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Recension du livre « le rêve d’Euclide »
« Promenades en géométrie hyperbolique » de Maurice Margenstern

Dans la collection « impromptus du Pommier », Maurice Margenstern nous invite à nous promener en géométrie hyperbolique

Article mis en ligne le 12 juin 2015
dernière modification le 20 juin 2023

par Alain Busser, Yves Martin

Maurice Margenstern est retraité de l’université où il enseignait l’informatique théorique. Ses recherches l’ont mené à se promener au pays de la géométrie hyperbolique, et il raconte ses promenades. Ce livre est donc un peu l’équivalent de ceux qu’amènent avec eux les randonneurs, à ceci près qu’une promenade se fait parfois au gré des improvisations, et en prenant le temps d’admirer le paysage.

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Après avoir longtemps travaillé sur les automates cellulaires hyperboliques - entre autres - Maurice Margenstern a souhaité rédiger un ouvrage non académique, explicitement « pour les amateurs de mathématiques » sur la géométrie hyperbolique, ouvrage qu’il a organisé sous forme de voyage.

À MathémaTICE, nous avons apprécié ce voyage, original, et avons souhaité en rendre compte en l’illustrant avec de la géométrie dynamique.


L’article est construit en onglets qui reprennent les chapitres du livre
• Le rêve. Introduction, bien entendu, proposée sous un angle très original. Mais aussi la balade la plus personnelle de l’auteur, qui fait naviguer l’auteur dans sa spécialité, avec de nombreuses illustrations couleur. Paradoxalement, c’est peut-être le chapitre le plus ardu, dans sa dernière partie (la collection de Léa), et bien entendu l’un des plus originaux de l’ouvrage. Le premier onglet revient longuement lui aussi sur ce chapitre.
• Voyage dans le temps. Chapitre sur l’histoire de l’avènement des géométries non euclidiennes, et en particulier de la géométrie hyperbolique. L’onglet correspondant détaille ce chapitre et propose des illustrations dynamiques sur le modèle de Beltrami.
• Voyage dans un monde hyperbolique. L’auteur propose un survol du monde hyperbolique en prenant le temps de détailler les constructions dans un modèle particulier, celui du disque de Poincaré, puis, dans une seconde partie, revient sur les automates cellulaires hyperboliques et fait le lien avec les figures du chapitre 1.
• Au coeur du monde hyperbolique. Ce chapitre reprend méticuleusement une construction axiomatique de ce que l’on appelle en général la géométrie absolue (celle qui est commune aux géométries euclidienne et hyperbolique, avant de les séparer). Parce qu’il est centré essentiellement sur la géométrie des configurations, comme le précédent, ce chapitre confirme que ce livre est bien, comme annoncé, un ouvrage destiné aux amateurs des mathématiques (et non pas aux spécialistes de la géométrie hyperbolique comme la fin du chapitre 1 aurait pu le laisser craindre).
• Impressions de voyages. L’ouvrage se termine par un bilan général de ce qui a été fait dans l’ouvrage, de la place de la géométrie hyperbolique en mathématique, mais aussi de la révolution philosophique qu’elle a provoquée. L’auteur aborde ensuite la place du chercheur et de la recherche dans la société.


Le rêve

Maurice Margenstern est comme un touriste, qui a exploré des pays peu connus, et qui lorsqu’il revient, veut partager les souvenirs de ces promenades effectuées dans le temps et dans des espaces hyperboliques. Mais pour évoquer un lieu particulièrement intéressant, il a besoin de mesurer la longitude et la latitude de ce lieu. Et là commencent les problèmes...

En effet, pour mesurer les coordonnées d’un point P du plan euclidien, on commence par mener, par ce point, la parallèle à l’axe des ordonnées (en bleu) et la parallèle à l’axe des abscisses (en rouge), qui coupent les axes en deux points ayant respectivement même abscisse et même ordonnée que P :


Une fois qu’on a réussi à graduer deux axes, la lecture des coordonnées sur les graduations est possible parce que le plan est archimédien. Mais au début de la construction, on devait mener par P la parallèle à l’axe des ordonnées : Oui mais laquelle ? En géométrie hyperbolique il y en a deux ! Voici une figure de Saccheri illustrant cela :


En bougeant le point M, on constate que la droite (AM) ne coupe pas forcément la droite verte : Quand ce n’est pas le cas, elles ont une perpendiculaire commune. Et les droites bleues, cas limites entre les droites ayant une perpendiculaire commune et les droites sécantes, sont les deux parallèles à la droite verte passant par A. Lorsque M est à la hauteur de A (et donc que la droite (AM) a une perpendiculaire commune avec la droite verte) et qu’on le fait aller progressivement vers l’une des deux parallèles, la perpendiculaire commune s’enfuit vers l’infini, ce que Saccheri estime « contraire à la nature d’une droite » [1] : En essayant de montrer par l’absurde que la géométrie est euclidienne, Saccheri a inventé, sans s’en rendre compte, une géométrie nouvelle : La géométrie hyperbolique.

Voici, dans le modèle du disque de Poincaré, la même figure que ci-dessus : Le bord du cercle clair ne fait pas partie du plan hyperbolique : C’est l’horizon et il est à l’infini. Le disque de Poincaré permet donc de montrer tout le plan hyperbolique et les droites hyperboliques sont visibles en entier. En particulier les deux parallèles à la droite verte passant par A touchent visiblement la droite verte sur l’horizon, donc à l’infini...

