Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Casenpoche, histoire d’un développement
Article mis en ligne le 27 janvier 2007
dernière modification le 28 janvier 2007

par Emmanuel Ostenne

CasenPoche est un projet de l’association Sésamath

Le but est de créer un tableur qui ait des fonctionnalités mieux adaptées à l’enseignement des mathématiques.

Mais pourquoi encore un nouveau tableur alors qu’il en existe déjà, références incontournables telles Excel (c) Microsoft et son successeur alternatif dans le libre gratuit OpenOffice.org ?

L’aventure Casenpoche

C’est étonnant, mais il existe très peu d’outils de calcul sur ordinateur adaptés au collège !

Entendons nous sur cette phrase provocatrice : tout enseignant de mathématiques rêve d’un outil de calcul qui permette de manipuler aisément le calcul numérique des entiers aux fractions, voire aux radicaux, et qui accepte aussi du calcul littéral de base. Aisément signifie : pas de prouesse informatique au niveau des manipulations de l’interface, pas besoin de changer de logiciel pour passer d’une représentation à une autre ...

Bref un CAhier de BRouillon Interactif calculatoire tout comme il en existe en géométrie dynamique (voir TracenPoche par exemple) : une interface accessible rapidement, mais suffisamment complète pour couvrir un champ pédagogique important.
 

Ainsi sont recalés les logiciels de calcul formel comme Maxima, Maple, MuPad, Mathematica, SciLab ... qui, libres ou pas, gratuits ou payants, sont paradoxalement trop puissants et demandent une prise en main professionnelle pour en maîtriser l’interface ! A réserver aux sections scientifiques du lycée ou post-bac.

Il y aurait bien XCas, interface de la bibliothèque Giac : un véritable couteau suisse libre des mathématiques sur ordinateur ! Du calcul formel, de la géométrie dynamique, du tableur, de la programmation, du logo, l’interfaçage possible à d’autres logiciels, une utilisation multi-plateforme voire en ligne, il permet de jongler et de faire quasiment tout ce qu’on veut ... à condition de savoir s’y prendre et de maîtriser là encore une interface assez rude (mais peut-il en être autrement ?). Il est de fait réservé au lycée.

A côté de ces logiciels, le tableur occupe une place à part.

Les fonctionnalités du tableur, ses possibilités pédagogiques, sont telles, qu’il est devenu incontournable dans l’utilisation des TIC pour l’enseignement des mathématiques à l’école, au collège et au lycée. De plus, dans une large mesure, au collège, le tableur apparaît bien mieux adapté que les logiciels de calcul formel.

Tout d’abord pour deux raisons matérielles !

Même si ce n’était pas évident sur les premiers ordinateurs apparus dans les écoles (et sur du matériel encore en fonction !), rapidement l’utilisation d’une suite bureautique est devenue incontournable ... pour faire de la bureautique ! C’est-à-dire composer, produire ou consulter des documents comme dans le monde de l’entreprise.

Seconde raison matérielle : il n’y a pas d’autres logiciels proposés ou disponibles que ceux que vont récupérer et installer les « férus » d’informatique des établissements.

Ensuite vient la raison réglementaire.

L’utilisation du tableur est présente dans les programmes : en Technologie dès la 5ème, et en mathématiques en 4ème.

Avec la mise en place de la validation du B2i, toutes les disciplines trouvent là un outil d’étude, de production et de validation incontournable.
 

Mais revenons aux mathématiques.

Au collège le tableur est utilisé fort à propos dans la partie « organisation de données » qui va de la proportionnalité aux statistiques. Calculs de moyennes, fréquences et autres médianes sont facilement, rapidement accessibles, en utilisant ou non les fonctions préimplantées ... soulageant ainsi les problèmes rencontrés avec la calculatrice : durées et erreurs de saisie rébarbatives !

L’interprétation des résultats est aussi facilitée par l’éventail des diagrammes statistiques proposés !

Il est clair qu’on ne cantonne pas non plus le tableur à l’étude des statistiques (Faute de temps ou de matériel, c’est tout de même déjà bien !). L’étude de problèmes plus ou moins ouverts (ou fermés) est possible : son utilisation peut aller de la mise en place des données pour une exploitation postérieure jusqu’à la recherche de solutions empiriques par essai-erreur ou par des simulations plus construites.

