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Le CO2 dans une salle de classe
un peu de maths pour comprendre

Dans le cadre de l’Atelier scientifique du Lycée Parc de Vilgénis, les élèves ont étudié d’un point de vue mathématique, l’évolution de la concentration en CO2 dans les salles de classe de leur lycée.

Article mis en ligne le 29 novembre 2022
dernière modification le 3 décembre 2022

par Taillet Jacques

Certaines thématiques, comme la qualité de l’air, nous évoquent bien souvent des notions de SVT ou de Physique. Il vient moins spontanément à l’esprit que les Mathématiques ont, elles aussi, leur place, ô combien importante dans l’étude de ce sujet.
En effet, sans recours à des notions de mathématiques, il ne saurait y avoir de traitement et d’analyse de données, et sans utilisation de formules mathématiques, toute modélisation serait irréalisable. Dès lors, l’étude perdrait en qualité et en consistance, et rendrait inenvisageable toute prédiction sérieuse.

Dans cet article, je vous propose — en tant qu’animateur de l’Atelier Scientifique Vilgénis — une exploration de plusieurs composantes de l’univers des mathématiques rencontrées et utilisées par les élèves pour les besoins de leurs travaux sur la qualité de l’air.

Les travaux présentés ci-après ont été réalisés dans le cadre de l’Atelier scientifique du Lycée Parc de Vilgénis, regroupant des élèves de Seconde, de Première, et de Terminale de l’enseignement général, technologique et professionnel. Les élèves travaillent ensemble dans un esprit empreint de curiosité, de questionnements et de recherche. Au gré de leurs pérégrinations, ils délimitent le champ de leurs questions et choisissent eux-mêmes la problématique à étudier.

Le texte ci-dessous, en partie rédigé par les élèves, explique l’évolution de leurs travaux ainsi que l’importance des mathématiques dans un tel sujet.

1 — Contexte des travaux et ordre de grandeur

a) Quelques précisions sur le CO2

Depuis novembre 2020, nous travaillons sur la qualité de l’air… dans les salles de cours de notre lycée. Pour cela, il nous a semblé indispensable d’étudier la quantité de CO2 présente dans une salle.

En effet, lorsque l’on respire, on rejette du CO2. Si la pièce n’est pas ventilée lors d’un cours, le taux de CO2 augmente très rapidement. Si on arrive à faire baisser le taux de CO2 dans cette salle de cours non ventilée naturellement, cela signifie que l’on a réussi à renouveler l’air de la salle de cours et donc à améliorer la qualité de l’air.

  • Le CO2 est un bon indicateur de la qualité de l’air dans une pièce. En l’absence de renouvellement d’air dans une pièce, le niveau de CO2 augmente.
  • La concentration en CO2 de l’air extérieur est de 400 ppm. C’est-à-dire qu’il y a 400 molécules de CO2 par million de molécules d’air, soit 0,04&prcent;.
  • On considère que la ventilation est bonne si la mesure de CO2 est inférieure à 800 ppm.
  • Dans une salle de classe du bâtiment G (classe de référence pour nos premières mesures), en présence de 25 élèves, les mesures augmentent de 2000 ppm en une heure de cours.

b) Performances des élèves

D’après une études de Satish et al. en 2012 :

  • à 1500 ppm les élèves sont moins actifs en cours ;
  • à 2500 ppm les élèves ont peu de prise d’initiative.

c) Risques de contamination par un virus transmis par aérosolisation (pas seulement le SarsCov2)

Si l’on considère que l’émission de CO2 dans une classe est essentiellement liée à la respiration, la concentration en CO2 est un indicateur du non-renouvellement : plus elle est élevée, plus la concentration en air expiré est forte, donc plus le risque de contact avec des aérosols contaminés est important.
Ce sujet est donc important afin d’améliorer la concentration et la réussite de nos élèves dans une salle de classe.
Il va de soi qu’avec la pandémie covid-19, le renouvellement de l’air dans une salle de classe est devenu fondamental.

2 — Evaluer la qualité de l’air grâce à des détecteurs

a) Choisir un détecteur

Pour mesurer le CO2, il faut des détecteurs, mais il faut aussi être capable de vérifier si ceux que nous avons montés sont performants. Nous les comparons au meilleur produit u marché, le Class-Air. Nous vérifions que les résultats sont dans la marge d’erreur de l’appareil.
Nous réalisons cette expérience plus de 25 fois, et obtenons toujours des résultats très proches.

b) Installer le détecteur
Les essais sont réalisés dans la salle G502 du bâtiment d’enseignement général. C’est la salle où nous pouvons le plus souvent réaliser des mesures. Ci-dessous le plan de la G502.
Pour déterminer la place idéale de notre détecteur, nous réalisons des mesures à différentes hauteurs, à différentes positions. Les résultats ne sont pas affectés par la hauteur sauf si on est à moins de 30 cm du sol et du plafond.

Nous décidons de placer les détecteurs sur une table, loin des portes pour éviter toute influence de courant d’air et à plus d’un mètre des élèves pour limiter toute donnée faussée par une respiration trop proche du détecteur.

Ces mesures ont été réalisées lorsque nous étions en demi-jauge.
Les demi-classes étaient toujours positionnées de la même manière pour réaliser les mesures.

