j’ai décidé d’utiliser les cartes Flash de Moodle pour présenter des exemples afin d’expliciter des méthodes ou des propriétés à l’issue des éléments de cours. Elles permettent aussi de faire réviser d’anciennes techniques comme l’addition des nombres relatifs par exemple.
Pour une prochaine expérience, je testerai les cartes Flash de H5P.
- Leçon ;
J’utilise l’activité « Leçon » pour que les élèves puissent construire par eux-mêmes la leçon ou les exemples de la leçon qu’ils devront par la suite recopier dans leur cahier. L’ensemble du texte est construit pas à pas via des questions à choix multiples ou des textes à trous que les élèves doivent remplir pour pouvoir passer à la suite.
Lorsque le travail est achevé, le texte finalisé apparaît sous sa version définitive pour copie. On peut dans Moodle conditionner l’apparition de celui-ci à la réalisation complète de l’activité « Leçon ». L’enregistrement de la note déclenche alors l’apparition des éléments à recopier.
- La leçon à copier n’apparaît que si sa construction est achevée
- Conditionner l’accès à une activité par la réalisation d’une autre
- Test ;
L’activité « Test » n’est peut-être pas la plus pratique car elle nécessite de gérer une banque de questions dans laquelle on viendra puiser pour fabriquer le test. Néanmoins, ce type d’activité peut rendre des services. Il est facile d’insérer une image dans l’intitulé de la question (par exemple une copie d’écran de la feuille d’exercices) et de gérer les feedback qui permettent à l’élève de comprendre ses erreurs. On peut aussi facilement dupliquer les questions pour en produire de nouvelles très ressemblantes.
- Un exemple de feedback pour les élèves en difficulté
Il est facile de produire des questions avec un menu déroulant :
- Activité avec menu déroulant
La syntaxe « ({1:MULTICHOICE:~+~%100%-}21) : (-7) = 3
» permet par exemple de faire choisir à l’élève le signe à placer devant 21 pour que le quotient par -7 soit bien 3. La note maximale soit 100 % est donc attribuée au signe moins.
D’autre part, avec « test », il est très facile de récupérer les notes détaillées (et même la durée pour réaliser l’exercice) de l’ensemble du groupe et donc d’analyser les résultats.
- Carnet de notes de l’activité « test »
- Devoir ;
L’activité « Devoir » consiste à ouvrir une zone de texte entièrement libre où l’élève viendra répondre à une question ou à un exercice. Contrairement aux autres activités que j’ai présentées, rien n’est préformaté et l’élève peut répondre à sa guise, selon une forme qu’il choisit. C’est une activité qui nécessite une correction « manuelle » du professeur qui doit « ramasser les copies » et noter les travaux. Le professeur peut également saisir des commentaires à destination de l’élève.
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- Sondage ;
J’utilise sondage pour demander leur avis aux élèves sur la réalisation d’une activité ou s’ils sont satisfaits de leur production (j’ai demandé par exemple s’ils sont gagnant ou perdant dans le duel Défi Relatifs). C’est une manière aussi de proposer un instant de détente entre deux éléments du parcours mathématique pour faire retomber un peu la pression.
Il existe d’autres activités dans Moodle qui peuvent rendre des services à un enseignement de mathématiques : je pense notamment à l’import de fichier GeoGebra.
b) DocEval et DocShare
Pour l’autre partie de mon parcours, il me faut créer un compte DocEval/DocShare à mes élèves pour récupérer leurs résultats. Cela ne me prend que quelques minutes grâce à un fichier tableur csv fourni par l’administration du collège pour créer les comptes Labomep. La gestion des comptes est bien pensée dans DocTools, cela fonctionne parfaitement. En réalité, j’avais déjà fait les comptes à ce stade de l’année pour proposer des QCM en devoir-maison.
Réaliser un exercice avec DocEval est relativement simple et la fonctionnalité de duplication des questions fait gagner beaucoup de temps.
