Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Maths en plein air au Cycle 3 avec MathCityMap
Article mis en ligne le 5 juin 2020
dernière modification le 27 juin 2020

par Alexandre Franquet

Voici les noms des collègues du groupe Numatécol de l’IREM de Lyon, qui ont contribué au travail de recherche, avec cet article comme point d’orgue :
Camille Gibert [1], Vincent Montagnon [2], Cécile Nigon [3], Anthony Simand [4], René Thomas [5] et Alexandre Franquet [6]

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Voir aussi cet article concernant le cycle 4 : Découvrez votre ville avec MathCityMap !

Et cet article présentant MathCityMap

1/ Introduction

Notre groupe de travail de l’IREM de Lyon, Numatécol, travaille depuis plusieurs années sur l’intégration du numérique dans l’enseignement des mathématiques à l’école et au collège. Nous nous sommes tout d’abord intéressés à l’intégration des robots pour l’apprentissage de la programmation. Nous expérimentons actuellement l’application MathCityMap qui nous a semblé propice à l’activité mathématique.

En effet, la salle de classe n’est pas le seul lieu pour faire des mathématiques. L’environnement proche des élèves est également un lieu favorable pour développer des compétences pratiques sur les savoirs théoriques étudiés. Le projet MoMaTrE (mobile math trails in Europe, Erasmus +) permet, grâce à son application MathCityMap, de mettre en place très facilement un math trail (parcours d’énigmes mathématiques en plein air). Après avoir développé un parcours à destination des élèves de Cycle 4 en Centre-ville, nous avons développé un parcours dans un parc de la ville propice aux sorties de fin d’année à destination des élèves de Cycle 3.
Mots clefs : MathCityMap ; maths trail ; application ; maths en extérieur ; résolution de problèmes ; smartphone.

Nous vous présentons le parcours et l’expérimentation réalisée auprès d’élèves de 6ème après avoir décrit les points du programme abordés. La présentation de l’application ne sera pas reprise, elle est déjà fort bien développée dans l’article de Nicolas Hulot, qui l’a expérimentée dans plusieurs classes au collège Flora Tristan de Carrières sous Poissy (Académie de Versailles).

2/ Méthodes

2.1/ La place dans les programmes

Les parcours MathCityMap peuvent être l’occasion d’un croisement des disciplines. Ici, des éléments du programme de mathématiques, d’éducation physique et sportive et des éléments du socle commun sont pris en compte dans la conception du parcours.

Dans les nouveaux programmes de mathématiques (BO n°30 du 26-7-2018) on peut lire : 
 « Les situations sur lesquelles portent les problèmes sont, le plus souvent, issues de la vie de classe, de la vie courante ou d’autres enseignements, ce qui contribue à renforcer le lien entre les mathématiques et les autres disciplines. […] On veille aussi à proposer aux élèves des problèmes pour apprendre à chercher qui ne soient pas directement reliés à la notion en cours d’étude, qui ne comportent pas forcément une seule solution, qui ne se résolvent pas uniquement avec une ou plusieurs opérations, mais par un raisonnement et des recherches par tâtonnements.. »
 « De même, des activités géométriques peuvent être l’occasion d’amener les élèves à utiliser différents supports de travail. »

C’est cette idée de manipulation et d’utilisation d’objets réels associée à l’idée de résolution de problèmes qui nous a incités à nous intéresser au projet MoMaTrE.

Les programmes publiés au mois de juillet 2018 confirment la place centrale des six compétences mathématiques : chercher ; modéliser ; représenter ; raisonner ; calculer ; communiquer.

Par ailleurs, l’utilisation de MathCityMap permet d’aborder des points liés au socle commun et en Éducation Physique et Sportive :
Programme d’EPS :

  • Les parcours ou courses d’orientation sont l’occasion de mettre en pratique les activités de repérage ou de déplacement (sur un plan, une carte) travaillées en mathématiques et en géographie.
  • Les activités d’orientation peuvent être programmées, quel que soit le lieu d’implantation de l’établissement. Les autres activités physiques de pleine nature seront abordées si les ressources locales ou l’organisation d’un séjour avec nuitées le permettent.

