Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Gestion d’évaluation par Compétences (GEC), genèse d’une création
Article mis en ligne le 2 avril 2010
dernière modification le 28 mars 2010

par Julien Jocal

En juin 2009, deux collègues de Mathématiques proposent à notre chef d’établissement de mettre en place dans leur discipline, pour les classes de 6ème, de nouveaux modes de prise en charge des élèves.

D’une part, afin de mieux gérer l’hétérogénéité des classes, elles proposent, suite à une formation ZAP sur ce sujet, de casser le groupe classe pour travailler par « groupes de compétences ».

Ce projet, pour être mis en place, implique que d’autres disciplines s’y associent pour ainsi avoir les moyens de redistribuer les élèves en groupes de compétences. Par exemple, faire avec deux classes , trois groupes, qui permutent sur trois heures consécutives entre trois disciplines ; ou bien associer sur deux heures deux enseignants de matières différentes qui se partagent deux classes comme ils le souhaitent. Au final, après un échange avec la direction, les deux collègues de Math, deux collègues de SVT, deux de Technologie et moi-même en Histoire-Géographie décidons de participer à ce projet.

Mais d’autre part, faisant le constat que l’échec scolaire s’enclenche le plus souvent dès la classe de 6ème, où certains élèves arrivent déjà en grandes difficultés, où d’autres perdent l’envie et le goût de l’effort, elles proposent aussi d’abandonner « la note » pour son côté sanction , et de passer à une « évaluation par compétences ». Se pose tout de suite la question des outils à utiliser pour gérer ce type d’évaluations....

Comme les collègues intéressés par cette expérimentation, je me suis donc retrouvé à chercher sur le net des applications qui pourraient servir à mettre en forme la trace de ces évaluations car je me voyais déjà avec de grandes feuilles et plein de lettres/chiffres sur de (trop) nombreuses compétences et donc au final peu de latitude à analyser la réussite et les échecs de mes élèves. 

N’ayant rien trouvé de satisfaisant et étant personnellement très engagé dans le projet GEPI (je possède quelques compétences dans le développement d’applications web en php) je me suis donc lancé cet été, dans la création ex nihilo d’une application : un peu de schématisation de base de données, un peu de design pattern MVC et surtout l’envie dès le départ de proposer un outil intégrable dans des ENT. A la rentrée, la mise en production a pris de la place, chacun ayant un peu tenté de créer des tableaux, des listes de son côté......

Le point très positif a été de voir que nous avions une heure de libre en même temps tous les vendredi matins . Bon, il ne s’agissait pas d’une heure payée par l’établissement mais, au moins, on allait avoir la possibilité de se voir durant notre temps de présence au collège ce qui s’est avéré être un des points les plus importants de la réussite de notre projet. 

Les échanges avec les collègues allaient permettre de mettre en place les bases des fonctionnalités de l’application GEC (Gestion des évaluations par compétences).

Entre septembre et décembre, aucun vendredi ne sera raté, ce qui a permis de faire évoluer rapidement GEC car l’évaluation par compétences devenait un projet en classe de 6ème sur au moins 4 disciplines : Mathématiques, Sciences de la vie et de la Terre, Arts plastiques (qui avait cours pendant cette fameuse heure) et Histoire Géographie. Le premier trimestre a donc été un temps de questionnement et de mise en évidence des besoins de chacun. Nous étions dès le départ d’accord pour nous passer de la note chiffrée.

Après analyse, celle-ci avait de très nombreux désavantages car elle n’indiquait pas les points forts ni les points faibles de l’élève et elle restait figée comme un constat (ce qui est le but de la note d’ailleurs). Nous voulions que les élèves et leurs parents se penchent un peu plus en détail sur les résultats.

L’évaluation se ferait donc par un code de lettres/couleurs communs : 

N :Compétence non maîtrisée
C :Compétence en cours d’acquisition
R :Compétence à renforcer
M :Compétence actuellement maîtrisée

Les (fameux) points Lomer ne nous sont pas apparus comme satisfaisants même si la question s’est posée. Bref, la machine était lancée, les premières réunions de présentation et d’échanges avaient lieux avec les parents et nous étions partis pour une année. Les collègues de mathématiques ont commencé par distribuer un document de rentrée pour les parents et les élèves (ci-joint). Dire que nous partions totalement à l’aventure serait faux. Nous avions une idée assez précise des informations que nous souhaitions conserver, il manquait quelques détails mais l’essentiel était en place.

