Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Utiliser l’IA générative en classe de mathématiques et en SNT
Des considérations générales, des méthodes, des exemples concrets.
Article mis en ligne le 21 janvier 2025

par Philippe Jonin

 Introduction : un nouvel acteur dans l’enseignement

Dans cet article, nous ne prétendons pas adopter la posture d’un spécialiste de l’intelligence artificielle. Notre propos se situe plutôt à la croisée de deux sentiments : l’intérêt pour ces avancées technologiques et l’inquiétude qu’elles suscitent. Nous ne sommes ni technophiles ni technophobes, mais privilégions une approche pragmatique.

Or, le constat est déjà clair : l’IA est massivement utilisée par les élèves. La question qui se pose alors est simple : doit-on les laisser seuls face à ce nouveau « compagnon de classe » ou bien les accompagner pour tirer le meilleur parti de ses potentialités ? Dès lors, il s’agit de déterminer ce que nous pourrions proposer et comment introduire efficacement l’IA dans l’enseignement, en particulier en mathématiques et en SNT.

Afin de répondre à cette interrogation, nous vous proposons dans cet article des exemples concrets. Ils illustreront la manière dont l’IA peut s’insérer dans nos pratiques pédagogiques et apporter une réelle valeur ajoutée à l’apprentissage des élèves.

Nous garderons en tête qu’à mesure que ces technologies gagnent en maturité, elles se transforment en permanence. Ce que nous décrivons ici risque en partie d’être obsolète au moment où vous lirez cet article. Nouvelles mises à jour, nouveaux modèles, perfectionnement des méthodes de dialogue  : l’IA se renouvelle à une vitesse telle qu’aucune synthèse ne peut prétendre à la pérennité.

Cette constatation doit inciter à la prudence : s’habituer à une veille constante permet de ne pas subir ces évolutions, mais au contraire de les accompagner et de les comprendre.

 La nature d’un LLM : intelligence forte ou faible ?

  Des préalables à fixer avec les élèves - Une méthodologie à mettre en place. Des écueils à éviter - Et l’éthique ?

a) Il convient d’abord de définir avec les élèves la nature de ce nouvel acteur qu’est l’IA.

Pour introduire la nature de l’intelligence artificielle , il est instructif de rappeler l’«  expérience de la chambre chinoise  » imaginée en 1980 par le philosophe John Searle. Dans cette expérience, un individu enfermé dans une pièce reçoit des symboles chinois qu’il ne comprend pas, et doit produire en retour d’autres symboles suivant un ensemble de règles préétablies. Aux yeux d’un observateur extérieur, les réponses paraissent pertinentes, comme si la personne parlait couramment chinois. Pourtant, elle n’a strictement aucune «  compréhension  » du chinois  : elle ne fait que manipuler des signes en utilisant des règles sans en saisir le sens.

Cette métaphore illustre bien la situation des grands modèles de langage (Large Language Models, LLM) : ils donnent l’apparence de comprendre, mais ne disposent ni de conscience ni d’intentionnalité. Ils se contentent de transformer une requête en sortie textuelle selon des calculs probabilistes extrêmement complexes, sans réellement «  raisonner  » comme un humain.

Comment le faire en pratique avec les élèves ?

Je m’appuie pour cela sur une remarquable vidéo de « DEFAKATOR » ( avec DefendIntelligence) qui permet de poser aux élèves un exercice très simple pour saisir la démarche : compléter un message en s’appuyant sur une démarche statistique.

Sur mes 4 groupes cette année tous ont proposé le symbole correct, sans pour autant comprendre l’histoire (« C’est logique monsieur ! »)

Figure 1 : Deviner un symbole manquant
Figure 2 : la réponse au challenge

Une synthèse en découle :

Comment un LLM construit ses réponses ?

Contrairement à un esprit humain qui conceptualise et manipule des idées, un modèle de type LLM anticipe la suite la plus probable des mots (ou «  tokens  »). Lorsqu’on pose une question, l’IA ne «  réfléchit  » pas  ; elle pioche dans une immense base de textes (celle avec laquelle elle a été entraînée) et calcule, à chaque étape, le mot suivant qu’elle juge le plus susceptible d’apparaître, compte tenu des mots déjà générés.

