L’autrice de cet article, Nathalie Revol, qui a accepté d’en être la marraine, est universitaire et très active au sein de l’association Femmes et Mathématiques. Elle s’en explique et insiste sur les enjeux d’une meilleure insertion des femmes dans les métiers scientifiques. Les choses se jouent tout au long de la scolarité...
Aymeric Picaud a valorisé l’article par une mise sous SPIP attentive et de belle qualité.
Uniquement des autrices...
Dans ce numéro spécial de MathémaTICE, vous trouverez uniquement des articles écrits par des femmes. Elles sont mises en lumière, rendues particulièrement visibles, pour souligner combien notre milieu est loin de la parité. Les mathématiques et l’informatique qu’elles pratiquent et qu’elles partagent avec leurs élèves ne sont pas différentes, pas « féminines » : aucune piste d’explication de la rareté des femmes de ce côté-là, nos disciplines s’exercent de la même façon quel que soit notre genre.
Les valeurs humaines et humanistes qu’elles mettent en avant et qu’elles s’attachent à transmettre : le plaisir (dans l’article de Chrystelle Ninot par exemple), la citoyenneté (dans la présentation du cours de SNT de Nathalie Braun), l’ouverture aux autres (en particulier dans l’article de Lydie El-Halougi ), la coopération plutôt que la compétition (avec l’escape game de Sophie Bernard), l’équilibre et le bien-être (sur lesquels insiste Olfa Yemen) et même le bonheur (label qu’a obtenu le laboratoire de maths décrit par Nathalie Braun), la créativité (mise en avant par Sarah Leleu) et l’expression artistique (dans tous les projets présentés), sont quant à elles plus facilement connotées comme féminines.
Faut-il trouver là l’expression d’une différence entre les femmes et les hommes, en informatique et en mathématiques au moins ?☺ Dans ce qui suit, j’évoquerai divers sujets en lien avec la question de la faible proportion de femmes et je m’autoriserai parfois un peu de provocation, signalée par cet emoji taquin ☺. Prenez ces provocations comme l’occasion de vous interroger, de vous demander jusqu’à quel point vous adhérez à la question posée, ou tout simplement à quel point vous l’avez, plus ou moins inconsciemment, intériorisée. Je doute fort que la réponse penche complètement d’un côté ou de l’autre, mais je vous invite à explorer à quel niveau de gris elle se situe pour vous.
… mises à l’honneur pour souligner combien elles sont rares
Pour ce qui est de la faible représentation des femmes en mathématiques comme en informatique, je ne prendrai pas la peine dans cet article de brosser un état des lieux. Je suis bien consciente qu’il est nécessaire pour attester de cette faible représentation. Mais ces statistiques préalables ont déjà suffisamment été établies à mon goût, le constat est assez indiscutable pour que je n’ai précisément plus envie d’en discuter. Si besoin, je vous renvoie par exemple aux statistiques établies tous les ans par Laurence Broze, de l’association Femmes&Maths.
Cependant, à force de voir moult projets démarrer par un état des lieux... puis s’essouffler, je contiens à grand peine mon impatience de passer enfin à l’action et voir les choses évoluer en faveur des femmes. Il est temps d’agir : Laurence Broze prédit en effet qu’au rythme actuel, en 2064 nous aurons atteint l’absence totale de femmes en mathématiques pures dans l’enseignement supérieur et la recherche. Dans ce qui suit, je me concentrerai donc sur la compréhension des mécanismes qui ont mené à cette situation et sur la proposition de pistes d’actions, afin d’éviter l’extinction complète.
Peu de femmes en informatique et en mathématiques : en quoi est-ce problématique ?
Plutôt que de brosser un état des lieux donc pour attester du faible nombre de femmes en mathématiques et en informatique, posons-nous d’abord la question de savoir si cette situation est problématique, et pourquoi. Après tout, chacun et chacune est libre de choisir son domaine d’activité et d’intérêt, laissons le choix ouvert et libre ☺. Et comme ni l’informatique, ni les mathématiques ne sont sensibles au genre de la personne qui les pratique, les résultats seront de toute façon les mêmes. Il semblerait qu’il n’y ait donc pas de problème... C’est pourtant le cas ! Penchons-nous tout d’abord sur l’impact sur les résultats et illustrons-le sur l’exemple de l’intelligence artificielle, abondamment documenté. On sait, grâce entre autres au TED talk de Joy Buolamwini, alors étudiante en fin de master au MIT en 2017, que le faible nombre de visages afro-américains, ou dans une moindre mesure féminins, dans les bases de données utilisées pour entraîner les logiciels de reconnaissance faciale conduit à des taux de reconnaissance ayant des pourcentages de réussite de 20 points plus faibles pour les visages noirs ou féminins que pour les visages d’hommes blancs. L’explication est simple : les photos déposées sur les réseaux sociaux sont à plus de 75% des photos de visages d’hommes, et à presque 85% des photos de personnes « blanches », alors qu’on pourrait s’attendre, si les proportions avec la population mondiale étaient respectées, à 50% de visages d’hommes et 15% de personnes « blanches » (chiffres tirés de Wikipedia, je ne sais pas comment ils sont établis, mais on se doute que 85% de visages « blancs » correspond à un manque flagrant de diversité). Or ce sont ces photos qui étaient utilisées comme données d’entraînement pour les algorithmes de reconnaissance faciale. Joy Buolamwini avait remarqué que son visage, noir, était moins bien reconnu qu’un masque blanc de carnaval !