Il faut veiller à sélectionner cependant le bon type de « réponses » parmi les types prédéfinis : entier relatif/décimal relatif/QCM/type personnalisé. La syntaxe est simple, surtout si l’on a des rudiments de Tex. En voici quelques exemples :
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Au départ, je ne pensais pas spécialement utiliser DocEval, mais celui-ci est plus souple d’utilisation que l’activité « Test » de Moodle pour rédiger des questions avec des fractions ou un symbole convenable pour représenter multiplication (\times) et division (\div). Cela évite de faire des copies d’écran plutôt fastidieuses pour ce genre de questions. D’autre part, le « type personnalisé » convenait très bien à ce que je voulais réaliser pour l’apprentissage de la notion de « variable ».
c) Défi Relatifs
En ce qui concerne les applications de Christophe Auclair, elles font partie du catalogue de ressources déjà disponibles sur la tablette. Je décide de les installer sur chaque appareil, ce qui revient à cliquer sur « obtenir » une fois la tablette connectée. Cela m’a pris une demi-heure, mais il est aussi possible de le faire avec une classe pour la toute première utilisation. Les applications restent ensuite installées même quand l’utilisateur change.
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J’estime à une petite dizaine d’heures la préparation du parcours et la transformation de mes feuilles d’exercices papier en version informatisée dans Moodle, DocEval et DocShare. Mais cet investissement n’est pas à reproduire l’année prochaine. A la fin du parcours, j’ai demandé à Moodle de cacher mes séances. Il ne me restera plus qu’à les montrer au moment opportun l’année prochaine pour une nouvelle cohorte.
d) Bilan
Voici une tentative de catégorisation des activités par rapport à une fonction dans le parcours :
travail des automatismes | Défi Relatifs, DocEval |
rappel des prérequis | Cartes Flash |
introduction d’une notion | Leçon ou Diaporama H5P dans Moodle |
cours ou résumé de cours | Cartes Flash, Zone de texte et média, Vidéo externe via URL |
exercices de travail des notions | H5P ou Test dans Moodle, DocEval |
production élève | Devoir dans Moodle |
évaluation | DocEval ou devoir dans Moodle |
activité de programmation | DocShare |
4) La réalisation en classe
Le plus frappant lors de l’expérimentation est le silence engendré dans la classe lorsque le travail commence. Dans une situation de classe normale, il y a toujours un stylo qui tombe, un fluo échangé entre deux élèves, un élève qui bavarde, une demande d’information qui fait que le silence absolu n’est jamais durable.
Là, dès que le premier exercice de calcul est entamé, un profond silence s’installe. C’est à peu près la même impression que lorsqu’on fait de la formation « adultes » et que l’on observe une pause. Tout le monde se rue sur son smartphone et passe le moment de liberté à consulter le plus « urgent » sans un mot pour ses camarades. L’usage de la tablette isole des autres et finalement on en vient à se demander si l’on part dans la bonne direction en gommant ainsi presque tout dialogue d’enseignant à élèves ou d’élèves entre pairs. Finalement, on essaye de se rassurer en se disant que c’est le signe que la concentration est extrême voire optimale pour chacun. Chacun profite de l’aubaine d’avoir ce professeur qui colle un processeur entre les mains et des images qui bougent sous les yeux. Certes, mais j’ai plus d’un tour dans mon sac, il y aura des mathématiques les amis !
La phase redoutée de connexion des tablettes au WI-FI se passe très bien : la plupart des élèves l’ont déjà fait en Arts Plastiques et la borne est située dans ma salle. Seule une ou deux tablettes semblent coincer mais j’ai la chance d’être accompagné d’un jeune stagiaire de Master 2 en observation pour une grande partie de l’année. La plupart du temps, les élèves pour qui cela ne fonctionne pas ont juste oublié de s’identifier sur le réseau. Avec deux enseignants disponibles, la situation est vite réglée.
Je m’aperçois très vite que deux stratégies coexistent dans la classe :
- certains font les exercices dans la tablette puis recopient les réponses justes sur leur photocopie d’énoncé après le feedback de la tablette ;
- d’autres font les exercices directement sur leur photocopie puis recopient leurs réponses dans la tablette pour vérifier.