Il est donc essentiel de comprendre que l’IA n’explique pas son raisonnement  : elle produit des réponses cohérentes en apparence grâce à une logique statistique. Par conséquent, un LLM peut produire des justifications ou des enchaînements de phrases qui ressemblent à un raisonnement argumenté, mais qui ne garantissent pas pour autant la véracité des faits ni la solidité de la logique interne.

Il faut aussi préciser aux élèves qu’à cette démarche statistique se couple une boucle de renforcement par récompense : le RLHF

La technique dite de Reinforcement Learning from Human Feedback (RLHF) consiste à faire intervenir des humains dans la phase d’entraînement du modèle, pour l’orienter vers des réponses plus conformes à ce qu’on souhaite. Cet apprentissage par la «  récompense  » humaine agit comme un filtre  : on punit ou on valorise certaines formulations ou types de contenu.

Ainsi, un même prompt (consigne) peut donner lieu à des variations notables de réponses selon le moment, le modèle utilisé ou les mises à jour en cours. L’IA n’est pas purement déterministe : elle choisit entre plusieurs possibilités, en fonction de règles probabilistes et des retours humains qui ont façonné ses mécanismes de réponse.

b) On soulignera aussi la diversité des modèles et les évolutions récentes.

On explique alors qu’il existe aujourd’hui une pluralité de modèles, chacun ayant ses spécificités :

  • ChatGPT (versions 3, 4, etc.) : Basés sur des architectures propriétaires développées par OpenAI, accessibles en ligne.
  • Claude (Anthropic), Bard (Google), Copilot (GitHub) : Proposent des fonctionnalités plus spécialisées (par exemple, aide à la programmation ou intégration dans des outils existants).
  • Llama (Meta) : Un modèle ouvert qu’on peut désormais exécuter en local sur un ordinateur personnel, symbole de la décentralisation progressive de l’IA.
  • Et d’autres acteurs émergents, proposant parfois des solutions open source ou hybrides.
Un client API pour ChatGpt

Plus qu’une simple compétition, cette diversité démontre à quel point le domaine évolue rapidement. Les modèles s’enrichissent de fonctionnalités nouvelles, notamment des boucles de vérification, la possibilité d’exécuter du code Python ou de vérifier des calculs. On voit donc apparaître des «  agents  » capables de combiner la génération de texte ou d’images, la recherche d’informations en ligne et la résolution de problèmes chiffrés ou algorithmiques.

Pour certaines séances, notamment en NSI, j’utilise un client API lié à ChatGpt développé par mes soins (application programming interface) : cela permet d’assurer un accès rapide et homogène à tous les élèves.

c) Mais alors comment dialoguer avec l’IA et construire un prompt efficace ?

Lorsqu’on évoque le «  chain-of-thought prompting  », l’enjeu n’est pas de faire expliciter à l’IA un raisonnement qu’elle n’a pas, mais d’inciter les élèves à formuler leurs questions et leurs démarches de façon structurée. En d’autres termes, il s’agit d’apprendre aux élèves à décomposer leurs problèmes et leurs hypothèses en différentes étapes, qu’ils introduiront dans leur prompt (ou leurs consignes à l’IA). Cette pratique permet plusieurs avantages pédagogiques :

  1. Clarifier le problème : En identifiant et en nommant chaque étape de la réflexion, les élèves acquièrent une meilleure compréhension du sujet.
  2. Mettre en évidence les liens logiques : Chaque partie du raisonnement se trouve explicitée, ce qui facilite la correction ou la détection d’erreurs.
  3. Renforcer l’esprit critique : En forçant les élèves à justifier chaque étape, ils prennent conscience de la logique sous-jacente (ou de son absence) et apprennent à distinguer un raisonnement solide d’une simple concaténation d’idées.

L’IA, de son côté, se contentera de répondre aux différentes étapes ainsi formulées, sans réellement mener de raisonnement propre. Nous verrons des exemples de mise en place de cette démarche dans certains des exemples suivants.

d) On mettra en garde contre les hallucinations et les contaminations du raisonnement.

