par Jean-Yves Labouche
Voyez aussi dans cet article de Monique Gironce le dernier onglet « Dans la vraie vie... ».
Avec la démocratisation de matériel technologique tel que les imprimantes 3D ou les découpeuses numériques (à lame ou laser), se pose la question de leur usage pertinent dans ou pour la classe. La mise en œuvre par les élèves de ces beaux outils semble plus appropriée en cours de technologie (au collège) dans le cadre de projets pédagogiques de production d’un objet technique. Cependant, le professeur de mathématique peut également y trouver son compte pour la production de matériel pédagogique sur mesure. Il ne s’agit donc pas ici de présenter des activités pour la classe mettant en jeu ces technologies (ce qui ne signifie pas, évidemment, qu’il ne faut pas en envisager), mais de décrire quelques possibilités pour l’enseignant de créer du matériel qui pourra être utilisé par les élèves et surtout de présenter quelques outils qui seront bien utiles pour débuter.
L’impression 3D, pour quoi faire ?
Avant de commencer, un avertissement : se lancer dans l’impression 3D est très chronophage. La prise en main d’un outil de modélisation ainsi que les étapes de la création prennent du temps, surtout lorsque l’on débute. Je présente, à ce sujet, dans la suite de cet article, un outil qui permettra de gagner beaucoup de temps à tous ceux qui débutent en la matière. L’impression d’un solide, même simple, peut prendre beaucoup de temps et tout ne fonctionne pas toujours comme prévu.
Il faut donc que cette dépense de temps soit réellement utile et que les objets produits apportent une réelle plus-value pour les élèves. Les maitres mots ici seront la manipulation et la curiosité. Pouvoir faire compter aux élèves le nombre de sommets, d’arêtes et de faces sur des solides qu’ils ont dans les mains est un plus indéniable pour leur compréhension des objets et leur mémorisation. Manipuler des séries de prismes ou de pyramides permet une réelle compréhension de ces objets. Avoir les solides de Platon ou d’autres plus complexes dans la salle de classe peut être un moyen efficace d’attiser la curiosité des plus jeunes et de lancer des discussions autour de ces solides.
Activité de découverte des polyèdres avec des élèves de 6e. Les élèves ont à leur disposition une quinzaine de solides imprimés en 3D. Je partage cette activité sur cette page.
Au lycée, montrer les sections d’un cône par différents plans permet d’aborder les coniques (enfin, ce qu’il en reste dans les programmes) de façon concrète et explicite.
Imprimer soit même ce matériel pédagogique permet d’avoir une quantité suffisante d’objets à manipuler et ces objets sont exactement ceux dont nous avons besoin. C’est du travail sur mesure. Mais, encore une fois, quelle dépense de temps pour y arriver ! Pour gagner du temps et obtenir les résultats escomptés, il est important d’utiliser des outils adaptés.
Un outil : GeoGebra, bien sûr !
GeoGebra permet de dessiner en 3D et d’exporter au format .stl ses créations. Le format .stl est utilisable par tous les logiciels de gestion d’imprimante 3D : on ne peut l’imprimer directement, le logiciel de l’imprimante le convertira au format compréhensible par celle-ci. Le format étant standard, les productions réalisées avec GeoGebra pourront donc être imprimées avec n’importe quelle imprimante 3D.
Par exemple, nous pouvons créer une pyramide à base carrée dans la calculatrice 3D en ligne de GeoGebra. Pour cela, il faut saisir les coordonnées des cinq sommets et la commande « Pyramide(A,B,C,D,E) ». Voici le résultat obtenu :
En cliquant sur les trois petites lignes horizontales en haut à gauche de la fenêtre, nous ouvrons un menu qui nous propose « Exporter en » (si vous utilisez d’autres versions de GeoGebra, ce menu peut être situé ailleurs, mais il existe toujours). Nous pouvons alors exporter au format .stl en choisissant « Impression 3D (.stl) ». C’est rapide et efficace si on connait déjà bien le logiciel.
