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Le terminateur de la lune
Article mis en ligne le 15 février 2021
dernière modification le 17 février 2021

par David Crespil

Remerciements : je tiens à exprimer toute ma gratitude à Anne HEAM et Aymeric PICAUD pour leur travail de mise en page et de correction en vue de rendre l’article plus attrayant et je l’espère plus clair pour mes lecteurs.

N.D.L.R Cet article a été modifié et mis à jour en février 2021 après un long moment d’indisponibilité. Nous espérons que les lecteurs le retrouverons avec plaisir ainsi que les excellents autres articles de David Crespil.

Le contenu de l’article est disponible dans des blocs dépliables que vous pouvez à loisir déplier, replier pour un meilleur confort de lecture.

Sidereus nuncius
le messager des étoiles

Galilée
Portrait peint en 1636 par Julius Sustermans
Dessins de la Lune premier et dernier quartier publiés par Galilée dans Sidereus Nuncius
L’ouvrage qui valut à Galilée le procès pour hérésie

Table des matières

0) De quoi s’agit-il ?

Schéma 1
Le terminateur obtenu par le logiciel atlas virtuel de la Lune

Le terminateur lunaire, a été observé pour la première fois à la lunette par Galilée,

Le terminateur, ligne délimitant la partie sombre de la partie éclairée, trace pour notre perception, le contour des différentes phases de la Lune que nous observons depuis la Terre. En raison de la faible élévation du Soleil, les reliefs situés dans cette région sont éclairés en lumière rasante et voient leurs profils accentués, bien délimités par leurs ombres grâce à l’absence de diffusion par une atmosphère. (WIKIPEDIA)

Nous allons d’abord essayer d’acquérir des connaissances qui nous permettront avec Cabri 3d et Geogebra de tracer ce terminateur.


1) De la Terre on voit environ la moitié de la Lune

A désigne l’observateur et la sphère en marron un astre supposé sphérique comme la Lune ou le Soleil.

Le diamètre apparent d’un objet est l’angle sous lequel il nous apparaît.
Ici l’angle $\widehat{LAF}$ , le cône en mauve étant le cône issu de A et tangent à la sphère. Par exemple prenons la Lune et le Soleil, ces deux astres n’ont pas la même taille et sont situés à des distances différentes par rapport à la Terre. Cependant la Lune et le Soleil ont la même taille apparente. On s’en rend parfaitement compte lors d’une éclipse totale de Soleil, la Lune recouvre entièrement la surface du Soleil. Explication, bien que la Lune soit à peu près 400 fois plus petite que le Soleil, elle est aussi 400 fois plus proche.

Schéma 2
Schéma 3

On a $\widehat{LAF}= 2 \widehat{LAO}$

$Tan (\widehat{LAO}) = \frac{LO}{AO}$

Appelons r le rayon du cercle de contact, D la distance de l’observateur à l’astre supposé sphérique et $\delta$ le diamètre apparent $\widehat{LAF}$

Pour la Lune $\delta \approx 0,5°$

$\tan \frac{\delta }{2}=\frac{r}{D}$

En pratique on peut confondre tan x et x si x est petit, x étant exprimé en radians.

d’où $\frac{\delta }{2} \approx \frac{r}{D}$

=> $ r \approx \frac{\delta D}{2}$

La distance D Terre-Lune est environ 370 300 km.

$r\approx 370 300 \times 0,5\times \pi \div 360\approx 1 615$ km

Ce rayon est proche du rayon de la Lune .

Conclusion : l’observateur terrestre voit pratiquement la moitié de la Lune.

2) Le Soleil éclaire la moitié de la Lune environ

Schéma 4

Il arrive lors d’une éclipse que le cône d’ombre de la Lune touche la Terre, les centres des 2 astres étant alignés avec le centre de la Terre.

Le dessin suivant n’est pas bien sûr à l’échelle. Il montre le cône d’ombre de la Lune obtenu avec les tangentes extérieures en blanc et le cône de pénombre obtenu par les tangentes intérieures en gris foncé.

Schéma 5

Le diamètre apparent de la Lune est égal alors au diamètre apparent du Soleil soit environ 0,5°.

