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Étude expérimentale de l’évolution de la luminosité en fonction de la distance
Article mis en ligne le 18 mai 2025
dernière modification le 20 mai 2025

par Alexandre Técher

 Introduction

L’évolution de la lumière en fonction de la distance à une source est un phénomène physique fondamental, modélisé notamment par la loi de l’inverse du carré. L’usage d’outils numériques comme une calculatrice, un microcontrôleur et le langage Python permettent aujourd’hui d’aborder cette relation de façon expérimentale en classe, via un protocole reproductible et pédagogique. Cette activité montre l’intérêt du couplage entre outils numériques, programmation, phénomènes physiques et modélisation mathématique.

Ce travail propose de mesurer la variation de la luminosité perçue par un capteur, à différentes distances d’une source lumineuse, et de comparer les résultats à une modélisation théorique. L’expérience est enrichie par l’introduction de différentes configurations (tubes cylindriques ou carrés) pour simuler un guidage optique. Cette activité s’est déroulée sur deux séances d’une heure et demi chacune avec des élèves de Terminale Bac Pro MELEC (métiers de l’électricité et des environnements connectés) qui dans leur référentiel de spécialité [1] traitent des capteurs et leur intégration dans des systèmes communicants.

 Problématique

Comment évolue la luminosité perçue par un capteur lorsqu’on s’éloigne d’une source lumineuse ponctuelle, en milieu libre ou contraint ? Peut-on modéliser cette relation mathématiquement, et observer une cohérence avec la théorie ?

 Matériel utilisé

  • 1 calculatrice TI-83 Premium CE Python par binôme,
  • 1 TI-Innovator Hub avec capteur de luminosité intégré,
  • 1 lampe torche stable (source lumineuse constante),
  • 1 mètre ruban,
  • 1 tube circulaire de 1 m de long (diamètre 10 cm),
  • 1 tube carré de section 10 cm x 10 cm de 1m longueur.

 Intérêt pédagogique de l’utilisation d’un microcontrôleur et du langage Python pour l’étude des fonctions rationnelles et des ajustements non linéaires

L’intégration d’un microcontrôleur, tel que le TI-Innovator Hub [2], couplé à une calculatrice programmable en Python (comme la TI-83 Premium CE), constitue un levier pédagogique puissant pour rendre accessibles et concrets des concepts mathématiques abstraits. Elle répond pleinement aux attentes du programme de mathématiques en terminale Bac Professionnel, en particulier dans le domaine Statistique et probabilités, où « la notion d’ajustement est étendue à d’autres modèles que l’ajustement affine » (BO spécial n°2 du 13 février 2020). Elle met également en œuvre l’algorithmique/programmation qui est un thème transversal du référentiel de Mathématiques.

L’exploitation de données expérimentales issues de mesures physiques (ici la luminosité en fonction de la distance) permet aux élèves de travailler sur des séries statistiques à deux variables à partir de situations contextualisées, proches de leur environnement professionnel. Le recours à un capteur de luminosité branché sur le microcontrôleur offre une source de données réaliste, immédiate, et manipulable, favorisant ainsi l’engagement actif des élèves.

Le traitement de ces données dans un environnement Python simple et lisible permet la mise en œuvre directe de modèles d’ajustement non linéaires, tels que ceux de la forme $f(x) = \dfrac{A}{x^2}$, en lien avec des fonctions rationnelles étudiées en terminale. Ainsi, cette séquence peut être placée au second trimestre après l’introduction des statistiques à deux variables et des ajustements linéaires avec des élèves où les notions de boucles conditionnelles et de traitement des listes en Python ont déjà été abordées dans les classes précédentes. L’élève est alors conduit à visualiser concrètement la pertinence du modèle à travers un nuage de points et la courbe de tendance associée, tout en apprenant à manipuler les outils numériques pour réaliser des interpolations ou extrapolations pertinentes.

Cette démarche favorise la transversalité entre mathématiques et sciences physiques, conformément aux recommandations du programme en bivalence, et constitue une véritable opportunité pour développer l’autonomie méthodologique des élèves, leur capacité d’analyse critique et leur maîtrise raisonnée des outils numériques dans un contexte professionnel ou sociétal (développement durable, énergie, capteurs, etc.).