Un risque majeur dans l’usage des IA textuelles réside dans les «  hallucinations  »  : des informations inventées de toutes pièces, pourtant énoncées avec une grande assurance. Cette dérive peut être amplifiée lors d’un dialogue en plusieurs étapes  : si une réponse initiale comporte une erreur, mais que l’utilisateur la prend pour argent comptant, la suite de la conversation – et donc l’IA elle-même – s’appuiera sur cette donnée erronée. On parle alors de «  contamination  », dans la mesure où la discussion entière se retrouve biaisée.

Pour éviter ce piège, il est crucial de vérifier régulièrement la véracité des énoncés générés par l’IA. Il ne faut pas hésiter à recouper les réponses avec des sources fiables, en particulier lorsqu’il s’agit d’informations techniques ou scientifiques. Dans le cas où une contamination trop importante est identifiée, il faudra inciter les élèves à relancer un nouvel échange sur des bases saines.

e) Fuir la tentation de «  faire plier  » l’IA.

Dans le contexte pédagogique, on peut être tenté de «  prendre en défaut  » l’IA ou de «  prouver qu’elle a tort  ». Or, il est plus profitable d’adopter une posture de recul critique. L’IA n’est ni un professeur infaillible ni un adversaire  : c’est avant tout un outil.

f) Et l’éthique ?

Il ne faudra pas oublier de mettre en avant des problèmes éthiques et environnementaux posés par ce nouvel acteur

Pour illustrer la complexité des enjeux liés à l’IA, on peut se référer à l’exemple de Jean-Claude Ameisen qui, décrit le dilemme d’un patient face à un traitement contre le cancer, potentiellement lourd de conséquences. L’IA, douée d’une capacité d’analyse approfondie de données cliniques, pourrait proposer un avis ou une recommandation en se basant sur des statistiques, mais elle ne saura pas ce que signifie réellement «  vivre avec les effets secondaires  » ni prendre en compte toutes les nuances psychologiques et humaines de la situation. Le choix final implique des valeurs, des sentiments et une prise de risque assumée, bref une intentionnalité éminemment humaine. Cette situation concrète illustre bien la limite d’un modèle purement algorithmique et l’importance, pour les élèves, de comprendre que l’expertise ne repose pas uniquement sur la compilation de données, mais aussi sur des arbitrages d’ordre éthique et personnel.

Enfin, il convient également de mentionner les défis environnementaux, liés à la consommation d’énergie et d’eau de ces technologies, ainsi que les questions juridiques soulevées par l’exploitation des données ou d’œuvres d’art (pour les artistes) lors de leur entraînement. Toutefois, cela dépasse le cadre de cet article.

 Exemple 1 introductif : multiplication de deux grands nombres.

Nous sommes désormais prêts à explorer notre premier exemple, à la fois très simple et pourtant étonnant. Il viendra illustrer de manière concrète ce que nous avons appris sur le fonctionnement de l’IA et la méthodologie nécessaire pour l’utiliser efficacement.

L’idée est toute simple  : demander à l’IA de calculer le produit de deux grands nombres. Selon le modèle utilisé et la façon dont nous formulerons notre requête, nous pourrons obtenir soit un résultat vraisemblable mais totalement erroné, soit, grâce aux modèles les plus récents intégrant une boucle de vérification calculatoire interne, une réponse mathématiquement exacte.

a) Avec Copilot (qui nécessite un compte Microsoft), puis ChaptGPT o1 - mini.

Une multiplication avec Copilot
Une multiplication avec ChatGpt mini

Stupeur chez les élèves à qui je demande une vérification à la calculatrice :

36562*61214 = 2 238 106 268

Les deux modèles répondent à côté ! Que se passe-t-il ?

b) On bascule alors sur le dernier modèle d’ Openai : le modèle 4o

Une multiplication Chatgpt pro

Les élèves : « Il faut payer pour avoir la bonne réponse ? »

On observe, à droite de la réponse de ce modèle, la possibilité de détailler :

Le modèle ChatGPT 4o embarque un plugin Python.

Ce dernier modèle (autour de 20 € par mois …) embarque clairement un plugin Python qui ne se limite pas à la génération de code mais aussi à son exécution.

