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Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Algorithmique débranchée pour le cycle 3
Comme Scratch, mais en plus simple et sans ordinateur !
Article mis en ligne le 7 septembre 2024
dernière modification le 9 septembre 2024

par Jean-Yves Labouche

Dans cet article, je me propose de présenter une série d’activités d’algorithmique débranchée que j’ai créées, initialement pour mes élèves de sixième, mais qui sont parfaitement adaptées à des élèves de CM1 et de CM2 ou à des élèves en dispositif ULIS-collège. J’y détaille les raisons de cette réalisation, depuis son point de départ au hasard d’une lecture, mes réflexions ainsi que les outils techniques que j’ai utilisés. Ces activités sont disponibles clé en main : j’espère que cet article pourra inciter des collègues enseignant au cycle 3 à s’en emparer.

 La genèse d’un projet

J’ai déjà présenté, dans cet article [1] la réflexion qui m’avait poussé à créer, entre autres, des séries de cartes autocorrectives pour travailler l’algorithmique en mode débranché au cycle 4 (le jeu « Note la couleur ! »). En résumé :

  • Les élèves sont moins facilement distraits face à des cartes que face à un ordinateur.
  • Ces cartes permettent aux élèves de se familiariser avec la structure d’un programme, en en étudiant une grande quntité.
  • Elles permettent de limiter l’usage de la méthode essai/erreur, vertueuse par ailleurs, mais qui peut, sur des cas simples, être un problème lorsque les élèves testent tout et n’importe quoi pour finalement arriver au résultat attendu par hasard.
  • Les élèves sont généralement plus autonomes face à du papier que face à un logiciel.
  • Le temps passé par l’enseignant pour aider (débloquer) des élèves sur Scratch est souvent beaucoup plus long que pour apporter une aide sur une activité débranchée (donc l’enseignant est plus disponible dans ce second cas et les élèves passent moins de temps à attendre « leur tour »).
  • Les élèves travaillent plus facilement en groupe face à du papier qu’avec une souris à la main, que certains ont du mal à lâcher.
  • Les possibles difficultés d’accéder au matériel informatique sont contournées avec des activités débranchées.

Ces cartes, présentées sous forme de jeu (on déplace un pion sur plateau) ont été très bien accueillies par les élèves, mais aussi par les collègues de mon établissement qui les ont utilisées en classe. Ce succès et les retours positifs d’autres collègues m’ont poussé à travailler sur un projet similaire, mais plus adapté aux élèves de 6e. Mais pris par d’autres travaux, ce projet était resté en suspens.

Jusqu’à la lecture de l’article de Claire Pradel « Scratchons l’escargot » [2]. Dans son article, l’autrice présente sa réflexion sur les difficultés que peuvent rencontrer les élèves en réalisant des déplacements de lutins (dans Scratch, donc) avec des rotations (confusion entre les angles intérieurs et extérieurs). Elle propose des activités pour permettre aux élèves de s’approprier cette notion sans erreur de représentation mentale. Cet article m’a poussé à me questionner sur mes pratiques avec mes classes de sixièmes et m’a fait prendre conscience que Scratch pouvait être complètement inadapté pour des élèves de cycle 3, que ce soit en 6e ou au primaire. Je me suis souvent dit, sans vraiment y réfléchir, « ce n’est pas au programme, mais ce n’est pas grave, tant qu’ils y arrivent » au sujet de plusieurs points que j’utilise avec mes sixièmes et avec Scratch :

  • Le repérage dans le plan avec des nombres relatifs ! Dès que l’on déplace des lutins (les mouvements absolus et relatifs sont clairement au programme du cycle 3) c’est un passage obligé. En plus de la difficulté due aux nombres relatifs, la notion d’axes est une source de confusion inévitable. Ces notions ne seront vues qu’en 5e en cours de mathématiques.
  • Les rotations avec des angles. Les mesures d’angles (autre que l’angle droit) sont vues en cours d’année en 6e, mais pas avant. Là encore, l’utilisation de Scratch pour travailler les déplacements oblige de se confronter aux mesures des angles. Notamment avec le bloc « s’orienter à » indispensable pour commencer un programme qui contient des déplacements.
  • Autre difficulté, moins gênante toutefois : l’unité de déplacement avec Scratch est le pixel (appelé « pas » sur les blocs correspondants), ce qui est peu intuitif.