En bougeant M ci-dessus, on voit qu’il y a deux zones, en haut et en bas par rapport aux deux droites bleues, où M peut se situer pour que la droite AM (en rouge) coupe la droite verte (en un point marron). Et deux autres zones, à gauche et à droite, où M se situe lorsque les droites rouge et verte ne sont ni parallèles ni sécantes. Dans ce cas, leur perpendiculaire commune est en marron, et on voit nettement sa fuite vers l’infini lorsque M se rapproche d’une des droites bleues.


Maurice Margenstern analyse, avec des références à des évènements vécus, la dépendance des chercheurs au « poids de l’autorité » [2] : En ces temps d’évaluation par compétence, Saccheri n’aurait pas la compétence « critiquer une démarche, un résultat »...

Revenons à notre touriste désirant montrer où sont les endroits qu’il a visités : Ne pouvant définir de coordonnées dans le plan hyperbolique, deux choix s’offrent à lui :

  • Décrire un chemin sur un pavage, en décrivant à chaque pas, vers quel pavé se diriger ;
  • Dessiner dans le plan hyperbolique une grille ; sauf que pour la raison évoquée ci-dessus, la grille n’est pas formée de droites parallèles.

Le deuxième choix est lui-même décliné en deux versions :

    • on peut mener des perpendiculaires à un axe (en bleu) et des équidistantes au même axe (en rouge), ce qui dans le disque de Poincaré, donne ceci :
image/svg+xml

LesCaRSscripts engendrant cette figure

Les droites verticales sont dessinées par ce script (les points G0, G1 etc sont préconstruits) :

  1. //dessin des verticales de droite
  2. d=DPPerpendicular("axeX","F1");
  3. SetColor(d,"blue");
  4. DPSymmetry("F2","F1","G0");
  5. SetHide("F2",true);
  6. for(n=2;n<=20;n++){
  7.         d=DPPerpendicular("d"+n,"axeX","F"+n);
  8.         SetColor(d,"blue");
  9.         DPSymmetry("F"+(n+1),"F"+n,"F"+(n-1));
  10.         SetHide("F"+(n+1),true);
  11. }
  12. //dessin des verticales de gauche
  13. d=DPPerpendicular("axeX","H1");
  14. SetColor(d,"blue");
  15. DPSymmetry("H2","H1","G0");
  16. SetHide("H2",true);
  17. for(n=2;n<=20;n++){
  18.         d=DPPerpendicular("c"+n,"axeX","H"+n);
  19.         SetColor(d,"blue");
  20.         DPSymmetry("H"+(n+1),"H"+n,"H"+(n-1));
  21.         SetHide("H"+(n+1),true);
  22. }

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L’instruction DPPerpendicular trace la droite, et l’instruction DPSymmetry est utilisée, à partir de deux graduations, pour obtenir la graduation suivante : C’est une symétrie centrale.

Et, sur la même figure (les points I1 et I2 sont les deux points à l’infini sur la droite noire), le script suivant dessine les équidistantes :

  1. //dessin des équidistantes du haut
  2. for(n=1;n<=20;n++){
  3.         e=Arc3pts("I1","G"+n,"I2"); // une équidistante passe par I1 et I2, points à l'infini
  4.         SetColor(e,"red");
  5.         DPSymmetry("G"+(n+1),"G"+n,"G"+(n-1));
  6.         SetHide("G"+(n+1),true);
  7. }
  8. //dessin des équidistantes du bas
  9. DPSymmetry("E1","G0","G1");
  10. SetHide("E1",true);
  11. e=Arc3pts("I1","E1","I2");
  12. SetColor(e,"red");
  13. DPSymmetry("E2","E1","G0");
  14. SetHide("E2",true);
  15. for(n=2;n<=20;n++){
  16.         e=Arc3pts("I1","E"+n,"I2");
  17.         SetColor(e,"red");
  18.         DPSymmetry("E"+(n+1),"E"+n,"E"+(n-1));
  19.         SetHide("E"+(n+1),true);
  20. }

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En effet, dans le disque de Poincaré, une équidistante est un arc de cercle d’extrémités I1 et I2.

Si on choisit deux droites bleues, elles ont une perpendiculaire commune (puisqu’elles ne sont ni sécantes ni parallèles). Cette perpendiculaire est précisément l’axe noir choisit au départ. Par contre les lignes rouges ne sont pas des droites mais des équidistantes, qui sont une manière possible de généraliser la notion de droite dans le plan hyperbolique. Une autre généralisation possible est l’horicycle :

    • On peut aussi mener (en bleu) des perpendiculaires à un horicycle (en noir) défini par deux points, et des horicycles (en rouge) concentriques à celui-ci : Là aussi on a une grille, décrite par Maurice Margenstern dans le chapitre 4 :
image/svg+xml

Les CaRScripts ayant engendré ces lignes

Le fichier CaRMetal ci-dessous a été doté d’une macro horicycle donnant l’horicycle passant par un point donné et ayant un diamètre l1 donné. Cette macro admet la droite l1 comme paramètre (caché), on doit donc la rajouter dans l’appel à la macro. Voici le script dessinant les horicycles :

  1. //cycles du haut
  2. for(n=1;n<=20;n++){
  3.         c=ExecuteMacro("horicycle","l1,G"+n);
  4.         SetColor(c,"red");
  5.         DPSymmetry("G"+(n+1),"G"+n,"G"+(n-1));
  6.         SetHide("G"+(n+1),true);
  7. }
  8. //cycles du bas
  9. c=ExecuteMacro("horicycle","l1,F1");
  10. SetColor(c,"red");
  11. DPSymmetry("F2","F1","G0");
  12. SetHide("F2",true);
  13. for(n=2;n<=20;n++){
  14.         c=ExecuteMacro("horicycle","l1,F"+n);
  15.         SetColor(c,"red");
  16.         DPSymmetry("F"+(n+1),"F"+n,"F"+(n-1));
  17.         SetHide("F"+(n-1),true);
  18.        
  19. }