Le plan de l’orbite de la Lune fait un angle de 5° avec le plan de l’écliptique. L’orbite de la Lune coupe le plan de l’écliptique aux nœuds. Pour pouvoir observer une éclipse, il faut que lors d’une Nouvelle Lune ou d’une Pleine Lune la Lune soit au voisinage immédiat d’un nœud.

Par ailleurs la distance du cône d’ombre de la Lune est approximativement égale à la distance Terre-Lune. La distance Terre-Lune varie entre 356 000 km et 407 000 km.

Observons les deux schémas suivants :

En marron, le Soleil

En mauve, la Lune

Schéma 6
Schéma 7

Le demi-angle au sommet du cône d’ombre est 0,25°

D’où : $ \sin \widehat{bAL}=\frac{bL}{Ab}$

Si Ab = 356 000 km bL $\approx$ 1 615 km

Si Ab = 407 000 km bL = 1 775 km

Or le rayon de la Lune vaut 1 738 km

En réalité, le diamètre apparent du Soleil varie entre 32,6’ et 31,5’ et celui de la Lune entre 33,5’ et 28,5’.

Conclusion : le Soleil va éclairer approximativement la moitié de la Lune.

La Lune est sujette à plusieurs oscillations qui ont pour conséquence que, depuis la Terre, on voit un peu plus de la moitié de sa surface. Pour être plus précis, 59 % de la surface lunaire est observable. Ces oscillations portent le nom de librations.

Voir l’animation :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Libration_lunaire#/media/File:Lunar_libration_with_phase2.gif

3) La lunaison

Cette partie est déjà présente dans le paragraphe 5 d’un autre article : Mesures historiques d’Hipparque

Schéma 8
D’après un article de Jacques GISPERT sur :
http://astronomia.fr/2eme_partie/planetes/lune/lune.php

Ce schéma montre le Soleil, la Terre sur son orbite, et la Lune sur son orbite autour de la Terre. Pour simplifier, les orbites sont dessinées circulaires. La direction SE est celle d’une étoile, située à l’infini, et prise pour repère. La direction TE′ repère la même étoile vue de la Terre, et SE et TE′ sont parallèles, puisque l’étoile est infiniment loin.

Pour étudier les phases de la Lune, il convient de calculer l’angle que font les directions de la Lune et du Soleil, vues de la Terre. Si nous prenons comme point de repère les pleines lunes, on considérera la position de l’anti Soleil, qui est notée S′.

L’angle qui nous intéresse est $\widehat{\text{S′TL}}$. On peut écrire :

$$\widehat{\text{E′TS′}} + \widehat{\text{S′TL}} = \widehat{\text{E′TL}}$$

donc :

$$\widehat{\text{S′TL}} = \widehat{\text{E′TL}} - \widehat{\text{E′TS′}}$$

$\widehat{\text{E′TL}}$ est l’angle que la Lune a parcouru depuis l’instant où elle était dans la direction de l’étoile E′, dans le temps $t$. Or elle fait un tour complet par rapport à cette étoile dans le temps de sa révolution sidérale, que nous noterons $T_{\text{L}}$. À chaque seconde, elle parcours donc $\omega_L = \dfrac{2\pi}{T_{\text{L}}}$. Dans le temps $t$, elle parcourt donc un angle $t$ fois plus grand, et donc :

$$\widehat{\text{E′TL}} = \dfrac{2\pi t}{T_{\text{L}}}$$

On peut dire exactement la même chose pour le Soleil, en considérant les points E′ et S′. La période à considérer est celle de la Terre autour du Soleil, donc $T_{\text{T}} = 365,242 2 \text{ jours}$. On a alors :

$$\widehat{\text{E′TS′}} = \dfrac{2\pi t}{T_{\text{T}}}$$

Il vient par substitution :

$$\widehat{\text{S′TL}} = \widehat{\text{E′TL}} - \widehat{\text{E′TS′}} = \dfrac{2\pi t }{ T_{\text{L}}} - \dfrac{2\pi t}{T_{\text{T}}}$$