Attention, si votre modèle est inscrit dans un pavé droit dont une des dimensions est supérieure à 4 cm, le fichier ainsi obtenu est automatiquement redimensionné pour ne pas dépasser cette longueur. Il sera toujours possible de redimensionner le fichier dans le logiciel de l’imprimante.
Vous pourrez trouver plus d’information sur l’utilisation de GeoGebra pour l’impression 3D dans ce livret (en anglais) qui propose également quelques modèles : https://www.geogebra.org/m/pkfzccjw
Un générateur de solides
Mais tout le monde ne connaît pas GeoGebra ou n’a pas forcément envie de passer trop de temps dessus pour créer quelques solides.
C’est pour cette raison que j’ai créé un générateur de solides (toujours avec GeoGebra et utilisable en ligne) qui permet d’obtenir très rapidement, sans avoir aucune connaissance de GeoGebra, des solides de dimensions choisies parmi les pavés droits, les pyramides régulières (tronquées ou non), les prismes droits, les cylindres de révolution ou encore les cônes de révolution (tronqués ou non). Bref, les solides qui sont, à priori, les plus utiles au professeur de mathématiques, notamment au collège où il s’agit d’appréhender ces solides et de comprendre leur classification. On peut ajouter à cette liste les solides de Platon (parce que c’est de la culture mathématique et parce qu’ils sont beaux) ou les antiprismes et les coupoles (parce que c’est beau et que c’était pour moi un petit défi que des les ajouter à la liste des possibilités de l’application).
Dans l’application, on commence par choisir le type de solide souhaité dans le menu déroulant.
On choisit ensuite les dimensions et caractéristiques du solide souhaité. Par exemple, pour une pyramide régulière tronquée, on doit choisir la mesure des arêtes de la base, leur nombre, la hauteur de la pyramide non tronquée et la distance entre la base et le plan de la section.
On peut voir que l’application indique la longueur des arêtes de la section (3,11 cm dans l’exemple ci-dessus). Il est alors possible, avec cette information, de créer une autre pyramide qui sera la partie tronquée de la première : il faut, pour cet exemple, générer une pyramide d’une hauteur de 4 cm et dont les arêtes de la base mesurent 3,1 cm (on ne peut pas saisir de valeur au centième près).
Une fois le solide souhaité généré, puisque nous sommes dans GeoGebra, on peut facilement l’exporter au format .stl en procédant comme expliqué plus haut.
Par exemple, des coupoles obtenues grâce au générateur de solides :
Mais on peut aussi utiliser le générateur de solides pour obtenir des images pour illustrer un cours ou d’autres documents.
Un outil pour créer des solides plus complexes : BlocksCAD
Il est assez simple de générer des solides élémentaires avec GeoGebra. Mais pour des formes plus complexes et des créations plus évoluées, il faudra sans doute adopter un logiciel dédié à la modélisation 3D. Les possibilités gratuites sont nombreuses. Mon choix s’est porté sur BlocksCAD qui permet de « programmer » par blocs des constructions composées de solides élémentaires. Sa prise en main est assez simple et rapide et les très nombreuses fonctions disponibles (transformations et boucles, entre autres) en font un outil très performant. Là encore, l’export au format .stl se fait en un clic.
De nombreux tutoriels (en anglais) existent sur la chaine YouTube du développeur et je présente rapidement ce logiciel en ligne dans cet article de la c2it.
Avec ces outils, il y a de quoi s’amuser pendant pas mal d’heures, mais aussi de quoi créer du matériel qui correspond exactement à nos besoins. Mais l’impression 3D n’est pas le seul moyen d’obtenir ce matériel.
La découpeuse numérique, un excellent complément à l’impression 3D
Ces solides imprimés en 3D sont résistants aux manipulations des élèves lors des activités. Ce qui fait que le temps passé à les imprimer est rentabilisé sur le long terme. Ils ont un inconvénient : ils ne sont pas grands (ce point est cependant un avantage en termes de rangement et de stockage). Leur taille est suffisante pour les activités de découverte et les travaux proposés aux élèves. Mais ils se prêtent peu à « l’exposition ». Pour les solides « exposés » dans la salle de mathématique et qui sont moins manipulés et que je n’utilise pas en activité, je préfère utiliser la découpeuse numérique à lame, bien plus rapide et qui permet de créer rapidement des solides de belles dimensions.
