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De nombreux professeurs utilisent Mathenpoche collège, en particulier en remédiation et/ou pour un travail de pédagogie différenciée. C’est ce que relève par exemple Fabrice VANDEBROUCK [1] dans son étude sur l’utilisation des bases d’exercice en ligne. On peut penser que l’engouement de nos collègues pour ce type d’outil n’est pas le fait du hasard ou un simple effet de mode : dans la mesure où il n’est pas spécialement encouragé par l’institution [2], c’est qu’il doit répondre à certains besoins pédagogiques non pourvus auparavant. Nous ne nous interrogerons pas sur la globalité des apports des bases d’exercices en ligne mais sur un seul aspect : sont-ils efficaces dans un objectif de remédiation ? Cette question demeure bien trop large, mérite, non seulement d’être précisée, mais encore d’être réduite pour pouvoir espérer commencer à la résoudre avec le peu de moyens dont dispose un professeur dans sa classe.
Sortir du « techno-militantisme » ... et de son déni
C’est après de multiples recherches infructueuses que j’ai mis en place le dispositif décrit par la suite. En effet, en étudiant quelques travaux de recherche sur l’utilisation de l’informatique pour enseigner les mathématiques, je me suis rendu compte que cette question des exerciceurs n’était soit pas abordée, soit abordée comme étant a priori un facteur positif pour les apprentissages. Cette dernière approche se posait logiquement le problème du développement de l’utilisation d’exerciseurs par les professeurs en exercice. L’étude de Fabrice VANDEBROUCK ou l’article « Quels échanges pour quels usages de MathEnPoche ? » [3], semblent par exemple considérer que l’activité de l’élève est un élément favorable aux apprentissages. Et effectivement il est relativement consensuel d’affirmer que les élèves sont en général très actifs devant un exerciseur. Nous nous interrogeons pour notre part sur l’efficacité pédagogique de cette forme d’activité dans les conditions normales d’un cours de mathématiques en salle informatique. Permet-elle réellement de faire progresser les élèves ?
Le dispositif expérimental
Nous allons pour cela comparer deux variantes d’un scénario de remédiation en classe de 6e. Ce travail repose sur une démarche classique de pédagogie différenciée : identifier une difficulté particulière, proposer un travail adapté à l’élève, évaluer les acquis.
Au cours d’une évaluation diagnostique on a constaté dans une classe de 6e qu’une majorité d’élèves ne maîtrisait pas la division décimale. A cela plusieurs causes peuvent être envisagées, par exemple :
- une technique non acquise (mauvaise gestion de la virgule par exemple)
- une conception des nombres décimaux ne permettant pas d’écrire 12=12,0
- la mise en œuvre d’un théorème-en-acte : « Le quotient de deux nombre entier est un nombre entier »
- l’effet du contrat didactique (division = division euclidienne)
Pour faire progresser les élèves sur leurs conceptions de la division d’un nombre entier par un nombre décimal, nous leur proposons un travail motivant l’existence d’un quotient décimal comme quotient de deux nombres entiers. (Travail de groupe par deux : fiche n=°1)
Le travail est conçu pour que le problème de la multiplication à trous puisse être abordé de différentes façons dans un premier temps : calcul mental réfléchi, essais successifs de facteurs.
Les deux derniers problèmes nécessitent l’utilisation de la technique experte (document élèves)
Problème | 6*....=30 | 5*....=0,5 | 5*...=122 | 12*...=117 | 12*....=115 |
Calcul automatique | Oui | Non | Non | Non | Non |
Calcul réfléchi | Oui | Oui | Non | Non | Non |
Essais/erreurs | Oui | Oui | Oui | Oui | Non |
Division posée | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Ensuite, lorsqu’un groupe a terminé ce travail on choisit un des membres du groupe par tirage au sort : ce dernier va travailler sur MEP, l’autre travaille sur « feuille ».Tous doivent travailler sur un support écrit, ceux qui travaillent sur ordinateur doivent écrire des quotients décimaux et leur produit associé (la « vérification »). (Travail individuel sur MEP ; travail individuel « papier »). Les autres élèves travaillent dans une grande autonomie, sur une série d’exercices de MEP concernant la résolution de problèmes.
Des résultats
Nous évaluons les progrès des élèves des trois groupes par différence entre la moyenne des scores obtenus à la dernière évaluation et celle des scores obtenus à l’évaluation initiale pour les trois groupes considérés : le groupe « témoin » qui a travaillé sur autre chose, le groupe « MEP » et le groupe « Papier » :
Groupe témoin | 0% |
Groupe « MEP » | +21% |
Groupe « Papier » | +37% |
Autrement dit le groupe « témoin » n’a pas progressé mais n’a pas régressé non plus, ce qui rend crédible une partie du dispositif expérimental. Le groupe « MEP » a progressé mais moins que le groupe « Papier ».
De grandes limites à cette expérience
Évidemment la valeur scientifique de ces résultats est faible : le nombre d’élèves concernés est trop faible. Par ailleurs d’un point de vue didactique l’exercice choisi dans MEP n’est peut-être pas le plus abouti et un choix différent aurait pu être plus pertinent dans la démarche pédagogique engagée.
J’ajoute un élément qui concerne une difficulté didactique particulière au problème posé :
l’élève dont le travail a été reproduit ici est gêné par sa manière d’écrire la « potence » de la division euclidienne. Le logiciel ne lui a logiquement pas permis de progresser car les gestes de la même technique mathématique ne sont pas les mêmes à l’écran que sur un feuille.
L’analyse des traces écrites des élèves montre d’ailleurs qu’aucun n’a modifié de façon perceptible sa façon de placer les chiffres.
Ceci est la plus grande faiblesse du dispositif proposé : en singeant le logiciel pour les besoins de l’expérience, on a peut-être rendu l’exercice papier moins productif que ce qu’il aurait pu être.
Conclusion
Cette micro-étude n’a pas montré la pertinence d’un exercice de MEP pour résoudre un problème pédagogique particulier. On nuancera cette conclusion par des faiblesses du dispositif et de de l’organisation didactique elle-même. En contrepoint elle montre peut-être la nécessité d’une plus grande modularité des exerciseurs pour pouvoir s’adapter aux besoins très particuliers des travaux de remédiation et peut-être aussi les limites pédagogiques de tels dispositifs dans une utilisation « basique ». On pourra à cet égard consulter l’article de Mathematice « Pour un usage optimal de Mathenpoche en classe » [4] qui présente des utilisations plus sophistiquées de ce logiciel. Quoi qu’il en soit, le logiciel Mathenpoche est intervenu dans ce travail comme un excellent moyen de faire travailler tous les élèves sur des travaux différents en laissant au professeur des disponibilités nouvelles pour s’occuper des élèves en difficulté.