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Je dois néanmoins intervenir auprès de quelques élèves qui lors de la première séance ont oublié d’écrire les réponses sur leur énoncé et se sont contentés du travail sur la tablette. Je tiens à ce que les élèves puissent garder des traces écrites de leur travail et qu’ils aient des éléments pour réviser pour l’évaluation finale. Certains appellent les enseignants pour comprendre leurs erreurs.
A partir de la séance 2, les premières minutes sont consacrées à quelques calculs de vérification des méthodes à connaître, à réaliser sur papier puis corrigés en détail au tableau.
Lors de la séance 4 par exemple, il s’agissait d’une addition, une multiplication, deux divisions, un enchaînement d’opérations et une détermination des variables après un petit algorithme. Ensuite, les tablettes sont distribuées et on commence systématiquement par 20 calculs dans Défi Relatifs avant d’ouvrir Moodle et de poursuivre le parcours.
Le moment du Défi Relatifs semble très apprécié, particulièrement lorsque je propose le mode « Nouveau Défi » qui se joue à 2 joueurs l’un contre l’autre.
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Les élèves avancent ensuite dans l’ordre dans le parcours Moodle. A chaque nouveau cours, j’ouvre une nouvelle séance. Les élèves travaillent en autonomie, à leur rythme personnel. Sauf rare exception, je ne propose pas de temps collectif pendant la phase d’activité sur tablette. La plupart des conseils que je donne tout fort concerne des invitations à retourner voir les cartes Flash ou les éléments de méthode disséminés auparavant dans le parcours.
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Pour le professeur, cette phase n’est pas spécialement épuisante. Si le parcours est bien construit et agrémenté avec des blocs de consignes clairs entre les activités, les interventions sont plutôt rares auprès des élèves après le rush de la connexion où il y a souvent 4 ou 5 appels. Ensuite, les appels concernent surtout des consignes mal comprises ou des demandes pour savoir s’il faut valider les réponses et à quel moment ou ce qu’il faut faire après. Des élèves consciencieux appellent parfois pour se faire expliquer un calcul ou parce qu’ils pensent que la tablette se trompe. Souvent, ce sont eux qui ont omis d’écrire des parenthèses avec un nombre négatif derrière un signe de multiplication ou de division. Il y a aussi quelques questions sur les additions de nombres relatifs, certains voulant bien sûr appliquer la règle des signes du produit/quotient pour additionner deux nombres négatifs !
Le changement d’outil ne change pas spécialement les comportements : les élèves en difficulté ont encore tendance à vouloir se faire oublier et ne pose pas particulièrement de questions, au contraire de ceux qui chassent le 20/20.
Je constate néanmoins que les élèves sont actifs et certains ont l’air assurément plus actifs que lorsqu’ils travaillent avec un cahier et un stylo.
A deux moments du parcours, l’activité proposée aux élèves est différenciée grâce à des restrictions d’accès :
- Les élèves qui ont eu plus de 85 % de réussite à l’exercice précédent ont droit à des nombres qui contiennent une virgule ou des calculs plus délicats à manipuler ;
- Les élèves qui n’ont pas réussi à atteindre les 85 % se voient eux proposer de petits nombres entiers pour retravailler les difficultés de gestion de signes ou les enchaînements d’opérations plus simples.
- Un moyen pour différencier dans la classe
Aucun élève ne semble s’être aperçu de cette différence de traitement qui avait lieu lors d’activités qui n’étaient pas retranscrites sur les feuilles d’exercices.
Au fil des jours, l’écart se fait plus important entre ceux qui avancent vite et ceux qui stagnent peu après le milieu du parcours lorsqu’on parle variables et programmation.
Même si l’esprit du programme de 2016 d’origine s’est quelque peu dilué au fil du temps, je considère encore qu’il s’agit d’un programme de cycle et de ce fait, je suis satisfait que certains élèves aient pu explorer des notions qui flirtent avec les objectifs de fin de troisième. Je sais que le reste des élèves aura d’autres occasions pour les rattraper d’ici la fin du cycle 4.