Là encore, c’est GeoGebra qui me permet de dessiner les patrons, qui exportés au bon format (.svg) seront découpés avec une très grande précision par la découpeuse numérique à lame Silhouette Caméo 4 de l’école.
Pour débuter, je recommande le formidable article de Carole Le Beller sur le site de la C2it qui propose un tutoriel complet et très clair pour se lancer dans la découpe numérique à lame. Elle y partage un génial outil GeoGebra pour tracer les languettes d’assemblage de façon automatisée et qui permet de construire les solides de façon très simple sans utiliser de colle. L’essayer, c’est l’adopter !
Et évidemment on peut associer les deux machines (imprimante 3D et découpeuse numérique à lame) pour multiplier les types d’activités. Par exemple en découpant plusieurs patrons possibles pour un même solide imprimé. Là encore, la manipulation permet aux élèves de mieux appréhender ces objets et de les comprendre.
Et là également, j’ai créé des outils pour permettre de gagner du temps à ceux qui ne connaissent pas GeoGebra. Tout d’abord en partageant un grand nombre de patrons prêts à être découpés sur mon site. Je les partage dans différents formats : ils pourront ainsi être exploités avec des découpeuses d’autres marques.
Mais j’ai également créé des générateurs de patrons qui permettront d’obtenir très rapidement différents patrons de solides de dimensions choisies. On y trouve, entre autres, le cube et ses 11 patrons, le pavé droit et ses 54 patrons, le prisme droit ou la pyramide régulière avec deux patrons différents pour chacun.
Ces patrons ne sont pas prévus pour être assemblés (il n’y a pas de languettes d’assemblage), mais bien pour être manipulés par les élèves. Éventuellement en étant associés à leurs solides imprimés en 3D.
Le mot de la fin… ou plutôt la suite
Voilà donc de quoi se lancer sans trop d’appréhension dans l’usage de ces outils numériques pour la création de matériel pédagogique. Il existe d’autres outils, comme les découpeuses laser, qui ouvrent encore plus de possibilités. Reste à faire preuve de créativité et de patience pour en trouver le meilleur usage. Car ce que j’ai présenté ici n’est qu’un très bref aperçu de ces possibilités. La découpeuse à lame m’a, par exemple, permis de créer des planches d’autocollants avec des blocs Scratch : les élèves, qui ont un programme à réaliser sur ordinateur, peuvent en conserver une trace dans leur cahier grâce à ces autocollants.
Elle m’a également permis de construire certains des magnifiques solides présentés par la collègue espagnole MARÍA GARCÍA MONERA sur son site. Mes élèves, de la 6e à la terminale, adorent venir les observer, les manipuler (avec précaution !) et poser des questions.
Je n’ai pas encore testé la découpeuse laser , mais là aussi il y a fort à parier que le nombre d’utilisations possibles soit grand. Son usage pourrait être complémentaire de celui de la découpeuse à lame et de l’imprimante 3D. Par exemple, ces sections de conique que j’ai pu obtenir grâce à la fondation MathHappens (sur X, suivre le compte @MathHappensOrg) qui propose un grand nombre d’objets mathématiques découpés ainsi (beaucoup de tuiles de pavage).
Il y a également les réalisations du très créatif Olivier Longuet, professeur de mathématiques dans l’académie de Normandie. Il les partage régulièrement sur son fil X (suivre le compte @OLonguet ) et sur son site qui est une véritable mine d’or pour tous ceux qui aiment la fabrication et la manipulation d’objets mathématiques.
Vous le voyez, les possibilités sont très nombreuses et des outils pour se simplifier la tâche existent. Reste à trouver le budget pour s’équiper et le temps pour s’y mettre.
Note
J’ai écrit un article sur la même thématique pour l’association Les Maths en Scène que vous pouvez lire sur cette page. Si les deux articles comportent des similitudes, l’approche est différente : le présent article est un peu plus technique et plus détaillé.