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Et le script dessinant les droites est plus simple, puisque la notion de droite perpendiculaire à une droite hyperbolique s’étend, dans CaRMetal, à celle de droite perpendiculaire à un horicycle. Une boucle construit les droites de gauche et l’autre boucle donne les droites de droite :

  1. //droites de gauche (elle est bonne celle-là!)
  2. d=DPPerpendicular("c1","axeX","E1");
  3. SetColor(d,"blue");
  4. DPSymmetry("E2","E1","G0");
  5. SetHide("E2",true);
  6. for(n=2;n<=20;n++){
  7.         d=DPPerpendicular("c"+n,"axeX","E"+n);
  8.         SetColor(d,"blue");
  9.         DPSymmetry("E"+(n+1),"E"+n,"E"+(n-1));
  10.         SetHide("E"+(n+1),true);
  11.  
  12. }
  13. //droites de droite (ben oui!)
  14. d=DPPerpendicular("d1","axeX","H1");
  15. SetColor(d,"blue");
  16. DPSymmetry("H2","H1","G0");
  17. SetHide("H2",true);
  18. for(n=2;n<=20;n++){
  19.         d=DPPerpendicular("d"+n,"axeX","H"+n);
  20.         SetColor(d,"blue");
  21.         DPSymmetry("H"+(n+1),"H"+n,"H"+(n-1));
  22.         SetHide("H"+(n+1),true);
  23.  
  24. }

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Les droites bleues, toutes perpendiculaires à l’horicycle noir, sont parallèles entre elles, ce qui veut dire qu’elles se coupent en l’infini (sur l’horizon). Leur point d’intersection est le centre commun de tous les horicycles, qui sont donc concentriques. Cela généralise la notion de droites horizontales.

Voici les figures CaRMetal montrant ces grilles non euclidiennes :

CaRScripts de génération de grilles comme celles décrites au chapitre 4

Ainsi, pour établir une carte du plan euclidien, Maurice Margenstern préfère des arbres aux grilles. Dans cet article [3], Etienne Ghys fait la remarque que les triangles hyperboliques tendent à avoir la forme de la lettre « Y » (le cercle marron c’est l’horizon, il ne fait pas partie du plan hyperbolique) :

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S’il y a des « Y », il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait des arbres binaires. En fait il y a aussi des arbres ternaires, dont un exemple est décrit ici.

Arbres et pavages

Voici comment Maurice Margenstern dessine un arbre, par exemple avec le pavage 5,4 :

  • chaque sommet du graphe représente un pavé ;
  • On découpe la région contenant le pavage en une sorte de partition de Markov.
  • chaque arête du graphe joint deux sommets (deux pavés) s’ils ont un côté commun et si la première fois que le second pavé est apparu, c’est comme symétrique du premier. Cela évite les doublons.

Le détail (ainsi que l’arbre) est montré ici. Le procédé de construction est montré ici. On voit que parfois il part deux branches d’un nœud de l’arbre (la rouge et la bleue) et parfois il en part trois (rouge, bleue et verte). L’arbre considéré est donc intermédiaire entre un arbre binaire et un arbre ternaire. Maurice Margenstern l’appelle arbre de Fibonacci. Et explique comment décrire les nœuds à 2 branches et les nœuds à trois branches. La racine étant à trois branches, on transforme chaque niveau de la façon suivante pour avoir le niveau suivant (script donné sous alcoffeethmique) :

  1. niveau = "3"
  2. for n in [1..4]
  3.     niveau = niveau.replace /2/g, "x"
  4.     niveau = niveau.replace /3/g, "233"
  5.     niveau = niveau.replace /x/g, "23"
  6.     affiche niveau

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l’exécution de ce script dans alcoffeethmique affiche l’ordre des nœuds à 2 ou 3 branches, sur chaque niveau :

Algorithme lancé
233
23233233
232332323323323233233
2323323233233232332323323323233233232332323323323233233

Algorithme exécuté en 21 millisecondes

Mais à quoi ça sert, allez-vous me demander ? Et bien, dans le chapitre 1, des applications surprenantes sont montrées, comme un « clavier » donnant les caractères japonais. Mais aussi, l’arbre de Fibonacci permet de résoudre en temps polynomial le problème 3-SAT. Et la possibilité de se déplacer dans un pavage permet d’étudier les pavages de Wang [4]. Enfin, Maurice Margenstern montre dans le chapitre 3 des automates cellulaires hyperboliques [5], avec, par changement de couleurs de pavés, la possibilité de voir un calcul en train de se mener ! Certains automates cellulaires sur les pavages hyperboliques précédents sont d’ailleurs dessinés par des automates cellulaires, dont un qui ressemble beaucoup à une colonie du professeur Ben-Jacob ! Les bactéries vivraient-elles dans un monde hyperbolique ? La question est ouverte !


Et maintenant que le touriste hyperbolique sait comment expliquer où il était, il peut raconter ses activités touristiques, comme par exemple ses parties de billard et ses observations astronomiques...

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Voyage dans le temps

Voyage dans le temps

Ce voyage est organisé en trois moments, classiques pour un voyage temporel, le passé, le présent et le futur, le tout bien entendu, avec comme origine temporelle la découverte de la géométrie hyperbolique.

