Nous avons exposé dans un article précédent l’historique du tableur et le cheminement qui l’a amené aux diverses formes sous lesquelles ont le connaît aujourd’hui.
Les reproches faits couramment au tableur ont été cités, ainsi que les défauts inhérents à un logiciel qui n’a pas été conçu pour une utilisation pédagogique.
Nous allons montrer sur un exemple brièvement exposé précédemment en quoi cet outil peut s’avérer incroyablement efficace sur cinq plans au moins :
- faire plus de mathématiques en moins de temps,
- comprendre une situation donnée (prise en main « cérébrale »)
- pouvoir expérimenter sur de multiples exemples,
- avoir une idée des pistes possibles d’étude et de démonstration,
- émettre des conjectures.
L’exemple est celui de l’étude de la suite définie par son premier terme U0 appartenant à l’intervalle I=[-1 ; 1] et l’expression Un+1 = Un² – 1
Cette étude est difficile pour un élève de terminale S, elle lui demande du temps car cette suite est divergente pour toute valeur de U0 de l’intervalle, sauf deux.
Première forme :
Une première possibilité est de donner l’énoncé sous une forme habituelle en terminale S, avec une suite de questions qui vont prendre l’élève par les neurones pour l’amener à la conclusion désirée. (Voir énoncé « Suite guidée »)
Il est courant de procéder ainsi depuis pas mal d’années, mais cette forme de travail est de plus en plus contestée :
L’élève ne sait pas et ne comprend pas où on veut en venir, le but de l’étude n’est pas signalé ; il répond question par question sans aucune vision globale dans la plupart des cas. Ce manque de vision globale et d’outils informatiques permettant de visualiser la situation lui rend la tâche particulièrement ardue.
L’expérience montre que la plupart des élèves sont en situation d’échec sur un problème de ce type.
Les consignes officielles se sont multipliées dans le sens d’un appel à l’imagination, à la recherche. Un exemple pour le nouveau programme de seconde mis en place l’an dernier :
« Pour cela, les situations plus ouvertes, dans lesquelles les élèves doivent solliciter en autonomie les connaissances acquises, jouent un rôle important. Leur traitement nécessite initiative et imagination et peut être réalisé en faisant appel à différentes stratégies qui doivent être explicitées et confrontées, sans nécessairement que soit privilégiée l’une d’entre elles. »
Dans de nombreuses autres parties, le programme ou ses commentaires ne manquent pas de souligner le besoin impératif de faire appel à la réflexion, à l’imagination, à l’autonomie, à la recherche, à l’expérimentation par essais successifs, mêmes promis à l’échec.
Nous allons donc proposer une autre approche :
Deuxième forme :
Ce même travail se présente alors sous la forme la plus ouverte possible :
Enoncé
On considère une suite définie par son premier terme U0 appartenant à l’intervalle I=[-1 ; 1] et l’expression Un+1 = Un² – 1
Le but est d’étudier le comportement de cette suite selon les valeurs de U0.
<geogebra|doc=2654>
Fiche descriptive :
Niveau : Terminale S
Type : Activité de recherche
Étude d’une suite.
Scénario d’activité : Cette étude peut être menée par deux, en partie en classe et le reste en devoir maison. Cette activité peut nécessiter du temps car elle n’a de sens qu’avec une recherche et une réflexion importantes de la part de l’élève.
Le professeur peut supprimer ou au contraire compléter une partie de l’aide apportée à la résolution du problème pour en faire un problème OUVERT au niveau qu’il souhaite.
La construction de la figure avec GeoGebra est délicate ; l’expérimentation de cette activité a montré que cette construction n’est pas simple pour l’élève. Son interprétation est délicate et ne conduit pas à un résultat incontestable.
Objectifs pédagogiques :
- Faire de la recherche sur un problème concret et précis,
- Utiliser les TICE pour une approche du problème car la solution mathématique n’est ni directe, ni évidente ; l’utilisation des TICE s’avère particulièrement utile.
- Mener à bien une étude complète, dirigée au minimum par le professeur.
Compétences TICE : Maîtrise élémentaire du tableur et élaborée d’un logiciel de géométrie dynamique de type Géoplan, Géospace.
Compétences mathématiques : Suites, limites de suites, unicité de la limite, théorèmes sur les limites.
Solution : On considère les limites des suites extraites de rang pair et de rang impair. On montre que l’une tend vers -1 et l’autre vers 0. On utilise le sens de variation de fof et le signe de (fof)(x)-x.
L’intérêt est alors de placer les élèves en situation de recherche et à les laisser « baigner dans leur jus » et dans le noir en leur laissant la liberté d’expérimenter sur des logiciels, la calculatrice, le tableur, GeoGebra etc.
La simulation sous GeoGebra ne s’avère pas évidente, mais l’utilisation du tableur est ici redoutablement efficace : Le simple calcul des 100 premiers termes avec une valeur de U0 que l’on peut changer aisément révèle immédiatement le pot aux roses :
Les termes de rang pair et les termes de rang impair semblent converger, mais vers des limites très différentes.
On en vient donc naturellement à étudier les suites des termes de rang pair et de rang impair.
La deuxième question est de montrer que ces suites sont croissantes et majorées pour l’une, décroissante et minorée pour l’autre.
Reste le problème des deux valeurs pour lesquelles la suite converge car elle est constante : On pourra rechercher les valeurs qui vérifient Un+1=Un ce qui conduit à résoudre l’équation x=x² – 1 dont les solutions sont
et
et Tiens ! Le nombre d’or… (Complément sur http://trucsmaths.free.fr/nombre_d_...)
Il reste à démontrer que la suite diverge pour toutes les autres valeurs de U0.
L’intervention du tableur est ici déterminante car elle intervient à un point clé de la démarche : lorsque l’élève à besoin d’une piste, d’un déblocage, d’une direction pour aborder sa recherche.
Un travail plus évolué (présenté ici dans le fichier GeoGebra, mais que l’on peut faire sous tableur) consiste à visualiser les termes successifs de la suite en faisant varier U0 à l’aide d’un curseur.
On constate alors en même temps les « deux limites » de la suite et la visualisation de deux points fixes, mais la mise en œuvre de ce travail s’avère bien plus complexe.
En conclusion : Cet exemple se veut générique et pourrait être multiplié à l’infini (voyez par exemple cet article de Repères-IREM,où le tableur donne sa pleine mesure). Il espère avoir prouvé par la pratique en quoi un tableur peut permettre de faire mieux comprendre, de débroussailler un problème, d’émettre les premières conjectures.
Loin de remplacer l’enseignement des mathématiques par l’enseignement de l’informatique, il doit permettre d’aborder au contraire des thèmes mathématiques plus complexes et d’effectuer une vraie recherche qui mène à une compréhension profonde des situations.
Une vraie valeur ajoutée, donc, j’en suis convaincu.