Enfin, cette approche permet également d’aller plus loin en introduisant des techniques de linéarisation (changement de variable, transformation logarithmique, etc.) suggérées par le programme, et d’en observer l’intérêt à travers le calcul du coefficient de détermination, tout en restant dans un cadre d’apprentissage accessible, manipulable et motivant pour les élèves de Bac Pro.

 Déroulement expérimental

  1. Milieu libre

Les élèves placent la source lumineuse et le capteur face à face, dans une pièce obscure. La distance est augmentée progressivement de 5 à 50 cm. À chaque position, une mesure est saisie via un programme Python sur la calculatrice.

Figure 1 - Dispositif en milieu libre.
Figure 2 - Les bibliothèques nécessaires.

Ainsi, chaque binôme est amené à compléter le tableau suivant avec leurs mesures de luminosité :

Table 1 - Relevé des luminosités

  2. Mesures dans des tubes

Le protocole est ensuite répété :

  • dans un tube circulaire,
  • dans un tube carré.

Ces configurations permettent de comparer l’effet de la géométrie sur la transmission de lumière.

Milieu libre
Tube cylindrique
Tube carré

 Traitement et modélisation

Le tracé des nuages de points obtenus peut alors s’envisager de deux façons :

  1. Soit on reste dans l’environnement Python de la calculatrice
  2. Soit on exporte les données récoltées à l’extérieur de l’environnement Python

C’est la seconde méthode qui a été ici retenue car elle permet d’apprendre aux élèves l’exportation de données d’un environnement à un autre et elle leur fait utiliser les outils natifs du menu Statistiques de la calculatrice. La bibliothèque ti-system donne en effet la possibilité de transférer des listes générées sous Python (l’instruction store_list(« 1 »,d) stocke la liste d créée sous Python dans la liste $L_1$ de la calculatrice) :

Figure 3 - Fonction Python : relevé de mesures.
Figure 4 - Listes exportées : *STATS*.

  1. Graphique des mesures en milieu libre

Figure 5 - Nuage de points avec modélisation : A = 2500.

  2. Comparaison avec deux autres types de configuration

  2.1 Dans un cylindre
Figure 6 - Nuage de points avec modélisation : A=10158.
  2.2 Dans un tube de section carrée
Figure 7 - Nuage de points avec modélisation : A=10634.

 Utilisation des outils intégrés à la calculatrice graphique

Une fois les listes exportées, les élèves paramètrent la fenêtre d’affichage graphique de leur calculatrice puis testent différentes valeurs de A et ils observent visuellement laquelle des courbes colle le mieux au nuage de points. L’avantage de cette méthode est qu’elle est intuitive pour les élèves mais ils constatent par eux-mêmes que la méthode est limitée par son imprécision. De plus cette méthode n’est pas automatisée et requiert de trouver par « tatônnement » le coefficient A qui semble convenir le mieux. Ainsi en classe, après plusieurs essais, un consensus a été trouvé entre les binômes autour de la valeur A = 2500 pour les mesures en milieu libre.

L’ouverture vers la méthode des moindres carrés arrive alors naturellement et les méthodes numériques utilisées sous Python avec scipy peuvent être montrées aux élèves ; ce qui constituent une bonne préparation notamment pour ceux se destinant à des études de Technicien Supérieur (voir Annexe 1 ).

 Analyse succincte

Le protocole a permis de valider la loi théorique $ L \propto \frac{1}{d^2} $ dans un environnement scolaire. Les écarts observés dans les tubes peuvent s’expliquer par l’absorption ou la réflexion sur les parois. L’utilisation d’un script déjà préparé par l’enseignant pour effectuer des mesures sur la grandeur physique étudiée permet d’obtenir rapidement des valeurs exploitables avec la calculatrice. Pour les groupes plus rapides, le curseur peut être déplacé vers un travail plus orienté algorithmique/programmation. Par exemple, lors de cette séquence, il a été proposé à certains binômes de rédiger un script permettant de réaliser un nombre non connu à l’avance de mesures de la luminosité en s’inspirant du script pour un nombre connu initialement de mesure. La figure suivante reprend un des scripts proposé par un binôme qui met en œuvre une boucle utilisant un booléen :

Figure 9 - Mesure de luminosité.
Figure 10 - Mesures « illimitées ».