Nous voulions en effet, pouvoir faire deux choses très différentes avec la seule et même application : 
 Assurer le suivi du niveau d’acquisition des savoirs du programme ainsi que celui des compétences du socle (même si nous avons conscience que le socle n’est pas le programme et vice-versa mais les deux sont tellement imbriqués que leur lien semblait évident).
 Évaluer ces mêmes compétences.

Le possible écart était de confondre ces deux actions.
Évaluer et valider un niveau sont deux choses différentes et je dois bien reconnaître que je n’ai jamais vraiment su utiliser des logiciels comme Gibii avec mes élèves. Certes ils demandent la validation de leurs items mais leur justification est beaucoup trop stéréotypée quand elle n’est pas copiée-collée d’un site de réponses. Il fallait donc prévoir pour GEC, dès le début, un lien avec le socle commun, plus la possibilité que l’application accompagne chaque élève sur toute sa scolarité au collège ; bref que GEC soit aussi un outil mémoire. Nous ne pouvions mettre de côté l’idée qu’en troisième il faudrait éditer des attestations très formées.

GEC devait se construire dans ce sens ; dès lors mes échanges avec Thomas Crespin, qui continuait de faire évoluer SACoche, permettaient également de faire avancer les problématiques que nous rencontrions. L’essentiel des demandes reposait sur l’interface de création des évaluations : faut-il faire des grilles d’abord, un/des référentiels ? Les réponses, sans être définitives, allaient être débattues et proposées avant validation.
La logique de départ était la suivante : éviter au maximum l’accumulation de trop nombreuses compétences (ou plutôt devrions-nous parler d’items à l’instar de SACoche). En clair, nous avions une base : le socle commun et des programmes à respecter. Il fallait donc lier cela. De ce constat est née la possibilité de créer des compétences partagées et des compétences personnelles. Le statut de chacune d’entre elles permettait un travail collaboratif mais laissait aussi une grande liberté à chacun. Il fallait également penser au bulletin où il nous semblait que l’accumulation de compétences ne servirait à rien. Partant de ces préceptes, GEC proposait donc de créer des groupes d’élèves (classe ou autre), des grilles de compétences et de lier les deux (une grille pouvant être liée à plusieurs groupes et chaque groupe pouvant avoir plusieurs grilles) pour construire des évaluations.

Les premiers retours sur les évaluations proposées permettaient de constater une évolution chez les collègues : des évaluations plus nombreuses et plus courtes parfois mais surtout la volonté de (re) penser l’objet évalué. Il faut bien reconnaître que l’émulation née dans la groupe était alors un chaud réconfort devant le travail à accomplir. 

Puis, la première rencontre parents-professeurs a été l’occasion d’entendre les retours des familles sur ce que nous faisions avec leurs enfants. En réalité, bien peu de parents sont récalcitrants face à ces évaluations, mais ceux qui le sont accaparent notre réflexion. Le problème de la note s’est posée par une petite minorité de parents pour qui il était nécessaire de classer les élèves et de pouvoir les situer par rapport à deux « moyennes » : celle de la classe et le 10/20. Notre réponse a d’abord été d’insister sur la force de l’appréciation précise qui reposait sur une analyse fine des points forts et faibles de l’élève, ce qui a évité les conflits même si un parent nous a tout de même fait comprendre que si nous continuions dans cette direction, il retirerait son enfant du collège (par ailleurs, ce parent est un collègue professeur dans un autre établissement). Il n’empêche que les interrogations des parents sur la possibilité de situer leur enfant par rapport à la moyenne et/ou par rapport à la classe sont légitimes et nous avons donc commencé à y réfléchir, certains collègues pensant à un retour de la note, d’autres à convertir des bilans de réussite en note chiffrée (un peu sur le modèle de SACoche) et enfin d’autres préférant user de pédagogie pour ne pas revenir aux notes. Dans tous les cas, l’évaluation par compétences était lancée et nous ne pourrions pas nous en passer maintenant tant elle est un outil utile.

