Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Internats d’Excellence : des questions de MathémaTICE à Sabrina Roberjot, membre de Sésamath
Article mis en ligne le 1er mars 2011
dernière modification le 21 mars 2011

par Gérard Kuntz, Sabrina Roberjot

MathémaTICE a le plaisir de proposer à ses lecteurs un témoignage de première main sur l’Internat d’excellence de Montpellier (IE ou IDEM dans l’article), où une de ses membres, Sabrina Roberjot, est enseignante. L’interview aborde de nombreuses questions : une réflexion globale sur l’enseignement, la place des élèves, le rôle spécifique des enseignants, l’importance de la culture, sans oublier celle des TICE et des ressources de Sésamath. De quoi éveiller peut-être des vocations ?

gkuntz@sesamath.net

D’abord quelques images d’ambiance pour entrer dans notre sujet.


1ère rentrée pour l’internat d’excellence (Montpellier)
envoyé par 7LTVMONTPELLIER. - L’info video en direct.

L’interview de Sabrina :

Bonjour Sabrina et merci de te prêter a cet entretien.

Présentation de l’Internat d’Excellence (IE) de Montpellier
 Combien avez-vous d’élèves ? Sont-t-ils logés dans une structure à part ? Combien y a-t-il de classes ? De quel niveau ? Cohabitent-t-elles avec d’autres classes ?

Nous avons 88 élèves cette année, répartis en 4 classes de 4 niveaux : 6e, 5e, 3e et 2de.

Le choix a été fait de ne pas avoir de 4e car il fallait qu’on soit présent en collège et en lycée et nous avons voulu favoriser l’émergence de deux groupes : celui des 6e/5e et celui des 3e/2de.

Le faible effectif pour l’ouverture de l’internat en septembre 2010 s’explique par le nombre de lits disponibles dans la partie « Internat » à la rentrée.

En effet, tous nos élèves sont logés dans l’enceinte de l’Internat d’Excellence, nous avons récupéré les bâtiments militaires de l’EMSAM (Ecole Militaire Supérieure d’Administration et de Management). Le quartier De Lauwe est utilisé pour la partie « Cours » et de l’autre côté de la rue, le quartier « Tastavin » est la partie « Internat » proprement dite.

Les travaux n’ont pu commencer qu’au 1er Août 2010, ce qui explique le faible nombre de lits disponibles à la rentrée qui a suivi.

A la rentrée 2011, nous pourrons accueillir 282 élèves, tous internes, scolarisés du CM2 à la 1re (séries S, ES et L).

Puis à la rentrée 2012, nous atteindrons notre capacité maximale qui doit dépasser les 500 élèves, tous internes, scolarisés du CM2 à la Terminale (séries S, ES et L).

Nos élèves ne cohabitent donc pas avec d’autres classes d’autres établissements, l’Internat d’Excellence de Montpellier (l’IDEM) est un lycée public d’Etat (comme celui de Sourdun et contrairement aux autres Internats d’Excellence ouverts à la rentrée 2010).


La porte d’entrée de l’IE

 Quelle est l’origine des élèves ? Comment ont-t-ils été recrutés ? Quels sont les critères déterminants qui ont conduit à les retenir ? Quelle est la proportion garçons/filles ?

L’origine des élèves est variée, mais ils proviennent majoritairement de collèges classés ZEP ou de quartiers situés en Zone Urbaine Sensible. Le recrutement s’est effectué principalement sur le département de l’Hérault (à quelques exceptions près) alors que le recrutement est bien sûr académique. Sans doute l’éloignement a-t-il effrayé quelques familles.

Les élèves ont été sélectionnés sur dossier constitué conjointement par le chef d’Établissement de l’élève, sa famille et l’assistance sociale, le professeur principal ou le conseiller principal d’éducation de l’établissement d’origine.

Le recrutement pour la prochaine rentrée a commencé, les dossiers sont à télécharger sur le site de l’établissement (www.epidem.fr) et à envoyer avant le 14 mai.

Les critères déterminants sont la motivation de l’élève (critère n°1 qui sera vérifié cette année par le biais d’un entretien de la famille et de l’élève avec la commission de recrutement), son potentiel et ses conditions de vie qui ne lui permettent pas de travailler et d’évoluer dans des conditions optimales.