Socle commun :

  • DOMAINE 2 : Des méthodes et outils pour apprendre
    • Coopérer et réaliser des projets
    • Définir et respecter une organisation et un partage des tâches dans le cadre d’un travail de groupe.
    • Trouver des solutions pour résoudre un problème de compréhension.
  • DOMAINE 3 : La formation de la personne et du citoyen
    • Formuler une opinion, prendre de la distance avec celle-ci, la confronter à celle d’autrui et en discuter.
    • [L’activité] peut être réalisée dans le cadre de différentes situations au sein de la classe, de l’établissement ou à l’extérieur dans lesquelles les élèves ont à respecter des règles collectives pour assurer la sécurité de chacun (activités sportives et/ou expérimentales) et/ou permettre un fonctionnement collectif efficace (réalisation d’un projet collectif, jeu sportif, situations de classe quotidiennes)
  • DOMAINE 4 : Les systèmes naturels et les systèmes techniques
    • Utiliser des instruments d’observation
    • Mesurer
    • Respect du vivant et de l’environnement lors des sorties de terrain et des activités expérimentales
  • DOMAINE 5 : Représentation du monde et de l’activité humaine
    Situer et se situer dans le temps et l’espace :
    • Connaitre et localiser de grands repères géographiques sur des supports cartographiques variés, y compris numériques (cartes ou plans).
    • Se repérer et repérer des lieux dans l’espace en utilisant des plans et des cartes.
    • Situer une œuvre littéraire ou artistique dans une aire géographique et culturelle
    • Se repérer et repérer des lieux et des espaces sur des cartes à différentes échelles (planisphère, continent, France) : le plan, la carte, papier ou numérique
    • Élaborer un projet de déplacement en mobilisant la notion de distance et le vocabulaire approprié

Ainsi, au-delà de l’intérêt de l’utilisation de l’application pour améliorer les compétences mathématiques des élèves, c’est également l’occasion potentielle de créer des projets pluridisciplinaires.

2.2/ Conseils organisationnels et matériels

Notre préoccupation première a été de chercher un lieu sécurisé dans lequel on pouvait mettre en place un parcours. Notre choix s’est porté sur un grand parc, le parc de l’Europe, à proximité de deux autres lieux de culture scientifique, La rotonde et le planétarium, afin d’offrir la possibilité d’organiser une sortie scolaire d’une demi-journée avec deux activités scientifiques.
Pour le lancement de l’activité, il faut prévoir de réunir les élèves dans un lieu assez grand, calme, à proximité du parcours, afin de prendre le temps d’expliciter précisément le déroulement, les attentes et de distribuer ou de vérifier le matériel nécessaire (double décamètre ; mètre pliant ; téléphone ; calculatrice ; brouillon...).

Après ce premier temps, les adultes se rendent sur les lieux des épreuves. Les élèves partent par groupes vers la première épreuve qui leur a été attribuée pour commencer le parcours. Chaque groupe débute par une épreuve différente afin qu’il n’y ait qu’un groupe par lieu d’énigme.
C’est pourquoi Il fallait un lieu permettant le déplacement des élèves en toute sécurité, entre chaque lieu d’énigme.

Quand les groupes ont terminé le parcours, ils doivent retourner à l’endroit où ils étaient réunis au départ afin de faire le bilan.

Les élèves de cycle 3 n’étant pas équipés de téléphone portable ou de tablette, nous avons travaillé avec la version papier du parcours proposé par MathCityMap.

2.3/ Conseils pour l’élaboration des questions

Il ne faut pas oublier de préciser dans la question l’unité de mesure attendue. Les mesures prises sur le terrain sont imprécises. Lorsqu’il faut calculer un volume (cf énigme 2) les imprécisions se multiplient d’autant. Il faut donc prévoir un intervalle assez large dans lequel toutes les réponses sont considérées comme étant correctes. L’application permet de rentrer un intervalle dans lequel toutes les réponses sont considérées comme étant justes et un intervalle dans lequel les réponses sont acceptables. Voici un exemple de l’affichage dans l’application :

On a considéré qu’il fallait accepter toutes les réponses entre 66m et 72m mais que les réponses entre 63m et 66m puis entre 72m et 75m étaient acceptables.

2.4/ Conception du parcours

Le parcours est disponible sur le site MathCityMap à l’adresse suivante
https://mathcitymap.eu/fr/portail/?view=trails&subview=my&id=1034

Code du parcours sur l’application : 671034

Dans le premier parcours que nous avions construit, toutes les épreuves relevaient du domaine « grandeur et mesure ». Lorsqu’on a fait le bilan avec les élèves, il est ressorti un manque de diversité dans les méthodes de résolution.
Nous avons donc essayé d’élargir à d’autres thèmes. Dans ce nouveau parcours, nous avons proposé des épreuves qui permettent de travailler les algorithmes et la géométrie. Nous développerons ces énigmes dans la troisième partie.
Le parcours comprend six énigmes.