Mais alors comment calculent les modèles basiques ? (Les LLM « purs »).

On peut penser qu’il ne réalise pas réellement la multiplication et génère une réponse basée sur des corrélations statistiques plutôt que sur des calculs rigoureux.

Ces modèles n’ont pas en effet, par défaut, de module intégré pour effectuer des calculs mathématiques précis. Ils tentent simplement de produire un résultat qui « semble correct » en fonction des exemples vus dans leurs données. Le modèle peut ainsi avoir vu de nombreux exemples de multiplications similaires dans ses données et deviner un résultat basé sur un « modèle plausible » sans réellement effectuer la multiplication.

J’ai tenté de contourner ce défaut en demandant une fonction Python puis d’exécuter la fonction : il génère bien une fonction (exacte), mais produit toujours le même résultat faux. À ma demande il reconnait alors pouvoir générer du code Python, mais ne pas pouvoir l’exécuter ! (Comme Copilot).

c) Avec un modèle basique mais un prompt structuré

« Alors c’est mort monsieur ? » (Léo, très déçu de voir son champion tomber aussi vite)
Non : on va sortir notre arme, le «  chain-of-thought prompting  » et décomposer le problème en étapes :
Voici un prompt obtenu par ma classe de seconde après une mise au point salutaire sur la multiplication :

Prompt par chaine de pensées

La réponse

Cette fois tout est correct. « Et en plus on peut le surveiller. On l’aura à l’œil la prochaine fois ! »
J’y compte bien, et mon objectif est atteint !

 Exemple 2 : un problème ouvert en mathématiques

En second exemple abordons un problème plus ouvert et mathématiquement plus délicat bien que mettant en jeu que des opérations élémentaires :

Problème ouvert, réponse de ChatGPT 4o mini

Copilot propose lui :

Problème ouvert, réponse de Copilot.

On remarque que pour lui $25-5+5-1$ contient 3 fois le nombre 5 ! (il y a aussi des bugs d’affichage du Latex). Le problème est difficile et nous butons sur la représentation par l’IA des nombres…

Il faut toujours garder à l’esprit que ce type d’outil manipule du langage mais que ce dernier peut prendre des sens particuliers selon le contexte, notamment en mathématiques : $25=2\times10+5$ (ou $5\times5$) et non la juxtaposition du caractère ‘2’ et ‘5’ !

Le modèle ChatGPT o1 (non mini…) passe en 11 secondes, ce qui est déjà conséquent et manifestement en passant par plusieurs essais (ou phases), qui apparaissent subrepticement à l’écran :

ChatGpt pro

On voit ici que se pose le problème des modèles fermés, certes performants, mais opaques. Et l’on saisit mieux la démarche de Yann Le Cun (directeur scientifique du labo IA de méta) qui milite pour des modèles ouverts et transparents.

Peut-on cependant y arriver par une chaine de pensées sur un modèle d’IA « basique » ?

Pas simple, car on ne voit pas immédiatement de démarche experte (nous reviendrons sur ce constat plus tard) pour y arriver. Nous devons donc construire avec les élèves une démarche !

Intuitivement, on peut essayer d’approcher 24 par un multiple de 5 (on fait le choix d’une construction initiale avec une multiplication) puis mesurer l’écart qui nous sépare de 24 et exprimer cet écart en utilisant 5. En espérant y arriver en utilisant 5 le nombre de fois imposé.

Tentons donc le prompt suivant :

Problème ouvert, prompt avec planification
Problème ouvert, planification, réponse 1

On a progressé et nous cheminons avec l’IA ! On va donc demander des ajustements (fini le prompt unique…) :

Problème ouvert, planification, réponse 2

Encore un petit effort :

Problème ouvert, planification, réponse 3

Je fais les manipulations en direct avec les élèves qui proposent à chaque fois des modifications à apporter.

  • Léo : « Mais on passe notre temps à la guider ! »
  • Oui Léo, on fait en effet des mathématiques !

L’objectif est une nouvelle fois atteint et l’implication des élèves a été totale !

On observe que l’IA dérive constamment de son objectif et rencontre des difficultés pour planifier sa démarche et que le travail de l’élève peut se résumer à :

Représentation graphique de la démarche de prompting

 Exemple 3 : un professeur personnel pour les élèves ?