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On peut lire avec profit le livre de Cathy O’Neil, « Weapons of Math Destruction » ou en français « Algorithmes - la bombe à retardement » et celui d’Aude Bernheim et Flora Vincent, « Intelligence Artificielle, pas sans elles ! » pour comprendre à quel point le manque de représentativité pose problème pour des systèmes d’intelligence artificielle et est une menace pour l’équité des décisions prises. D’autres exemples moins médiatisés sont par exemple le moindre financement des recherches, via la modélisation et la simulation numériques tout comme les essais cliniques, de phénomènes médicaux : par exemple les recherches sur la bonne position de la ceinture de sécurité en voiture, que ce soit pour des organismes de taille et corpulence faibles (souvent des femmes donc) ou sur l’impact des traumatismes lors d’accidents sur les fœtus des femmes enceintes, sont récentes (25 ans), peu nombreuses et peu connues si on en croit ce mémoire de Johanna Mattei en 2016. Dans tous ces exemples, c’est la présence de femmes qui a permis de repérer les biais et les manques, tout simplement en prenant les femmes en considération. Le problème est suffisamment massif pour que l’Inserm ait jugé utile de créer, au sein de son comité d’éthique, un groupe de travail « Genre et recherche en santé », que Santé Publique France mette à disposition un dossier sur le sujet et que la Haute Autorité de Santé alerte également sur cette question.
Je m’arrête là : oui, il est important, pour la pertinence et l’universalité des résultats, que des femmes comme des hommes les produisent et en bénéficient, qu’il y ait une réelle diversité des contributeurs et contributrices.
D’autres raisons encore, plus humanistes
Il y a d’autres raisons de souhaiter plus de femmes en mathématiques et en informatique, moins utilitaristes que la qualité des résultats.
- Si vous êtes une personne impliquée en politique, j’avancerai une raison financière, une sorte de « retour sur investissement » : les filles vont à l’école comme les garçons, y obtiennent d’aussi bons voire de meilleurs résultats y compris en sciences comme on peut le voir sur les deux graphiques ci-dessous. Par exemple, en 2018 avant la réforme du bac, 38% des filles qui se sont présentées au bac S ont obtenu une mention Bien ou Très Bien, contre 32% des garçons... mais elles ne se sont pas autant orientées vers des études scientifiques que les garçons. Même si elles suivent de telles études, elles ne restent pas dans le secteur scientifique une fois qu’elles ont intégré le milieu professionnel : la moitié des femmes dans l’IT (Information Technology) quittent leur emploi avant 35 ans selon une enquête, pour seulement 17 à 20% des hommes, soit à peine la moitié voire le tiers. Leurs études, financées par l’argent public, ne sont donc pas rentabilisées sur le plan économique : quelle politique peut se permettre un tel gâchis ? L’économie aurait aussi tout à y gagner à s’adjoindre plus de talents, et même l’autre moitié des talents de l’humanité, pour atteindre de meilleures performances.
- Si vous êtes une lycéenne, je vous renverrai vers la lecture des articles de ce numéro de MathémaTICE pour vous inciter à choisir des métiers passionnants et variés, parmi lesquels vous êtes assurée de trouver une façon d’exercer qui vous plaira, à emprunter une voie qui vous permettra, outre votre goût pour les sciences, de mettre en valeur vos qualités quelles qu’elles soient, artistiques, relationnelles...
- Si vous êtes parent d’une lycéenne, je ferai briller à vos yeux la sécurité qu’offrent les métiers en lien avec l’informatique et les mathématiques, les débouchés assurés, la facilité à trouver un poste, les rémunérations décentes.
- Enfin, l’argument massue pour moi, pour vous aussi j’espère, est d’aller vers plus de justice sociale, de ne plus voir la moitié de l’humanité tenue à l’écart de disciplines passionnantes ou à tout le moins utiles pour éclairer nos regards de citoyens et citoyennes sur les mutations de notre monde. Cette situation est d’autant plus injuste que, on le verra, elle n’a aucune raison d’être.
Comment cette situation s’explique-t-elle ?
