Une demande institutionnelle
La place du logiciel libre dans les établissements est de plus en plus importante. Cette situation est davantage issue d’une réflexion économique et d’un choix stratégique raisonné.
En plus de cette circulaire, cette situation est a priori encouragée par le code de l’éducation [6]. Je dis a priori car beaucoup de documents me sont encore transmis dans des formats dits fermés [7] (.doc, .docx,...) par l’administration. Cela ne me dérange pas outre mesure mais je comprends ainsi mieux le point de vue de l’élève ou du parent, non équipé du logiciel idoine, qui essaie d’ouvrir un fichier joint au cahier de texte dans un format précité.
Diffuser des documents
Dans le cadre de la diffusion de documents numériques aux élèves, le choix d’opter pour des logiciels libres ou du moins des formats de fichiers ouverts n’est alors plus un choix mais une réelle nécessité [8]. Pour les documents écrits non éditables à joindre à l’ENT par exemple et même certaines présentations, le format de fichier PDF [9] est à mon sens incontournable et offre un point de convergence pour les utilisateurs de logiciels propriétaires et ceux de logiciels libres. Pratiquement, je crée des devoirs en utilisant LaTeX (libre) et produit un document final en PDF. Mes collègues utilisant Microsoft/Word (propriétaire) ou LibreOffice/Writer (libre) peuvent en faire autant. La diffusion de documents n’est donc pas déterminant pour le choix entre les deux catégories de logiciels à la condition de produire un fichier au format ouvert comme le format PDF.
Produire des documents
Dans le cadre de la production de documents de manière isolée et individuelle, partant d’une page blanche et en utilisant son propre matériel la liberté de choix de logiciels est réelle. Les choix que chacun fait dans ce cadre ne sont pas discutables car ils sont personnels et n’engagent que l’utilisateur.
Là où cela se corse c’est quand nous commençons à collaborer et coproduire avec d’autres utilisateurs (collègues, élèves), que nous sommes amenés à travailler sur différentes plate-formes [10]. Il faut donc se mettre d’accord au préalable et trouver dans le cadre de la production de documents pour les élèves (édités sous format papier ou sous fichier en format ouvert) une suite bureautique qui convient aux différents acteurs de la collaboration. La suite bureautique installée dans l’établissement, dans les salles dédiées à certaines sections est souvent le choix par défaut.
Deux réalités différentes ont été décrites dans les échanges du comité et représentent à mon sens bien deux situations assez répandues.
- Premier cas : Un lycée polyvalent (filière générale et professionnelle) avec des sections tertiaires. Dans le cadre des cours des matières tertiaires, l’accès à une salle dédiée avec la suite Microsoft et des manuels écrits pour, fait pencher l’enseignant des matières tertiaires pour une utilisation du tableur Excel. Son collègue de mathématiques peut préférer l’utilisation de LibreOffice/Calc ou encore le tableur intégré à GéoGebra ou encore un tableur en ligne. Dans ce cas on pourrait se poser la question de l’uniformité du logiciel utilisé pour « rendre service » aux élèves. Nous sommes nombreux à penser qu’un choix mixte peut dans ce cas rendre un plus grand service aux élèves en évitant un formatage par l’outil mais plutôt le développement de compétences transférables. Pour un enseignant de mathématiques, un transfert de la suite Microsoft vers une suite libre pour une utilisation basique [11] d’un tableur libre ne demande que peu d’investissement.
- Deuxième cas : Un collège de taille modeste. La seule solution économiquement viable est alors le choix d’une suite bureautique libre. J’ajouterai même que parce qu’elle remplit pleinement son office, la préconisation d’une suite libre ou open est naturelle pour le référent numérique. Dans le cadre d’une sollicitation de Microsoft pour l’achat d’une licence 365 (tant pis pour les année bissextiles), transmise à l’ensemble de mes collègues j’avais rapidement pris la mesure de la dépense avant de répondre à mes collègues. Résultat : entre 1 000 et 1 500 € par an pour un collège de 400 élèves. Pour ce prix tous les élèves sont équipés chez eux ainsi que tous les collègues. Enfin ça fait quand même un TNI de très bonne qualité tous les deux ans... . Pour rappel, LibreOffice est disponible pour toutes les plate-formes courantes et ce à un tarif défiant toute concurrence (à moins de pratiquer des prix négatifs [12]). La réalité du choix pour l’enseignant n’est plus aussi présente que dans le premier cas. Pour coproduire, avec des collègues et des élèves au sein de l’établissement ou chez soi, l’option d’utiliser une suite bureautique libre s’impose.