Poursuivons ici par une application plus aboutie dans la forme : la construction d’une séquence sur un point particulier du programme. Nous allons mettre ici en place une démarche de prompting avancé avec un dialogue en boucle.

Il conviendra de ne pas laisser les élèves en autonomie au début : il ne s’agit pas de fournir un bot spécialisé qu’ils utiliseraient seuls chez eux, mais de les mettre en interaction avec l’IA sous supervision et validation du professeur (et de l’élève !).

On souhaite en effet que constamment l’élève soit sur le qui-vive et garde le contrôle de la situation : en cas de doute (« Elle hallucine encore »), il doit appeler le professeur ou prendre la classe à témoin.

Un prompt pour créer un professeur personnel

a) L’étape 1 se déroule sans problème et est pertinente

Professeur personnel, phase 1

b) À l’étape 2, nous sommes actifs, et sur nos gardes !

Professeur perso, phase 2.

On tente une mauvaise réponse : une erreur de signe…

Professeur perso, erreur 1

Nouvelle mauvaise réponse de notre part : et c’est le drame !

Professeur perso, erreur 2. L’IA laisse passer l’erreur.

Ne jamais baisser la garde : $-x+9$ et $x+7$, sont identifiés comme corrects !

L’IA, n’ayant pas véritablement analysé les réponses, poursuit son raisonnement sans relever l’incohérence. Cela ouvre certes de nouvelles perspectives, mais appelle à la plus grande prudence  : livré à lui-même, un élève risque de prendre pour acquis les affirmations de l’IA et de développer une compréhension faussée de la notion étudiée.
L’expertise du professeur reste à ce jour irremplaçable.
Par ailleurs, la motivation à répondre aux attentes de l’enseignant et la recherche de reconnaissance ne peuvent se manifester pleinement qu’au sein de la relation humaine.

 En SNT un concours de prompts pour générer une image

Les IA génératives deviennent multimodales et il peut être pertinent de poursuivre l’apprentissage du prompting en passant par la génération d’images. Nous avons ici l’opportunité de visualiser (et donc mesurer) la qualité de la structuration du dialogue avec l’IA.

Nous allons le faire ici en trois phases.

  a) D’abord proposer une méthode pour décrire une image en donnant des étapes structurantes.

L’institution Sainte-Anne (Canada) propose ceci :

Infographie, méthode IMAGES

C’est attrayant et facile à retenir. Cela peut constituer une base pour démarrer.

  b) Puis s’exercer en donnant une image à reproduire.

Par cette démarche, on se donne un moyen objectif de mesurer la réussite : est-ce ressemblant ?

Je propose donc aux élèves de s’entrainer et de reproduire une image imposée qui est projetée au tableau. Il est important de ne pas la donner aux élèves sous un format numérique pour éviter une recherche inversée sur l’image avec un moteur de recherche ou pire, comme nous le verrons au point d) !

Affiche (partielle) du film Les dents de la mer.

Les élèves se lancent en suivant le plan de l’infographie précédente que je n’impose pas strictement.

Et les résultats tombent rapidement (ils utilisent Copilot et DALL.E 3) : https://copilot.microsoft.com

Il faut disposer d’un compte Microsoft. C’est le cas pour les élèves à qui la région a fourni un ordinateur : mais attention au statut de ce compte qui peut bloquer l’usage de la génération d’image.

Lola  : « 1. C’est une affiche de film. 2. Une femme nage en pleine mer avec un requin qui arrive sous elle pour l’attaquer. 3. C’est une atmosphère inquiétante. 4. Le requin est très grand, on ne voit que le haut du requin, il a de grandes dents. 5. On voit l’image de face, le requin est au premier plan avec la femme au second plan. 6. Il y a un dégradé de bleu en partant du bas vers un peu plus de la moitié de l’image. En bas le bleu est très foncé et en haut il est plus pale et au-dessus c’est blanc. »

Clémence  : « Peux-tu me créer une image avec les caractéristiques suivantes :