3/ Résultat et discussion

3.1/ Première énigme : Oh les belles fleurs
La première énigme que vous nous présentons permet de travailler la notion de périmètre.

La question qui est posée aux élèves :
Quel est le périmètre du parterre de fleurs en mètres ?

Les points du programme abordés dans cette question
 Reconnaître, nommer, décrire des figures simples ou complexes (assemblages de figures simples) :

  • quadrilatères, dont les quadrilatères particuliers (carré, rectangle, losange, première approche du parallélogramme) ;
  • cercle (comme ensemble des points situés à une distance donnée d’un point donné), disque.

 Calculer le périmètre d’un carré et d’un rectangle, la longueur d’un cercle, en utilisant une formule :

  • formule du périmètre d’un carré, d’un rectangle ;
  • formule de la longueur d’un cercle.

De plus dans les documents d’accompagnement, on retrouve un autre aspect du périmètre du cercle :
De même, la longueur d’un cercle ne doit pas être 2πr seulement, mais bien la longueur du trait tracé au compas quand celui-ci fait un tour complet.

Nous avons donc anticipé deux procédures possibles pour mesurer le périmètre du parterre de fleurs : utiliser la formule en mesurant le diamètre du cercle ou alors positionner la corde sur le contour du demi-cercle et la mesurer. Il reste aux élèves à identifier que le parterre de fleurs se compose de deux segments et de demi-cercles qui compose un cercle.

3.2/ Deuxième énigme : Elle court elle court, l’allée

Énoncé de l’énigme :
Quelle est la longueur de l’Allée de Coventry, du point indiqué sur la photo jusqu’à l’entrée de l’aire de jeux pour enfants du côté du Rond-Point, en mètres ?

Dans cette énigme, les points suivants du programme sont abordés :
 Comparer des périmètres avec ou sans recours à la mesure (par exemple en utilisant une ficelle, ou en reportant les longueurs des côtés d’un polygone sur un segment de droite avec un compas) :

  • notion de longueur : cas particulier du périmètre ;
  • unités relatives aux longueurs : relations entre les unités de longueur et les unités de numération.

 Résoudre des problèmes dont la résolution mobilise simultanément des unités différentes de mesure et/ou des conversions.
 Identifier une situation de proportionnalité entre deux grandeurs à partir du sens de la situation

Nous avions anticipé deux procédures possibles pour mesurer la longueur de l’allée : mesurer la longueur d’une pierre qui bordent l’allée et compter le nombre de pierres ou mesurer toute la longueur en reportant le double décamètre. En pratique, les deux procédures ont été employées par les élèves. Il est intéressant de noter que les groupes ont adapté leur procédure en fonction du moment où les élèves ont abordé l’épreuve : la procédure de mesure a été privilégiée pour les élèves ayant abordé l’épreuve rapidement (en « sortant de la classe »), alors que les élèves ayant abordé l’épreuve en fin de parcours ont préféré l’emploi de la première procédure.

3.3/ Troisième énigme : Gare aux piliers

Énoncé de l’énigme :
Version CM1 :
Quelle est la longueur en mètres obtenue si on met bout à bout tous les piliers de la gare ?

Version CM2-6ème :
Quel est le volume de bois d’un pilier en cm3 ?

Les points du programmes abordés au travers de cette question :
 Pour les CM1 :
Il travaille la notion de longueur

 Pour les CM2-6ème :
Déterminer le volume d’un pavé droit […]en utilisant une formule :

  • unités usuelles de contenance (multiples et sous multiples du litre) ;
  • unités usuelles de volume (cm3, dm3, m3), relations entre ces unités ;
  • formules du volume d’un cube, d’un pavé droit.

Pour la version des CM1, il a été imaginé deux procédures pour les élèves. Soit mesurer chaque pilier et faire l’addition des longueurs, soit mesurer un piler et multiplier par le nombre de piliers de la gare.

3.4/ Quatrième énigme : le robot fait du vélo
Énoncé de l’énigme :
On place un robot au point de départ indiqué sur la photo. Il se déplace avec le programme suivant :
« Avance jusqu’au rond blanc du prochain carrefour.
Tourne à gauche.
Avance jusqu’au prochain carrefour.
Tourne à droite.
Avance jusqu’à la prochaine intersection.
Tourne à droite.
Avance de 10 m environ.
Stoppe. »
Indique la lettre où arrive le robot en fin de parcours.

