La Nuit du Code est une expérience marquante pour les enseignant(e)s qui s’y engagent et pour les élèves qu’ils y entraînent ...
Novembre 2018, INSPE de Nice. Un groupe de jeunes enseignant(e)s suivent une formation. Jusqu’ici, rien de plus normal, sauf que si je devais citer une formation qui a changé mon destin d’enseignante, ça serait un module autour de la résolution créative de problèmes assuré par Margarida Romero, directrice du LINE (Laboratoire d’Innovation et Numérique pour l’Éducation).
Ce jour-là, je suis partie avec des idées plein la tête, l’envie de les réaliser et la confiance en moi nécessaire pour faire un pas de côté.
Pour commencer, je me suis inscrite sur Twitter : c’est l’un des conseils que j’ai reçu en formation. Jusqu’ici, je n’étais pas une grande adepte des réseaux sociaux et je ne voyais pas ce qu’ils pouvaient m’apporter. J’ai rapidement compris l’intérêt d’être sur ce réseau : j’ai découvert une communauté active d’enseignants qui partageaient des idées, des ressources, des réalisations, des petites et grandes victoires, des passions… bref, une source d’inspiration. Et avec l’arrivée du Covid et le confinement, c’est devenu d’autant plus essentiel pour s’ouvrir à de nouvelles pratiques et découvrir plusieurs outils numériques utilisés par les collègues.
En août 2020, je suis tombée sur un tweet de Jean-Yves Labouche annonçant le lancement de la « Nuit du Code 2021 : 6 heures pour coder un jeu sur Scratch et en équipe ». Cette annonce aurait pu passer à la trappe pour une personne comme moi : je ne suis pas fan de jeux vidéo (traumatisme d’enfance, la faute à un vieux jeu Atari où je finissais tout le temps par me faire grignoter par une araignée). Côté programmation, j’ai un parcours basique : Pascal au lycée, Maple et Scilab en études supérieures. Mais l’idée de pouvoir créer un jeu de toute pièce avec des moyens technologiques à la portée des élèves m’a séduite. Et pour couronner le tout, le défi offrait une occasion pour travailler des compétences autour de la résolution créative de problèmes.
Événement organisé par le Lycée Français de Taipei (Taïwan) depuis 2016, la Nuit du Code était à l’origine une occasion pour les élèves d’établissements français de la zone Asie / Pacifique de se rencontrer autour du thème de la programmation. Durant un week-end, différentes activités étaient proposées dans une ambiance décontractée et festive. Quant au concours de programmation, il se tenait entre 18h et minuit, d’où le nom « La Nuit du Code ».
La crise sanitaire change la donne.
Suite à la crise sanitaire qui a empêché les voyages scolaires, les organisateurs ont décidé de changer de format : pour l’édition 2021, la Nuit du Code s’est ouverte à tous les établissement français autour du monde ! Chaque établissement pouvait organiser la compétition selon ses propres modalités, avec plus de flexibilité sur les dates et les horaires. Et pour inciter les enseignants à s’y inscrire, les organisateurs ont compris qu’il faudrait faciliter au maximum la tâche des enseignants : plaquette de présentation, ressources, tutoriels, entraînements … tout ce qu’il faut pour démarrer sereinement. Et cette formule a séduit puisque 50 établissements se sont engagés dans cette aventure.
Recruter des élèves.
Une fois la date de la Nuit du Code fixée avec mon chef d’établissement, vint la phase de recrutement des élèves. Pour ceci, deux leviers se sont présentés à moi : en premier lieu, les affiches. En effet, parmi les ressources proposées, on trouve de belles affiches modifiables pour informer les élèves et inciter les intéressés à s’inscrire. Le deuxième levier est humain : rien ne vaut la prise de contact directe. J’ai demandé de l’aide à mes collègues de mathématiques et à la professeure documentaliste pour en parler aux élèves, les renseigner sur le concours et les encourager à y participer.