Le passé - premiers résultats partiels

Le passé remonte à Euclide. L’auteur, spécialiste de la géométrie hyperbolique est aussi spécialiste de son histoire, mais surtout, en tout cas pour ce livre, il a aussi décidé d’en être un conteur - ou encore un rêveur selon le titre de l’ouvrage. Donc il nous conte les différents errements d’avant la découverte de la géométrie hyperbolique et par exemple insiste sur cette difficulté conceptuelle qu’en géométrie plane euclidienne le contraire de sécante est parallèle - ce qui donne une définition du parallélisme : des droites qui ne sont pas sécantes - alors que cela ne va être le cas dans le plan hyperbolique. Car en euclidien, pour deux droites, être parallèles c’est équivalent à avoir une perpendiculaire commune. Or justement, la branche euclidienne « parallèles » se scinde en deux feuilles distinctes « avoir une perpendiculaire commune » et être « parallèles ».

C’est ce qui a fait craquer Saccheri qui était allé trés loin sur la géométrie hyperbolique, en montrant que deux droites non sécantes ont une perpendiculaire commune. Pour lui, ce que l’on appelle depuis « les parallèles » - les droites qui « se coupent à l’infini » auraient du avoir une perpendiculaire commune à l’infini. Au lieu d’y voir une rupture de branche - un nouveau type de droites - il y a trouvé la contradiction qu’il cherchait et conclu que cela « nuit à la nature de la droite », ainsi Euclide a-t-il été « lavé de toutes tâches » (titre de l’ouvrage de Saccheri).

L’auteur aborde ensuite, entre autre, les travaux de Lambert qui est le premier à voir que si « la géométrie de l’angle aigu » existe, alors les longueurs sont absolues. Dit autrement, il n’existe pas de similitudes, ce qui reste, à cette époque, difficile à concevoir.

Le présent - la découverte

Comme ce qui précède cette partie est particulièrement agréable à lire, on y voit la découverte, quasi simultanément, de Lobatchevsky, et Janos Bolyai, mais aussi l’ombre omniprésente de Gauss sur ce sujet.

Les deux « découvreurs » de la géométrie hyperbolique (elle ne s’appelle pas encore comme cela) ont produit des travaux souvent très proches, y compris pour l’équivalence entre la non contradiction de la géométrie euclidienne et cette nouvelle géométrie en passant, tous les deux, par la dimension 3.

Sur certains sujets, ils diffèrent par leurs centres d’intérêts. Par exemple Bolyaï s’est beaucoup intéressé à la constructibilité des objets. Il a montré que la quadrature du cercle est réalisable en géométrie hyperbolique (ceci indépendamment des modèles). Il a donné les longueurs du rayon du cercle d’aire π et du carré de même aire, et montré que les deux sont constructibles « règle et compas ».

Le futur - les modèles et la reconnaissance.

L’après de la découverte a été d’abord un rapide oubli, puis la résurgence, par Beltrami, qui en fait cherchait d’abord autre chose : des surfaces dont les projections des géodésiques sur un plan seraient des droites. C’est sa bonne compréhension - encore rare à l’époque - de la géométrie intrinsèque des surfaces de Gauss et sa connaissance des travaux de Lobatchevsky qui lui a permis de faire le lien. Il étudiait la surface à courbure constante négative la plus simple (elle s’appelle la pseudosphère), et il s’aperçut assez rapidement que la géométrie intrinsèque de la pseudosphère était celle de Lobatchevsky. Voici un triangle et ses médianes sur la pseudosphère de Beltrami.


Manipulations de la figure
• Quand aucun outil n’est sélectionné en bas, la pseudosphère se manipule avec la souris (ou un doigt sur tablette). Si un outil est sélectionné - peut arriver selon le navigateur ou le système - le déselectionner.
• On déplace les points par leur altitude ou par le point lui-même sur l’ellipse parallèle à l’équateur (en mauve). Ces ellipses sont aussi des horicycles pour cette surface (définition abordée plus loin).
• Dans cette figure on ne peut déplacer les points que d’un tour sur les horicycles.

Cercle inscrit et cercles exinscrits à un triangle sur la pseudosphère (ouvrir dans un nouvel onglet - à éviter sur tablette, un peu lourd)

Mais si la géométrie de la pseudosphère est hyperbolique, elle n’est pas une représentation de tout le plan hyperbolique, elle n’en est qu’une partie, avec en particulier un seul point à l’infini. Or pour son étude, Beltrami utilise ce qu’il appelle un cercle limite, là où les projection des géodésiques de la pseudosphère sont des droites, son sujet d’étude initial. Klein, travaillant sur la géométrie projective depuis longtemps, voit tout de suite, dans cet outil intermédiaire, ce « cercle limite », un modèle - projectif - de tout le plan hyperbolique, qu’on appelle depuis le modèle de Klein-Beltrami.

L’auteur poursuit avec son approche de conteur. Abordant les modèles plus récents, il reprend ainsi la célèbre révélation de Poincaré sur la géométrie hyperbolique en prenant le bus, puis poursuit par la reconnaissance que Klein et Poincaré ont donnés, à cette géométrie. Le disque de Poincaré est abordé en détail au chapitre suivant ... dans le prochain voyage de l’auteur.

Voici quelques autres illustrations de géométrie dynamique sur la pseudosphère

Cercle circonscrit (quand il existe) à un triangle sur la pseudosphère (ouvrir dans un nouvel onglet)

Hauteurs d’un triangle sur la pseudosphère (ouvrir dans un nouvel onglet)

Médianes d’un triangle sur la pseudosphère (ouvrir dans un nouvel onglet)

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Voyage ... hyperbolique

Voyage dans un monde hyperbolique

Avec ce chapitre, on commence à mieux comprendre la structure de l’ouvrage. Le voyage proposé est dans un monde hyperbolique, c’est-à-dire dans un modèle, le plus pratique, le disque de Poincaré. Plus pratique parce qu’il est borné (il tient entièrement dans l’écran) et conforme (les angles droits ressemblent à des angles droits).