Essentialisme, histoire, société
Revenons à notre première objection : après tout, laissons chacun et chacune libre de choisir son domaine d’activité et d’intérêt. Les filles seraient-elles, par nature, moins attirées par les sciences ? Leur cerveau serait-il différent de celui des garçons quand il s’agit de faire des mathématiques ou de l’informatique ? Cette question a souvent été posée, elle revient régulièrement dans les gros titres de certains journaux à sensation. La réponse est clairement non. Éliminons d’ores et déjà l’argument portant sur les tailles et les volumes différents des cerveaux féminins et masculins (souvent plus importants, en fait tout simplement en lien avec la taille de l’individu) : il n’y a pas de corrélation entre ces mesures physiques et l’intelligence. J’ai même eu un prof de philo qui nous titillait en concluant que les femmes avaient mieux réussi la miniaturisation des cerveaux et étaient donc plus avancées dans l’évolution ☺ ! Je résume ici les travaux de Catherine Vidal, neuroscientifique à l’Institut Pasteur et désormais active retraitée. À l’aide d’IRM comme celles-ci dessous, où l’on voit l’activation de différentes zones de cerveaux de femmes et d’hommes en train d’effectuer une tâche de calcul mental, elle a mis en évidence deux phénomènes. Tout d’abord, il y a plus de différences entre le cerveau d’un pianiste homme et celui d’un rugbyman, qu’entre les cerveaux de deux pianistes, l’un homme et l’autre femme. L’autre phénomène est la plasticité du cerveau : le cerveau n’est pas figé, à aucun âge de la vie – en particulier pas figé sur ses compétences informatiques ou mathématiques – et l’on peut apprendre à tout âge, ou oublier. Foin donc des présupposées compétences innées dans tel ou tel domaine. L’argument essentialiste, celui d’une « nature » féminine ou masculine, dans les compétences mathématiques ou informatiques, ne tient pas.
- IRM de cerveaux de femmes et d’hommes effectuant une tâche de calcul mental. Crédit photos : Catherine Vidal
L’explication la plus robuste est celle des stéréotypes, stéréotypes liés aux appétences et compétences féminines ou masculines, liés également aux rôles attribués à chaque sexe. Un stéréotype est une idée reçue, reçue de la société dans laquelle nous vivons. À la différence d’un cadeau, nous pouvons choisir de refuser une idée reçue, ou a minima l’examiner pour vérifier son bien-fondé avant de l’adopter. Ces stéréotypes ont leur utilité et font partie du fonctionnement normal du cerveau : ils nous servent à prendre rapidement, sans réfléchir, des décisions. Cette vitesse peut être utile à notre survie en nous faisant fuir devant un (supposé) danger, même si c’est probablement moins le cas aujourd’hui où nos vies sont tout de même rarement mises en danger par une nature hostile. Un autre intérêt des stéréotypes est qu’ils nous permettent d’économiser notre énergie mentale. Lors de nos courses au supermarché, choisir entre plusieurs marques pour chaque aliment vide notre réservoir d’énergie mentale et nous fatigue. Tout comme Steve Jobs qui économisait son énergie de décision en choisissant de toujours porter un col roulé noir, Barack Obama en est bien conscient et l’a dit lors d’une interview en 2012 à Vanity Fair : « Je ne porte que des costumes bleus ou gris, j’essaie de réduire au minimum le nombre de décisions à prendre. Je ne veux pas en prendre en rapport avec ce que je porte ou ce que je mange, parce que j’en ai trop à prendre par ailleurs. »
Ces stéréotypes ne sont cependant pas immuables. Par exemple, un stéréotype actuel dit que les femmes sont plutôt littéraires. C’est le cas depuis que les sciences sont considérées comme un moyen de sélection (à ce sujet, je vous invite à consulter les très instructives pages 36 à 39 du livre « La bosse des maths n’existe pas » de Clémence Perronnet sur le choix des sciences comme matières sélectives, et à poursuivre votre lecture !). Or, quand la sélection s’effectuait par les langues et en particulier les langues anciennes, voici ce qu’on pouvait lire sous la plume d’Emmanuel Kant : « Une femme qui sait le grec est si peu femme qu’elle pourrait aussi bien avoir une barbe. », dans ses « Observations sur le sentiment du beau et du sublime » de 1764.
L’Histoire, qui a véhiculé ces stéréotypes, les a aussi utilisés pour tenir les femmes à l’écart des sciences en général, et donc des mathématiques. Sans éducation scientifique, comment auraient-elles pu briller et laisser leur nom parvenir jusqu’à nous ? Et même quand elles l’ont fait, elles nous sont décrites de façon biaisée : Émilie du Chatelet est souvent seulement présentée comme traductrice en français des « Principia Mathematica » de Newton, et maîtresse de Voltaire. Ses ajouts à la traduction et ses contributions expérimentales à la théorie physique de Leibniz sont en général en retrait. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer le début de sa notice extraite du Trésor littéraire des jeunes personnes : choix de morceaux de prose et de poésie extraits des ouvrages des femmes les plus célèbres : avec une notice sur chaque auteur / par M. J. Duplessy 1862 : « CHÂTELET (Gabrielle Émilie de Breteuil, marquise du), née en 1706, femme remarquable par ses connaissances et son éducation presque virile, est cependant moins célèbre aujourd’hui par ses œuvres scientifiques que par sa liaison avec Voltaire ».
