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Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

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De l’utilisation de MathenPoche pour l’évaluation des élèves
Article mis en ligne le 24 septembre 2006

par Matthieu Brabant

Je voudrais décrire ici une expérience réalisée avec deux classes de lycée professionnel. L’idée est de proposer aux élèves de s’auto-évaluer (quel est leur niveau ? sont-ils prêts pour l’examen ?) et aux professeurs de travailler sur leur pédagogie avec des classes hétérogènes.

Avec une classe de première année de CAP industriel (venant tous de SEGPA).

J’ai commencé par programmer en début d’année deux séances de MathenPoche. Il s’agissait de revenir sur les principales notions vues en fin de collège. Rapidement, j’ai constaté que la classe (14 élèves) était hétérogène (ce qui n’a rien de surprenant en soi) : certains élèves avaient fini leurs exercices alors que certains en étaient encore au début. J’ai donc autorisé les plus rapides à aller « piocher » en autonomie dans MathenPoche pendant que je m’occupais des élèves plus en difficulté. L’un de ces élèves en autonomie décida, tout seul, de commencer par le niveau...6ème. Il vint me voir quelques jours plus tard pour m’annoncer fièrement « qu’il était passé en 4ème ». J’ai pu en effet constater qu’il avait continué, chez lui, à faire les exercices et que ses exercices aux niveaux 6ème et 5ème étaient justes.

A partir de cette idée, j’ai donc programmé, sur 4 séances d’une heure et demi, 4 « programmes » correspondant aux 4 niveaux du collège : je partais pour tout le monde du niveau 6ème (en ciblant le calcul littéral). MathenPoche permet de suivre « en direct » le travail des élèves, j’ai donc pu petit à petit autoriser certains élèves à passer au niveau supérieur. Au bout de ces 4 heures, j’avais donc une vision assez précise du niveau de chacun et des difficultés. Je pouvais donc proposer des exercices adaptés aux élèves.

Vous trouvrez en fin d’article un extrait du didacticiel de MathenPoche qui vous explique comment créer une séance.

Ci-dessous un exemple de séance pour l’évaluation « Niveau 1 » (6ème) :

Evaluation MEP Niveau 1

J’ai choisi des exercices adaptés au programme de CAP. Vous noterez que je n’impose pas l’ordre des exercices : les élèves peuvent ainsi passer d’un exercice à l’autre, du calcul numérique à la géométrie. Pour tester la séance, cliquer sur l’image.

Ci-dessous un exemple de séance personnalisée pour un élève plutôt faible. Cet élève avait besoin d’aide concernant la proportionnalité. J’ai choisi pour lui une séance de « Niveau 2 » (5ème) axée uniquement sur la proportionnalité :

Evaluation MEP Niveau 2

J’ai choisi des exercices assez descriptifs. Cela lui a été très profitable... Vous noterez que j’ai cette fois imposé l’ordre des exercices et que l’élève doit obtenir un minimum de réussite pour continuer. Pour tester la séance, cliquer sur l’image.

Le professeur peut après chaque séance accéder à un bilan (le nom des élèves a été « grisé ») :

Bilan d’une séance

Cette démarche est cohérente avec l’évaluation en Contrôle en Cours de Formation en vigueur en CAP : le professeur doit proposer des évaluations à l’examen personnalisées et lorsque l’élève est « prêt ». Par ailleurs, l’élève doit être « acteur » de sa formation : l’élève se rend ainsi compte du niveau qui est le sien et peut se fixer l’objectif symbolique de passer de classe en classe.
Selon cette petite expérience (14 élèves), avoir « réussi » le niveau 4ème suffit à obtenir au moins la note moyenne des élèves en maths-sciences à l’examen (je me réfère à la moyenne académique de Créteil à la session 2005, soit 11,2) :

Cette première expérience, directement reliée aux résultats à l’examen, est intéressante et mérite d’être reprise.
Le professeur peut adapter sa pédagogie et savoir si l’élève est prêt pour le contrôle ou l’examen. Dans la logique des Contrôles en Cours de Formation, on pourrait imaginer que l’évaluation se fasse seulement lorsque l’élève a atteint un certain niveau sur MathenPoche ou lorsque ce dernier pense être prêt (tout en tenant compte des contraintes temporelles bien entendu).
Pour l’élève, il s’agit, par cette auto-évaluation, d’un véritable apprentissage de l’autonomie, en utilisant un outil interactif (l’aspect ludique n’étant pas à négliger : il faudrait développer sur ces mathématiques que les élèves « redécouvrent » grâce à l’informatique).
Par ailleurs, cette auto-évaluation se fait dans un domaine directement relié à une évaluation papier (l’examen). Tout en tenant compte de la faiblesse de l’effectif, il semble bien que MathenPoche permet dans ce cas pour l’élève de répondre à la question : suis-je prêt pour l’examen ?
Il faut néanmoins souligner quelques limites : un élève peut devenir très habile sur informatique sans pour autant réinvestir son savoir sur papier. Le professeur doit alors diversifier suffisamment sa pédagogie pour proposer d’autres outils pour vérifier que l’élève est prêt.