  1. C’est une affiche de film
  2. Une nageuse est entrain de nager (crawl) vers la gauche au milieu de l’eau et de l’affiche avec un bras levé et le reste du corps dans l’eau .
  3. Il y a une ambiance de peur , de stresse et d’inquiétude
  4. Un requin arrive avec la grande mâchoire ouverte par en bas au milieu de l’image pour la dévorer il a les dents pointues .
  5. Trois quarts de l’image est représenté par l’eau. Le requin est en bas en gros plan avec la mâchoire ouverte alors que la nageuse est a la surface représenté en petit .
  6. Dégradé de couleur de la mer du bleu foncé au blanc clair. »
Proposition de Lola
Proposition de Clémence
Image obtenue par reverse prompting.

On remarque que l’image de Clémence a un défaut : le personnage est un homme ; la clef est dans le fait que le générateur d’image ne travaille qu’en anglais et traduit donc le prompt avant de l’envoyer. Voici sa traduction partielle : « An underwater film poster featuring a swimmer in the middle of the water with one arm raised and the … » Swimmer n’est pas genré !

On ne peut être qu’impressionné par la ressemblance avec le modèle imposé. Mais il faut garder à l’esprit que le fait de demander une image de film va orienter l’IA vers des images qu’elle a sans aucun doute utilisé lors de son entrainement initial. Il pourrait donc être profitable ici de proposer une image ‘originale’ pour mieux atteindre l’objectif. Le format « concours » est motivant et l’on affiche à la séance suivante sur le mur de la salle les réalisations les plus convaincantes (avec le prompt associé).

  c) Se tester sur une scène à construire entièrement.

Dans cette troisième phase, nous allons demander de construire une image sans modèle préalable mais avec un contexte parfaitement défini.

J’ai repéré dans le cahier de textes que les élèves travaillaient actuellement sur le Don Juan de Molière en Français, notamment la scène finale.

Je demande donc de représenter cette scène VI finale.

Bastien  : « 1) C’est une affiche de théâtre 2) Une statue magique qui prend d’un noble la main avec son valet qui observe la scène 3) L’ambiance de la statue du commandeur doit être énervé et Dom Juan accepte sa sentence et Sganarelle est surpris 4) Il doit mourir devant sa maison 5) Une maison en arrière-plan et au premier plan la mort 6) Il meurt électrocuté. »

Léo  : « Peux-tu me créer une image avec les caractéristiques suivantes :

  1. l’image doit représenter une scène entre une statue qui est impressionnante, il attrape la main à un homme (de haute noblesse= pour l’emmener de force en enfer).
  2. l’image doit se focaliser sur l’enfer. L’image doit avoir un côté divin pour la statue et sombre, pour l’homme. L’image doit contenir un endroit qui représente l’enfer avec des flammes
  3. l’ambiance doit être pesante pour accentuer l’enfer.
  4. l’image doit être riche en détails.
  5. l’image doit se concentrer sur l’enfer, les flammes et la mort et la poigner de main entre les deux personnages.
  6. le style doit être dramatique, et triste. »
Image obtenue par Bastien
Image obtenue par Léo

Les élèves qui maîtrisent les compétences d’analyse et de rédaction sont clairement avantagés. Mais le fait de pouvoir projeter ainsi leur travail sous forme graphique sera un formidable levier pour tenter de travailler ces compétences. On observe ici que l’IA est très tolérante envers les fautes de syntaxe ou d’orthographe et que parfois même un prompt donné par de simples puces non rédigées est très efficace !

  d) Le reverse Prompting

Lorsqu’on dispose d’une version numérique d’une image, il est possible de travailler dans l’autre sens et de demander une description de l’image qui pourra servir alors de prompt !

Voici ce que me propose ChatGpt pour le requin et le résultat obtenu :

« A terrifying scene in the open ocean, with a massive shark underwater, its jaws wide open, filled with sharp teeth, rising towards a lone swimmer on the water’s surface. The swimmer is unaware of the impending danger, stretching out in a relaxed pose under a clear sky. The water has a gradient of deep blue, transitioning to lighter tones near the surface, creating a dramatic tension. The atmosphere is suspenseful and ominous, evoking fear and thrill. »

Il convient donc d’être très prudent dans ce type d’exercice et de choisir avec discernement son sujet.