Je m’assure que tout le monde ait pu travailler les notions qui seront à l’évaluation en demandant à certains de sauter un exercice ou deux non indispensables. Environ 30 % des élèves ont pu essayer de produire leur propre programme Scratch associé à un programme de calcul dans la dernière séance.
Lors de cette dernière séance a lieu l’interrogation de calcul mental dans DocEval. La séance suivante est celle de l’interrogation écrite sur papier. J’invite donc les élèves à réviser grâce aux vidéos d’Yvan Monka ou Rapémathiques, insérées dans le parcours Moodle.
5) Bilan
L’expérience a été réalisée sur 6 séances consécutives dans deux classes de 4ème relativement différentes de par leur composition. La classe « A » est composée avec 16 élèves qui pratiquent 2 langues vivantes depuis la sixième et avec 17 élèves inscrits en option « latin » dont on dit qu’elle favorise la rigueur et la culture. Beaucoup de parents d’élèves sont enseignants, cadres ou ingénieurs. La classe « B » est composée d’élèves d’élèves sans option dont les parents sont plutôt artisans, ouvriers ou dans les services à la personne. 3 élèves, dont 1 UPE2A, ne pratiquent pas le français à leur domicile en famille.
Les élèves ont bien joué le jeu et recopié leurs réponses au fur à mesure sur leurs photocopies. La grande majorité des réponses est correcte, les élèves ayant accès à plusieurs corrigés dès la fin de leur travail dans DocEval ou Moodle. De ce point de vue, l’effacement de l’enseignant est sans grande conséquence sur la performance des élèves. D’autre part, ils peuvent appeler l’un des deux enseignants lorsqu’ils ne comprennent pas une réponse ou ne la trouvent pas, mais c’est finalement assez rare.
Je m’aperçois vite que des élèves sont en difficulté avec les calculs mais ne se manifestent pas plus qu’en situation « normale ». J’ai en effet la possibilité de consulter « en direct » les notes obtenues dans DocEval ou Moodle. De plus, DocEval m’indique des statistiques de réussite question par question. Cela me permet d’orienter mon aide sur les points les plus problématiques.
- La question la plus ratée (par 2 élèves sur 5)
Je passe ainsi un petit moment auprès de 2 ou 3 élèves en difficulté de compréhension et des élèves en avance dans leur parcours viennent en appui de quelques camarades en guise de tuteur pour quelques minutes.
Néanmoins, je constate que 4 élèves de la classe « B » restent bloqués au niveau de l’exercice à mi-parcours, le numéro 10, qui est le seul à ne pas avoir de version informatisée et qui se fait donc entièrement sur papier. Il s’agit d’enchaînements simples des 4 opérations avec des nombres relatifs. Deux d’entre eux ont pourtant eu 100 % de réussite à toutes les questions dans Moodle. C’est l’occasion pour moi de leur faire savoir que je sais que les réponses ont circulé dans la classe. Ces élèves n’auront d’ailleurs pas la moyenne à l’évaluation finale.
J’ai en effet annoncé 3 notes sur la séquence (et certains y ont vu l’occasion d’avoir « facilement » une très bonne note) :
- une note de calcul mental, qui ne sera pas un diaporama comme d’habitude, mais sera un exercice dans DocEval, à faire tous en même temps mais avec des questions dans un ordre aléatoire, pour éviter la triche entre voisins et avec interdiction de parler ;
- une note qui fera le bilan de l’intégralité du travail dans le parcours Moodle et qui est obtenue grâce aux enregistrements des notes au fur et à mesure dans Moodle et DocEval ;
- une interrogation écrite terminale sur papier, la même que l’année précédente où les élèves n’avaient pas touché les tablettes, histoire de voir si le changement de support engendre un gain ou une perte.
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L’évaluation de calcul mental est très bien réussie dans les deux classes.
Dans la classe « A », la moyenne est 17,7 alors qu’un thème précédent travaillé sous forme de diaporama avait engendré 15,7.