Dans l’espace de deux semaines, une vingtaine d’élèves se sont inscrits pour participer à la Nuit du Code.
Des séances d’entraînement.
Mais avant de plonger dans cette compétition, il était nécessaire de programmer une ou des séances d’entraînement : d’abord pour faire connaissance avec l’ensemble des élèves, mais aussi pour leur donner un aperçu des conditions de l’épreuve et des attendus. Et pour ceci, les enseignants sont bien accompagnés pour l’organisation : sur le site de la Nuit du Code, on trouve 18 tutoriels pour s’entraîner sur différentes techniques des plus basiques (déplacer un lutin avec les touches du clavier) aux plus poussées (comme réaliser un scrolling infini sur plusieurs arrière-plans). Ces tutoriels sont organisés sous forme de cahier numérique : sur la même page, on trouve le document de travail (ici sous forme de vidéo) et l’environnement de création (scratch) sur des espaces qui peuvent être redimensionnés selon les besoins.
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De plus, 4 exercices sont présentés : pour chacun, il est proposé aux élèves de créer un jeu à partir d’un univers fourni et d’une fiche de consignes (pour mieux comprendre le jeu, une version jouable sur Scratch est proposée). Une grille est aussi fournie pour permette aux élèves d’évaluer objectivement le jeu créé et mieux comprendre les critères d’évaluation.
Pour ma part, j’ai organisé avec les élèves deux séances d’entraînement de deux heures chacune : j’ai prévu une première pour que l’ensemble des élèves se familiarise avec les techniques et une deuxième pour créer des mini-jeux dans les univers fournis. Pour les élèves les plus à l’aise techniquement, les deux séances ont été consacrées à la création de jeu.
Ces séances ont été l’occasion pour les élèves, en plus de progresser en Scratch, de tester les conditions de travail en groupe et de mieux cerner les difficultés qu’ils pourraient rencontrer le jour de l’épreuve. En effet, même si les groupes sont créés sur la base d’affinités, coopérer n’est pas tout aussi naturel qu’on pourrait le penser. La répartition des tâches et les différents niveaux d’avancement entre les élèves d’un même groupe a posé des problèmes pour certains. Les séances d’entraînements ont été l’occasion pour se confronter à ces obstacles et trouver le moyen le plus adapté pour les dépasser.
Quand arrive le jour de l’épreuve...
Arrive ensuite le jour de l’épreuve : une fois le chrono enclenché, chaque équipe a pu découvrir les quatre univers de jeu (gamepacks) à l’esthétique soignée : des lutins et des décors aux graphiques attirants (réalisés par un infographiste), certains lutins ont 20 costumes qui permettent de réaliser des mouvements réalistes, la banque-son est bien fournie et adaptée à chaque univers. Après les premières discussions pour choisir l’univers, déterminer la structure du jeu et répartir les tâches, chacun s’est mis à programmer soit en ligne soit sur le logiciel installé sur les postes.
Une ambiance studieuse, mais décontractée.
Durant l’épreuve, les élèves avaient le droit de se déplacer pour aller voir ce que les autres équipes faisaient et demander de l’aide aux adultes présents (d’autres collègues de mathématiques se sont joint à moi à différents moments de l’épreuve). Même si les neurones ont chauffé à certains moments, l’ambiance était décontractée : repas livrés en salle, coin détente, chips et jus offerts … ce qui a fait que les six heures sont passées assez rapidement. Après une pause d’une demi heure, les élèves se sont mis à évaluer les différents jeux : chaque groupe passait pour présenter son jeu et les autres donnaient une note sur 10 en se référant à une grille d’évaluation fournie qui s’intéresse à la jouabilité et à la créativité du jeu. Les enseignants aussi ont participé à l’évaluation en ajoutant des points qui sont attribués suivant la complexité du code (maximum 5 points). A la suite de cette évaluation, le jeu ayant eu le meilleur score a été élu pour présenter notre établissement : il s’agissait d’un jeu d’aventures avec plusieurs niveaux (différentes missions qui sont confiées au héros au fil de sa progression dans le scénario).