A noter que cette démarche de ‘reverse Prompting’ peut être utilisée avec efficacité pour apprendre à ‘prompter’ efficacement et dans des domaines plus larges que la génération d’image : elle consiste à donner à l’IA la réponse souhaitée et lui demander de construire un prompt pour y arriver.

Cela permet en l’analysant de comprendre ce qu’elle attend pour produire la prochaine fois un résultat donné dans le même contexte.

 En SNT, NSI : construire une fonction en Python avec une IA générative

On se propose ici de former les élèves au prompting dans le cadre de l’écriture d’un script Python.

Nous allons le faire en plusieurs étapes qui nous amèneront à un concours de prompts !

  a) D’abord définir une démarche générale :

Conseils pour construire un prompt et mener le dialogue.

  1. Donner un contexte : « J’ai besoin d’aide pour construire une fonction en Python »
  2. Attribuer un rôle à l’IA : « Tu répondras comme un professeur de la spécialité NSI qui explique les notions à ses élèves »
  3. Expliciter la demande en planifiant des étapes :
    • « La fonction aura les spécifications suivantes » : entrées, sorties, rôle, préconditions (à préciser dans le contexte !)
    • Demander une validation sur un exemple : « Tu lanceras la fonction avec la liste [7, 3, 9, 15] et elle devra renvoyer …
  4. Analyser la réponse :
    • Si le premier retour est totalement hors sujet ou souffre de gros défauts, ne pas hésiter à redémarrer un nouveau chat pour éviter une ‘contamination’ grave.
    • Corriger des défauts identifiés en poursuivant le chat avec des demandes ciblées et en précisant ce qui doit être conservé et modifié.

On voit ici les particularités du dialogue dans ce contexte : on réinvestit une démarche classique vue en classe pour définir une fonction : il faut préciser ce qu’on appelle les spécifications de la fonction demandée. Cela va structurer précisément le prompt et planifier la démarche de l’IA.
Le rôle donné à l’IA va induire une forme particulière de la réponse : ici des conseils et des explications détaillées pour le lecteur.

  b) Ensuite tester cette démarche sur un exemple connu et maîtrisé des élèves.

De la même façon que lorsque nous avons créé des images, on se donne ici un moyen objectif de juger de la qualité du résultat, puisque l’algorithme a été travaillé en classe en détail.

Prenons par exemple la recherche du minimum d’une liste (un tableau) de nombres.

Voilà un prompt possible appliquant la méthode préconisée :

Prompt pour écrire un script Python

(On peut se passer des postconditions, toujours difficiles à exprimer à ce niveau)

Voici la réponse initiale :

Réponse pour recherche_min n° 1

Cette réponse, comme espérée est détaillée et le principe général satisfaisant.

Explication pour la fonction recherche_min

Analysons maintenant finement le code avec les élèves : l’’IA utilise une boucle ‘for valeur in tab’ qui peut être optimisée ! Le dialogue commence !

Prompt demandant une modification de boucle
Boucle avec range

  c) Faire évoluer la fonction avec une fonctionnalité complémentaire.

On demande maintenant de faire évoluer cette fonction de façon à ce qu’elle retourne, en plus du minimum, la liste de tous les indices où il est atteint !

On propose donc de poursuivre le dialogue par le prompt suivant :

Un prolongement
Réponse pour le prolongement

Et les explications :

Explications du prolongement

  d) Le concours de prompts !

Nous allons maintenant : traiter un problème qui n’a pas été vu en classe mais dont la solution doit utiliser les notions vues en classe !

On propose la problématique suivante :

Construire une fonction qui va chercher dans une phrase, un mot et le remplacer par un autre mot (la phrase, et les deux mots sont donnés). Bien réfléchir aux spécifications !

Attention : vous devrez être en mesure de comprendre la totalité du code produit. Dans le cas contraire il faudra soit en demander la réécriture avec des notions vues en classe soit se le faire expliquer !

Vous déposerez le fichier Python en ligne ainsi que le (ou les) prompts qui ont permis de l’obtenir.

