Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Naissance et développement d’un projet collaboratif : un manuel TICE libre pour l’école primaire
Article mis en ligne le 27 septembre 2008
dernière modification le 18 juin 2008

par Pierre-Yves Icard

Depuis plusieurs mois, l’association Sésamath caresse le projet de proposer des outils pour l’enseignement des mathématiques en Primaire. La demande d’extension du logiciel Mathenpoche en cycle 3 se fait pressante lors des rencontres sur la liaison CM2-6ème, et de plus en plus de professeurs des écoles manifestent le désir d’intégrer les TICE dans leur pédagogie.

Pour répondre à cette demande, l’association mène différents projets, comme l’élaboration d’un livret TICE en primaire ou la mise en place du concours Calculatice de calcul mental pour les élèves de CM2 et de Sixième. Mais les récentes annonces du Ministère de l’Education nous incitent à faire évoluer notre offre de ressources pour le premier degré, sous forme d’un projet éditorial complet pour le cycle 3, dans la continuité des manuels Sésamath produits pour le Collège et basé sur les mêmes principes : ces ouvrages intègrent les TICE, sont libres de droits, gratuits au téléchargement et de conception collaborative.

C’est le récit de la mise en place de ce projet que je vous propose à travers cet article. Plutôt qu’une analyse froide et objective des besoins dans le Primaire, je livre ici mes impressions issues des nombreux échanges avec les collègues du premier degré, les enthousiasmes, les doutes et les hésitations au sein de l’association avant le lancement du projet, ainsi que mes réflexions personnelles au fil de l’expérience.

L’état des lieux des TICE en Primaire : un format de projet éditorial s’impose.

Enseignant de mathématiques en classe de Sixième, j’ai souvent l’occasion de participer à des réunions portant sur la difficile liaison entre les classes de CM2 et de Sixième. Dans le but d’harmoniser nos pratiques, j’échange alors à propos de l’intégration des TICE dans notre enseignement. Il apparaît que dans la majorité des cas, les écoles sont équipées d’une petite salle informatique, mais que son utilisation est épisodique et soumise à la disponibilité d’une tierce personne permettant de dédoubler la classe. Je n’ai jamais rencontré de professeur des écoles utilisant régulièrement la vidéo-projection en classe. Pourtant beaucoup de collègues de primaire se sont montrés très intéressés par l’utilisation de Mathenpoche, qui pourrait être un bon outil pour la gestion des classes à double niveau, et par l’utilisation en classe de compléments numériques pour illustrer leurs activités.

Il m’a semblé que l’intégration des TICE dans l’enseignement en primaire, souhaitée par le Ministère, nécessitait deux choses :

Premièrement, la scénarisation d’exercices interactifs propre au cycle 3 sur le modèle du logiciel Mathenpoche. L’utilisation de son extension en Primaire doit être gratuit pour ne pas engendrer de surcoût pour les collectivités. Les élèves doivent pouvoir l’utiliser en autonomie pour que leur encadrement en salle informatique puisse être effectué par un personnel polyvalent qui n’est pas forcément un enseignant. Ce projet a déjà été lancé et se poursuivra tout au long de l’année à venir.

Deuxièmement, la réalisation d’une suite éditoriale intégrant des compléments TICE utilisables en classe. Ce projet doit contenir l’ensemble des enseignements de la matière pour le niveau, de manière à pouvoir se substituer au manuel ou au fichier classique. Il faut que les TICE soient des supports proposés pour chaque leçon, mais non indispensables à son bon déroulement, afin de laisser à l’enseignant sa liberté de présentation. Il faut que le projet éditorial puisse être utilisé soit comme unique support d’enseignement, soit ponctuellement sur une seule séance si l’enseignant le désire. Mais surtout il faut que ce projet permette l’intégration de la vidéo-projection en classe sans engendrer de surcoût important pour les écoles. C’est ainsi que le projet de « classeur de fiches photocopiables libres de droits » c’est imposé : le financement par les mairies d’un ordinateur et d’un vidéo-projecteur par classe sera rapidement compensé par l’économie réalisée sur l’achat des manuels scolaires et des fichiers élèves.