 Adapter Scratch : la nécessité de repenser certains blocs

Des alternatives à Scratch, en termes de logiciels, qui permettent de contourner ces problèmes existent. Par exemple, le très bon Sofus, développé par Alain Busser, propose une syntaxe et une interface simplifiée qui sera tout à fait adaptée aux élèves de cycle 3. Alain Busser en parle dans cet article [3].

En ce qui concerne des activités débranchées, je voulais tout de même, pour les élèves de 6e, quelque chose qui soit plus proche de Scratch : en cours d’année, ils travailleront sur le logiciel et je souhaite les familiariser progressivement avec son environnement. Cela me parait important.

Alors je me suis lancé, et j’ai créé de nouveaux blocs pour simplifier ceux existant dans Scratch et ne plus utiliser ceux qui posent le plus de problèmes aux élèves. Mon idée était de pouvoir reprendre le modèle des cartes autocorrectives déjà testées au cycle 4, mais avec un langage plus adapté aux élèves de 6e. Le résultat final est tout autant adapté à des élèves de cycle 3 au primaire.

Tout d’abord, j’ai voulu repenser le repérage absolu : plutôt que d’utiliser une abscisse et une ordonnée numériques qui utilisent des nombres relatifs, j’ai choisi d’utiliser une grille qui utilise des lettres en abscisse et des nombres entiers naturels en ordonnée. Voici donc le nouveau terrain de jeu que je propose :

Les coordonnées correspondront ici à des positions sur le quadrillage (intersection d’une ligne verticale et d’une ligne horizontale) et non à des cases. Cela sera plus simple et plus précis pour les activités que je propose.

Il me faut alors créer un nouveau bloc qui permet de se positionner dans ce nouveau repère. Il remplace le bloc « aller à » de Scratch :

est remplacé par le nouveau bloc

Et par la même occasion, l’unité de déplacement devient le carreau, beaucoup plus intuitif et beaucoup plus simple. Autre remplacement de bloc :

est remplacé par le nouveau bloc

En ce qui concerne les déplacements absolus, pour les directions, j’ai choisi d’utiliser les quatre points cardinaux, qui ont l’avantage d’être rencontrés et utiles dans d’autres contextes que la programmation.

Encore une fois, cela me permet de remplacer un bloc Scratch :

est remplacé par le nouveau bloc

Enfin, pour les déplacements relatifs, les rotations ne se font que vers la gauche ou vers la droite, sans autre précision. Encore un remplacement de bloc :

est remplacé par le nouveau bloc

J’ai volontairement remplacé la flèche circulaire de Scratch par une flèche à angle droit qui commence horizontalement. En effet, une flèche avec un départ vertical vers le haut (comme ci-contre) aurait risqué d’apporter une confusion entre un déplacement relatif (je tourne à ma droite) et un déplacement absolu (je tourne vers la droite de la feuille de travail).

Deux autres blocs, moins importants, me posent problème :

  • « quand le drapeau vert est cliqué », qui doit se trouver au début de chaque programme, n’a pas vraiment de sens pour une activité débranchée si l’on ne connait pas encore Scratch.
  • De même, le « stop tout », qu’il me semble important d’utiliser pour indiquer la fin d’un programme, avec son menu déroulant, me parait peu clair.
    J’opte donc pour une simplification :
sont remplacés par les nouveaux blocs

Ces nouveaux blocs me semblent suffire pour rendre les activités que je propose accessibles dès le début du cycle 3 en CM1, mais aussi en dispositif ULIS-collège. Voici à quoi ressemble alors un programme qui utilise ces six blocs (tous les autres blocs sont ceux de Scratch) :

 Les activités proposées

Comme je l’ai annoncé en début d’article, je suis reparti sur le modèle des cartes autocorrectives que j’avais déjà créées pour le cycle 4. Pour chacune de ces 100 nouvelles cartes, il s’agit de tracer, sur la grille proposée (donnée sur la feuille de travail des élèves, voir ci-dessous), le dessin qui sera tracé par un lutin qui suit les instructions du programme. Le but de ces exercices est donc d’apprendre aux élèves à lire et à comprendre un tel programme.

Les cartes contiennent toutes le programme au recto et la correction (le dessin obtenu sur la grille) au verso, comme dans l’exemple ci-dessous :

Un exemple de carte avec le programme au recto et la solution au verso.

Les élèves disposent également de feuilles de travail sur lesquelles sont imprimées quatre grilles (ils doivent utiliser une grille par carte) ainsi qu’une rose des vents (à partir de la 3e série).

