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Géométrie algébrique plane avec GeoGebra

GeoGebra 4 est un excellent outil pour faire de la géométrie algébrique

Article mis en ligne le 12 février 2014
dernière modification le 24 décembre 2023

par Alain Busser

Au fait c’est quoi la géométrie algébrique ? Et bien, c’est un peu comme la géométrie ... sauf qu’elle est algébrique ! Plus sérieusement, il s’agit d’une branche de la géométrie (plane ici) qui étudie un objet particulier appelé courbe algébrique. Enfin pas si particulier que ça, puisque les droites, cercles et coniques sont des courbes algébriques [1]. On en parlera donc ici, mais ma préférence allant aux cubiques (ou courbes algébriques de degré 3), celles-ci seront les vedettes de cet article. Ainsi que GeoGebra qui rend leur exploration ridiculement facile.

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Définition

Une courbe est dite algébrique si elle admet une équation cartésienne polynomiale.

Le polynôme qui définit une courbe algébrique est un polynôme de deux variables $x$ et $y$ ; son degré est celui de la courbe. Les courbes de degré 1 sont les droites et les courbes de degré 2 sont les coniques. Ensuite on parle de cubiques, de quartiques, de quintiques, de sextiques etc.

Remarque : Certaines figures ci-dessous sont manipulables en ligne. Elles utilisent JSX-Graph. Les versions DGPad sont téléchargeables en bas de l’article.

Repères historiques

La naissance de la géométrie algébrique remonte à 1638, avec le folium de Descartes, défini non pas géométriquement, mais par son équation cartésienne $x^3+y^3=3xy$. On ne connaît pas de caractérisation géométrique du folium, celui-ci n’est connu que comme courbe algébrique. Ensuite, puisque les droites et coniques sont des objets d’étude pour la géométrie algébrique, toutes les études menées sur ces objets par la suite peuvent être considérées comme des études de géométrie algébrique. Un résultat particulièrement important, et représentatif de la géométrie algébrique plane, est le théorème de Bézout (1764).

Mais si la géométrie algébrique permet aussi de démontrer des résultats connus de la géométrie [2], des outils spécifiques de la géométrie algébrique sont apparus au début du vingtième siècle, suite aux questions de Hilbert sur les équations diophantiennes [3]. Le théorème fondamental en géométrie algébrique est le théorème des zéros de Hilbert, apparu à cette époque, ainsi que le lemme de normalisation de Noether.

Les Nicolas Bourbaki ont vu dans la géométrie algébrique une possibilité de faire de la géométrie sans dessin, et ont élargi celle-ci à des corps autres que R et C, notamment les corps de Galois et les nombres p-adiques. Parmi eux, le célèbre Alexandre Grothendieck mais aussi mon professeur Pierre Samuel, à qui je dois mon goût pour les cubiques.

L’étude d’un cas particulier de courbes cubiques, les courbes elliptiques, a mené Andrew Wiles [4] à montrer la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil, qui a donné lieu au théorème de Wiles, un autre grand classique de géométrie algébrique]...

Pour représenter le folium de Descartes, il suffit dans GeoGebra 4.0 d’entrer CourbeImplicite[x^3+y^3-3*x*y], et dans GeoGebra 4.4, d’entrer simplement x^3+y^3=3*x*y. Dans les deux cas on a cet affichage :

Pour attacher un point au folium, on le crée en cliquant à proximité de celui-ci ; on peut aussi créer des points d’intersection entre le folium et d’autres courbes algébriques, par exemple des droites. Et ainsi, vérifier en les comptant, le théorème de Bézout...

Cercles

Voici comment la géométrie algébrique permet de démontrer l’existence et l’unicité du cercle circonscrit à un triangle quelconque ABC : En appelant $x_A$ et $y_A$ les coordonnées de A (avec des notations similaires pour B et C), on se rappelle qu’un cercle est une courbe algébrique de la forme $x^2+y^2-2ax-2by+c=0$ [5]. Alors le fait que le cercle passe par A, se traduit par l’équation $x_A^2+y_A^2-2ax_A-2by_A+c=0$ ou $-2ax_A-2by_A+c=-x_A^2-y_A^2$ (pour rappeler que les inconnues sont a, b et c). De même, le fait que le cercle passe par B s’exprime par l’équation $-2ax_B-2by_B+c=-x_B^2-y_B^2$, et le fait que le cercle passe par C s’exprime par $-2ax_C-2by_C+c=-x_C^2-y_C^2$. Alors pour démontrer l’existence et l’unicité du cercle circonscrit, il suffit de démontrer que le système formé par ces trois équations a une solution (a,b,c) unique. Ce qui est le cas car dans le cas général, son déterminant est différent de 0.

Définition

On dit que des points sont en position générale si le déterminant du système ci-dessus est non nul.

Dans le cas d’un cercle, la position générale est celle où les points ne sont pas alignés. Et donc, lorsque 3 points ne sont pas alignés, il existe un unique cercle passant par eux. Cette démonstration est à comparer avec celle vue en collège (concourance des médiatrices du triangle) mais elle fournit, par résolution du système, l’équation cartésienne du cercle, qui est utile en géométrie dynamique pour tracer celui-ci.

