Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Pourquoi faut-il utiliser les TICE pour enseigner les probabilités et les statistiques ?
Article mis en ligne le 30 janvier 2009
dernière modification le 31 mai 2010

par groupe Statistiques et Citoyenneté – IREM Paris-Nord, Hatem MAATI

Après tout, que je sache, ni Blaise Pascal ni les étudiants de Kolmogorov n’avaient d’ordinateur et encore moins internet. Ne faisaient ils pas pour autant des probabilités pour le premier et même des statistiques de haut vol pour les seconds ? Certes, oui.

Mais, alors que les probabilités figurent désormais au programme des classes de troisième et des lycées professionnels, le nouveau défi des enseignants de mathématiques est donc aujourd’hui d’apporter à chacun de nos élèves -même aux plus récalcitrants- un ensemble de connaissances lui permettant d’être un citoyen averti face aux chiffres et en particulier face aux phénomènes aléatoires.

C’est pour remporter ce défi que l’emploi des TICE est, à mon sens, incontournable.

« les TICE libèrent des contraintes de calcul »

D’abord, les TICE libèrent des contraintes de calcul (souvent très pénibles en statistique) et permettent de nombreux types d’illustrations. Cela permet de privilégier le sens, l’interprétation et l’éducation à l’esprit critique.

Dans l’activité ci-dessous, de niveau 3ème/2nde, on s’intéresse à la répartition des revenus des Français en 2003 par foyer fiscal. L’emploi du tableur permet une représentation des données chiffrées avec des diagrammes circulaires rapidement exploitables. On gagne ainsi du temps pour réfléchir au caractère inégalitaire de la répartition des revenus en France.

Les revenus des français

Remarque : le tableur utilisé dans cet article est celui de l’excellente (et gratuite) suite OpenOffice. Les fichiers correspondants s’ouvrent en ligne sans difficulté particulière (sinon les avertissements de sécurité d’Internet Explorer, que Mozilla Firefox remplace avantageusement). Pour les ouvrir localement, il est nécessaire de télécharger OpenOffice ici.

Revenus
(source INSEE).

Ouvrir le fichier


1. Répartition des foyers selon les tranches de revenus

a) Sélectionner les nombres de foyers de C6 à J6, puis cliquer sur l’icône de graphiques et choisir « XY Points et lignes ». Pour les valeurs de X, entrer ensuite les revenus moyens de C7 à J7.

Que montre le graphique cartésien obtenu ?

b) Représenter la répartition des foyers à l’aide d’un diagramme en secteurs. Afficher le pourcentage de chaque secteur en faisant un clic droit puis en choisissant « Éditer / Propriétés de l’objet ».

À quelle tranche appartient un foyer situé « au milieu » de la population c’est-à-dire pour lequel existe autant de foyers gagnant plus et autant gagnant moins ?

Le revenu moyen, 15 839 €, appartient-il à cette tranche ? Donner une explication.

2. Répartition des revenus

En multipliant le nombre de foyers par le revenu moyen, on obtient le revenu total.

a) Calculer le revenu total de chaque tranche, puis représenter ces revenus à l’aide d’un diagramme en secteurs avec pourcentages.

b) Comment constate-t-on, sur les graphiques, que 30 % de la population se partage 7 % des richesses et qu’à l’opposé, 1 % de la population se partage 10 % des richesses ?

La compréhension du caractère inégalitaire de la distribution des revenus est une étape importante dans la construction de l’esprit citoyen puisqu’elle justifiera, dans un deuxième temps, le caractère progressif de l’impôt sur le revenu. A un nombre de parts fixé, le montant de l’impôt sur le revenu représente, en effet, une plus grande proportion des revenus pour celui qui gagne le plus. Ce n’est que par cette connaissance de cette distribution des revenus que le citoyen peut comprendre en quoi cet impôt est vecteur de cohésion sociale.

Pour une activité portant sur le calcul de l’impôt sur le revenu, rendez vous à la page 104 de la brochure 135 de l’IREM Paris-Nord que vous pouvez télécharger ici : http://dutarte.club.fr/Sitestat/page%20Accueil.htm

« les TICE permettent de traiter des situations « réelles » »

Ensuite, grâce à la quantité d’information disponible et par leur puissance de calcul, les TICE permettent de traiter des situations « réelles ».

Dans l’activité ci dessous (niveau 1ère) on étudie la série statistique correspondant au nombre de morts liées à un accident technologique « majeur » au cours de la période 1970-1997. Cette série a été obtenue à partir de la base de données des Nations Unies.

Accidents technologiques

Accidents

Ouvrir le fichier établi à partir de la base de données des Nations Unies listant les accidents technologiques « majeurs » pour la période 1970-1997.