Dans la classe « B », la moyenne est 15,8 alors que le thème précédent avait engendré 14,5.
Ces indicateurs me laissent penser que l’application Défi Relatifs, utilisée pendant 5 séances, a été efficace et également que le travail intensif du calcul a fait du bien à tout le monde. 4 élèves sur 52, tous de la classe « B », ont obtenu moins de 10/20 sur la pratique des 4 opérations.
L’évaluation terminale sur papier n’a pas montré beaucoup d’écart par rapport à la situation de l’année dernière. Là encore, les résultats sont plutôt encourageants : 14,3 de moyenne dans la classe « A » et 11,9 dans la classe « B », ce qui correspond à quelques dixièmes de points de plus que d’habitude sur les évaluations de ce type. Ce sont sensiblement les mêmes moyennes que l’an dernier où j’avais deux classes d’un profil assez similaire.
Ces indicateurs me laissent penser que le travail que j’ai proposé avec les tablettes n’amoindrit pas la performance de mes élèves, ce qui était, je dois l’avouer, une de mes craintes avant de commencer l’expérience.
Je ne peux pas réellement statuer s’il s’agit d’un gain pour mes élèves. Je pense plutôt que le fait d’utiliser les tablettes a été bénéfique pour certains profils individuels et plutôt perturbant pour d’autres profils. Nous allons le voir en donnant la parole aux utilisateurs.
A l’issue du parcours Moodle, j’ai demandé aux élèves de formuler un avis sur leur expérience avec les tablettes. Dans ma classe à options, au moins deux élèves ont particulièrement apprécié le fait de pouvoir avancer à leur rythme car ils souffrent le reste de l’année de devoir souvent attendre les autres (phases de correction, explications générales...) :
L’avis suivant, plein de maturité, est celui d’un élève qui a pourtant un an d’avance :
D’autres parlent ouvertement des difficultés qu’ils ont rencontrées :
Cette élève a pourtant eu l’occasion de retravailler ces opérations qui relèvent du programme de 5ème en septembre-octobre et des cartes flash étaient disponibles dans le parcours pour obtenir des rappels. D’autre part, avant l’évaluation, une vidéo d’Yvan Monka a été remise à disposition des élèves mais elle n’a pas été regardée par tout le monde. Cependant, il est vrai que cela reste les opérations les plus délicates pour les élèves. L’évaluation finale le montre clairement.
Ou encore :
Ou encore, cet avis plus « affectif » :
Ce que ces avis montrent, c’est donc que certaines situations d’apprentissage n’ont pas été perçues par les élèves comme des situations de « cours » car il ne s’agissait pas d’une situation classique de cours « magistral » avec un enseignant en frontal qui délivre la bonne parole et répond aux interrogations des élèves.
Pourtant, j’avais accordé un soin important à ce que les phases magistrales habituelles soient retranscrites autrement dans le parcours Moodle. Ainsi 2 activités étaient la construction précise du cours que les élèves devraient recopier immédiatement après. D’autre part, des cartes flash étaient prévues pour que les élèves puissent bénéficier des explications classiques qui viennent généralement au fur et à mesure des exercices. Mais les cartes flash de Moodle sont un moment de lecture, sans véritable travail « visible » à faire. Certains élèves ont bâclé ou sauté ces moments où une partie du savoir se construit. Les 5 minutes de début de séance 100% cahier et enseignant frontal ont été particulièrement utiles pour que certains puissent se relancer dans leur parcours sur tablette, surtout 4 ou 5 élèves en grande difficulté.
Finalement, quelque part, ces réactions sont plutôt rassurantes. Elles montrent que les élèves restent attachés au lien qui les unit à leur professeur. Qu’ils perçoivent l’activité de transmettre comme un don à leur encontre et qu’ils ne sont pas prêts à laisser une machine s’immiscer dans cette relation privilégiée à 100% du temps.