Dans toutes ces situations, il est impossible de faire l’impasse sur la notion de cellule et dès lors on aborde la notion de variable, d’inconnue, de paramètre ... Et ce dès la 6ème ... Sans pour autant formaliser : on prépare !

Avec les réseaux pédagogiques (avec ou sans Internet !), le professeur peut envoyer des documents progressifs aux élèves ... récupérer les productions de chacun ... mettre en place des échanges autour de situations mises en commun.
 

 

Dès lors, le tableur apparaît comme un cahier de brouillon évolué :
 l’utilisateur récolte, organise, présente des données,
 la « facilité » à calculer libère l’utilisateur pour chercher une ou des solutions au problème envisagé !
 

Mais il y a quand même quelques soucis du point de vue des mathématiques.

Quand on étudie la proportionnalité ou non des données d’un tableau, on a des surprises. L’exemple suivant est explicite !

On a représenté les données du tableau qui sont clairement proportionnelles (coefficient de proportionnalité 1,3) et on s’attend alors à une représentation sous forme d’une droite (passant par l’origine du repère est alors un détail) Pour le tableur bureautique, les graduations ne sont que des étiquettes, des titres, et non des valeurs numériques d’abscisses.

Il en va de même pour toute étude fonctionnelle, tout comme pour l’utilisation des histogrammes (qui n’en sont pas la plupart du temps, du point de vue de la définition mathématique). Et ce problème n’affecte pas que le cours de mathématiques : en Sciences Physiques, en SVT, Histoire-Géographie ... les graphiques obtenus ou les données expérimentales doivent être « aménagés » pour être exploitables avec les élèves (sauf à nouveau à utiliser un logiciel spécialisé).

Autre situation. Beaucoup ne le savent pas, mais le tableur permet de travailler sur les fractions !

Dans l’exemple suivant le contenu des cellules A1 et B1 est saisi au clavier, C1 est la somme de A1 et B1. A3 contient =A1, B3 contient =B1 et C3 contient =C1.

Il a juste suffi de mettre en forme les cellules de la ligne 3 : on peut remplacer le format # ?/ ? par ?/ ? uniquement.

Néanmoins, il faut être très, très prudent ! Que penser en effet de ces 2 exemples ?

On a l’impression d’avoir ces égalités : 0,3 =2/7 et 0,33 = 1/3.

Donc l’outil nécessite une formation des élèves ... voire des professeurs.
Et donc une utilisation raisonnée et prudente s’impose.
Un encadrement des élèves pour des études de notions « au programme » est nécessaire.
 

Parallèlement, l’équipe du projet TracenPoche entrevoit la possibilité de mettre en place un outil tableur, avec les limites de l’environnement de développement Flash (c) Adobe découvertes lors de la mise au point de TracenPoche.

Tout comme TracenPoche était prévu pour fournir un outil de géométrie dynamique à l’intérieur d’un exercice MathenPoche, sans avoir à reprogrammer l’outil en fonction des besoins, l’outil tableur est tout d’abord prévu pour fournir un tableur à l’intérieur des exercices MathenPoche : initier les élèves à son utilisation comme tableau ou tableur, mettre en action les compétences des élèves sur le tableur, valider ces compétences en parallèle avec certaines compétences mathématiques.

Par ailleurs, le manuel Sésamath étant d’actualité, cela permettait de proposer un autre outil mathématique comme TracenPoche, disponible pour les élèves et les professeurs, et sur lequel bâtir des activités ou exercices.
 

Faisant le cahier des charges de l’outil, nous sommes retombés sur le bilan précédent et sa conclusion : garder l’esprit du tableur dans son ergonomie, mais orienter davantage certaines fonctionnalités sur les mathématiques :

 Corriger certains défauts

  • calculs numériques avec fonctionnalités et calculs fractionnaires « sans erreur »
  • représentations graphiques avec représentation correcte des données fonctionnelles ( x  ; f(x) )

     Ajouter des possibilités
  • des calculs littéraux comme la manipulation d’expressions ...
    Exemple possible :
  • des calculs fonctionnels comme évaluer une expression littérale en affectant une valeur aux variables ...
    Exemple possible :
(contenu des cellules)



(rendu des cellules)


  • rendu graphique des expressions littérales ou numériques
    Exemple possible :

Au final, cela recoupait l’appel à projet du Schène en Mathématiques pour l’année 2005 :

(extrait du nouvel appel à projet émis en avril 2006)

« 2. Un tableur-grapheur mathématique [code 0602MA102]

Ce besoin prioritaire, déjà présent dans l’appel à propositions 4e et non couvert, est reconduit et étendu au niveau du lycée.