3 — Collecter et étudier les données : des mathématiques concrètes et appliquées

Les graphiques de ce paragraphe sont obtenus à partir des données collectées.

a) Évolution de la quantité de CO2

i) Quantité de CO2 en fonction du nombre d’élèves en journée

Des mesures sont réalisées dans une même salle et dans des conditions semblables — seul varie le nombre d’élèves.
On représente les points dans un repère présentant la quantité de CO2 expiré par minute en fonction du nombre d’élèves présents dans la salle.
Pour déterminer la quantité de CO2 expiré par minute on réalise une droite de régression linéaire. On obtient un taux d’accroissement d’environ 1,4 ppm/min pour notre salle. Dans une salle de cours classique (170 m3) cela fait 84 ppm/h/personne.
Certains élèves ont utilisé un tableur pour déterminer la droite de régression, d’autres ont réalisé un programme en python (pg python).

ii) Evolution du taux de CO2 en journée dans une salle de cours en fonction du temps

Dans une salle peu ventilée pendant une heure, on a l’impression d’obtenir une droite.

Dans une salle peu ventilée pendant deux heures, on obtient un plateau.

iii) Description de l’allure générale des courbes en journée

Toutes les mesures réalisées, si elles ont lieu sur un minimum de 2h, montrent que l’on obtient un plateau. On appelle c0 la quantité de CO2 au début des mesures, c la quantité de CO2 au niveau du plateau.

iv — Evolution de l’état de ventilation de la salle en journée

On fait l’expérience avec 25 élèves dans une salle de 150 m3 dans trois cas d’aération.

On obtient un écart (cc0) très différent, mais l’allure générale de la courbe est la même : on reconnaît une fonction exponentielle.

On peut aussi faire varier le c0. Dans ce cas, si les conditions sont les mêmes (aération, nombre d’élèves, volume de la salle) l’écart (cc0) reste quasiment le même.

v – Une nuit au Lycée

En laissant des détecteurs dans des salles, nous avons pu suivre l’évolution du taux de CO2 dans les salles lorsque le lycée se vide.

Les élèves ont d’abord pensé à une fonction inverse, ils ont compris que cela devait être une fonction exponentielle en commençant leurs modélisations.
Bilan des données :
Toutes ces séries de données font appel à la lecture de graphique, la notion de fonction.
Toutes ces courbes ressemblent à des exponentielles.

4 — Modélisation

a) Une équation différentielle

Voici le travail de deux élèves de l’atelier pour la modélisation du CO2 dans une salle de classe.

En faisant un bilan des flux d’air entrants et sortants, on obtient l’expression de l’évolution de la concentration en CO2 en fonction du temps :

Avec c(t) la concentration de CO2 en fonction du temps en heures,
V le volume de la salle en m3,
N le nombre de personnes dans la salle,
P le débit de CO2 produit par une personne,
R le taux de renouvellement de l’air de la salle par heure, soit le nombre de fois que l’air de la salle est entièrement renouvelé en une heure.
Cette équation est une équation différentielle de la forme : y(t)=ay+b. On peut la résoudre pour avoir c(t), où t est en heure.

b) Calcul de R

Lorsque les valeurs de t sont élevées, on arrive à un plateau, on est sur un régime permanent :

c) Deux exemples

a) Après de nombreuses mesures on peut déterminer R.

Si c=950×10−6, c0=600×10−6, N=18, F=0,018, V=170,
on trouve R≃5,4.

b) Si on connaît c0 et R on peut en déduire c et donc déterminer c(t). Avec les valeurs précédentes, on obtient pour tout t positif, :
c(t)=−350×10−6×e−5,4×i+950×10−6.

d) Comparaison modèle et données

i — Description d’une journée type

9h Les élèves arrivent c0=500 ppm. Un professeur fait cours à 27 élèves porte ouverte. La porte du bâtiment s’ouvre peu
10h Pause le niveau s’homogénéise avec celui du couloir si celui-ci est plus élevé, sinon il descend
11h Cours de 1h à 27 élèves porte ouverte. La porte du bâtiment s’ouvre peu
12h Pas de cours
13h Cours de 2h à 25 élèves – tout est fermé
15h Récréation – peu d’élèves dans les couloirs
15h15 Cours de 2h à 25 élèves — tout est fermé
17h Fin des cours

ii — Modélisation

iii — Comparaison

En noir nos données, en rouge notre modélisation. C’est assez satisfaisant.
Nos modélisations majorent les situations réelles. En effet, elles ne prennent pas en compte les cas aléatoires qu’il n’est pas possible de prévoir, comme la baisse de CO2, un coup de vent ou une porte de bâtiment qui s’ouvre. Ce qui signifie que les situations réelles seront toujours quelque peu inférieures à nos modélisations.

S’il y a des cas favorables à la baisse de CO2, un coup de vent ou une porte de bâtiment qui s’ouvre, nous ne pouvons pas la prévoir.

Conclusion

Nous rencontrons de nombreuses notions de mathématiques pour cette étude :

 Analyse de données, de statistiques, de droite de régression dans la partie 2)
 Calculs de pourcentages et calculs d’erreur
 Fonctions, représentation graphique de fonctions
 Equation différentielle et modélisation dans la partie 4) a)
> Le changement de repère au niveau de la modélisation est intéressant. Cette notion est traitée en STI avec les compositions de fonctions.
> La reconnaissance d’équation différentielle sur les différents modèles est intéressante, on a souvent une image de la représentation graphique de la fonction exponentielle de base e.
 Utilisation de Geogebra pour les tracés.
 Utilisation de Python ou d’Excel pour les statistiques.
 Utilisation de Python pour la gestion des données.
 Et nous réalisons de belles modélisations.