Ce chapitre est organisé en deux parties. Une partie géométrique où l’on présente les constructions dans ce modèle et l’exploration des objets hyperboliques dans ce modèle. On voit bien la dimension didactique de cette démarche - et mathématiquement non usuelle dans les ouvrages de mathématiques sur le sujet : on va découvrir de nouveaux objets qui vont avoir, dans ce modèle, des représentations particulièrement simples. C’est donc une approche « dans un modèle », ce qui justifie en soi ce chapitre à part.

La critique mathématique de cette démarche est connue : on pourrait facilement confondre un objet mathématique et sa représentation dans le modèle. Outre que ce n’est pas le cas avec ce modèle particulièrement lisse, la démarche reste didactiquement pertinente pour une approche non technique de la géométrie hyperbolique.

La seconde partie, plus algorithmique, aborde plus en profondeur la notion d’automate cellulaire, et en particulier dans le contexte hyperbolique.

Partie géométrique

Ce qu’il y a de remarquable dans cet ouvrage, et c’est en cela qu’il est réellement « grand public » certes averti, matheux, mais facile d’accès, c’est qu’il reste, volontairement, au niveau des configurations, avec des preuves abordables sans effort, et qui plus est, avec des illustrations en couleur. Le voyage y est quasiment poétique, même s’il est quand même mathématique.

Une partie de ce chapitre est néanmoins consacrée aux transformations, essentiellement parce que c’est l’approche la plus simple pour définir les différents cycles que sont le cercle, l’équidistante et l’horicycle.

Quelques mots sur l’horicycle. Même si ce n’est pas sa définition, une bonne représentation de l’horicycle est celle d’un cercle centré en un point à l’infini et passant par un point du plan. En géométrie euclidienne, c’est une droite passant par le point du plan, orthogonale à la direction dans laquelle se situe le point à l’infini (considéré comme intersection de deux droites parallèles - on est dans le plongement projectif naturel du plan affine). En géométrie hyperbolique ce n’est pas une droite, ni bien entendu un cercle, mais un objet mathématique nouveau, nommé donc, horicycle.

Voici une version dynamique de quelques illustrations de l’ouvrage. Quand les médiatrices d’un triangle ont une perpendiculaire commune (en vert), la courbe associée passant par les trois points est une équidistante, définie par la perpendiculaire commune et l’un des points du triangle..


Comme on l’a dit au chapitre précédent, la façon, commune aux deux découvreurs de la géométrie hyperbolique, pour montrer la consistance de cette nouvelle géométrie a été de montrer qu’elle est est équivalente à celle de la géométrie euclidienne. En effet - en raccourci - en 3D, la géométrie intrinsèque d’une horisphére privée de son point à l’infini est la géométrie euclidienne. Bolyai le trouve en montrant Thalès dans le plan hyperbolique sur des arcs d’horicycles de même point à l’infini.

Voir le théorème du milieu sur une horisphère

L’horisphère

Le modèle de Poincaré de la géométrie hyperbolique 3D est donc l’intérieur d’une grande sphère (non dessinée ici). Une horisphère (en marron) est représentée par une sphère plus petite, tangente intérieurement en un point à l’infini, un point de la sphère - le pôle nord N dans la suite. Les horicycles de chaque plan hyperbolique sont les grands cercles de l’horisphère passant par N.

Comme surface, l’horisphère a une géométrie induite de l’espace hyperbolique [6]. Les droites (AB) de cette géométrie de l’horisphère passent par les deux points A et B, et le point N. Il est facile de voir que cette définition vérifie l’axiome de parallélisme : par un point extérieur à une droite (AB), il existe une et une seule droite non sécante à (AB). La géométrie est donc affine.

Rappel : tant qu’il n’y a aucun outil sélectionné, la souris ou le doigt sur tablette, permet de faire tourner le repère centré en S.
Selon le navigateur et le système, la flèche noire à gauche peut être sélectionnée : il faut la désélectionner. Certains navigateurs n’affichent la figure complète qu’après un petit mouvement de celle-ci.

Complément fun  : la construction de Malfatti (3 cercles deux à deux tangents inscrits dans un triangle) sur l’horisphère)


Autre figure dynamique dans le disque de Poincaré :
Pavages P45 et P54 (de carrés à 72° ou de pentagones orthogonaux) (en animation automatique, ouvrir dans un autre onglet)

Automates cellulaires hyperboliques

Dans la seconde partie de ce chapitre, l’auteur revient, plus en détail, avec des définitions générales sur les automates cellulaires et leur utilisation pour les parcours (en général complexes) de pavages hyperboliques. Ce n’est pas explicitement proposé ici, mais on peut en déduire des constructions récursives des pavages hyperboliques réguliers. Cette partie donne à mieux comprendre la dernière partie du chapitre 1. Cela a déjà été détaillé dans le premier onglet.

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Au cœur du monde hyperbolique

Au coeur du monde hyperbolique

Aprés avoir survolé, au sens du voyage, un modèle hyperbolique précis, l’auteur « pose son module » sur le monde plan hyperbolique.

C’est le chapitre de construction axiomatique des géométries euclidienne et hyperbolique. Quand on a une axiomatique qui permet de rendre compte de ces deux géométries, on parle de géométrie absolue.