On nous a beaucoup reproché (à tort à mon avis) de « voler » aux collèges de ZEP leurs « têtes de classe ». Ce n’est pas le but, l’excellence n’est pas un critère de sélection. Un élève motivé qui a des résultats scolaires moyens sera largement privilégié par rapport à un excellent élève qui n’a pas besoin de nous pour réussir.

Le but de l’Internat d’Excellence est de créer les conditions favorables aux études et de mener l’élève aussi loin qu’il le pourrait, ce n’est pas de former une nouvelle élite.

Nous avons recruté cette année 42 filles et 46 garçons, l’équilibre est respecté et sera à nouveau respecté les années suivantes (car cela dépend du nombre de lits dans les sections « filles » et « garçons » de l’Internat).

 Comment les professeurs ont-ils été recrutés ? Comment es-tu entrée dans cette structure ? Qu’est-ce qui t’a motivée plus particulièrement ?

La phase de recrutement des professeurs a débuté en même temps que le mouvement intra-académique. Il s’agit d’un recrutement sur postes à profil dont la fiche de poste est parue sur le site académique : un CV et une lettre de motivation ont été demandés, suivi d’un entretien par la commission de recrutement (présidé par le chef d’établissement). Le recrutement était ouvert à tous les titulaires de l’académie (y compris aux entrants dans l’académie).

Nous avons été informé du résultat final à la mi-mai.

Il s’agit d’une affectation prioritaire (les vœux éventuels sur d’autres postes sont annulés) et à titre définitif.

Je m’estime très chanceuse d’avoir été recrutée ; en effet, en provenance d’une autre académie (Lille), je ne pensais pas avoir de chance face aux professeurs déjà en poste dans l’académie et connus de leurs inspecteurs (qui ont participé à la pré-sélection des dossiers).

Je ne saurais pas dire ce qui a fait la différence mais je suppose que mes 8 années d’expérience en ZEP (devenue Ambition Réussite), les nombreux stages de formation continue suivis et une forte expérience de travail en équipe et d’expérimentation dans mon collège d’origine (narration de recherche, khôlles en 3e principalement) ont joué en ma faveur. Je pense aussi que mon expérience de travail collaboratif dans Sésamath n’y est pas totalement étrangère.

Ce qui m’a motivée plus particulièrement pour entrer dans cette structure a été le public d’élèves recrutés, avec la possibilité accrue de travailler en équipe (temps de concertation prévu dans l’emploi du temps) et l’opportunité d’aller encore plus loin que ce que je pouvais déjà faire dans un établissement « classique », car on a les élèves « sous la main » du matin au soir.

L’IDEM est aussi orienté vers les pôles « langues » et « numérique », deux facettes qui m’attirent particulièrement.

 Y a-t-il des méthodes de travail et de formation différentes que celles en vigueur dans un établissement habituel ?
 Quelles formes de concertation et de suivi pratiquez-vous dans l’équipe enseignante ?
 Le travail en groupe et la pédagogie par projets ont-ils une place spécifique dans le travail des élèves ?

L’emploi du temps des élèves court de 8h du matin à 19h le soir, y compris le mercredi.

Le temps « scolaire » est imbriqué avec le temps d’internat d’accompagnement et de travail individuel.

Ainsi, retrouve-t-on dans l’emploi du temps des élèves des plages « Atelier/Evaluations » ou encore des plages « Projets ». Le mercredi après-midi est consacré aux « Activités » qui peuvent aller du parapente aux échecs, en passant par l’atelier Sciences ou encore la balade en ville.

Concrètement, les élèves ont au moins trois plages de 90min d’atelier/évaluations par semaine.

Pendant ces plages horaires, ils sont accompagnés par des professeurs qui sont disponibles pour les aider dans leur travail individuel ou pour les aider à surmonter des difficultés. Certains élèves sont aussi en demande de travaux d’approfondissement pendant ces temps.

Sur ces plages horaires, ils ont aussi la possibilité de passer une évaluation. En effet, un laps de temps (en général de 2 à 3 semaines) est donné aux élèves pour passer une évaluation donnée ; les évaluations ne se passent donc pas pendant nos horaires de cours et l’élève choisit de la passer quand il se sent prêt. Ils ont ensuite la possibilité de repasser une évaluation (il en existe plusieurs versions) pour progresser et améliorer leur « score ».