À partir de la 3e série, une rose des vents est donnée sur la feuille de travail des élèves.

Je me suis lancé dans la réalisation de cinq séries thématiques de vingt cartes chacune. L’introduction des blocs dans les programmes est progressive : chaque notion vue dans une série sera réutilisée dans les suivantes. Cette progression s’articule en quatre thématiques et une synthèse :

  • Série 1 : le repérage (bloc « Aller à la position ») ;
  • Série 2 : les déplacements absolus (blocs « s’orienter vers » et « avancer de ») ;
  • Série 3 : les déplacements relatifs (blocs « tourner à droite » et « tourner à gauche ») ;
  • Série 4 : les répétitions (bloc « répéter »).
  • Série 5 : les exercices de synthèse qui permettent d’approfondir la compréhension de toutes ces quatre notions.
    (un exemple de carte pour chacune des séries est disponible en fin d’article)

Les exercices de ces cartes permettent de travailler l’ensemble des notions du programme d’algorithmique du cycle 3 présent en technologie et en mathématiques. Voici ce que disent ces programmes :

Science et technologie
Pratiquer des langagesDomaine 1
Exploiter un document constitué de divers supports (texte, schéma, graphique, tableau, algorithme simple, carte heuristique). Les langages pour penser et communiquer
Mobiliser des outils numériquesDomaine 2
Appliquer les principes de l’algorithmique et de la programmation par blocs pour écrire ou comprendre un code simple. Les méthodes et les outils pour apprendre
Programmation d’objets techniques
Se) repérer et (se) déplacer dans l’espace en utilisant ou en élaborant des représentations
Se repérer, décrire ou exécuter des déplacements, sur un plan ou sur une carte (école, quartier, ville, village).
Mathématiques
Attendus de fin de cycle
(Se) repérer et (se) déplacer dans l’espace en utilisant ou en élaborant des représentations.
Reconnaître, nommer, décrire, reproduire, représenter, construire des figures et solides usuels.
(Se) repérer et (se) déplacer dans l’espace en utilisant ou en élaborant des représentations
Se repérer, décrire ou exécuter des déplacements, sur un plan ou sur une carte (école, quartier, ville, village).
Accomplir, décrire, coder des déplacements dans des espaces familiers.
Programmer les déplacements d’un robot ou ceux d’un personnage sur un écran en utilisant un logiciel de programmation.

Les trois premières séries de cartes seront tout à fait adaptées à des élèves de CM1 ou de CM2. La quatrième série qui traite des répétitions est moins clairement dans les programmes. Mais elle me parait ouvrir un tel champ des possibles que je trouve dommage de s’en passer en 6e, surtout lors d’activités débranchées de lecture de programmes. Tout dépend du temps que l’on souhaite ou que l’on peut consacrer à l’algorithmique et des réactions des élèves.

 Utilisation en classe

Les modalités de la mise en place de l’activité sont assez simples. Pour ma part, mes élèves sont disposés en îlots, par quatre. Je laisse un jeu de 20 cartes par îlot, je leur demande de travailler à deux, mais chacun sur sa propre feuille de travail. Mais un jeu de 20 cartes est largement suffisant pour un groupe de 6, ou même de 8, élèves. Ça fait quand même beaucoup d’impressions à prévoir.
Les cartes sont numérotées, mais cela ne donne pas l’ordre dans lequel elles doivent être traitées : l’ordre n’a pas d’importance, les élèves peuvent commencer par n’importe laquelle. Tous les élèves ne feront pas tous les exercices : le grand nombre de cartes permet à ceux qui sont plus rapides d’aller jusqu’au bout, en parfaite autonomie, alors que d’autres auront besoin de plus de temps et d’explications. L’autonomie des premiers me rend disponible pour les autres.
Je prévois des séances de travail régulières qui dureront entre 20 et 30 minutes chacune, hors temps d’explication des consignes (deux séances par série). Les élèves prennent véritablement ces activités comme un jeu et la mise au travail est rapide.

Les documents mis à disposition des collègues

Tous les documents nécessaires à la mise en place de ces activités sont disponibles sur cette page de mon site.
Les cartes sont prévues pour être imprimées sur des feuilles A4 en recto verso puis coupées en deux (une explication à ce sujet est donnée sur la page). J’ai la chance de pouvoir les faire imprimer (et découper) chez un imprimeur, directement sur du papier cartonné. Sans cette possibilité, pour les rendre durables et pouvoir les réutiliser d’année en année et de classe en classe, la plastifieuse sera une étape obligatoire. Une version sur fond blanc de chaque série est disponible pour les économies d’encre.