Là encore, l’auteur construit son discours, et l’organise même typographiquement, pour ne pas perdre son lecteur au fil du chapitre. Les idées générales sont exprimées dans le corps du texte, les démonstrations, dans une typographie plus petite, le lecteur étant invité à les passer dans un premier temps (comme dans un guide touristique, on cherche d’abord où sont les monuments, leur histoire est lue après les avoir contemplés).

Les résultats généraux - et le cas euclidien

Fondamentalement, il reprend la démarche, et les groupes d’axiomes de Hilbert dans ses célèbres « Fondements de la Géométrie » (1899) mais d’une part en l’adaptant pour présenter la géométrie absolue, et d’autre part, en rendant le discours plus accessible, utilisant des analogies, bref, en conservant quand même son projet de conteur d’un voyage, même s’il est au cœur de la problématique.

On le voit par exemple magistralement, quand il présente son axiome I.9 et la figure 72 associée. Les habitués de cette histoire reconnaitront l’axiome de Pasch, qui d’une certaine façon a déclenché toute cette aventure - des fondements - en étant le premier, de l’école de Hilbert, à ré-analyser Euclide en profondeur en 1882 après que la construction de R fut achevée (1872).

Cet axiome est essentiel pour définir les demi-plans qui eux-mêmes permettent de définir les angles [7]. Clairement si on veut retrouver très rapidement une construction simple, abordable, sans trop entrer dans les détails des constructions de Hilbert, la lecture de ce chapitre est particulièrement efficace.

La construction de l’ensemble est particulièrement structurée : ainsi une propriété utilisée pour la construction du cercle dans le modèle du disque de Poincaré est démontrée à ce chapitre, dans la rubrique sur le cercle euclidien, afin de ne pas ralentir le voyage précédent ...

Les axiomes spécifiquement hyperboliques

En fait, il n’y en a qu’un, l’extension à deux demi-droites (qui ne sont pas sur une même droite) de l’axiome des parallèles comme dans le cas euclidien. Sauf que cette définition est nécessairement plus compliquée. Elle doit faire référence, sans le dire directement, à l’angle de parallélisme de Lobatchevsky.

Les définitions sont nécessairement un peu complexes et surtout les preuves assez longues. C’est le prix à payer d’une approche résolument dans le champ des configurations. Mais c’est aussi un très bel effort, dans un langage qui reste volontairement abordable, au retour à l’approche originale de Lobatchesky et Bolyaï : définir d’abord des paralléles (demi-droites puis droites) pour pouvoir ensuite montrer l’existence d’une troisième situation, celle des non sécantes ayant une perpendiculaire commune.

Là encore, même s’il est plus ardu que les autres chapitres, parce qu’on aborde la situation, comme aux origines, ce chapitre est lui aussi un très beau voyage.

Les triangles hyperboliques

Après avoir abordé les constructions (absolues, hors modèle) des bissectrices et des médiatrices, et de nombreuses conséquences sur le parallélisme (car la relation n’est pas transitive), les triangles rectangles égaux, vient le moment des propriétés des droites remarquables du triangle.

Le cas de bissectrices, dans ce contexte, est facile à étudier, elles sont toujours concourantes. Le cas des médiatrices est bien plus intéressant puisque, comme illustré au chapitre précédent, elles peuvent être concourantes, avoir une perpendiculaire commune, ou être parallèles. Là encore, c’est démontré, avec des arguments de configuration.

Est ensuite abordé le cas des hauteurs : ce qui précède, sur les médiatrices, montre, avec le triangle double - comme dans le cas euclidien - des triangles dont les hauteurs peuvent être des trois types. Mais contrairement au cas euclidien, tout triangle n’est pas le triangle des milieux d’un autre triangle.

Dans la figure ci-dessus, les droites roses forment, à l’ouverture, et dans le cas général, non pas un triangle mais un trilatère. L’auteur a fait le choix - judicieux - de ne pas aborder cette notion. En fait l’approche par les configurations ne permet pas d’aborder de manière efficace, les propriétés générales des trilatères. Nous en reparlerons dans le prochain bloc à la fin de cet onglet.

Les cycles hyperboliques

Pour définir correctement les horicycles, intrinsèquement, l’auteur est amené à reprendre la notion de « bout » de Hilbert et Bolyaï, qui est représenté dans le disque de Poincaré, le point à l’infini des droites parallèles. Cette partie se lit néanmoins plus facilement que le début de ce chapitre.

Le chapitre se termine par un bilan avec retour sur l’analyse des erreurs historiques et une dernière propriété, celle qui fait le lien entre l’hyperbolique et l’euclidien : le théorème de Thalès sur les horicycles dont voici une illustration dynamique.


Manipulations
En déplaçant M et N on voit que les valeurs numériques ne bougent pas, cela signifie que les rapports sont bien des propriétés des horicycles.
En déplaçant A, B ou C, on modifie les horicycles associés.

Terminer ce chapitre par cette propriété essentielle pour la consistance de cette nouvelle géométrie, du point de vue de Lobatchevsky et Bolyaï est remarquable.