Présenter le jeu au jury de la Nuit du Code.
Afin de le présenter au jury de la Nuit du Code, les élèves créateurs du jeu ont réalisé une vidéo de deux minutes de type « gaming » pour présenter le fruit de leur travail : expliquer le jeu (avec une situation d’échec et une de réussite), s’exprimer sur les difficultés rencontrées et parler de leur ressenti par rapport à l’épreuve. Cette vidéo a été notée selon deux critères (chacun donnant lieu à une note sur 10) : l’expression orale et la qualité du jeu présenté. De plus, l’ensemble des vidéos des établissements participants était publiés sur la chaîne Youtube de la Nuit du Code, des points supplémentaires (maximum 10 points) ont été attribués aux 20 vidéos les plus vues de chaque catégorie (collège et lycée). Ceci a motivé mes élèves pour faire connaître leur travail, envoyer le lien vers la vidéo aux membres de leurs familles et à leurs amis.
Sur le podium, en troisième position...
Suite à cette évaluation, notre collège a atteint le podium à la troisième place. C’était une grande fierté pour les élèves d’avoir réussi un tel exploit, et pas seulement les créateurs du jeu gagnant. Au niveau du collège, des diplômes ont été distribués à l’ensemble des participants. De plus, les organisateurs de la Nuit du Code ont préparé un diplôme spécial pour les créateurs du jeu qui a présenté notre collège. De plus, ils ont eu droit chacun à un bon d’achat de 20 euros à utiliser sur un site de commerce en ligne. Au niveau du concours, en plus des trois premières équipes de chaque catégorie (collège et lycée), les organisateurs ont décerné un prix spécial pour les équipes qui ont réalisé des jeux très bien notés par le jury, mais qui n’ont pas fait partie du podium car moins vues sur Youtube.
Voici le jeu JackJack Bizzare Adventure, primé en troisième position de la catégorie Collège.
Pourquoi ne participeriez-vous pas en 2024 ?
Cette année, si vous souhaitez participer à la Nuit du Code (et je vous y encourage, les inscriptions sont possibles jusqu’au mois d’avril), vous remarquerez que la compétition a évolué. Désormais, l’organisation revient au lycée français international de Tokyo,
Pour l’édition de cette année, il y a 6 catégories : trois d’entre elles concernent les jeux réalisés sur Scratch (CM1–6eme, 5eme-3eme et Lycée) et les trois autres sont réservées aux jeux sur Python (NSI 1ère, NST terminale et Post-bac). Côté organisation, on ne change pas une formule qui gagne : toujours des ressources variées proposées pour Scratch mais aussi pour Python (jeux développés sur Pyxel, un moteur de jeu rétro pour Python). L’évaluation des jeux créés a quant à elle évolué : désormais, il est possible de déposer l’ensemble des jeux créés sur le site de la Nuit du Code. Ceci permettra à l’ensemble des élèves participants d’évaluer les jeux proposés après y avoir joué. Par la suite, une évaluation est proposée en donnant une note sur 5 pour quatre critères (la jouabilité, la richesse/complexité, l’originalité/créativité et le respect des consignes/documentation). Le jeu gagnant au niveau de l’établissement pourra présenter l’établissement pour le classement international, où les enseignants organisateurs peuvent désormais participer à l’évaluation des jeux proposés.
Conclusion
La Nuit du Code a été pour moi l’occasion de travailler autrement avec des élèves passionnés de programmation. J’ai vu au fil des séances se développer chez eux la créativité, l’esprit d’équipe, la ténacité, l’organisation… toutes compétences qu’on cherche, en tant qu’enseignant, à développer chez tous les élèves. Et avec l’évolution continue de cette compétition, c’est aussi pour moi une occasion de faire un pas de côté, apprendre au contact des élèves et m’accorder un moment de bonheur en savourant la fierté des élèves qui ont réalisé ce travail.