L’application permet comme format de réponse « choix multiples ».

Les éléments du programme abordés dans cette question :
Se repérer, décrire ou exécuter des déplacements, sur un plan ou sur une carte (école, quartier, ville, village). Accomplir, décrire, coder des déplacements dans des espaces familiers.


L’idée de cette épreuve fut de placer les élèves en position de robot et de leur faire suivre une suite d’instructions sur une piste de vélo servant habituellement à l’apprentissage de la sécurité routière.

Les compétences liées à la programmation sont ainsi employées dans un méso-espace et permettent à certains élèves en difficulté avec l’abstraction de les développer et d’acquérir ces apprentissages.

3.5/ Dernière énigme : Un toit pour toi

La question posée aux élèves pour cette énigme est :
Tous les toits du jeu sont identiques et on trouve sous chacun une figure bien spéciale. Combien y-a-t-il d’axe de symétrie sur cette figure ?

Les points du programme abordés par cette questions :
figure symétrique, axe de symétrie d’une figure, figures symétriques par rapport à un axe.

De manière assez surprenante, les élèves ont très rapidement réussi à résoudre le problème. La première hypothèse est que l’utilisation de l’image dans l’énoncé de l’énigme, était finalement assez proche d’une activité classique de classe. Bien que les élèves aient vaguement observé le toit, il n’est pas certain que le lien entre les axes de symétrie et le réel soit assuré. L’autre hypothèse est que les élèves ont très tôt l’habitude de travailler la notion d’axes de symétrie en lien avec l’observation du réel. En effet, la notion d’axe de symétrie, abordée en cycle 2, est très souvent introduite via une observation de la classe, ou de la cour d’école.

4/ Conclusion

Les élèves sont confrontés à des questions en lien avec le réel qui nécessitent de réinvestir des connaissances. On a noté une grande effervescence de chaque groupe, sans doute emportés aussi par l’enthousiasme, que chaque groupe a finalement réussi à canaliser. Plusieurs élèves, en relative difficulté en classe du point de vue de l’expression orale et de l’abstraction, se sont complètement révélés ici, et on a assisté à la formation d’un nouvel équilibre au sein d’une même classe, où des élèves plus en retrait en classe ont eu un véritable rôle de leader lors de l’activité, et inversement.

Cette expérimentation avec les plus jeunes élèves du collège est particulièrement intéressante dans la mesure où l’autonomie de ces élèves s’est grandement révélée avec un suivi moins proche, où les élèves cherchent moins la validation permanente de l’adulte que l’on peut parfois retrouver avec ce type de public. Et bien que ce parcours n’ait pas encore été testé avec des élèves de CM1 ou CM2, le statut de « grand » de l’école peut laisser penser qu’ils parviendront à saisir pleinement le sens de l’activité.

Les élèves sont ici confrontés à l’importance de l’estimation (« Que représente 500 mètres ? » ; « Un poteau ne peut pas mesurer 1 km ! »). L’utilisation de l’application, sans la médiation directe du maître peut permettre aux élèves de faire évoluer leur approche des mathématiques. Nous pensons que l’utilisation de l’application permet d’aborder de manière très concrète la notion d’ordre de grandeur, essentielle pour construire un regard critique face aux résultats de calculs obtenus par les élèves en classe (voire la compétence de cycle 3 : « contrôler la vraisemblance des résultats »). On retrouve donc une double interaction classe-extérieur et extérieur-classe, où chacune nourrit l’autre : l’application des mathématiques en extérieur permet de mettre en pratique ce que l’élève apprend en classe, et la confrontation au réel permet d’améliorer l’esprit critique de l’élève pour la mise en œuvre des mathématiques parfois plus abstraites en classe.

Pour prolonger l’activité, nous avons demandé aux élèves de réfléchir, a posteriori, à des énigmes pour la réalisation d’un nouveau parcours (donc plusieurs exemples ci-dessous). On note qu’elles sont très focalisées sur les grandeurs et mesure.

Ainsi, on peut tout à fait imaginer la création d’un parcours par les élèves, bien que la création finale d’un parcours plus riche en terme de compétences nécessitera probablement l’action du maître qui pourra imaginer l’ajout d’énigmes, hors champ de grandeurs et mesures. Néanmoins, l’application est particulièrement adaptée à ce champ, car celui-ci est parfois difficile à travailler en classe.