En accompagnement de ce chapitre deux propositions pour aller plus loin (que le livre : Ces exemples ne sont pas traités dans le livre car ils s’apparentent plus à de la grande randonnée qu’à des promenades) :

Une équidistante très fun sur la pseudosphère de Beltrami


Une équidistante dont l’axe est un méridien de la pseudosphère

1. Présentation plus détaillée du modèle

Sur la pseudosphère, deux points $A$ et $B$ (qu’on peut manipler par leurs altitudes $u_A$ et $u_B$ ou $A$ et $B$ eux mêmes. Le cercle de centre $O_{dl}$ passant par $I_{dl}$ est le "cercle limite" de Beltrami associé. Il s’appelle KB car c’est le disque de Klein Beltrami.
$I_{dl}$ est le seul point à l’infini de la pseudosphère. On a déjà dit que la pseudosphère n’est qu’une partie du plan hyperbolique. C’est l’intérieur de l’horicycle de centre $I_{dl}$ passant par $O_{Ex}$. Dans le travail de Beltrami l’horicycle passe par le centre du cercle limite. Mais - vu un dessin chez Efimov - on peut modifier sa projection pour agrandir cet horicycle. Sur le plan théorique cela ne change strictement rien mais en pratique cela permet d’agrandir un peu plus la partie des secondes feuilles de la pseudosphère dans le disque de Klein Beltrami : la feuille principale - le tour naturel de la pseudosphère, de -π à π, correspond à la partie de l’horicycle compris entre S1- (-π) et S1+ (+π). On voit les deux feuilles suivantes, avant (jusqu’à S2-) et après (S2+). Les segments gris sont des méridiens. Ce sont aussi des géodésiques, donc des droites de la pseudosphère. Les points $A’$, $B’$ et $C’$ sont les images de $A$, $B$, et $C$ dans la projection de Beltrami de la pseudosphère sur le disque limite.

Une autre utilisation remarquable - mais en fait jamais véritablement utilisée - de ce point $O_{Ex}$ est de montrer physiquement, ce qu’est réellement un isomorphisme. En effet la figure - le point $C$, les médiatrices de $ABC$, et l’équidistante verte - est construite à partir de la projection dans KB, par conjugaison : les points $A$ et $B$ sont envoyés sur KB, la figure est faite et renvoyée sur la surface.. Dans cette projection le point $O_{Ex}$ sert de paramètre à l’isomorphisme entre la pseudosphère et un horicycle de centre $I_{Ex}$. Or on peut observer que quand on déplace $O_{Ex}$, alors que tout est recalculé, rien ne bouge sur la pseudosphère : on a bien une figure intrinsèque, indépendante de tous les isomorphismes utilisés : c’est don aussi une belle image des isomorphismes : rien ne change !

2. Spécificités de la figure

Soient donc deux points $A$ et $B$ de la pseudosphère, on peut construire leur médiatrice, en bleu clair dans KB. Soit alors, toujours dans KB, le méridien (c’est-à-dire la droite passant par le point idéal $I_{dl}$) perpendiculaire à cette médiatrice. On va construire un point $C$ tel que le triangle $ABC$ admet ce méridien (rouge sur la figure, dans KB et sur la pseudosphère) comme perpendiculaire commune aux médiatrices. Il en résulte que l’équidistante à laquelle appartiennent les trois points $A$, $B$ et $C$ admet ce méridien comme axe, et comme le point limite $I_{Ex}$ appartient à toutes les feuilles, cette équidistante (la courbe verte) s’enroule infiniement sur la pseudosphère. C’est en ce sens que cette figure est assez spécifique, et assez fun : on a une courbe, une équidistante, qui s’enroule infiniment sur la surface. En effet, ni les droites ni les cercles ne peuvent s’enrouler infiniment de la sorte. Les droites reviennent toujours à l’équateur, sauf les méridiens mais ils ne s’enroulent pas. Seuls les horicycles de centre $I_{dl}$ peuvent le faire, mais justement ce sont, sur la pseudosphère, les ellipses support des points, parallèles à l’équateur, donc rien de visuellement particulier.

Terminons la figure. On peut ajouter un peu de dynamisme en prenant un point $P$ sur ce méridien. La perpendiculaire au méridien passant par P (la droite orange dans KB et sur la pseudosphère) est la médiatrice de $[AC]$, ou plus précisément $C$ est le symétrique de $A$ par rapport à cette droite. On trace alors la troisième médiatrice. Le tout est renvoyé sur la pseudosphère.
L’équidistante verte dans KB coupe l’horicycle frontière de la pseudosphère en un point, proche de A, c’est la limite de l’équidistante sur l’équateur. Elle a pour autre point limite le point idéal, le point à l’infini de la pseudosphère d’où cet enroulement infini sur la surface de Beltrami.

3. La figure en copie d’écran

4. Classeur CaRMetal sur Beltrami

Cette figure est une des 26 figures du classeur CaRMetal disponible en ligne ici (en Java donc il faut accepter d’utiliser Java). On peut aussi télécharger ce fichier et l’utiliser sur son ordinateur directement sous CaRMetal.

Voici les figures proposées


Et quelque chose de moins fun, plus théorique

Aller plus loin avec les trilatères et l’axiomatique de Bachmann


Les propriétés sur les trilatères - l’axiomatique de Bachmann

On peut aller plus loin, avec un point de vue assez différent, qui aborde les propriétés des droites remarquables sur la base de pinceaux de droites.

Avec ce vocabulaire, il y a, en géométrie hyperbolique, trois types de pinceaux de droites :

  1. les pinceaux à centre (les droites concourantes),
  2. les pinceaux à axe (les droites ayant une perpendiculaire commune),
  3. et les pinceaux « sans support » (vocabulaire de Bachmann) qui correspondent, en hyperbolique, aux pinceaux de droites parallèles.

La notion de pinceau a été axiomatisée par plusieurs auteurs, et finalement, par Bachmann (1959) dans une axiomatique qui arrive à intégrer non seulement la géométrie absolue (euclidienne et hyperbolique) mais aussi elliptique (ce qui est nettement moins immédiat).