Faire produire des documents par les élèves, en classe, à la maison
Même si cela a été évoqué dans le paragraphe précédent, il faut aussi en tant qu’enseignant se mettre à la place des élèves (si, si, c’est parfois utile, voire même instructif, l’inverse n’étant pas forcément vrai). L’élève dispose-t-il du logiciel chez-lui pour prolonger le travail à la maison ou bien le commencer. Peut-on attendre qu’il soit fait ?
Au delà de l’équipement et de l’accès à une plate-forme, le choix d’un logiciel libre permet à l’élève de travailler chez-lui dans les mêmes conditions.
La promotion de ce type de logiciels est en premier lieu faite par l’usage en classe des dits logiciels et également une exigence pouvant être légitime de production de la part des élèves de documents au format ouvert (odt, ods, odp, pdf,...) pour une évaluation ou une restitution facilitée dans l’environnement contraint de l’établissement, lors d’exposé de projets notamment.
Un exemple marquant issu de mon expérience en collège et qui dépasse le cadre de l’enseignement de mathématiques, est celui de l’épreuve orale d’histoire des arts. Lors de cette épreuve les élèves préparent des dossiers et sont interrogés sur l’un d’entre eux au choix du jury. L’épreuve consiste en une présentation orale du dossier , suivie de questions du jury. Lors de la présentation orale, le support informatique (ordinateur multimédia et vidéoprojecteur) peut être utilisé. À ce dessein, l’élève apporte ses documents sur clé usb et utilise le matériel présent dans les salles. La nécessité pour l’élève de l’interopérabilité se fait jour et est très clairement indiqué en amont de l’épreuve. Je pense que cette situation participe à la formation de l’élève au numérique et que dans ce cas le choix de logiciels libres dans l’établissement y contribue également.
Enseigner pour et par le numérique, le point de vue du référent
Les deux types de logiciels utilisés (libres ou propriétaires) peuvent avoir leur place conjointement dans l’enseignement. Je ne pense pas qu’il faille de prime abord exclure l’une ou l’autre des solutions pour des raisons dogmatiques. Les contraintes techniques, financières et pratiques font l’essentiel de l’arbitrage.
Ceci étant dit l’analyse des apports des uns et des autres logiciels permettent de penser la pédagogie autour du numérique autrement.
En effet, je ne pense pas qu’il faille trop détailler les consignes des activités en donnant les étapes du type « cliquer sur... », « ouvrir la fenêtre de dialogue... », captures d’écran à l’appui ne permettant pas le doute sur le logiciel utilisé. C’est une tendance chez certains éditeurs de manuels. Le fait de concevoir son activité pour deux logiciels équivalents libres ou propriétaires, permet non seulement de pouvoir plus facilement la partager, mais également de se concentrer sur l’essentiel de l’activité de l’élève. Le travail en salle multimédia peut paraître dans cette démarche plus fastidieux car les besoins de remédiation sont plus nombreux. Mon avis est qu’il gagne aussi en efficacité en permettant une plus grande autonomie des élèves par la suite. C’est peut-être aussi l’occasion de développer une coopération accrue entre élèves, la feuille de route de la séance étant moins balisée.
Permettre l’usage dans une même séance de logiciels différents est aussi une piste présentant un intérêt. En mathématiques, l’usage sur une situation géométrique identique de différents logiciels de géométrie dynamique permet d’apporter une valeur plus forte à une conjecture.
En ce qui concerne les logiciels de géométrie dynamique, l’offre se situe dans pratiquement tous les cas possibles. Certains sont plus simples à déployer que d’autres, s’intègrent mieux dans l’environnement (système d’exploitation, ENT). Une solution mixte avec plusieurs logiciels est possible notamment parce qu’une offre libre et/ou gratuite existe. Pourquoi s’en priver ?
retour en début de partie
retour en début d’article