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MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

TIC et démarche d’investigation en mathématiques : expérimentations en Collège
Article mis en ligne le 29 janvier 2010
dernière modification le 28 février 2010

par Henrique Vilas-Boas

Sommaire

1 Introduction

Nous essaierons dans cet article de présenter quelques observations autour de la démarche d’investigation et la modélisation comme support de cette démarche. Nous montrerons comment les TIC, dans une perspective validante, permettent de rendre compte d’une facette de l’état d’esprit des élèves à un moment donné. La modélisation semble t-il, vise plusieurs fonctions :

• Simplifier la réalité par un corpus de schémas, mots (spécifique ou courants, formes logiques de raisonnements) : cet ensemble permet de faire le choix d’un modèle.

• Permettre une opérabilité sur le modèle, c’est-à-dire, pouvoir à partir de celui-ci, décrire, interpréter, expliquer, prédire, dégager des hypothèses, démontrer, calculer.

Nous ferons l’hypothèse que la démarche d’investigation est une exploration de ces deux phases (description et opérabilité du modèle), afin de réaliser un produit (un raisonnement, une conclusion,…). Pour cela nous déclinerons la modélisation en deux phases, la première qui est une phase descriptive du modèle (choix des représentations, choix du système axiomatique, du système logique,…), la deuxième qui est une phase d’opérabilité (mise en évidence d’hypothèses, mise en place d’une chaîne de raisonnements, prédictibilité…). Dans nos classes, la modélisation est très souvent pris en charge par le professeur qui en donne la forme et les contours ou l’induit fortement. L’opérabilité est dévolue aux élèves, quoique de nombreuses étapes peuvent être prisent en charge par le professeur.

Dans un premier temps, nous tenteront de montrer, dans une démarche d’investigation proposé en 3ème DP6 (découverte professionnelle 6 heures, ici en RRS), comment les élèves se sont emparés de la description du modèle et les observations que ces descriptions suscitent. Nous verrons alors comment les élèves choisissent leur modèle en fonction de leur capacité à pressentir une solution à priori.

Dans un deuxième temps, nous chercherons à montrer, comment, à partir d’un modèle proposé par le professeur, les élèves s’emparent de toutes les informations accessibles quittent à ce qu’elles détourne des enjeux du problème et comment un logiciel de géométrie permet d’identifier la représentation des élèves.

2 Dans une classe de 3ème DP6 sur un problème de Fibonacci

Enoncé du problème :

Deux tours, hautes de 30 m et de 40 m, sont distantes l’une de l’autre de 50 m. Un puits est situé entre les deux tours. Deux oiseaux volants à la même vitesse, s’envolent en même temps, chacun du sommet de chaque tour, pour se poser au même moment sur le puits. Comment pourrais-tu faire pour déterminer la position de ce puits entre les deux tours ?

2.1 Motivations du professeur

Ce travail a été proposé aux élèves comme narration de recherche, les élèves sont amenés à exprimer leur démarches, à proposer des pistes, même si elles mènent à une impasse. Le passage sur ordinateur n’a pas été proposé a priori aux élèves, pour ne pas induire un type de modèle, somme toute assez dirigé par le choix du logiciel indiqué, mais aussi, pour laisser plus d’aisance dans la mise en forme (l’introduction d’un nouvel outil apportant une contrainte supplémentaire dans sa maîtrise pour obtenir ce que l’on veut dans une démarche de réflexion).

2.2 Analyse à priori

Dans une démarche traditionnelle, on peut associer les tours à deux segments, et le puits à un point, il s’agit alors de trouver un point à égale distance des extrémités des segments. Une première approche, géométrique, utilise la médiatrice des deux extrémités, et permet de trouver la position du puits sans calculs. Une autre approche, algébrique, utilise le théorème de Pythagore que l’on utilise dans deux triangles rectangles, il s’agit de résoudre l’équation qui égale deux hypoténuses.

Toutefois, on peut imaginer des modèles plus fidèles à la réalité, en donnant une forme et une épaisseur au puits, en imaginant des trajectoires non linéaires, en prenant en compte la résistance de l’air, l’ espace en trois dimension…

2.3 Analyse de productions délèves

Dans de nombreuses recherches, le puits a une forme et une épaisseur, il semble que le modèle s’adapte à la solution cherchée, c’est particulièrement fort pour l’exemple ci-dessous (voir aussi l’annexe 1), où la forme du puits est asymétrique.


En effet dans l’énoncé, aucune information n’est donnée sur la forme du puits, ce qui laisse libre toute interprétation sur celle-ci (et rend le problème plus ou moins difficile). C’est vrai, aussi, dans l’exemple suivant (voir aussi l’annexe 2), une élève a proposé une tour penchée (ce qui est amusant quand on se rappelle que Fibonacci est natif de Pise).

Annexe 2

Ces modélisations permettent une interprétation géométrique, il est possible pour les élèves d’en tirer une première approximation et éventuellement de mesurer. Des stratégies de mise à l’échelle sont alors possibles (il semble que c’est le cas dans la figure de l’annexe 2), mais on voit dans ce cas un autre modèle s’agréger, celui de la proportionnalité et demande un effort supplémentaire d’intellectualisation du modèle (en tout cas l’effort porte sur le passage de la verticalité-horizontalité où il suffit de compter à des lignes de directions différentes où le comptage n’est plus efficace ).

La taille et la forme du puits est donc tout à fait problématique, puisque l’énoncé n’exclut aucune éventualité, une élève a imaginé, (voir annexe 3), un puits aussi haut que les deux tours, c’est un cas où le modèle s’adapte à une résolution à priori accessible (ici c’est un écart à la moyenne de la hauteur des tours), d’autre part la largeur du puits est, elle aussi, choisie avec le même concept d’écart à la moyenne (le centre du puits est à la même distance des deux tours). Ici le modèle essaye de rendre compte de symétries inexistantes à priori dans l’énoncé du problème.