Enfin, les phases de la Lune sont périodiques, et reviennent identiques au bout d’un temps qui est la lunaison, ou mois lunaire. Soit $\theta$ cette période. Dans le temps $t$, la Lune aura progressé de :

$$\widehat{\text{S′TL}} = \dfrac{2\pi t}{\theta}$$

Il nous reste à égaler les deux expressions de $\widehat{\text{S′TL}}$ :

$$\widehat{\text{S′TL}} = \dfrac{2\pi t}{\theta} = \dfrac{2\pi t}{T_{\text{L}}} - \dfrac{2\pi t}{T_{\text{T}}}$$

On peut simplifier par $2\pi t$ ; il vient :

$$\dfrac{1}{\theta} = \dfrac{1}{T_{\text{L}}} - \dfrac{1}{T_{\text{T}}}$$

Remplaçons les périodes connues par leurs valeurs :

$$\dfrac{1}{\theta} = \dfrac{1}{27,32} - \dfrac{1}{365,242 2} = 0,036 6 - 0,002 7$$

d’où

$$\theta= 29,528 7\text{ jours} = \text{29 j 12 h 41 min}$$

Voir l’animation GEOGEBRA https://www.geogebra.org/m/VxsApSr3

Schéma 9
auteur Fabrice Vanolli, https://www.geogebra.org/u/vanolli

Retenons : La lunaison $\theta$ est égale à 29,528 7 jours = 39 j 12 h 41 min.

Si l’on appelle $t$ le temps écoulé depuis la pleine lune :

$$ \widehat{S’TL}\approx \dfrac{2\pi t}{\theta}\quad\quad \textbf{(1)} \text{ avec } S’ \text{ l’anti-Soleil, mesure exprimée en radians} $$

Si l’on appelle $t$ le temps écoulé depuis la nouvelle lune :

$$ \widehat{STL}\approx \dfrac{2\pi t}{\theta}\quad\quad \textbf{(2)} \text{mesure en radians} $$



$$ \widehat{STL}\approx \dfrac{360 t}{\theta}\quad\quad \textbf{(2bis)} \text{mesure en degrés} $$

4) Projection orthogonale d’un cercle sur un plan

Schéma 10

L’espace étant rapporté à un repère orthonormé (O, x, y, z), soit C le cercle de centre O, de rayon R, dans le plan P contenant l’axe Ox et faisant un angle

avec l’axe Oy.

le cercle C est l’intersection de la sphère de centre O de rayon R. Il a donc pour équations :

$$ \left\{\begin{matrix} {x^2+} &y^2+ &z^2=R^2 \\ & & z=y\tan \alpha \end{matrix}\right.$$

On en déduit $x^2+y^2(1+\tan ^2\alpha )=R^2$

soit $ \frac{x^2}{R^2}+\frac{y^2}{R^2cos^2\alpha }=1$

La projection orthogonale de C sur un plan parallèle à (xoy) est donc une ellipse de demi grand axe R et de demi petit axe $R\cos \alpha $ .

5) Le terminateur avec Cabri 3D

Nous faisons l’hypothèse que le plan de l’équateur lunaire est pratiquement confondu avec le plan de l’écliptique.
Nous allons rabattre le terminateur en mauve du plan (P1) sur le plan (P2) de l’équateur lunaire.

Schéma 11

 Explication du schéma

  • T centre de la Terre
  • S centre du Soleil
  • Le point M appartient au terminateur théorique, l’observateur terrestre ne voyant que son projeté orthogonal R sur le plan P1 qui constitue la limite de ce que peut voir l’observateur terrestre.
  • Le cercle C2 est l’intersection de ce plan avec la Lune et constitue la vision du disque lunaire perçu de la Terre.
  • PN et PS désignent le pôle nord et le pôle sud de la Lune.

Nous allons rabattre le point R sur le plan de l’équateur lunaire et obtenir ainsi le terminateur sur le plan de l’équateur lunaire.
Nous observons alors une propriété géométrique intéressante en ce qui concerne le point K à savoir que R est rabattu en k lorsque le plan P1 est rabattu sur le plan P2.
Soit m le projeté orthogonal de M sur le plan de l’équateur lunaire.
Par m traçons la perpendiculaire D5 au plan P1.
Soit C5 le projeté orthogonal du cercle C1. Il coupe la droite D2 en un point g.
Par g menons la perpendiculaire D3 au plan P1 . Elle coupe le cercle C3 en f.
Par f menons la perpendiculaire D4 à D5. D4 coupe D5 en k.
Par définition, l’angle de phase est l’angle $\widehat{\text{TLS}}$. Par le jeu d’angles à côtés perpendiculaires, on a :


$$\widehat{\text{BLA}}=180°-\text{angle de phase} $$


6) Le terminateur avec GEOGEBRA

 Exemple :

Détermination du tracé du terminateur le 9 septembre 2005 à 21 h 9 min heure légale de Paris, soit 19h 9 min TU.