Je vous invite à ce moment de votre lecture à faire une pause et à répertorier les stéréotypes que vous connaissez, au sujet des femmes et des sciences. J’aime beaucoup celui-ci que m’ont rapporté des lycéennes : « quand on n’a pas la physique, il faut avoir le physique »... Si vous êtes persuadé-e de n’en connaître aucun et surtout d’y être hermétique ☺, je vous invite alors à tester vos biais d’associations implicites en cliquant-droit sur le présent lien. (Moi aussi, j’ai eu un score déplorable.)
Vous devriez désormais être convaincu-e que, tout comme moi, vous avez absorbé les stéréotypes véhiculés par notre société, qu’ils ont laissé une forte empreinte sur vous comme sur moi. Je vais cependant appuyer cette affirmation par quelques exemples récents. Le premier exemple date de 2011, il s’agit de la mise sur le marché, par la célèbre marque de vêtements pour enfants Petit Bateau, de bodys pour bébé, roses pour les filles, bleu pour les garçons, chacun porteur d’adjectifs supposés décrire les qualités des bébés filles comme des bébés garçons. (Ces bodys ont provoqué un tel tollé que Petit Bateau a dû les retirer immédiatement de la vente.) Dès leur naissance et parfois même avant, les bébés sont déjà assignés à des caractéristiques supposément féminines ou masculines. Je vous laisse les découvrir sur la photo ci-dessous.
Devenues un peu plus grandes, les petites filles de 1992 pouvaient se voir offrir une poupée Barbie qui parle, quelle modernité ! Et que disait cette poupée ? « C’est super dur, les maths ! ». Si c’est Barbie qui le dit, Barbie à laquelle les filles sont supposées s’identifier, c’est que cela doit être vrai !
Si vous m’objectez que 1992, c’est trop ancien et que les choses ont changé depuis, je dégaine cette affiche pour des Salons de l’Étudiant de 2017 : aux hommes les grandes écoles et en particulier les domaines scientifiques des métiers d’ingénieur, aux hommes encore les métiers d’avenir, aux femmes la santé, le social et le paramédical (doit-on en déduire que ce ne sont pas des métiers d’avenir ? ☺). Enfin cette campagne de recrutement pour l’Éducation Nationale, en 2011, a fait parler d’elle : Laura, photo en teintes pastel roses, lit un livre et « rêve », alors que Julien, dans un environnement bleuté, a de l’« ambition » : manches retroussées, il travaille tard le soir sur son ordinateur, signe qu’il est à l’aise avec la technologie.
- Campagne de recrutement dans l’Éducation nationale
- Fiche d’analyse disponible ici : http://genrimages.org/plateforme/?q...
L’enfer est pavé de bonnes intentions : une campagne de l’Union Européenne en 2012 avait pour objectif d’attirer les adolescentes vers les sciences, via une vidéo intitulée « Science : It’s a Girl Thing ! » où l’on peut découvrir que l’agence de communication qui l’a produite a une curieuse image des femmes scientifiques, qui se dandinent sur des talons aiguille et gloussent... en tout cas je ne me reconnais pas dans cette vision. Le lien vers cette vidéo est accompagné de l’explication « mirroring this atrocity so those responsible can never escape it, as is the way of the internet. » Images des maths en a également conservé une copie, avec un lien en fin de page vers le texte d’explications de l’Union Européenne de l’époque, ce texte valant lui aussi le détour.
Ces quelques exemples avaient pour but d’achever de vous convaincre que la société dans laquelle nous avons grandi et nous évoluons charrie ces stéréotypes, qu’il est difficile de leur échapper et que nous les avons, bien inconsciemment, bien malgré nous, intégrés.
Les risques des stéréotypes
On peut maintenant se demander quel mal y a-t-il à cela : ces stéréotypes correspondent à une caractéristique utile du fonctionnement de nos cerveaux, ils font partie de notre histoire et de nos traditions, mais on sait bien qu’ils ne sont pas nécessairement fondés. Ils ne sont hélas pas inoffensifs.