Une évaluation par compétences est privilégiée, la note sur 20 a été abandonnée, nous utilisons le logiciel SACoche et la « moyenne » issue de SACoche est celle reportée sur le bulletin.

Actuellement, j’ai des élèves de 3e qui repassent des évaluations de début d’année pour améliorer leur moyenne du 2e trimestre.

Les plages horaires « Projets » privilégient quant à elles le travail interdisciplinaire et les projets à moyen et long terme. Il s’agit pour le moment de projets « de classe » ou sur deux niveaux (on peut citer par exemple le projet « théâtre » à dominante escrime chorégraphique, un projet d’échanges et de visioconférences avec une classe de Chicago, un projet d’EPS en allemand ou encore un projet avec un collège de Dakar où la classe de 5e va se rendre afin d’y installer une bibliothèque).

La pédagogie de projet proprement dite demande à entrer dans notre travail mais nous n’avons pas encore réussi à la mettre en place ; nous n’en sommes qu’à la première année et il est vrai que tout se met en place progressivement (à commencer par nos locaux et le matériel qui arrive petit à petit).

Nous disposons d’une heure de concertation par semaine inscrite à nos emplois du temps ; de plus, nous disposons aussi d’un bureau individuel (une salle regroupant de 3 à 5 bureaux) avec un ordinateur portable prêté par l’établissement, ce qui favorise notre travail sur place, en équipe ou individuellement.

Nous utilisons donc surtout la concertation en présentiel mais communiquons aussi énormément par mail. Des « google docs » ont aussi été créés pour le suivi des classes et des élèves afin d’effectuer le bilan des élèves en fin de semaine.

 Comment réagissent les élèves qui se retrouvent coupés de leur famille et de leur milieu habituel ?

La majorité des élèves le vit très bien mais pour certains, le début d’année a été très dur. Ils ont mis du temps à s’habituer à la séparation et quelques uns ne l’ont pas supportée et ont quitté l’établissement (cela concerne 2 à 3 élèves). Je suppose que c’est difficile pour eux de savoir à l’avance comment ils vont réagir.

Le téléphone portable a d’ailleurs un rôle primordial afin d’adoucir la séparation, son utilisation est autorisée à l’extérieur des bâtiments tout au long de la journée pour communiquer librement avec les familles (ils sont remis aux Assistants d’Education pour la nuit). Ça a été un véritable soutien en début d’année, on peut constater que son utilisation s’amenuise avec le temps. Les élèves préfèrent maintenant jouer au ballon à la récréation que téléphoner.

 Comment entretenez-vous leur motivation et leur moral ? Sont-ils soumis à des disciplines particulières ?

Cette dernière question me fait particulièrement sourire. Non, ils ne sont soumis à aucune discipline particulière.

Je pense que leur motivation et leur moral sont entretenus par les activités proposées qui essaient de respecter une certaine liberté.

Le soir après le repas, les élèves peuvent choisir d’aller en « aide aux devoirs » (obligatoire une fois par semaine), de jouer à la wii, de se détendre en lisant ou en écoutant de la musique, de regarder la télévision ou de participer aux sorties parfois proposées selon leur niveau (théâtre, cinéma, match de foot/rugby, concert, conférence, etc.).

Atelier de musique L’étude

Certains élèves prétendent tenir le rythme grâce à ces moments où ils peuvent souffler et décompresser. Je suppose qu’il faut encore trouver le bon équilibre.

Le matin avant le début des cours, de 8h à 8h30, ils peuvent participer à la remise en forme, se rendre au coin « presse » afin d’y découvrir les journaux quotidiens ou parler une langue étrangère (anglais, allemand ou espagnol) au « language corner » avec les assistants de langue ou les professeurs.

Ils ont aussi la possibilité de ne rien faire évidemment, cela fait partie des propositions.

Abordons maintenant le cas particulier des mathématiques que tu enseignes dans l’IE.
  Suivez-vous le programme habituel, ou avez-vous effectué des aménagements ?

Enseignant dans un établissement expérimental, nous avons en effet la possibilité d’effectuer des aménagements dans les programmes scolaires mais pour l’instant nous sommes restées très timides par rapport à cette possibilité qui nous est offerte. Je suppose que ça viendra dans les années à venir, c’est aussi lié à la pédagogie de projet, je pense.