Le nombre de morts est généralement une « estimation » car on ne dispose pas toujours de l’information exacte. Par exemple, pour l’accident de 1986 à Tchernobyl, cette source indique 31 morts. L’OCDE est l’organisation de coopération et de développement économiques, comprenant essentiellement des pays économiquement développés.

1. À l’aide des fonctions du tableur, compléter le tableau (cellules I3 à J8) contenant les indicateurs statistiques des deux séries des nombres de morts dans les accidents survenus dans des pays de l’OCDE et dans des pays n’appartenant pas à l’OCDE.

2. Quelle est l’étendue de chacune des deux séries ? Quel renseignement la comparaison des étendues apporte-t-elle quant à la dispersion ?

3. Que signifie, pour les pays de l’OCDE, une médiane nulle ?

4. L’affirmation suivante est-elle exacte :
« 75 % des accidents technologiques font au plus 7 morts dans les pays de l’OCDE alors que 25 % des accidents technologiques font plus de 60 morts dans les pays n’appartenant pas à l’OCDE » ?

5. L’accident survenu à Bhopal (Inde) en 1984 a fait 2 800 morts. Cet accident apparaît comme exceptionnellement dramatique. Examinons ce que deviennent les indicateurs des pays non-OCDE si l’on n’en tient pas compte.
Effacer le contenu de la cellule D229.
Indiquer, parmi les paramètres suivants, ceux qui sont sensibles aux valeurs extrêmes et ceux qui le sont peu : moyenne, écart type, médiane, quartiles.

Travailler avec des données réelles, c’est à la fois porteur de sens et plus motivant pour les élèves. C’est aussi l’occasion pour nous enseignants de convaincre définitivement nos élèves que nous habitons sur la même planète qu’eux. Reconnaissons le, ce n’est paradoxalement pas lors du cours de mathématiques qu’ils obtiennent les réponses aux questions qu’ils se posent en dehors de l’école. Pourtant, l’actualité et les faits de société sont systématiquement illustrés voire « démontrés » par des chiffres. L’excuse préférée de mes anciens professeurs de mathématiques à la question : « À quoi, ça sert les maths ? » était d’ailleurs : « Tu verras plus tard car pour le moment on n’est pas encore assez avancé » . Cette réponse a pris un sacré coup de plomb dans l’aile grâce à l’émergence des TICE.

C’est qu’enfin les TICE, par la simulation, permettent une approche expérimentale des situations aléatoires. L’enjeu est là de faire comprendre que ce qui est imprévisible au cas par cas, devient néanmoins prévisible sur un grand nombre de répétitions de l’expérience. C’est ce « miracle » de la loi des grands nombres qui permet au calcul des probabilités de favoriser une prise de décision rationnelle dans un contexte imprévisible. Bref, on ne le comprend (et on ne s’en convainc) qu’en manipulant, l’ordinateur constituant le prolongement de la main pour multiplier les expériences et forcer le hasard à nous montrer ses « lois ».

Pour illustrer ce dernier point, je vous propose l’activité ci-dessous basée -encore une fois- sur des faits réels et réalisée avec une classe de 2nde. La situation étudiée correspond au procès en appel d’un citoyen américain contestant sa peine initiale au motif que la désignation des jurés est discriminatoire envers les citoyens d’origine mexicaine. L’élève est alors amené à simuler la désignation de 870 jurés pour un procès dans une population où 79,1% est d’origine mexicaine. Il s’agit de voir dans quelle mesure il est possible de n’obtenir que 339 jurés d’origine mexicaine comme cela a été le cas dans la réalité. L’élève est alors invité à décider si, selon son modèle, le prévenu a fait l’objet ou non de discrimination.

Les jeunes sont particulièrement sensibles a ce thème. Cela m’a permis de susciter un vif intérêt auprès de tous mes élèves et même parmi les plus récalcitrants d’entre eux !

L’affaire Castaneda contre Partida

L’ensemble des faits évoqués ci-dessous est réel.

En Novembre 1976 dans un comté du sud du Texas, Rodrigo Partida était condamné à huit ans de prison pour cambriolage d’une résidence et tentative de viol.

Il attaqua ce jugement au motif que la désignation des jurés de ce comté était discriminante à l’égard des Américains d’origine mexicaine. Alors que 79,1% de la population de comté était d’origine mexicaine, sur les 870 personnes convoqués pour être jurés lors d’une certaine période de référence, il n’y eût que 339 personnes d’origine mexicaine [1].

But du T.P.