Claude Steele et ses collègues ont mis en évidence et bien décrit ce qu’ils appellent la « menace du stéréotype ». Illustrons-la sur un exemple : deux groupes d’étudiants et étudiantes de l’université du Michigan, ayant obtenu parmi les 15% meilleures notes en mathématiques, ont passé un examen de mathématiques comportant plusieurs questions correspondant à une année supérieure, et donc trop difficiles pour leur niveau. À l’un des deux groupes, il a été dit au préalable que, les années précédentes, les résultats de ces tests exhibaient de nettes différences selon le genre du candidat ou de la candidate, à l’autre groupe il a été dit qu’on n’observait pas de différences. Les différences de résultats ont été très nettes entre hommes et femmes selon le groupe. Dans le groupe où il a été dit que les résultats étaient différents (sans même dire dans quel sens était la différence), on a activé le stéréotype selon lequel les femmes seraient moins fortes en mathématiques que les hommes. Même si les candidates savaient qu’elles étaient en tête de classement, avoir conscience qu’on « ne les attend pas », qu’elles sont menacées d’échouer, a en quelque sorte parasité leur esprit et consommé, là encore, de l’énergie mentale (ou de la bande passante, si vous préférez une analogie plus informatique) au détriment de leur réflexion en lien avec l’examen ; cela a été mesuré en termes de temps passé sur les questions effectivement difficiles. Cette différence n’est pas présente dans l’autre groupe, où on a au contraire désactivé, pour ce test au moins, ce stéréotype. L’article intitulé « Stereotype Threat and Women’s Math Performance » qui décrit cette expérience est signé par S. Spencer, Claude Steele et D. Quinn, il a été publié en 1999 par le Journal of Experimental Social Psychology no 35, pages 4-28 et est disponible sur http://www.idealibrary.com
D’autres travaux corroborent l’impact des stéréotypes et plus précisément de la menace du stéréotype. Citons en France les travaux d’Isabelle Régner (Université Aix-Marseille) et Pascal Huguet (Université Clermont Auvergne), si vous voulez en savoir plus, je vous invite à écouter une conférence, toujours dynamique et éclairante d’Isabelle Régner, vous en trouverez plusieurs grâce à votre moteur de recherche préféré.
En résumé : oui, ces stéréotypes sont à déconstruire car ils représentent bien une entrave à la réussite des filles et des femmes en informatique et en mathématiques, ils leur parasitent l’esprit et ce phénomène s’appelle « menace du stéréotype ».
Alors, que peut-on faire ?
La conclusion qui s’impose désormais est que, si on veut changer la situation, il faut repérer et déconstruire ces stéréotypes. Cela ne se fait pas en un claquement de doigts, il ne suffit pas de prendre conscience des stéréotypes et d’en faire prendre conscience à son entourage pour qu’ils disparaissent instantanément. Rappelez-vous, j’ai beau mener des actions en ce sens depuis une vingtaine d’années, mon score au test d’associations implicites est toujours déplorable ! Je n’ai donc pas la solution à ce problème, je peux simplement vous indiquer des pistes qui me paraissent prometteuses.
Tout d’abord, la prise de conscience
Même si la prise de conscience des stéréotypes qui freinent l’accès des filles et des femmes aux mathématiques et à l’informatique ne constitue pas la solution, il est cependant indispensable de commencer par cette étape : on ne lutte bien que contre un ennemi clairement identifié. Pour débusquer ces stéréotypes, la vigilance est donc de mise : ils se nichent dans les affiches, les publicités, les échanges anodins avec les collègues, les membres de sa famille, de simples connaissances. Inutile pour autant de tenter de convaincre tous vos interlocuteurs et vos interlocutrices, à nouveau votre énergie mentale, comme la mienne, n’est pas illimitée, mais rester en alerte est essentiel.
Une autre étape qui me paraît essentielle consiste à chercher, dans son environnement proche, dans son milieu de travail, les éléments qui le rendent, sinon franchement hostiles, inconfortables ou désagréables à vivre pour les femmes. Bien trop souvent, j’entends le discours qui consiste à faire reposer la responsabilité du faible nombre de femmes en informatique et en mathématiques sur « le manque de vivier » et donc sur le niveau « au-dessous ». Typiquement, dans l’enseignement supérieur et la recherche, on va reporter le poids du changement sur les lycées et la solution va être que les chercheurs et chercheuses, enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, aillent intervenir en classes de Seconde, Première ou Terminale pour inciter les lycéennes à choisir ces voies scientifiques. Certes ces actions sont importantes et je m’y prête d’ailleurs bien volontiers., mais elles ne doivent pas dispenser d’une réflexion et d’une action à son niveau. De la même façon, on dira au lycée que le manque de vocation provient du collège, et au collège que les élèves issus du primaire ont déjà intégré ces stéréotypes, qu’il est déjà trop tard. En effet, à chaque étape le pourcentage de filles, de femmes intéressées ou en activité dans nos domaines diminue, ce phénomène est bien connu sous le nom de « leaky pipe », « tuyau percé » en français : à chaque étape, les filles fuient vers d’autres domaines. C’est vrai jusque dans le milieu professionnel, puisque je vous rappelle que 50% des femmes le quittent avant leurs 35 ans. Ma conviction est qu’il faut, chacun et chacune d’entre nous, repérer ce qui ne va pas et agir sur les leviers à notre portée, à notre niveau donc.