Vers le mois de novembre, les conseils approchant, il a bien fallu penser la communication écrite. Là aussi, nous avons conclu que GEC devait proposer des bulletins qui faisaient le bilan des évaluations des compétences. C’est comme cela que les bulletins sont apparus dans GEC avec la possibilité de créer des compétences transversales (évaluées donc par plusieurs enseignants dans leur discipline) rattachées à l’appréciation du professeur principal. De son côté, chaque discipline pouvait se lier à quelques bilans de compétences travaillées et évaluées au cours du trimestre. La qualité du document produit a été un véritable plus durant les conseils de classe pour montrer le « profil » de chaque élève en vidéo projection. Du coup, GEPI ne servait plus à grand chose dans ces classes car la note ne concernait plus que quelques disciplines mais surtout pour la première fois, nous avions entre collègues une base commune d’évaluation pour analyser nos élèves.

Il est temps de revenir sur quelques outils qui ont évolué et qui vont évoluer dans GEC. Les bilans de compétences devaient être manuels au début mais la vérité du terrain a vite obligé à revoir cette pratique. Autant je pouvais gérer 450 bilans manuellement (avec une gymnastique du couple souris-clavier efficace) autant mon collègue d’Arts plastiques qui a 420 élèves et 4 compétences évaluées pour chacun d’entre eux ne le pouvait raisonnablement pas. Nous avons alors convenu que GEC devait proposer des bilans en fonction d’un algorithme simple (de type moyenne un peu plus réfléchie) mais laisser également la possibilité à l’enseignant de modifier à la main ce résultat avant enregistrement pour tenir compte de sa propre analyse personnelle. L’interface reste à améliorer car elle demande encore beaucoup de temps aux enseignants mais on est sur la bonne voie.

Le dernier point sur lequel nous avons réfléchi est la possible remédiation sur GEC. Au début, nous en convenions tous, les évaluations par compétences allaient permettre de mieux cerner nos élèves et donc d’être plus efficaces sur l’aide que nous pouvions leur apporter dans leur progression. Si les groupes de compétences étaient une première réponse, elle n’est pas suffisante et nous avons réfléchi à la possibilité de proposer des ressources en ligne pour nos élèves. Un professeur peut donc lier une ressource à une compétence, un niveau de validation (une couleur/lettre) et un groupe de classes. Ces ressources peuvent être un lien internet ou un fichier. Pour le moment, nous n’avons pas creusé cette fonctionnalité mais le premier constat est sans appel : les élèves y vont si on les y poussent et restent peu autonomes sur ces travaux. Pourtant, les ressources étaient quasi exclusivement des liens internet (le site de Dijon pour les SVT, Mathenpoche,...) connus des élèves. Il nous faudra revoir l’approche avec les élèves et les sensibiliser sur leur implication nécessaire. J’ai également commencé à travailler sur un exerciseur qui pourrait proposer des séquences aux élèves avec un possible suivi du professeur mais l’ampleur de la tâche m’a fait prendre conscience qu’il valait mieux séparer cette fonctionnalité voire de proposer des passerelles avec des outils existants quand c’était possible.

La dernière modification portée à GEC a été de permettre la création des référentiels pour chaque professeur, ce qui lui permet de simplifier l’affichage des compétences évaluées. Nous préparons également la rentrée prochaine où nous allons devoir élargir l’utilisation de GEC à des collègues qui voudront limiter leur action à la seule validation du socle commun sans utiliser les fonctionnalités d’évaluation et de suivi. Les référentiels permettront de diviser avec élégance les compétences du socle. L’idée serait de proposer des référentiels pour chaque discipline qui soit déjà prêts pour les nouveaux quitte à permettre à ceux qui le souhaitent d’ajouter des compétences. Chaque référentiel est construit comme un arbre avec des branches (qui peuvent être les domaines de compétences) et des thèmes.

Les bilans des élèves sont ainsi mieux organisés visuellement et donc aussi plus clairs. Les dernières discussions du mois de mars ont émis l’hypothèse de ne se servir que de cela l’an prochain. Mais ça reste à définir avec précision, c’est, entre autre, le chantier qui nous reste pour donner à GEC les contours nécessaires et indispensables d’une application aboutie.

Au final, nous avons appris beaucoup ensemble sur les pratiques des uns et des autres. Ces échanges ont été très riches et très enrichissants. Pour conclure, j’ajouterai que nous avons construit GEC en utilisant les méthodes AGILES de développement logiciel. Chaque réflexion emmenant une nouvelle itération et la production de code qui était testé, amélioré et validé. La mise en production a pu être instantanée et ainsi proposer aux enseignants une utilisation en continue sans attendre les améliorations trop longtemps.

Bref, une sacrée belle expérience !

Julien Jocal, sous la relecture assidue de Magali Robert et Myriam Veyssière.