Cette démarche demande du temps : or le temps manque dans l’Enseignement Professionnel pour faire des mathématiques (2h par semaine et de nombreuses périodes de stage). D’ailleurs cette auto-évaluation serait plus efficace si l’élève pouvait continuer à travailler chez lui (ce qui est possible avec MathenPoche mais rarement possible pour mes élèves n’ayant pas accès à un ordinateur chez eux) ou si l’établissement proposait un accès « libre-service » à un ordinateur (ce qui n’est pas encore le cas dans mon lycée).

Enfin, j’ai senti chez l’un des élèves une certaine « déception » à se voir seulement « classé » au niveau 5ème : il y a un risque certain de « stigmatisation » mais en même temps cela peut être moteur de remotivation (et c’est bien là le rôle du professeur).

Avec une classe de la Mission Générale d’Insertion (MGI) d’élèves venant d’arriver en France.

L’objectif de cette classe est de proposer à ces 16 élèves une orientation après une « année d’observation ». Les élèves ont donc des cours de mathématiques, français (seconde langue)....et même des cours de philosophie. J’assure les cours d’informatique : l’idée est de leur inculquer les bases de l’utilisation de l’informatique, les meilleurs obtenant le B2i.

Néanmoins, j’en profite, en liaison avec le professeur de mathématiques, pour faire des...mathématiques. Afin d’évaluer le niveau des élèves, j’ai donc réalisé la même démarche que précédemment, en y ajoutant le niveau seconde. Expliciter les niveaux (6ème, 5ème,..) est ici essentiel puisque les élèves seront ensuite orientés : nous avons ainsi une idée assez juste de leur niveau (néanmoins, puisque certains élèves ont à la base des problèmes cognitifs importants, ne parlent pas du tout français ou n’ont jamais été scolarisés, l’utilisation de l’informatique est une difficulté supplémentaire ; l’évaluation « classique » du professeur de mathématiques est donc restée prépondérante mais nous avons constaté une concordance sur 10 élèves).

Ci-dessous un exemple de séance d’évaluation niveau troisième :

Evaluation MEP 3ème

J’ai choisi des exercices pouvant convenir à des élèves de BEP industriel (les élèves de la classe de la MGI intégrent généralement des cycles courts, je me suis basé ici sur les premières idées d’orientation des élèves pour les tester). Pour tester la séance, cliquer sur l’image.

Pour s’auto-évaluer, les élèves ont réalisé un document à partir d’un traitement de texte dans lequel ils renseignaient des tableaux sur ce qu’ils avaient fait, à quel niveau... La conception de ce document faisant partie d’un exercice permettant d’évaluer les élèves sur leur capacité à concevoir un document lisible et en utilisant toutes les fonctionnalités du traitement de texte.

Ci-dessous deux exemples de « productions » d’élèves (le nom des élèves a été retiré) :

Auto-évaluation A - 1/2
Auto-évaluation A- 2/2
Auto-évaluation B - 1/2
Auto-évaluation B - 2/2

Le premier élève a plutôt un bon niveau de BEP en maths (il a été orienté finalement en CAP métallerie) et le second a de grandes difficultés (mais a fourni un document plus intéressant). L’orientation désirée par ce dernier ne correspondant pas à son niveau, il a passé une deuxième année dans cette classe.

MathenPoche est donc un outil intéressant pour l’évaluation des élèves.
Le logiciel pourrait être modifié pour proposer des « niveaux ». Par exemple, des élèves de seconde pourraient s’auto-évaluer et le professeur les évaluer tout court sur 3 ou 4 niveaux piochés dans la base d’exercices mais sans mentionner « 6ème », « 5ème »... l’élève serait « à niveau » s’il obtenait le dernier niveau. Les « niveaux » 1, 2, 3 ou 4 seraient différents pour un élève de 3ème, ou de BEP par exemple.

J’encourage d’autres professeurs, en particulier de maths-sciences, à reprendre cette expérience. Ainsi, il serait intéressant de revenir sur la relation entre les évaluations sur MathenPoche et l’examen final évoquée dans la première partie de cet article.

Enfin, cette expérience n’évoque que les savoirs évalués à l’examen. Un développement pourrait être envisagé sur les connaissances et compétences qui échappent à l’examen.

Post-scriptum :
Je joins ci-dessous un extrait du didacticiel de MathenPoche créé par Gérard Vinot expliquant la démarche pour créer une séance. L’ensemble de ce didacticiel est accessible depuis le menu de MathenPoche-interface formateur à la rubrique « aide ».

Extrait du didacticiel de mathenpoche : comment créer une séance

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