Quel est le temps t qui s’est écoulé depuis la dernière Nouvelle Lune (3 septembre 2005 à 18 h 9 min TU) ?

https://promenade.imcce.fr/fr/pages4/441.html

données

Quel est le temps t qui s’est écoulé depuis la dernière Nouvelle Lune (3 septembre 2005 à 18 h 45 min TU) ?

https://www.horloge-parlante.com/calcul-de-temps.html

t = 5 j 23 h 24 min = 5,975 j

L’angle Soleil Terre Lune fait alors [360 × 5,975] / 29,5 =72,5° d’après la formule (2bis) du paragraphe 3.

Or la distance Terre-Lune est très petite par rapport à la distance Terre-Soleil et Lune-Soleil.

De sorte que l’on peut considérer que les droites Terre-Soleil et Lune-Soleil sont sensiblement parallèles (schéma 7).

Posons :

  • S= centre Soleil
  • T= centre Terre
  • L= centre Lune
Schéma 12

L’angle $\widehat{STL }$ que l’on appelle l’élongation de la Lune vaut 72,5° donc l’angle $\widehat{SLT}=180°-72,5°=107,5°$. Cet angle est appellé l’angle de phase.

Pour faire les manipulations vous pouvez ouvrir avec GeoGebra le fichier : Fichier Geogebra : terminateur de la lune.

Les notations du schéma 10 du paragraphe 5ont été respectées.

Faisons varier le rayon du cercle $C_5$ et demandons à ce que $K$ et $K’$ laissent une trace en faisant un clic droit sur la souris et en faisant varier le cercle $C_5$ grâce au curseur.

Schéma 13
Schéma 14
Avec l’atlas virtuel de la Lune

7) Pourcentage d’éclairement de la Lune

  Cas d’une Lune en croissant
  • On note $\varphi$ l’angle de phase. c’est à dire l’angle Soleil-Lune-Terre.
  • On note $r$ le rayon de la Lune.

Nous avons vu à la fin du paragraphe 5 que :

$\widehat{BLA}=\pi-\text{angle de phase}=\pi-\varphi$

Schéma 15

L’angle $\widehat{LVB}$ est droit et donc $\cos \varphi=\dfrac{LV}{LB}$

$\text{Aire de la demi ellipse rouge} = \frac{1}{2}\pi \cos(\pi-\varphi)=-\frac{1}{2}\pi r^{2}\cos(\varphi)$

$\text{Aire du demi cercle} C_{2} = \frac{1}{2}\pi r^{2}$

L’aire de la partie éclairée de la Lune vaut la différence entre l’aire du demi disque et l’aire de la demi ellipse soit :

$$ \begin{align*} E &= \dfrac{1}{2}\pi r^{2}-\left(-\frac{1}{2}\pi r^{2}\cos(\varphi)\right)\\ &= \dfrac{1}{2}\pi r^{2}+\frac{1}{2}\pi r^{2}\cos(\varphi)\\ &=\dfrac{1}{2}\pi r^{2}\left(1+\cos(\varphi)\right) \end{align*} $$

La fraction du disque illuminé est donc :

$$\dfrac{1}{2}\left(1+\cos(\varphi)\right)$$

Nous obtenons la même formule avec une Lune gibbeuse.

Revoir les phases de la Lune :

http://www.pccl.fr/physique_chimie_...

Schéma 16
Lune gibbeuse croissante

Retenons que la fraction du disque illuminé en fonction de l’angle de phase est :

$$\dfrac{1}{2}\left(1+\cos(\varphi)\right)$$

ANNEXE

Le texte de Galilée en français avec son commentaire par :

https://cral.univ-lyon1.fr/labo/fc/ama09/sidereus/sidereus_p018-081.pdf