L’outil attendu est un tableur-grapheur dédié à l’enseignement des mathématiques. Il devra être utilisable en ligne et disposer d’un moteur formel pour un contrôle des solutions des élèves.

Toutes les préconisations qui suivent visent à mieux adapter l’outil à l’enseignement des mathématiques. On veillera notamment à ce que seules les fonctionnalités de tableur, utiles à cet enseignement soient présentes. L’enseignant pourra sélectionner celles qu’il souhaite laisser disponibles selon les situations d’apprentissage.

Fonctionnalités du tableur

 Manipulation de lignes ou de colonnes dans des formules (comme les tableaux des calculatrices), proche de l’apprentissage du calcul littéral.
 Calculs sur les fractions, puissances, radicaux, en mode exact (calcul symbolique possible) ou en mode approché.
 Affichage d’un nombre sous ses différentes écritures possibles (fraction, écriture scientifique...).
 Module de statistiques adapté au contenu des programmes : passage de données brutes à des tableaux d’effectifs, tableaux croisés, traitement de séries chronologiques.
 Affichage : possibilité de basculer de l’affichage des valeurs et des formules en écriture en ligne ou en écriture mathématique. Possibilité d’écrire des commentaires (intitulés de lignes ou de colonnes) avec des expressions mathématiques.
 Capacité de gérer des calculs formels en algèbre et en analyse.

Fonctionnalités du grapheur

 Les graphiques doivent correspondre à leur définition mathématique : courbes et vrais histogrammes.
 Pour les statistiques, de nombreuses représentations graphiques doivent être disponibles (demi-circulaire, diagramme en boîte...). »

 

En 2005, CasenPoche était candidat au Schène mais a été recalé. Nous avons choisi de ne pas insister en ne postulant pas à l’appel d’avril 2006, même si le refus paraissait quelque peu surprenant par rapport à ce que la « démo » d’alors permettait d’entrevoir.

Actuellement le tableur CasenPoche existe, mais demeure en cours de réalisation.
 

CasenPoche est proposé sur son site http://casenpoche.sesamath.net/, utilisable directement dans la partie « Utiliser en ligne ».

La partie « Documents » liste les fonctionnalités déjà intégrées, avec notamment le support du format des fichiers OpenOffice.org version 1.1.5 ou 2. Cela permet d’assurer un pont entre le tableur CasenPoche et les tableurs bureautiques afin de réexploiter facilement les données de l’un avec l’autre.

Le bas de page propose une activité de base, « Table d’addition » où les actions de l’élève sont contrôlées et validées en ligne.

Le Manuel Sésamath 5ème édité par Sésamath/Génération 5 propose des activités « tableurs » illustrées par CasenPoche. Les documents sont librement disponibles sur le site http://manuel.sesamath.net/. Les compléments du Manuel 5ème comportent des activités ou parties d’exercices réalisées et visibles avec CasenPoche directement en ligne, ce qui évite de télécharger les documents pour ensuite les ouvrir avec un tableur installé.

Exemple : Compléments du manuel 5eme, chapitre N6
 

Les difficultés rencontrées pour réaliser ce tableur sont multiples.

La première d’entres elles est le temps ! C’est long et épuisant. Tout est programmé en langage ActionScript2 de Flash (c) Adobe, et tout est à écrire : il n’y a pas de composants ou de portions de code qui existent et puissent être réutilisés.

La seconde est représentée par quelques soucis avec l’interface en Flash. Par exemple, le rafraîchissement de l’affichage prend un temps important par rapport au temps de calcul à cause du composant d’affichage des cellules (aussi basique soit-il). On a donc limité l’étendue à une trentaine de lignes sur une trentaine de colonnes (cela reste paramétrable).

Ensuite, l’algorithme de calcul fonctionne mais doit être aménagé pour les copier-coller et autres suppressions de lignes ou colonnes, pour tenir compte plus finement des interdépendances.

Enfin, bien que le projet soit essentiellement collaboratif, les développeurs ne sont pas assez nombreux (ils sont deux !), alors que les développements à mener se ramifient et sont chronophages.