Puisque MathémaTICE a un lectorat essentiellement enseignant, concentrons-nous sur l’enseignement. Dès 1992, Marie Duru-Bellat dans « L’école des filles » (2e édition en 2004) mettait en évidence des interactions et des attentes différentes des enseignants et enseignantes avec leurs élèves, selon leur genre. Aux garçons, on pardonne plus facilement leur agitation, leur prise de parole sans lever le doigt et on les interroge plus volontiers avec des questions ouvertes, de réflexion, destinées à faire avancer le cours. On demande en revanche aux filles d’être plus calmes, plus sages et surtout de servir d’assistantes, que ce soit pour rappeler les leçons précédentes ou pour s’occuper des garçons les plus turbulents ou les plus en difficulté. Rapidement, les filles pensent qu’elles sont moins à même de faire preuve d’intelligence, en particulier en mathématiques. En 1992, Christian Baudelot et Roger Estrablet, dans leur livre « Allez les filles ! » dressent un constat similaire mais concluent sur une note optimiste, la situation serait inexorablement en train de changer. Malheureusement ils renouvellent ce constat d’inégalité scolaire et l’élargissent à tous les aspects de l’éducation, en particulier le rôle des parents, en 2007 dans « Quoi de neuf du côté des filles ? ». Ces ouvrages peuvent être lus avec profit, pas pour s’auto-flageller mais pour prendre conscience de ses attitudes en classe et pour corriger le tir.
Réflexion
Une autre façon de rétablir l’égalité de traitement en classe, tout en reconnaissant que d’autres facteurs entrent en jeu dans l’éducation des filles et des garçons, des femmes et des hommes, est de se questionner sur les valeurs qui nous importent et dont on aimerait qu’elles guident la société dans laquelle nous vivons. Si nous souhaitons une société, une équipe de travail ou une classe qui permette aux femmes de pleinement exprimer leur potentiel, mettons en avant les valeurs avec lesquelles elles ont été éduquées. Reconnaissons les mérites de chacun et de chacune sans qu’elle ait à se battre pour cela, les filles étant moins que les garçons élevées dans un esprit de compétition... mais la compétition, individuelle le plus souvent, est-elle bien une valeur que nous souhaitons promouvoir ? De la même façon, privilégions la coopération et la solidarité : on attribue aux filles des qualités de sociabilité et de prise en compte des autres, privilégions ces qualités et mettons-les à profit.
Une réflexion sur le langage utilisé au quotidien apporte également un éclairage intéressant sur la désaffection des filles pour les sciences. Comment appelle-t-on couramment les sciences exactes et expérimentales ? Des sciences « dures », par opposition aux sciences « molles » que sont les sciences humaines et sociales. De la même façon, à l’origine de l’informatique le « software » était un domaine massivement investi par les femmes, alors que le « hardware », considéré comme plus noble, était réservé aux hommes. Je vous laisse méditer ces différences de vocabulaire, tout à fait explicites... ☺ Vocabulaire toujours aussi explicite : on parle de sécheresse voire d’aridité des sciences, de froide logique et de raisonnement implacable.
Enfin, si on veut mettre des actions spécifiques en place (et j’en évoquerai quelques-unes bientôt), un autre sujet de réflexion qui revient fréquemment est de savoir quel est le moment le plus propice pour que les filles fassent un choix d’orientation le plus informé possible. S’agit-il du collège, lorsque les questions d’orientation commencent à être considérées ? En seconde, avant le choix des spécialités du bac ? Ou bien faut-il s’adresser aux filles intéressées par les sciences, donc à celles qui ont choisi des spécialités scientifiques mais qui vont très probablement les abandonner après le bac ? Et si on privilégie cette option, faut-il intervenir en première, année moins bousculée que la terminale, ou bien en terminale puisque c’est le moment crucial des vœux ? Toutes ces options ont leurs mérites, mon expérience m’incite à privilégier les classes à partir desquelles les élèves commencent à se préoccuper d’orientation : j’ai noté un intérêt beaucoup plus faible en classes de 4e qu’en classes de 3e et au-delà. Pour notre part, nous avons délibérément choisi d’organiser une journée « Filles & maths-info : une équation lumineuse ! » (voir ci-dessous) tous les ans en novembre à destination prioritairement de lycéennes de terminale, suivant en cela les préconisations d’Isabelle Collet dans « Les oubliées du numérique » https://interstices.info/lire-voir-.... Au sujet d’actions semblables, voici la conclusion qu’elle en tire : « La date de l’intervention est très sensible : les interventions de novembre et décembre sont celles qui ont le plus d’impact. En terminale S, les filles qui ont suivi le programme sont 10 % plus nombreuses à choisir une filière de l’enseignement supérieur dans les sciences et techniques et les effets sur les représentations sont toujours visibles de quatre à six mois plus tard. Toutefois, le programme tel qu’il est n’a aucun effet mesurable sur les lycéennes de seconde. »
Les efforts et la réflexion ne doivent pas s’arrêter à la porte de la classe, ils doivent se poursuivre plus largement pour englober le milieu professionnel. La solidarité entre femmes s’instaure souvent naturellement, en tout cas autour de moi où les femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche constituent moins de 20% des effectifs, parfois beaucoup moins (14% en mathématiques dites « pures » dans l’enseignement supérieur et la recherche). Cette solidarité peut s’étendre aux hommes, car leur parole a, encore souvent, plus de poids auprès des autres hommes. Par exemple, chacun et chacune peut intervenir pour signaler qu’une blague n’est pas drôle quand il s’agit d’un propos sexiste, visant nommément ou non une personne.