Outre les cinq séries de cartes et les feuilles réponses, je mets à disposition les « règles du jeu » des quatre premières séries (la cinquième n’introduit pas de nouvelle notion et fait la synthèse des quatre autres). Ces fiches « règles du jeu » sont autant destinées aux collègues qui souhaiteraient s’emparer de cet outil, et qui ne seraient pas à l’aise avec le langage Scratch, qu’aux élèves. J’y détaille la nouvelle notion abordée dans la série. Ces fiches sont également disponibles sur fond blanc.

Feuille de « règles » de la troisième série sur les mouvement relatifs.

La vidéoprojection de ces règles permet de donner les consignes à la classe avant de lancer l’activité.
Un des problèmes avec ce genre d’activité est que, si les élèves conservent leurs feuilles de travail (collées dans le cahier), ils n’ont, par contre, pas de trace des consignes des exercices (ici les programmes figurant sur les cartes). Pour qu’ils puissent retravailler chez eux et refaire ces exercices, je mets à leur disposition, sur Pronote, un PDF qui contient toutes les cartes (sans les corrections). Ce fichier est également disponible sur mon site.

Les outils de création de documents

Pour finir, un petit mot technique sur les outils que j’ai utilisés pour ce travail et qui pourraient servir à tous. Pour créer les nouveaux blocs et tous les programmes figurant sur les 100 cartes, j’ai utilisé exclusivement le programme en ligne scratchblocks. Il est très facile à prendre en main grâce à une documentation complète et traduite en français par la c2it (commission Inter IREM TICE).

Capture d’écran de la page de travail de scratchblocks (les lignes de code saisies à droite et le résultat en temps réel à gauche)

Seule la flèche à angle droit des blocs « Tourner à droite » et « Tourner à gauche » a été ajoutée « manuellement » (un petit bricolage très chronophage !).

En ce qui concerne les corrections sur la grille, j’ai utilisé directement Scratch : j’ai pour cela créé les quatre nouveaux blocs sur la plateforme et testé chacun des programmes des 100 cartes. Le fichier Scratch est consultable en ligne et peut servir à donner des explications aux élèves ou à réaliser une démonstration. Malheureusement, dans Scratch, les blocs n’ont pas la même apparence que sur les cartes (les blocs personnalisés sont en rouge dans Scratch. Pour les cartes, je voulais des blocs bleus, couleur de tous les blocs de déplacement dans Scratch).

Les blocs personnalisés de Scratch permettent de tester les programmes. Un clic droit sur la « scène » permet de la copier ou de l’enregistrer en tant qu’image.

La grille elle-même a été créée dans Scratch, le programme est disponible ici.

Le programme permettant de créer la grille.

 Conclusion

Ces cartes autocorrectives m’ont permis d’aborder dès le tout début d’année scolaire les notions d’algorithmique en classe de sixième, sans ordinateur et sans avoir à me préoccuper des difficultés que pourraient rencontrer les élèves sur Scratch à ce moment de l’année. Nous (les élèves et moi) avons pu, en peu de temps, nous concentrer sur les objectifs du programme. La première activité a été très bien accueillie par les élèves, mais les petits sixièmes sont toujours enthousiastes : je me dispenserai d’interpréter leur réaction. Il me restera à réussir à évaluer l’impact de ces activités sur la prise en main, plus tard dans l’année, de Scratch (j’écris cet article en tout début d’année, après avoir utilisé lors de deux séances de 20-25 minutes chacune la première série de cartes).

Pour les collègues qui voudraient utiliser le matériel, tout est clé en main et disponible sur cette page de mon site. La dernière partie de cet article donne les outils pour compléter ou modifier ce travail. Je suis certain que les collègues sauront en faire bon usage pour compléter ou améliorer ma proposition ou encore pour l’adapter aux besoins spécifiques de leurs élèves.

 Exemples de cartes pour chacune des séries (recto verso)

Série 1 : le repérage (bloc « Aller à la position »)

Série 2 : les déplacements absolus (blocs « s’orienter vers » et « avancer de »)

Série 3 : les déplacements relatifs (blocs « tourner à droite » et « tourner à gauche »)

Série 4 : les répétitions (bloc « répéter »)

Série 5 : les exercices de synthèse permettent d’approfondir la compréhension de toutes ces quatre notions