On se propose de simuler 100 fois le tirage de 870 jurés pour voir s’il est vraisemblable que le hasard ne désigne que 339 Américains d’origine mexicaine dans une population où 79,1% est d’origine mexicaine.

Partie A : Simulation de la désignation d’un juré

1. À combien de jurés d’origine mexicaine pourrait-on s’attendre en choisissant au hasard 870 personnes dans la population ?

2. On rappelle que la fonction « Random » de la calculatrice génère un nombre aléatoire entre 0 et 1. Sur Excel, on obtient la même fonction avec ALEA (). On rappelle que la fonction « Int » de la calculatrice renvoie la partie entière d’un nombre positif, elle est notée ENT sur Excel.

Expliquer alors pourquoi on peut simuler la désignation d’un juré de ce comté sur la cellule A1 à l’aide de la formule

=ENT( ALEA() + 0,791).

On pourra s’aider de schémas pour représenter des intervalles.

Partie B : Simulation de 100 séries de 870 désignations de jurés

1. Après avoir rentré la formule et « tiré la poignée » verticalement, simuler le tirage des 870 jurés.

2. Dans la cellule A871 entrer la formule =SOMME(A1:A870). Qu’obtient-on ? En appuyant plusieurs fois sur la touche F9 (le tableur recalcule alors tout) indiquer autour de quel nombre le total de jurés d’origine mexicaine semble osciller.

3. Après avoir sélectionné toute la colonne A1:A871, « tirer la poignée » horizontalement pour simuler 100 fois le tirage de 870 jurés.

4. Représenter avec un nuage de points les données de la dernière ligne. (Commencer par sélectionner la ligne 871 puis utiliser l’assistant graphique).

5. Entre quelles bornes pourrait-on envisager le nombre de jurés mexicains sans qu’on puisse évoquer un problème de discrimination ?

6. Recopier et compléter la phrase : « d’après notre simulation de 100 élections de 870 jurés on n’a jamais obtenu moins de .… jurés d’origine mexicaine ».

7. Obtient-on obligatoirement 688 jurés d’origine mexicaine ? Qu’observez-vous ?

8. a) Est-il arrivé au hasard de distribuer un nombre de jurés d’origine mexicaine comparable à celui obtenu dans ce comté du Texas ?

8. b) Comment expliquez-vous cette situation ?

Castaneda contre Partida

Vous trouverez le fichier open office associé ici.

Bien sûr, le nombre de jurés d’origine mexicaine est aléatoire. Mais, grâce à la simulation les élèves réalisent très vite que aléatoire ne signifie pas chaotique. Et ils observent, au contraire, que le nombre de jurés d’origine mexicaine oscillent autour de 688, qu’il ne s’en éloigne « jamais beaucoup » et « rarement ». Ce nombre 688 correspond à la proportion de 79,1% sur les 870 jurés désignés.

Alors les élèves sentent qu’il s’est passé quelque chose d’étrange quand ils comparent le fruit de leur modèle avec la réalité : ce n’est pas possible qu’il y n’ait eu que 339 jurés d’origine mexicaine. Pour de nombreux élèves, cette histoire est très claire : ils ont le sentiment d’avoir établi la preuve statistique qu’il s’agit là d’un odieux d’un complot visant Rodrigo Partida !

Le débat ne fait alors que commencer...

Pour plus de de détails avec cette activité voir p 133 brochure 135 de l’IREM Paris-Nord que vous pouvez télécharger ici : http://dutarte.club.fr/Sitestat/page%20Accueil.htm. Vous trouverez notamment des extraits de copies d’élèves commentés.

Enfin pour les élèves de terminale S, il est possible de télécharger sur internet l’attendu de la cour suprême qui donne gain de cause au prévenu et d’étudier les arguments probabilistes de cet attendu comme cela a été fait ici : http://dutarte.club.fr/Sitestat/Jury%20et%20discrimation%20TS.htm ou page 144 de la brochure 135 IREM :http://dutarte.club.fr/Sitestat/page%20Accueil.htm.

Pour résumer, on voit à travers ces activités comment l’emploi des TICE permettent :

  • de s’affranchir des calculs pénibles pour mieux se concentrer sur le sens ;
  • de motiver les élèves grâce à des activités en prise avec la vie quotidienne et les autres disciplines ;
  • de rendre tangibles des notions d’un niveau théorique avancé.

Je dois vous avouer que ce qui m’a le plus marqué dans mon expérience d’enseignant utilisant les TICE, c’est d’observer combien elles permettent de changer la vision des mathématiques qu’ont certains élèves notamment de ceux qui ont le plus de difficultés. Cela récompense pleinement l’effort de dénicher les informations pour construire ce type d’activité.