Première tentative de prompt observé chez les élèves :

On remarque que déjà l’élève est activement au travail : il n’a pas simplement versé l’énoncé dans le prompt mais a mis en place notre méthode.

La réponse de l’IA tombe :

On repère l’utilisation d’une méthode experte (« replace ») qui fait le travail en une ligne et que nous n’avons pas vue ! Les élèves conviennent que ce type de script n’est pas ce que nous recherchons !

On demande donc une correction :

Demande de modification de la réponse experte
Réponse à la demande de modification

Une nouvelle fonction experte est utilisée : « split » mais le traitement général est proche de ce que nous faisons en classe ; on peut donc considérer cela comme acceptable.

On finalise en demandant de remplacer le « raise » par des assertions

On remplace raise

On obtient en final un résultat dans l’esprit que nous travaillons en classe mais avec un travail conséquent des élèves derrière : c’est ce que nous recherchons !

 La démarche ici présentée peut-être réinvestie dans des cadres très différents.

Un exemple ici pertinent de l’utilisation de l’IA en Français en classe de première ! Elle a été conduite en parallèle par une collègue (Mme Doucet Célia). Nous ne détaillerons pas plus, par manque de compétences dans le domaine !

Une activité en français avec ChatGPT (Mme Doucet)
Analyse de la réponse de ChatGPT

 Conclusion

Au terme de ce parcours, il apparaît clairement que l’introduction de l’IA en classe, en mathématiques, en SNT ou dans toute autre matière, demande une pédagogie spécifique. Il ne s’agit pas de confier aveuglément la tâche à l’IA, mais au contraire de rendre les élèves actifs  : leur permettre d’analyser les réponses, de dialoguer avec la machine pour ajuster et améliorer la solution, et de relier systématiquement les productions de l’IA aux notions étudiées en classe.

En parallèle, cette évolution fait émerger de nouvelles compétences qu’il est essentiel de développer chez les élèves  :

  • Identifier la nature de la réponse d’une IA (provenance, fiabilité, biais possibles).
  • Savoir formuler et affiner ses questions (prompting) pour construire un véritable dialogue.
  • Évaluer la qualité de la réponse fournie, en la confrontant aux connaissances disciplinaires acquises.

Ces acquis ne doivent pas se substituer aux compétences classiques, mais plutôt s’y adosser. Les élèves conservent leur autonomie, tout en étant épaulés par la puissance de calcul et de proposition de l’IA. Il reste à trouver le bon timing pour introduire ces outils  :

  • Trop tôt, les élèves risquent de s’appuyer sur la machine avant d’avoir acquis les bases, et peuvent perdre en compréhension ou en autonomie.
  • Trop tard, on passe à côté de l’avantage d’un soutien personnalisé (et potentiellement très efficace) et l’on laisse les élèves développer, seuls, de mauvaises pratiques ou fausses représentations.

Le défi est également interdisciplinaire   : chaque matière a ses propres besoins et son langage spécifique. En mathématiques, un formalisme rigoureux et la gestion de calculs complexes  ; en SNT ou NSI, des langages de programmation et la notion de spécifications fonctionnelles. Les possibilités d’utilisation de l’IA diffèrent, mais dans tous les cas, l’enseignant doit orchestrer son intégration pour que les élèves en bénéficient réellement.

Enfin, cette transition pédagogique soulève la question de la réponse institutionnelle. D’une part, il sera nécessaire d’ajuster les programmes et peut-être de réévaluer les exigences demandées aux élèves, en particulier pour le travail personnel à la maison. D’autre part, cette transformation requiert la formation des enseignants, pour qu’ils maîtrisent à la fois les risques (hallucinations, biais, protection des données) et les atouts de ces outils. Il est aussi souhaitable que des IA adaptées (respectant la réglementation européenne, le RGPD et les droits d’auteur) soient mises à disposition au sein du système scolaire, afin de concilier innovation pédagogique et souveraineté numérique.

Dans ce contexte, les perspectives sont nombreuses  : projets communs entre disciplines pour développer l’esprit critique des élèves, refonte de certaines évaluations pour tenir compte de l’assistance permise par l’IA, ou encore collaborations étroites avec des spécialistes du numérique.