De même pour la trajectoire des oiseaux qui est en général modélisée par une direction rectiligne, car elle facilite grandement les calculs. L’élève sur l’exemple suivant (voir l’annexe 3), ne sait pas aventurer dans cette voie, bien que la trajectoire soit schématisée par des lignes courbes.

Annexe 3

Pour une autre élève, dans l’exemple ci-dessous (voir l’annexe 4), on voit le passage d’un modèle descriptif sur lequel il est difficile d’opérer à un modèle géométrique qui de manière drastique, associe la forme du puits à un point, les tours à des segments perpendiculaires au sol. Le passage des tours nommées A et B aux points A et B dans la deuxième figure est particulièrement frappant. D’autre part cette modélisation s’associe à une mise à l’échelle, permettant une double opérabilité (utiliser la géométrie euclidienne et ses formes « classiques » ainsi que la proportionnalité).

On peut l’observer aussi dans l’annexe 5 avec l’utilisation d’une médiatrice dans la deuxième figure.

Annexe 5

Le choix de représenter le puits par un point est un passage d’abstraction très fort, au sens propre du terme on prend du recul sur la figure, comme si on s’éloignait du modèle pour ne retenir que les formes extrêmes, un puits très éloigné ressemble à un point, une tour à un segment.

On peut faire remarquer aussi que les élèves ont choisi comme point de vue, la géométrie du plan (on pourrait avoir un modèle dans la géométrie dans l’espace, ou avec un milieu non isotrope en tenant compte de la gravité par exemple). Le choix a toujours été fait par une vision latéral des tours (elles ne sont pas dessinées par une vue de haut par exemple). Ceci laisse penser, qu’à l’instar des illustrations du moyen-âge, les types de modèle privilégiés par les élèves doivent permettre de laisser voir toutes les informations importantes (trajectoire des oiseaux, position relative du pied des deux tours). Il faut toutefois nuancer ce propos car la formulation du problème incite peut-être assez naturellement ce type de modélisation. Peut-être qu’une des difficultés dans la résolution de problèmes que rencontrent les élèves est dû à une formalisation trop précoce des modèles choisis (en général par l’enseignant) et de l’omission du passage dun choix de modèle à un autre (les choix souvent implicites étant choisi pour pouvoir rendre les modèles opérables au sens du premier paragraphe de ce texte).

3 Dans une classe deux de 4ème (en RRS) sur un problème de Lambert

Enoncé :

Une variante a été donnée l’année suivante :

3.1 Motivations du professeur

La démarche est sensiblement la même que pour les troisièmes, ici toutefois un travail a été continué avec l’informatique, à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique, dans une perspective validante des stratégies proposées par les élèves.

3.2 Analyse à priori

Le nombre de possibilité de résolution est important et mérite à lui seule un article (utilisation de symétries diverses, d’homothétie, d’homologie, …). Voir à ce propos le cédérom EXPRIME à paraître prochainement. http://educmath.inrp.fr/Educmath/ressources/documents/exprime/

3.3 Analyse de productions délèves

De nombreux élèves se sont emparés du cadre comme une donnée du problème, comme on peut le voir ci-dessous. Aussi, pour éviter que le cadre qui est une forme classique (rectangle) et donc stimule l’émergence de propriétés diverses, il a semblé plus opportun de changer le cadre en une forme qui semblait non opérable.

Mais on voit bien que certains élèves, malgré la forme du nuage peu habituel, l’utilise aussi comme référence. Les élèves ont ensuite utilisé le logiciel Car Metal pour valider leur proposition de résolution. On voit aussi avec le logiciel que le nuage fait partie intégrante du modèle. Dans les exemples ci-dessous, les élèves agissent sur le nuage comme il agissent sur les droites.


Il est à remarquer que le texte proposé dans ce dernier exemple est le même sur la copie papier, ce qui semble signifier que le logiciel est utilisé comme une feuille papier et ne semble pas pour l’élève ajouter une plus-value.

Toutefois dans le travail de l’exemple suivant, l’élève utilise l’aspect dynamique du logiciel pour invalider sa conjecture. Le statut du modèle a donc changé, on peut opérer sur lui en déplaçant les objets en ne prenant en compte que les objets invariants par ces déplacements.

Dans l’ensemble, les élèves ont été en proie aux manipulations du logiciel qu’ils maîtrisent encore peu. Mais le passage de leurs propositions sur papier au logiciel ont permis de rendre compte de la nécessité d’être plus exigent. Il ne suffit pas de dire c’est vrai ou ça marche , en illustrant par un dessin qui étaye ces croyances pour être sûr en mathématiques. Ainsi, les logiciels de géométrie sont les meilleurs garants de ce passage-clé dans la compréhension de la nécessité de démontrer ce que l’on affirme.

4 Conclusion

Dans la première approche, en troisième, il semblerait que le temps consacré à la description et aux choix des hypothèses de travail mériterait d’être élargi, l’appropriation de cette phase est fondamentale et permet sûrement aux élèves de mieux cerner les choix, parfois drastiques, qui sont fait dans les modélisations.

Dans la seconde approche, nous voulions souligner le symptôme wysiwyg’(what you see is what you get, ce que vous voyez c’est ce que vous avez), qui met l’élève, parfois, en position de blocage sur des éléments qui viennent parasiter sa réflexivité. Toutefois, un des éléments de déblocage peut-être l’aspect dynamique des logiciels, sans négliger toutefois, les nouvelles aptitudes qu’ils nécessitent.