Elles montrent aussi de manière exacerbée que ceux qui sont en difficulté sont ceux qui ont le moins de faculté d’autonomie et des difficultés de lecture/compréhension : ceux qui n’ont pas pu décrypter le contenu des cartes flash, ceux qui se sont égarés dans le parcours ou ceux qui n’ont pas eu le courage de lire avec une concentration suffisante les éléments cruciaux. Certains ont ressenti vivement le manque d’encouragement et l’absence de « béquille » que procure l’enseignant dans une situation normale de cours. Pour une autre expérience, il conviendrait de travailler avec davantage de soin les multiples possibilités de feedback que peut offrir Moodle après chaque réponse. C’est très coûteux en temps de préparation mais les élèves s’y retrouveraient sans aucun doute.
Clairement mes élèves de la classe « B » ont davantage souffert pour les raisons précédentes : moins sollicités dans l’environnement familial, ils ont indéniablement moins d’autonomie et plusieurs ont de grosses difficultés de lecture ou maîtrisent très mal le français. Je n’ai pas trouvé de moyen de traduction dans une autre langue dans Moodle pour mon élève UPE2A. En moyenne, la classe « B » est allée beaucoup moins loin dans le parcours avec plusieurs élèves passant une séance entière ou presque sur l’exercice 10.
Toutes ces réponses sont issues de la classe « A ». Ceux de la classe « B » qui ont répondu ont donné des réponses assez monosyllabiques type oui/non ou bien/pas bien sans argumenter.
6) Le futur
Le gros avantage que je vois dans l’utilisation de Moodle est qu’il me permet d’exercer ma liberté pédagogique puisque je peux réaliser sans grande difficulté les activités informatisées associées aux préparations de mes cours. En cela, je ne suis pas dépendant des méthodes de rédaction d’un exerciseur comme Labomep ou de contenus préfabriqués comme il en existe dans Capytale ou ailleurs. Cela permet à mon « avatar numérique » d’être rigoureusement en cohérence avec l’enseignant que je suis au quotidien dans la classe : rédiger de la même façon, présenter le travail avec les mêmes manies, expliquer les stratégies avec les mêmes mots, garder de la rigueur. C’est malheureusement un écueil que je relève souvent chez les jeunes stagiaires que je reçois et qui ont l’habitude de piocher des ressources à droite, à gauche pour gagner du temps de préparation mais sans se soucier vraiment de la cohérence d’ensemble.
Le second avantage est que Moodle permet de différencier les contenus assez facilement grâce au principe des restrictions d’accès. Il est facile de programmer que certaines activités soient réservées à ceux qui sont à l’aise ou au contraire que d’autres viennent permettre de retravailler encore un point qui n’est pas assimilé pour ceux qui n’ont pas atteint le score minimum.
La facilité avec laquelle je peux avoir accès à Moodle me laisse alors penser que je vais dès la rentrée présenter la plateforme à mes nouvelles cohortes afin de l’utiliser toute l’année. Pas forcément pour de longues plages d’utilisation en continu mais plutôt pour régler certaines questions qui me faisaient réfléchir.
Surtout, je vois en Moodle une façon de proposer du travail à la maison, sans me tirer une balle dans le pied pour l’avancée de ma progression annuelle. En effet, je pense qu’on le constate tous, nos élèves travaillent de moins en moins et la qualité des productions écrites à la maison baisse régulièrement, au point que j’hésite souvent à donner du travail. En effet, je me dis qu’il faudra tout reprendre le lendemain, corriger en détail et faire le tour complet de la classe pour partir à la chasse de ceux qui n’ont rien fait...Un temps précieux qui s’envole. Moodle me semble par contre une plateforme idéale pour de courts exercices permettant à la fois de vérifier la compréhension d’une notion nouvelle, de développer des automatismes de calculs, de réexpliquer ce qui n’est pas compris via les feedback ou encore pour apporter des ressources de compléments via des vidéos. En effet, lorsque quelqu’un s’exerce, une réponse immédiate est plus efficace que d’attendre le lendemain pour que le professeur corrige une conception qui était erronée. D’autre part, travailler dans Moodle laisse des traces. Plus besoin de faire des tours de classe, je pourrai consulter les enregistrements pour savoir qui a travaillé et qui ne l’a pas fait, donc même « coincer » les élèves en défaut lors des déplacements dans le couloir par exemple. Il me suffirait d’ailleurs d’une note mensuelle ou trimestrielle, bâtie avec les notes de Moodle, pour espérer motiver les troupes. Mais aussi avoir des élèves qui, au cours suivant, seraient davantage prêts à continuer leur apprentissage. Ceci sans en abuser et rendre le processus systématique.