Cette année est une première année de tests, il y aura plein d’enseignements à tirer en fin d’année et autant d’ajustements à effectuer, à tout point de vue. Nous prenons notre temps.

 Y a-t-il des démarches interdisciplinaires, pour donner du sens aux mathématiques et pour motiver les élèves ?

Encore trop peu à notre goût, les élèves ont été déstabilisés en début d’année par le fait d’être en internat, d’avoir un emploi du temps extensible et par les nouveautés proposées (abandon de la note sur 20, plages d’atelier/évaluation avec choix de la date de passage, etc.).

Nous avons donc réduit au départ nos ambitions.

Les démarches interdisciplinaires commencent maintenant à émerger, les maths interviennent en Arts plastiques, jouent avec le français dans l’écriture d’une nouvelle policière ou à travers la narration de recherche, rencontrent les langues étrangères dans des projets communs (enquêtes statistiques ou nouvelle policière en espagnol) mais ont encore du mal à s’imbriquer avec les autres matières scientifiques.

Je travaille pour l’instant beaucoup en atelier avec les élèves de 3e sur leurs cours de Physique-Chimie pour les aider à faire le lien avec ce qu’on apprend en maths, mais il faudrait réussir à le faire plus en amont, et en classe.

 Enseignes-tu de façon différente à l’IE et dans ton poste précédent ? En quoi consistent ces différences ? Quelles en sont les raisons ?

J’enseigne différemment, mais pas forcément de la façon dont j’aimerais réussir à enseigner.

Pour nous aussi, professeurs, enseigner à l’IDEM change beaucoup de choses ; par exemple on n’est jamais sûr qu’un élève sera inscrit en aide aux devoirs le soir donc nous n’avons pas la possibilité de donner du travail pour le lendemain ou le cours suivant, il faut changer sa manière de suivre et d’envisager le travail sur la semaine.

Les élèves repartent également sans travail le week-end, donc l’essentiel du travail nécessaire à l’apprentissage doit se faire durant la semaine.

On ne peut pas non plus corriger d’évaluations en classe puisque les élèves ne les passent pas au même rythme, il faut respecter le rythme de chacun et proposer du travail aux élèves en conséquence. Nous sommes obligés d’être davantage dans la différentiation.

Cette année, nous avons la chance d’avoir une heure de co-intervention avec ma collègue de maths dans chacune de nos classes. Cette heure est estampillée « heure d’assimilation ».

Concrètement, c’est pendant cette heure-là qu’il m’est possible de donner du travail d’approfondissement aux élèves les plus rapides, tout en étant encadrés par un enseignant, et de revoir les chapitres et notions précédentes avec les élèves n’ayant pas encore passé l’évaluation, ou ayant un rythme plus lent que les autres.

De cette façon, les élèves y trouvent leur compte et nous aussi.

L’IDEM me pousse à proposer davantage de pédagogie différenciée que ce que je pouvais proposer dans mon poste précédent et je trouve cela très motivant.

Quelle est la place des TICE dans l’enseignement de l’IE en général et en mathématiques en particulier ?
- Y a-t-il des ordinateurs accessibles et des liaisons Internet ?
 Quelles sont les ressources disponibles et quelles sont celles que vous utilisez ?
 As-tu proposé les ressources de Sésamath à tes élèves ? En cours, en exercices, en remédiation ?
 La recherche sur Internet a-t-elle une place dans la pédagogie de l’IE ?

Depuis la rentrée de janvier, chaque salle de classe est équipée d’un TBI (à terme, toutes les salles seront également équipées).

Nous possédons, pour le moment, trois salles informatiques de configuration classique (en frontal, ce sont des salles provisoires).

Tout l’établissement est relié en réseau et tous les ordinateurs ont accès à Internet.

Les élèves ont aussi des ordinateurs à disposition dans les salles d’étude à la vie scolaire, au CDI, dans certaines salles de cours (les salles de langue et les salles de sciences).

Lors des ateliers/évaluations, les élèves ont donc aussi la possibilité de travailler sur les ordinateurs : en autonomie, avec un professeur, en groupe, etc.

Concernant les ressources de Sésamath, le manuel Sésamath a été choisi pour la classe de 3e (et la future classe de 4e), alors que c’est la collection Phare qui a été choisie pour les classes de 6e et 5e (afin d’effectuer une coupure en milieu de collège).

