par Nguembou Nana Giscard
L’auteur de cet article, Nguembou Nana Giscard est enseignant de mathématiques du secondaire et il prépare une thèse de doctorat en didactique de mathématiques à l’Université de Yaoundé 1.
L’expérimentation relatée dans l’article s’est déroulée au Collège Vogt à Yaoundé au Cameroun, en avril 2021.
Le travail qui suit montre comment la coordination des fonctionnalités déplacement, zoom et réduction peut faire de l’environnement de géométrie dynamique un milieu propice pour travailler sur la dualité de la limite. L’articulation des formes opératoire et prédicative de la connaissance par les participants, montre que la vision dynamique de la limite par rapport à la vision statique, a un potentiel élevé à faire percevoir la droite comme une position limite.
Introduction
Dans l’enseignement des mathématiques les notions de limite dynamique et limite statique se côtoient. Cette dualité de la limite est souvent une source de difficultés pour la compréhension du concept de limite comme le soutiennent des chercheurs à l’instar de (Dufour, 2019). Cette auteure indique que la limite statique est celle qui consiste souvent à remplacer la variable x par une constante dans l’expression algébrique de la fonction numérique. Dans le cadre de ce travail nous considérons comme limite dynamique, toute « définition » de la limite contenant un ou plusieurs termes renvoyant au déplacement ou au mouvement. Les travaux des chercheurs à l’instar de (Schneider, 1988) présentent amplement les difficultés des lycéens à appréhender le concept de limite ou de position limite lorsqu’il est rattaché au concept de droite tangente. Dans ce travail, nous allons nous attarder sur la difficulté pour le lycéen à comprendre pourquoi, lorsqu’on rapproche un point B sur la courbe vers un point A, on parle de limite ou de position limite de la droite sécante (AB) lorsque le point B arrive en A, alors que rien ne fait obstacle au dépassement du point A par le point B, au vu du moyen par lequel le rapprochement est effectué (Cornu, 1983). Nous allons alors construire deux situations centrées sur le concept de droite tangente et visant la construction des sens sur le concept de position limite par les participants. Car, la théorie des champs conceptuels soutient que, c’est dans l’action que l’apprenant donne du sens au concept objet de l’apprentissage. Vergnaud résume cet aspect de la théorie en ces termes au : « au fond de l’action la conceptualisation » (2001, p.9).
Aussi, la séance décrite et analysée en partie, s’inscrit dans une séquence d’enseignement visant à faire évoluer les conceptions actuelles des lycéens sur la notion de tangente en classe première. Nous nous sommes rendus à la 8ème séance sur les 13 séances faites. Suites à des phases de formulations et d’institutionnalisations les participants ont vraisemblablement acquis un nouveau langage ou vocabulaire ne figurant pas dans les manuels scolaires. Le but de cette séquence d’enseignement est de proposer au Ministère des Enseignements Secondaires (MINESEC) du Cameroun, une organisation praxéologique centrée l’utilisation de la géométrie dynamique et susceptible de faire de la droite tangente et du cercle tangent de véritables objets d’études en classe de première ou terminale.
Conclusion
Notre travail visait avant tout à donner aux participants des occasions de construire des sens sur le concept de position limite relativement au cadre algébrique et dans l’environnement de géométrie dynamique. En se référant aux travaux antérieurs et aux constatations empiriques, il ressort que les lycéens ont des difficultés à appréhender la notion de position limite, en particulier lorsqu’elle est rattachée à la notion de droite tangente. Nous nous sommes attardés sur la difficulté pour les lycéens à comprendre pourquoi lorsqu’on déplace un point B sur la courbe vers le futur point de tangence A, on parle de position limite de la droite sécante (AB) lorsqu’on arrive au point A (Cornu, 1983). Pourtant, rien ne fait obstacle au dépassement du A par le point B au vu du moyen mis en œuvre pour rapprocher le point B du point A.
Partant du constat selon lequel la connaissance sous la forme prédicative ne semble pas porter beaucoup de fruits, nous avons tenté de proposer un autre itinéraire cognitif. Nous faisons acquérir aux participants la connaissance sous la forme opératoire. C’est-à-dire, nous leur donnons la possibilité de mettre œuvre une technique leur permettant de rapprocher sans cesse et autant qu’ils le souhaitent, le point B du A, sans jamais l’atteindre, ni le surpasser. La coordination des fonctionnalités déplacement et zoom de l’environnement de géométrie dynamique est convoquée à cet effet. Nous avons par la suite, invité les participants à construire eux-mêmes les connaissances prédicatives à partir des connaissances opératoires acquises dans l’environnement de géométrique dynamique.
Ensuite, de produire une équation algébrique de la droite en la regardant comme une position limite. Les participants ont réalisé ces tâches avec succès grâce à la médiation de l’enseignant. Les adaptations faites par les participants dans le registre algébrique, pour construire la suite de points (Bn)r dont le A est position limite des positions occupées par les points Bn, ont permis de soutenir que ceux-ci ont compris que, le nœud de la compréhension réside dans la technique mise œuvre pour rapprocher. Autrement dit, les participants ont compris que c’est la technique dûment choisie, qui fait du rapprochement un rapprochement inépuisable (sous-tendu par la notion d’infini). Et c’est ce rapprochement inépuisable qui permet de faire percevoir le point de tangence comme un point inatteignable. Mais, que l’on peut approcher sans cesse, et autant que l’on veut. C’est alors que la situation permet de renforcer l’idée de position limite, voire de la faire émerger.
Dans l’environnement de géométrie dynamique la technique induisant le rapprochement inépuisable est mise en œuvre grâce à la coordination des fonctionnalités déplacement et zoom. Dans le registre algébrique, la technique repose sur la non dénombrabilité de l’ensemble IN ou des rationnels ou des irrationnels présents dans des intervalles non vides de IR.
A la suite de la résolution de la tâche (2) relative à la situation (2), en adoptant la vision statique de la limite1, le participant X affirme qu’il a des difficultés à déduire que la droite tangente est une position limite. Ce qui nous a invité à soutenir que, par rapport à la vision statique, les visions dynamiques construites dans l’environnement de géométrie dynamique par les participants, ont un potentiel très élevé, à faire percevoir la droite tangente comme une position limite. Aussi, le travail algébrique des participants ont permis de soutenir que les visions dynamiques de la limite, par rapport à la vision statique, ont un potentiel local très élevé.