A ce stade, je suis convaincu que le choix du support est le bon, mais il me reste à décider qui va rédiger le fichier, ainsi que le contenu exact de chaque fiche.

La conception du modèle : un travail solitaire préalable

Membre de Sésamath, je présente au Conseil d’Administration (CA) de l’association mon projet éditorial. Le CA soutient mon projet et met à ma disposition un liste d’échange, une interface d’élaboration collaborative de ressources et un site pour la mise en ligne des documents... Je me propose comme responsable de ce projet et m’entretiens avec les membres du CA sur la manière de le lancer. Rompu à ce type de problématique, la réponse du CA est claire : il faut une motivation à tout rompre pour faire vivre le projet, le mettre en place tout seul, créer un premier groupe pour finaliser le modèle éditorial, puis élargir l’appel à contribution pour sa rédaction et sa mise en place.

La première étape devant être réalisée en solitaire, je m’attelle donc à trois tâches : la confection d’une progression, la mise en place d’un modèle de fiche (avec un exemple), la description précise du projet éditorial.

La construction de la progression doit répondre à de nombreuses contraintes.
D’abord être en accord avec les programmes du Primaire qui sont en pleine refonte et fortement controversés... Je choisis de travailler simultanément sur les accompagnements des programmes précédents et sur les programmes à venir...

Ensuite, l’élaboration collaborative impose des contraintes de rédaction. Par exemple, une progression spiralaire dans laquelle une fiche porterait sur plusieurs parties du programme n’est pas facilement réalisable.

Certains enseignants n’utiliseront qu’une seule fiche au cours de l’année, d’autres utiliseront le fichier pour un seul chapitre (groupe de 5 fiches), d’autres enfin se serviront de l’intégralité du fichier comme unique manuel tout au long de l’année. Il faut que, dans tous les cas d’utilisation, le modèle soit pertinent.

Finalement, après un lourd travail de copier-coller des différents programmes, je parviens à une première proposition de progression cohérente traduite par 50 fiches de leçons, regroupées en 10 chapitres. Le tout accompagné de 10 fiches bilans.

Voici cette progression.

Pour décider du contenu d’une fiche, j’essaye de répondre au mieux aux besoins exprimés par les enseignants que je connais, en y insérant les accompagnements numériques qui seront une des spécificités de la ressource.

Chaque fiche devra contenir une activité, des exercices types d’application directe, une trace écrite des savoirs ou savoirs-faire, des exercices variés d’entraînement et de ré-investissement, un partie destinée à l’enseignant pour le guider dans la réalisation de sa séance, une évaluation utilisable librement par l’enseignant dans le contexte qu’il juge pertinent. Pour le choix des compléments numériques accompagnant la fiche, je décide de rendre la fiche entièrement vidéo-projetable, de proposer des corrections animées des exercices types, d’utiliser les logiciels de géométrie et le tableur déjà mis en oeuvre pour les compléments des manuels Sésamath Collège, en cours d’adaptation pour le primaire, dans le cadre d’une réponse à un appel d’offre (projet schene).

Activité Exercices

Approfondissement

Ré-investissement

Fiche du professeur ɉvaluation
Entraînement Complément
Leçon Activité orale
ɉlève p.1 ɉlève p.2 Professeur ɉvaluation et complément
Recto Verso

La description précise du projet éditorial et l’élaboration d’une fiche-exemple ne pose pas de problème majeur, mais m’imposent encore de nombreuses heures de travail. Son importance m’apparaît clairement : aider à clarifier le projet et permettre de le faire comprendre plus facilement aux différents participants.

Voici un exemple de fichehttp://pyi.free.fr/Truc/Angles.pdfainsi que le descriptif du projet.

Il est temps maintenant d’aborder la troisième étape et de poser des questions essentielles pour la suite : qui participera à la réalisation de ce projet, comment les contacter et parvenir à les convaincre et à les impliquer ?