Dans les trois niveaux de collège, j’utilise cependant le manuel numérique et ses compléments (les animations Instrumenpoche sont une aide indéniable pour les élèves en 6e et 5e), j’utilise aussi beaucoup les fiches des cahiers Mathenpoche en 6e et 5e, en classe et en autonomie.

De plus, des séances LaboMEP sont créées pour chaque chapitre selon le niveau de l’élève, ce qui lui permet de s’entraîner en atelier pour préparer les évaluations ou pour aller plus loin que ce qui est fait en classe. Cela fonctionne très bien, les élèves se sont vite appropriés l’outil (utilisé depuis janvier car peu d’ordinateurs étaient à disposition avant). La possibilité d’y ajouter des exercices avec Geogebra et des liens externes par exemple a rendu l’outil très performant en utilisation de pédagogie différenciée.

Quelques élèves ont aussi pris l’habitude de travailler chez eux le week-end pour passer une évaluation dès le lundi matin, après m’avoir demandé ce que je pensais du travail effectué sur laboMEP.

Des ressources moins connues mais qui mériteraient de l’être se trouvent sur le site Mutuamath, j’utilise beaucoup les exercices de « sudoku » proposés par des collègues sur le site qui permettent un vrai travail en autonomie (l’élève a la possibilité de se rendre compte d’une erreur grâce à la grille de sudoku, certains utilisent aussi la calculatrice pour trouver un résultat puis essaient de le retrouver grâce aux règles de calculs).

De nombreuses autres activités très variées sont aussi à découvrir qui me permettent de tenir le rythme entre le travail à fournir aux quelques élèves affamés, la préparation du travail différencié et la préparation des différentes versions des évaluations. Je remercie les professeurs qui partagent leur travail sur Mutuamath et ceux qui l’améliorent encore et toujours.

Dans un internat, il faut occuper les élèves en-dehors de la classe. Abordons donc cet aspect très important dans le projet global. - Quelles activités culturelles proposez-vous aux élèves ? Visites ? Musées ? Concert ? Etc.
 Comment sont-elles encadrées ? Par qui ?

Il faut faire la différence entre les activités de loisir parfois proposées aux élèves en soirée ou le mercredi après-midi, et les sorties pédagogiques, préparées en amont et décortiquées ensuite.

Les activités de loisir (certains concerts ou films ou pièces de théâtre ou spectacles) sont alors encadrées par la vie scolaire ; les sorties pédagogiques sont toujours encadrées par un professeur, soutenu par la vie scolaire ou d’autres professeurs.

L’offre est diversifiée : sorties à l’opéra, au musée, au théâtre, au planétarium, participation à des conférences scientifiques, rencontre avec des écrivains ou des sportifs, etc.

Le retour est souvent des plus positifs ,qu’il s’agisse d’une sortie « loisir » ou d’une sortie « pédagogique ».

Prochainement, les élèves latinistes, par exemple, auront la chance de découvrir le monde romain sur place, à Rome et Pompéi, et de côtoyer l’archéologie d’un peu plus près.

La brigade de nettoyage

 As-tu le sentiment que ces activités périscolaires parviendront à combler le déficit culturel des élèves de l’IE ?

J’en ai le sentiment et j’en suis même convaincue. L’offre peut paraître trop étoffée, mais les élèves sont loin d’être réfractaires ou fermés à ce qu’on leur propose (et qui pourrait parfois les dépasser), ils sont au contraire avides et contents de découvrir de nouvelles choses.

J’ai vraiment bon espoir que toutes ces propositions permettront de réduire les inégalités ou tout au moins le déficit culturel de nos élèves. J’en apprends moi-même tous les jours, les professeurs peuvent aussi participer aux sorties, ce n’est pas une bonne opportunité que pour nos élèves !

Atelier de parapente

En guise de conclusion très provisoire....

 Cette structure te semble-t-elle promise à un véritable avenir ? Penses-tu y évoluer pour un certain nombre d’années ?

La question est délicate, l’avenir nous le dira. L’ouverture des IE étant un choix politique s’inscrivant dans le plan Espoir Banlieue, nous attendons les prochaines élections et l’éventuel changement de gouvernement.