Dans le même ordre d’idée, lors de l’organisation d’événements, toutes les bonnes volontés, masculines comme féminines, sont bienvenues. Même lors d’actions en direction de lycéennes par exemple, il est important de mettre les femmes en avant pour intervenir devant les lycéennes, mais tout un chacun est apte à chercher des subventions, réserver des salles, organiser le déjeuner des participantes au restaurant universitaire ou réserver les voyages des intervenantes extérieures. Pour l’organisation de conférences quelles qu’elles soient, réfléchir à des noms d’oratrices (à inviter en priorité) et, messieurs, ne pas oublier de se proposer pour assurer le travail invisible (selon la dénomination de Pascale Molinier dans « Les enjeux psychiques du travail » si ma mémoire est bonne) souvent dévolu aux femmes sera apprécié par vos collègues !
Actions pratiques
Dans les actions très faciles à mettre en œuvre, une communication inclusive est un pré-requis simple à implanter, afin de désamorcer la menace du stéréotype. Cela ne signifie pas mettre un point médian partout, mais simplement remplacer « Le candidat enverra son dossier au directeur et à la secrétaire » par « Le candidat ou la candidate enverra son dossier à la direction et au secrétariat ». L’effet produit par ces deux phrases, le fait de se sentir, ou non, concernée, est tout à fait différent, comme en atteste l’ouvrage « Le cerveau pense-t-il au masculin » de Pascal Gygax, Ute Gabriel et Sandrine Zufferey. Il suffit d’un peu de vigilance au début pour que très rapidement l’habitude s’installe.
Cela ne signifie pas qu’il faut insister lourdement avec des phrases telles que « et vous aussi, les filles, vous pouvez le faire » ou « osez, les filles ! ». Ces injonctions rajoutent un poids sur les épaules des filles, déjà accablées par toutes les attentes qui pèsent sur elles. L’explication du faible nombre de filles ou de femmes dans tel ou tel domaine, pour postuler à un poste ou promotion, par le terme d’« auto-censure » est également à proscrire. Ce terme d’auto-censure rejette la responsabilité sur les femmes elles-mêmes, alors qu’elles ne candidatent pas parce qu’elles sont bien conscientes que la société censurera leurs tentatives et leurs efforts. Il y a une dizaine d’années aux États-Unis, une expérience a consisté à envoyer des CV identiques pour un poste de responsable de laboratoire de recherche, à l’exception du prénom : parfois John, parfois Jennifer. Les résultats étaient sans appel : Jennifer était jugée bien moins compétente que John et le salaire qui lui était proposé était inférieur de 10% : même si Jennifer ose postuler, elle a beaucoup moins de chances d’être recrutée que John, à dossier égal.