 Conclusion et prolongements

CCette activité met en oeuvre les différentes interactions entre un phénomène physique, sa modélisation mathématique et les outils numériques mis à disposition en classe. Les élèves peuvent alors faire des interpolations sur une valeur de l’intervalle considéré ou des extrapolations en prenant soin de vérifier les conditions de validité du modèle retenu. L’utilisation d’un script Python pré-écrit permet aux élèves de se familiariser avec la programmation sans être bloqués par la syntaxe dès le départ. Ils gagnent en autonomie dans la collecte de données en voyant comment le code s’applique à la situation expérimentale. Cependant, certains élèves éprouvent des difficultés à comprendre comment les valeurs obtenues par le microcontrôleur se traduisent en luminosité effective et comment les utiliser pour valider la loi. Le travail de l’enseignant consiste alors à s’assurer auprès des groupes de la bonne maîtrise des fonctions inverses au carré (calcul d’image). Elle ouvre également vers d’autres exploitations : pertes en fibre optique, spectroscopie, etc. Par ailleurs, suivant la coloration de la filière, on pourra exposer l’origine de la loi physique modélisée ici (voir Annexe 2 ).

  • Dispositif en milieu libre :

  • Dispositif pour le tube carré :

  Annexe 1 : Méthode générale des moindres carrés

On cherche à minimiser l’erreur entre le modèle et les données à l’aide de la somme des carrés des écarts (d’où l’expression « moindres carrés » ) :

$\text{Erreur}(A) = \displaystyle\sum_{i=1}^{n} \left(y_i - \frac{A}{x_i^2}\right)^2$

L’idée est de trouver la valeur de A qui minimise cette fonction.

La bibliothèque Numpy contient des outils permettant de réaliser cette recherche de minimum qui repose sur une méthode mathématique [3] employée pour ajuster un paramètre comme A dans un modèle du type $f(x)=\frac{A}{x^2}$ qui est une minimisation des moindres carrés non linéaire :

Figure 11 - Recherche du paramètre A optimal

L’exécution de ce script fourni une valeur optimale de A=2544.17 qui est relativement proche de la valeur trouvée par approximations graphiques successives (environ 1.8 % plus grande).

Remarques  :

  • La fonction curve_fit(modele, x, y) retourne un tuple de deux éléments où le premier est un tableau contenant les paramètres optimaux (ici juste A) et le second est la matrice de covariance des paramètres estimés(non utilisée ici). Ainsi en précisant [0] à la fin, on extrait uniquement la première valeur du tuple, qui contient le paramètre optimal recherché.
  • On peut ici se ramener à une méthode linéaire par transformation de variables. En effet, même si le modèle étudié est de la forme $f(x) = \dfrac{A}{x^2}$, qui n’est pas linéaire par rapport à la variable $x$, il est linéaire par rapport à la variable $z = \dfrac{1}{x^2}$ :
$y = A \cdot z \quad \text{avec} \quad z = \frac{1}{x^2}$

On utilise alors une méthode d’ajustement affine sans ordonnée à l’origine, basée sur les moindres carrés. La formule de calcul du coefficient $A$ devient :

$A = \frac{\sum z_i y_i}{\sum z_i^2}$

Étapes du calcul :

  • Calculer les $z_i = \dfrac{1}{x_i^2}$ à partir des $x_i$ mesurés.
  • Calculer les produits $z_i y_i$ et les carrés $z_i^2$.
  • Appliquer la formule ci-dessus pour obtenir la valeur optimale de $A$.

Cette méthode a l’avantage d’être simple à mettre en œuvre manuellement ou avec un tableur, tout en fournissant un résultat proche de l’ajustement non linéaire complet.

  Annexe 2 : Origine théorique de la loi $L = \dfrac{A}{d^2}$

On considère un rayonnement lumineux sphérique, c’est à dire une source ponctuelle émettant de la lumière de manière isotrope. Le flux lumineux $\Phi$ se répartit alors sur une sphère de surface $S = 4\pi r^2$.








Le flux est réparti sur la sphère $4\pi r^2 $, donc l’éclairement est :

$E(r) = \frac{\Phi}{4\pi r^2}, \quad \text{donc} \quad L(r) = \frac{A}{r^2}$








Sphère de rayon $d$