Si le projet se pérennise, oui, je pense y évoluer un certains nombres d’années, de toute façon nécessaires pour développer une nouvelle façon de penser mon enseignement et pour permettre l’émergence de projets et un véritable travail en équipe.

 Que répondrais-tu à ceux qui disent que les IE sont une façon de ne pas engager une véritable politique d’excellence dans les établissements de zones sensibles ?

Atelier d’escalade

Je répondrai peut-être naïvement que le but n’est pas le même.

J’ai enseigné 8 ans dans un collège APV devenu Ambition Réussite (et bientôt ECLAIR) à Tourcoing (Nord) et on a pu y faire de très belles choses grâce aux moyens qu’on nous octroyait.

Je crois même qu’on peut dire ou prétendre qu’une politique d’excellence s’est mise en place (à travers le partenariat avec Sciences Po Lille par exemple).

Les IE s’adressent aux élèves qui ne réussissent pas dans des établissements « classiques » (pas forcément en ZEP d’ailleurs) ou qui n’ont pas les conditions favorables à la maison pour travailler correctement.

La réponse pour les élèves de cette 2e catégorie n’est pas une question de moyens ou de politique d’excellence dans leurs établissements d’origine, mais la réponse pour eux est tout simplement l’internat, avec changement des conditions non favorables à la réussite et à l’épanouissement de leur scolarité.

 Qu’est-ce qui te paraît véritablement novateur dans les IE ? Pourrait-on transférer certains éléments dans l’enseignement habituel ?

Dans les IE en général, ce qui est novateur c’est d’avoir tous les élèves sous la main du matin au soir et ça, ce n’est absolument pas transférable.

Dans l’IDEM en particulier (chaque IE a son propre projet d’établissement), la prise de conscience que chaque élève est différent et n’évolue pas au même rythme m’a fait changer le regard que je porte sur les élèves. C’était pourtant évident, mais pas forcément possible de le prendre en compte dans un établissement « classique » ou en tout cas moins facilement. Ici, tout est réuni pour qu’on puisse tenir compte du rythme de chacun et c’est véritablement une chance en tant que professeur.

Je pense que cette partie-là pourrait être transférable dans l’enseignement habituel, mais ça demanderait des aménagements d’emploi du temps.

Le rôle des IE est aussi de considérer l’établissement comme un laboratoire où les expérimentations seront évaluées et étudiées a posteriori pour justement permettre un éventuel transfert dans l’enseignement standard.

Mais ce n’est pas encore pour tout de suite... Une expérimentation se déroule en général sur 3 ans.

Annexe : Questions à Lobna, élève en 2de à l’IDEM.

 Comment es-tu arrivée à l’internat d’excellence de Montpellier ?

Je suis arrivée à l’internat d’excellence grâce à l’assistante sociale de mon ancien collège.

  Qu’est-ce que l’internat t’apporte de plus qu’un établissement « classique » ?

Je me sens mieux à l’internat, j’y suis bien, je travaille beaucoup plus à l’internat. Il y a beaucoup d’aide personnalisée avec les professeurs et les surveillants.

Je me suis fais quelques amis mais pour moi ce n’est pas le plus important, car le plus important c’est d’atteindre l’objectif qui est l’excellence.

 Comment vis-tu le fait d’être en internat ?

J’aime être à l’internat, j’y suis vraiment bien, j’aime cette vie que j’ai maintenant. L’éloignement avec ma famille ne me fait rien car il faut avoir un minimum de maturité.

  A ton avis, que trouves-tu à l’internat que tu penses ne pas retrouver ailleurs ?

L’aide et le soutien de l’équipe pédagogique, les gens souvent à notre disposition et le temps que l’on nous accorde. 

  Quels sont selon toi les mauvais côtés de l’internat ?

Pour les petits, le mauvais côté de l’internat est de quitter ses parents. Mais pour moi, le mauvais côté de l’internat est que l’on ne peut pas sortir même en étant en seconde ; on nous a quand même accordé un quartier libre un mercredi par mois. 

  Penses-tu poursuivre l’aventure ?

Bien sûr, c’est une occasion qui ne se reproduira plus. Je me suis attachée à l’internat et aux personnes qui y travaillent. Donc un grand oui !!!

NDRL : Sur des thèmes voisins de celui de l’article, voir aussi dans Repères-Irem : A chacun son Everest