Voici un petit retour d’expérience d’un Mooc (Massive Open Online Course - Cours Ouvert en Ligne et Massif) intitulé "Arithmétique : en route pour la cryptographie" qui a eu lieu pendant 6 semaines en octobre-novembre 2013.
Le cours était calibré pour des étudiants de licence première année, le but principal du cours était d’apprendre de l’arithmétique (division euclidienne, pgcd, théorème de Bézout, nombres premiers). Pour rendre le cours plus motivant, l’arithmétique était directement appliquée à la cryptographie (chiffrements de César, Vigenère, la machine Enigma et surtout RSA).
La première surprise du cours ce sont les étudiants : les inscrits avaient un âge moyen autour de 30 ans, avaient souvent un niveau d’étude de L3 ou plus et leur principale motivation pour s’inscrire n’était pas les maths mais la cryptographie !
La première difficulté a été de recruter des étudiants, il y a eu un gros travail de publicité pour faire connaître le cours. Nous avons bien sûr bénéficié de l’effet nouveauté, beaucoup d’étudiants s’étant inscrits "pour tester un Mooc". La publicité s’est faite par des moyens modernes et en particulier par le site Exo7 (http://exo7.emath.fr/) (page web, page Facebook, page Youtube). 1400 étudiants se sont inscrits au cours. Ce chiffre montre l’attrait du sujet et l’envie d’apprendre du public. La plate-forme (http://www.canvas.net/) n’apporte en soi qu’un pourcentage très faible d’étudiants.
1400 est un chiffre qui doit largement être modéré :
Il semble que ce soient des pourcentages standards pour les Mooc : 20 à 60% des inscrits suivent la première semaine, 6 à 10% vont au bout. Le point positif est que les 130 étudiants qui sont allés au bout étaient très motivés. Tous les étudiants ayant répondu au sondage de fin, ont dit qu’ils recommenceraient un Mooc, dont 80% bientôt.
Chaque semaine de cours comprenait :
Les cours de maths, cryptographie et algorithmique et les exercices sont disponibles sous deux formes : un polycopié (format pdf) dont chaque section est reprise en vidéo. Les étudiants ont apprécié de pouvoir travailler avec les deux supports "la vidéo facilite la compréhension, le cours écrit permet de faire un meilleur travail d’approfondissement" dixit un étudiant.
Chaque semaine se termine par un qcm de 10 questions et aussi un message secret à décrypter. Ce quiz et ce challenge permettent de vérifier immédiatement la compréhension du cours et sont une motivation très importante pour les étudiants. Décrypter une phrase secrète a beaucoup plu aux participants ! Les corrections sont faites automatiquement par la plate-forme. Autre motivation : à la fin du cours, ceux qui ont plus de 70% de réussite reçoivent un certificat de participation. Les difficultés rencontrées par les étudiants sont principalement le manque de temps, les difficultés techniques (travailler avec une plate-forme, installer Python, programmer une boucle, suivre le cours depuis une tablette) et gérer les trois matières du cours.
La quantité de travail pour les étudiants était de 2h à 4h par semaine. La quantité de travail pour les enseignants est autrement plus conséquente ! Écrire un polycopié propre et sans erreurs demande déjà pas mal de travail. Mais un Mooc implique aussi des vidéos, ce qui demande énormément de préparations. On a profité du cours et des vidéos existantes pour les maths et les algorithmes (voir le site Exo7).
Pour la partie cryptographie voici une estimation du temps de travail :
Le tournage et le montage des vidéos est assuré par le service multimédia de l’université Lille 1. Une fois le cours commencé le travail est plus léger : mettre le contenu en ligne, répondre aux questions : de 5h à 10h par semaine. La multiplicité des outils techniques est une donnée qu’il ne faut pas négliger et requiert une certaine aisance informatique : plate-forme, site internet, LaTeX, vidéos, animation d’une communauté,... Le côté frustrant d’un Mooc est l’absence d’interaction directe avec les étudiants.
Préparer un Mooc demande donc beaucoup de travail, mais l’essentiel est réutilisable : le cours et les vidéos sont réutilisables immédiatement. Pour notre cours, le contenu (cours et vidéos) est désormais consultable par tous en accès libre (par exemple, les 6 vidéos de cryptographie sont vues chacune 25 fois par jours depuis la fin du cours). Le cours est sous licence libre (Creative Commons) et les fichiers sources (chapitres, exercices, diapos, figures) sont publics. Refaire un Mooc sur le même sujet -que ce soit par nous ou par d’autres personnes-
demanderait donc peu d’efforts.
Prenons un peu de hauteur : Est-ce que les mooc vont révolutionner l’éducation ? Faire disparaître les enseignants ? Ne sont qu’un soufflé qui va se dégonfler ? Sûrement rien de tout cela. Osons une comparaison : à sa sortie il y a 3 ans l’Ipad devait déjà révolutionner l’éducation alors que d’autres professaient sa vacuité. Comme l’Ipad, les Mooc sont une évolution qui va s’installer rapidement, mais durablement dans le système éducatif. Ils devraient être un moyen efficace et apprécié pour apprendre ou approfondir sur un sujet bien délimité, sur une période courte.
Voici les documents liés au MOOC (ils sont accessibles à tous)