Le logiciel libre CaRMetal (tout système) contient en interne un modèle du disque de Poincaré et en particulier dispose de six items sur les pinceaux. Un article sur le site de l’IREM de La Réunion en parle, ainsi que des premiers résultats de l’axiomatique de Bachmann.

Voici par exemple (en copie d’écran) la construction euclidienne de Malffati : trois cercles intérieurs à un triangle, tangents au triangle et deux à deux entre eux.

et sa version hyperbolique où l’on voit un trilatère - les droites a, b et c avec ses poignées de manipulation, et trois cycles tangents au trilatère et deux à deux : un cercle, un horicycle et une équidistante.


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Impressions de voyage

Impressions de voyage

Le dernier chapitre est l’occasion d’un bilan général : de ce qui a été fait dans ce livre, mais aussi en mathématique à propos de la géométrie. C’est aussi un chapitre plus personnel dans lequel l’auteur prend position sur l’organisation de la recherche et la position des chercheurs dans la société.

Ainsi l’auteur commence par faire une expérience de pensée sur la base de la fameuse phrase de Coxeter « Euclide a peut-être été le premier géomètre non euclidien », largement argumentée, chez Coxeter comme dans ce dernier chapitre.

Cela m’a fait penser qu’avant de mourir, dans le Agora (film) [8], Hypatie a l’intuition que le soleil est le foyer de l’ellipse trajectoire de la terre autour du soleil. On sait que cela n’a aucune réalité historique ... les artistes peuvent se permettre une vue artistique même de l’histoire. Là ce n’est pas la même chose, car justement on ne sait pas et on ne peut pas savoir, mais c’est un peu la même démarche ...

L’auteur poursuit en argumentant, solidement, que la découverte de la géométrie hyperbolique, c’est aussi l’échec de Kant dans sa description de l’espace (comme intuition).

Le fait qu’il y a plusieurs géométries, euclidienne et non euclidiennes, et qu’aucune d’entre elles ne soit plus cohérente que les autres, est intéressnt non seulement en soi, mais parce que d’une part il est arrivé des phénomènes similaires par la suite, et d’autre part la réflexion initiée par Hilbert sur ce sujet est à l’origine de l’informatique théorique, via la théorie des modèles. En effet la théorie des modèles est basée sur des démonstrations sans sémantique, comme l’avait proposé Hilbert, avec ces axiomes :

  • Par deux chopes de bière il passe une chaise ; de plus celle-ci est unique
  • On dit que trois chopes de bière sont alignées si elles sont sur une même chaise ;
  • Deux chaises ont au plus une chope de bière en commun ; si c’est le cas on dit qu’elles sont sécantes.
  • Axiome d’Euclide : Par une chope de bière C non située sur une chaise d, il passe une unique chaise non sécante à d.

Avec l’axiomatisation de l’arithmétique par Dedekind et Peano, l’accent au début du XXe siècle était mis sur le fonctionnement des règles de déduction et non sur l’interprétation des théorèmes obtenus. L’une des premières questions posées sur les aspects sémantiques de ces axiomatisations (géométrie, arithmétique, analyse, théorie des ensembles, etc) a été le second des problèmes de Hilbert en 1900 :

Peut-on démontrer la cohérence de l’arithmétique ?

C’est pour tenter de résoudre ce problème que Wilhelm Ackermann a établi des résultats dans l’arithmétique de Presburger, avant que la réponse négative fût donnée par Kurt Gödel. Le même Ackermann, avec Hilbert, a posé la question dite problème de la décision :

Existe-t-il un algorithme permettant de savoir, en regardant une affirmation de la logique des prédicats du premier ordre, si elle est vraie ou pas ?

C’est pour tenter de résoudre ce nouveau problème de Hilbert que des gens comme Emil Post, Jacques Herbrand, Kurt Gödel, Alonzo Church, Stephen Cole Kleene et Alan Turing ont inventé l’informatique théorique.

Un cas très similaire à celui des géométries est apparu au début du XXe siècle avec la logique intuitionniste qui est plus « faible » que la logique classique, parce que par exemple le principe du tiers exclu n’y figure pas. En fait, on peut faire de la logique classique en logique intuitionniste si on admet quelques axiomes supplémentaires comme le tiers exclu. Mais réciproquement, des modèles de la logique intuitionniste ont été établis par Valery Glidenko, Kurt Gödel, Alfred Tarski et d’autres, permettant ainsi de montrer la réciproque : La logique intuitionniste est cohérente si et seulement si la logique classique est cohérente.

On peut donc supposer que la prochaine (ou les prochaines) promenade se dirigera vers histoire de l’informatique, « science de l’algorithmique formelle ». C’est d’ailleurs ce que laisse entendre l’auteur dans ce dernier chapitre.

Nous serons là aussi au rendez-vous...

Conclusion

On l’aura compris, la lecture cet ouvrage, bien différent de ce qui existe déjà sur le sujet, y compris en français, souvent ouvrage d’enseignement, est un bon choix pour qui a envie de découvrir les tenants et aboutissants de la géométrie hyperbolique, sans trop d’investissements conceptuels abstraits, dans une démarche, historique, celle de la découverte par les configurations. Mais aussi pour qui s’intéresse à l’épistémologie, la géométrie hyperbolique pouvant être vue comme une étude de cas dans ce domaine.

Autres liens

Deux jeux hyperboliques de David Madore : Hyperbolic Maze et Hyperbolic Maze 2

issus de ce site (voir à la date du 30 avril)

Pour les personnes utilisant iOS (iPad) ou MacOS, on peut télécharger gratuitement cet iBook de figures dynamiques sur les GNE dont sont extraites certaines figures dynamiques de cet article.