À l’heure où les sciences informatiques font leur apparition dans les programmes des cycles 1 à 4, les enseignants de tous horizons sont confrontés à un problème de taille : formation initiale très variée, formation continue réduite à la portion congrue, pléthore de ressources aux qualités scientifiques ou pédagogiques extrêmement disparates et difficiles à juger… Pourtant, de la maternelle au collège, ils devront, avec ou sans matériel, faire des sciences informatiques.
Tout d’abord, définissons rapidement ce que sont les sciences informatiques, et pourquoi en parler au pluriel. Ce ne sont pas des Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) : elles ne se concentrent ni sur l’apprentissage de tel ou tel logiciel, ni sur l’utilisation raisonnée et critique de ce qu’on trouve sur le web, ni sur l’adoption des outils numériques comme support de cours. Ce sont des sciences avec leurs concepts propres, au même titre que la chimie ou la géologie… La découverte des sciences informatiques se veut ainsi un aperçu des fondamentaux qui régissent toutes les machines informatiques qui nous entourent. Avant de décrire quelques aspects des sciences informatiques, commençons par un teaser : ces sciences n’ont pas attendu l’apparition des ordinateurs pour exister, loin de là !
Sans ordre chronologique ou d’importance, parmi les sciences qui ont fait (et font encore) l’informatique, nous comptons :
Ce long préambule permet de mettre en avant une vérité profonde bien que contre-intuitive : il n’y a pas besoin d’ordinateur pour faire des sciences informatiques (alors que c’est indispensable en TICE) !
La Fondation La main à la pâte a publié le 2 juin 2016 son nouveau projet pédagogique « 1, 2, 3… codez ! ». Cet ambitieux projet vise à initier élèves et enseignants aux sciences informatiques, de la maternelle à la classe de 6e. Un second tome est en cours de tests pour le cycle 4 : publication prévue en juin 2017. Développé avec l’aide de la communauté scientifique, il constitue la première progression pédagogique « clés en mains » disponible pour préparer les professeurs à l’entrée des sciences informatiques dans les programmes scolaires en septembre 2016. Il est suffisamment détaillé pour être abordable par tout enseignant, qu’il soit familier ou non avec l’informatique.
Le guide propose à la fois des activités débranchées (informatique sans ordinateur) et des activités branchées (nécessitant un ordinateur, une tablette ou un robot). Les premières permettent d’introduire des concepts de base des sciences informatiques (algorithme, langage, information, programmation…), tandis que les secondes renforcent ces concepts par la pratique et développent des compétences spécifiques à la programmation. Les progressions proposées pour chaque cycle sont facilement modulables selon que la classe possède du matériel informatique ou non.
Même s’il est tout à fait envisageable de s’en tenir à des activités débranchées à l’échelle d’un projet de classe, « 1, 2, 3… codez ! » recommande à chaque cycle quelques séances de programmation. L’objectif n’est pas de faire de nos chères têtes blondes des programmeurs professionnels, contrairement aux lieux communs régulièrement assénés au sujet de cette réforme, mais de leur donner les moyens de construire quelques applications de leurs propres mains, et ainsi de ne plus appréhender les outils numériques comme des « boîtes noires » dont ils ignorent tout du fonctionnement. Voici quelques langages utilisés :
Revenons tout de même sur cette surenchère du « code ». Le verbe « coder » est très à la mode : on le trouve par exemple dans la formule « lire, compter, écrire et coder » au sujet de l’introduction de l’informatique à l’école. Ce mot pouvant être porteur de plusieurs ambiguïtés, discutons-en ici.
La première de ces ambiguïtés provient de la polysémie du mot « coder » :
Le mot « coder » véhicule toutefois une seconde ambiguïté, qui ne concerne pas sa définition mais plutôt l’idée que l’on peut se faire de l’informatique à travers l’activité de programmation. Car l’informatique n’est pas que de la programmation. Il s’agit certainement de l’activité la plus visible. Celle qui, dans la culture populaire, représente concrètement le pouvoir qu’ont les programmeurs, et qui illustre la séparation entre ceux qui subissent les machines en tant qu’utilisateurs et ceux qui les font fonctionner. C’est, par exemple, l’image souvent caricaturale du programmeur qui enchaîne des lignes de code très rapidement dans les films. C’est, encore, l’image d’un écran qui fait défiler des pages entières de code en arrière-plan d’un informaticien dans un reportage ou un documentaire (probablement parce que ça donne un côté impressionnant, ou très spécialisé). Cette image pourrait participer à la diffusion de l’idée que l’informatique est difficile d’accès et réservée à une élite ou à des esprits qui lui sont prédestinés. Heureusement, ce n’est pas le cas. De toute évidence, programmer fait entièrement partie de l’informatique et, pourtant, cette activité n’en est pas le seul engrenage. Programmer permet effectivement de voir se concrétiser ses idées, avec l’avantage immédiat de l’essai-erreur permis par le retour immédiat de la machine, sans jugement de valeur et sans aucune manifestation d’impatience. Mais ces idées peuvent naître et mûrir en dehors de toute forme de programmation, en utilisant le raisonnement comme moteur principal. Ce raisonnement, associé à la nature mécanique des ordinateurs et de leur fonctionnement, constitue la pensée informatique et permet de mettre au point les algorithmes qui font aujourd’hui tourner une grande partie de notre monde.
Ainsi, tout en « codant » avec ses élèves, chaque enseignant peut approcher tout ou partie des sciences informatiques, avec ou sans matériel spécialisé.
Les contenus pédagogiques, testés dans une trentaine de classes en 2015, mettent en avant l’activité des élèves à travers la démarche d’investigation et la pédagogie de projet. Ils sont disponibles sous deux formats :
Les progressions proposées sont scénarisées, ce qui permet de tenir en haleine les élèves tout au long du projet, que l’enseignant y consacre 3 ou 18 séances. Les scénarios proposés sont adaptés à l’âge des élèves, et adaptables à loisir : jouer avec la mascotte de la classe au cycle 1, historiette de type « cabane magique » au cycle 2, exploration spatiale au cycle 3… Dans ces scénarios, chaque séquence est découpée en séances qui introduisent très progressivement les notions fondamentales, les réinvestissent régulièrement, tout en faisant progresser l’histoire.
Ce découpage permet, même pour l’adulte seul en auto-formation, d’aller à son propre rythme, d’avoir la satisfaction d’avoir appris une nouvelle notion et de la réinvestir intelligemment par la suite, dans une progression constructive et constructiviste. Pas moins de 16 000 enseignants ont déjà été conquis par cette méthode, et nous espérons bien vous accueillir bientôt !