Il vous faudra un peu plus de recherches pour mettre en œuvre la mesure suivante : montrer des femmes dans les disciplines que vous enseignez, que ce soit pour une note historique autour d’une notion, pour quelques anecdotes et digressions que vos élèves adorent parce qu’elles humanisent la discipline (et puis, pendant ce temps, on ne parle pas du fond du cours, plus abstrait) ou pour décorer votre salle de classe. Les efforts en ce sens sont nombreux et vous n’aurez pas à chercher très longtemps. Je profite de ce passage pour un moment d’auto-promotion : le jeu des 7 familles de l’informatique n’a pas réussi la gageure de la parité mais présente tout de même 15 noms de femmes qui ont marqué ou marquent encore l’histoire de l’informatique. Une étude sociologique indique que les femmes prennent plus facilement la parole quand des portraits de femmes sont présents dans la pièce, aux murs ou au tableau. Le choix de ces femmes importe. Je vous invite à réaliser cette expérience auprès de votre entourage : demandez de donner deux noms de femmes scientifiques. Le nom de Marie Curie surgira immédiatement... et ce sera le seul. Or, si le seul modèle de femme scientifique est celui de Marie Curie, cela met la barre très haut : Marie Curie est la seule personne à avoir obtenu deux prix Nobel ! Il importe donc de présenter des femmes plus accessibles, que ce soit parmi les portraits que vous proposerez ou parmi les femmes qui rendront visite, en chair et en os, à votre classe : il importe que ces femmes soient « normales » et que vos élèves puissent se dire « si elle y est arrivée, je peux y arriver aussi ». À ce titre, la vidéo de l’Union Européenne mentionnée plus haut était contre-productive : les pseudo-scientifiques présentées étaient surtout des mannequins, or s’il faut à la fois être forte en sciences et avoir une plastique de rêve pour réussir dans ces métiers, on imagine aisément que les adolescentes, cibles de cette vidéo, soient découragées.
Puisque j’ai mentionné la visite de femmes en chair et en os dans vos classes, je terminerai ce tour d’horizon par un dernier type d’action à mettre en place : des événements dédiés, hors du déroulement habituel d’un cours. Il peut s’agir de visites de scientifiques – dont une proportion suffisante, et même supérieure à celle du domaine considéré, de femmes – dans votre établissement, avec des initiatives telles que « Chiche ! » ou « Déclics », ou bien de visites de votre classe dans des lieux dédiés, à la rencontre de scientifiques dont des femmes. Il peut aussi s’agir d’événements non mixtes, réservés aux lycéennes (je ne connais pas d’initiatives à destination d’élèves filles du primaire ni de collégiennes avant la Troisième) : je vous laisse lire ce bref article de Christine Delphy expliquant l’importance de moments de non-mixité choisie. Les associations Femmes&Maths et Animath ont créé en 2009 le format des journées « Filles & maths-info : une équation lumineuse ! » qui sont des journées réservées aux lycéennes et aux collégiennes de Troisième : une telle journée est constituée d’une conférence scientifique (quand même, on y parle de mathématiques ou d’informatique !), d’un atelier sur les stéréotypes (et cet article est très fortement inspiré des ateliers que j’anime lors de ces journées), d’un speed-meeting où les lycéennes rencontrent plusieurs femmes en activité dans les domaines de l’informatique et des mathématiques, et enfin, clou de la journée, d’une séance de théâtre-forum où les lycéennes peuvent réagir à certaines saynètes, voire même les re-jouer pour qu’elles se déroulent de façon plus satisfaisante. D’autres événements en non-mixité choisie peuvent être organisés (y compris, je le répète, par les hommes), qu’il s’agisse d’événements scientifiques comme les « Forum des Jeunes Mathématiciennes et Jeunes Mathématiciens » organisés par l’association Femmes&Maths ou de simples repas comme les « Repas des Informaticiennes » de mon laboratoire : ces moments sont l’occasion d’instaurer un climat de confiance, d’échanger librement, de créer un réseau, d’identifier les personnes ressources vers lesquelles se tourner en cas de besoin, ou tout simplement d’être rassurée sur le fait que les questions de parité (et également de violences sexuelles et sexistes) sont importantes et prises en compte par son environnement de travail ou d’études.
Toutes les initiatives visant à établir un environnement propice à l’épanouissement des filles et des femmes, à l’expression de leurs talents, à l’exercice de leur liberté de choisir (leur orientation en particulier) et de créer sont à favoriser, tous et toutes ensemble nous ne pourrons qu’en bénéficier.
Conclusion
Pour terminer sur une note toute personnelle, je vais partager les doutes et questionnements qui m’ont assaillie quand j’ai été invitée à contribuer, comme marraine qui plus est, à ce numéro spécial. Car oui, de façon typiquement féminine, je me suis demandée « pourquoi moi ? », puis je me suis dit « je ne sais pas faire » (mais après tout, qui sait faire ?), je n’ai pas les solutions (et je ne suis pas la seule, sinon la question n’en serait plus une). Bref, j’ai développé un beau syndrome de l’imposteur, qu’Olfa Yemen mentionne aussi en introduction de son témoignage. J’ai aussi eu peur de ne pas m’exprimer avec assez de douceur toute féminine, d’être trop énervée, trop provocatrice, de braquer mon auditoire et donc d’être contre-productive en fâchant mon lectorat plutôt que de réussir à le convaincre. J’ai finalement écrit cet article pour celles et ceux qui, comme moi, ne se satisfont pas de la situation actuelle et ont la ferme volonté de faire changer les choses. La carte blanche qui m’a été offerte ici me donne à penser que, parmi les lecteurs et lectrices de MathémaTICE, de nombreuses personnes sont dans ce cas.