Un projet collaboratif, conçu et réalisé par les enseignants et pour les enseignants

Les grandes lignes du projet étant dessinées (il s’agissait d’amorcer la pompe), il est temps que des avis extérieurs interviennent pour discuter le modèle et la progression proposés, afin de finaliser ces points et d’en lancer la rédaction.

La première phase d’appel à contributions se fait naturellement vers des personnes intéressées par le projet et proches de Sésamath (ils peuvent être conseillers pédagogiques, inspecteurs de l’Education Nationale ou professeurs des écoles). Un petit groupe de volontaires est alors inscrit sur la liste de diffusion du projet. Après une quinzaine de jours de discussions à distance, deux exemples de fiches sont élaborés, puis confiés aux spécialistes d’Open Office au sein de l’association, afin qu’ils réalisent une mise en page agréable, claire et efficace. En même temps, la progression est entrée dans l’interface de Sésamath, pour une rédaction collaborative.

Arrivé à ce stade, il est nécessaire de recruter un maximum de personnes de l’enseignement primaire, avec des responsabilités multiples et essentielles : choisir entre les différents modèles de fiches, donner un avis sur les activités, rédiger les fiches, les relire, les tester dans leur classe, débattre de leur intérêt pédagogique... C’est un moment crucial et indispensable dans la réalisation du projet, c’est la multiplicité et la qualité des intervenants qui décideront de la réussite et de la valeur du projet. C’est à cette étape que nous sommes parvenus.

Une question est souvent posée par des personnes qui n’ont pas d’expérience collaborative : pourquoi s’engage-t-on dans un tel projet ? Qu’est-ce qui pousse des enseignants à s’imposer des efforts aussi considérables ? En m’interrogeant sur ma propre implication, je proposerai plusieurs pistes d’explications ...

Beaucoup d’enseignants ont déjà réalisé individuellement des activités réussies dans leur classe et voudraient faire partager leur expérience. Ce projet leur en offre l’occasion...

Quel enseignant n’a jamais rêvé de pouvoir personnaliser le manuel qu’il utilise ? Participer à la conception et à la réalisation d’un manuel permet de donner corps à ce rêve, inaccessible au professeur isolé.

Le succès et l’influence des manuels Sesamath en Collège est un puissant moteur pour s’engager dans ce projet : une poignée d’enseignants décidés peuvent aider de cette façon de nombreux professeurs d’Ecole à intégrer les TICE à leur enseignement.

Une participation collaborative implique beaucoup de discussions pédagogiques passionnantes. Cette activité entraîne un enrichissement personnel considérable et une motivation renouvelée pour enseigner.

Ce projet est innovant sur bien des points qui marqueront probablement l’histoire de l’édition : premier manuel réalisé en collaboration par des intervenants du Collège et du Primaire, premier manuel orienté TICE, premier manuel téléchargeable intégralement et gratuitement en ligne...

Enfin, participer à un tel projet signifie que l’on aide à construire une base de ressources pédagogiques libres. Ainsi, les documents auxquels on a collaboré sont disponibles et utilisables gratuitement par tous (sans limitation de durée), permettant à des milliers d’enfants et d’adultes du monde francophone d’apprendre (ou de réapprendre) les mathématiques.

Dans cet article, je n’ai jamais évoqué la rémunération des auteurs. Tout simplement parce que la contribution de chacun est bénévole, et que la construction de ressources libres entraîne naturellement la disparition des droits d’auteurs. Ce principe permet la gratuité des ressources en téléchargement, une baisse importante du prix de l’édition sur papier, l’appropriation des ressources par tous : il permet de construire un nouveau modèle éditorial et économique pour l’enseignement scolaire, intégrant pleinement les valeurs de service public.

Si vous souhaitez participer à ce projet (qui est une véritable aventure humaine), ou si vous désirez des renseignements complémentaires, il suffit de me contacter (pierre-yves.icard@sesamath.net)

Liens utiles :
 site Ecole de Sésamath (en construction)
 forum sesamath Ecole

Quelques propositions d’illustrations de l’article :