D’autre part, le module « Iframe Embedder » de H5P paraît très prometteur pour intégrer des activités sans que les utilisateurs aient les logiciels installés sur leur machine. Je ne l’ai testé pour l’instant que pour l’intégration d’exercices Labomep issus de la bibliothèque Sésamath ou des ressources GeoGebra. Avec une tablette, l’affichage à l’écran est optimisé.
Conclusion
Ceci étant, vous me direz qu’on s’éloigne du sujet des tablettes. C’est vrai ! Les tablettes m’ont surtout permis, il est vrai, de redécouvrir le plaisir d’utiliser Moodle. Mais leur usage est aussi déterminant dans d’autres aspects que j’entends bien, si possible, continuer à développer dans le contexte d’enseignement qui est le mien :
- Pratiquer Scratch, le tableur ou GeoGebra à l’aide de DocShare sur les tablettes m’évitera de demander à occuper la salle informatique et les désagréments de ne pas pouvoir l’obtenir ;
- Pratiquer le travail sur les automatismes à l’aide des applications de Christophe Auclair est d’un confort et d’une efficacité dont je ne pourrais plus me passer ;
- Réaliser des mini-parcours d’une séance avec Moodle sur un ensemble précis d’activités est une piste que j’entends explorer à l’avenir également ;
- Utiliser d’autres logiciels comme Thot pour la résolution d’équations du premier degré ne sera plus non plus conditionné par mes possibilités d’accès à la salle informatique ;
- Envisager d’occuper les élèves en avance avec Labomep ou Capytale...
Il faut quand même que j’avoue qu’en la matière, j’étais plutôt sceptique en ce qui concerne l’usage des tablettes (mes collègues aussi apparemment quand je leur en parle) mais cette expérience m’a prouvé qu’elles pouvaient être une réelle solution d’apprentissage lorsqu’on sait les utiliser à bon escient. Ce qui n’est pas simple, mais qui s’apprend !
L’année prochaine s’annonce cependant « sportive ». En effet, Moodle Atrium prendra sa retraite en août 2025 aux dires de la DRANE PACA. En effet, le déploiement national d’ÉLÉA est effectif ou se termine pratiquement dans toutes les académies. C’est un nouveau rebondissement !
Pour accéder à ÉLÉA, il faut que la plateforme soit ouverte pour votre établissement. C’est donc à votre chef d’établissement d’en faire la demande, en cohérence avec le calendrier de déploiement académique. ÉLÉA sera interconnectée à votre ENT. Il n’y aura donc pas de comptes à gérer ou à créer. Les comptes se créés automatiquement au fur et à mesure que vos élèves se connecteront à partir de votre ENT.
La bonne nouvelle, c’est que ÉLÉA est une plateforme Moodle. Les cours Moodle précédemment réalisés dans les Moodle collège et lycée seront a priori compatibles. Il sera donc possible de les restaurer un à un dans la nouvelle plateforme ÉLÉA. Cependant, la taille limite de restauration semble de 250 Mo.
L’autre bonne nouvelle est que pour développer des exercices Moodle et ÉLÉA, un collègue a créé un ChatBot qui permet de souffler à ChatGPT (ou une autre IA) le prompt idéal afin d’obtenir un exercice viable par exemple en H5P. Les premiers tests sont prometteurs même si, comme toujours avec l’IA, il convient de vérifier le vocabulaire et les stratégies employés.
Cela annonce donc quelques travaux pour continuer d’utiliser « Moodle » avec les élèves et un chariot de tablettes ou non.
Et qui sait ? Devrais-je me contenter de tablettes et repartir de zéro ?