Voici un exemple que l’on peut traiter en Première :

Soit A(-1 ;3), B(5 ;1) et C(1 ;5). Donner l’équation cartésienne du cercle circonscrit à ABC.

Ainsi, on pose cette équation égale à $2xa+2yb-c=x^2+y^2$. Alors on exprime le passage du cercle par A, B et C en écrivant ces équations :

  • $-2a+6b-c=(-1)^2+3^2=10$
  • $10a+2b-c=5^2+1^2=26$
  • $2a+10b-c=1^2+5^2=26$

C’est un système de trois équations à trois inconnues, mais en soustrayant la première et la troisième équations à la seconde, on obtient des équations avec seulement a et b :

  • $12a-4b=16$
  • $8a-8b=0$

Ce qui donne rapidement a=b=2. Ce que confirme GeoGebra :

En plus, les coefficients a et b représentant les coordonnées du centre, on a celles-ci directement : O(2 ;2) ce qu’on peut confirmer avec GeoGebra en entrant O=MilieuCentre[c]. On remarque en passant que l’objet c est une conique (voir dans la fenêtre algèbre à gauche). Ce point de vue est assez typique de la géométrie algébrique, qui définit une conique comme courbe de degré 2, ce qui est bien le cas des cercles.

Cercles et distances

En géométrie algébrique, un cercle est défini comme une courbe dont l’équation peut s’écrire $x^2+y^2-2ax-2by=c$. En réécrivant cette équation sous la forme $(x-a)^2+(y-b)^2=R^2$, on peut utiliser le théorème de Pythagore dans un repère orthonormé pour décrire aussi un cercle comme ensemble des points situés à distance $R$ du centre de coordonnées $(a,b)$. Mais GeoGebra étant clairement un logiciel de géométrie algébrique plutôt qu’un logiciel de géométrie euclidienne, la distance calculée par Pythagore n’est pas nécessairement la distance que l’on peut mesurer à l’écran ; elle n’y est même pas forcément proportionnelle si le repère n’est pas orthonormé :

En plus, dans l’équation cartésienne d’un cercle, le carré du rayon est égal à $c+a^2+b^2$ qui peut être négatif. Autrement dit, le rayon d’un cercle défini par son équation cartésienne peut être imaginaire ! La nature de la "conique" est affichée par GeoGebra comme

  • un cercle si le carré du rayon est strictement positif ;
  • un point s’il est nul ;
  • l’ensemble vide s’il est négatif.

Pour le vérifier, il suffit de créer un curseur R2 (comme $R^2$) et de créer le cercle en entrant l’expression x^2+y^2=R2 ; alors en animant le curseur, on a la figure suivante :

Droites

Pour commencer, on peut démontrer qu’il n’existe qu’une droite passant par deux points $A(x_A ;y_A)$ et $B(x_B ;y_B)$. Dans ce cas, "en position générale" veut dire que les deux points sont distincts. Mais si en plus, on suppose qu’ils n’ont pas la même abscisse, on peut utiliser les équations réduites : Soit donc $y=mx+p$ l’équation réduite d’une droite passant par $A$ et $B$ ; alors

  • $y_A=mx_A+p$ car la droite passe par $A$ ;
  • $y_B=mx_B+p$ car la droite passe par $B$.

Comme ce système est à deux équations et à deux inconnues ($m$ et $p$), et que son déterminant $x_A-x_B$ est supposé non nul, il a une solution unique. D’ailleurs pour résoudre le système, on peut rapidement soustraire les deux équations pour retrouver que $m=\frac{y_A-y_B}{x_A-x_B}$ qui est un grand classique de Seconde.

Plus généralement, si on admet que A et B peuvent avoir la même abscisse sans perdre en généralité, on cherche les coefficients a, b et c d’une équation cartésienne $ax+by+c=0$. Dans ce cas, on a trois coefficients à trouver alors qu’il n’y a toujours que deux équations

  • $ax_A+by_A+c=0$
  • $ax_B+by_B+c=0$

Mais il suffit de trouver une solution du système pour les avoir toutes, puisqu’elles sont toutes proportionnelles entre elles. La magie de CourbeImplicite est que ce système est résolu à chaque mouvement de A ou B : En entrant CourbeImplicite[A,B] on a

Mais dans ce cas, il aurait mieux valu entrer Droite[A,B] car GeoGebra ne sait pas que c’est une droite, et ne peut donc faire de symétrie axiale ou tracer de perpendiculaire à cette droite par exemple.


Intersection

Le fait qu’on trouve l’intersection de deux droites en résolvant le système formé par leurs équations

  • $y=mx+p$
  • $y=nx+q$

(cette fois-ci avec $x$ et $y$ comme inconnues), permet

  1. de démontrer que deux droites « en position générale » n’ont qu’un point commun (la solution du système)
  2. de montrer que ce problème est dual du précédent (on échange les rôles des paramètres et des inconnues dans les équations de droites)
  3. d’illustrer sur un premier exemple simple, le théorème de Bézout : Les deux équations étant de degré 1, celui-ci prévoit que l’intersection est formée d’1×1 = 1 point...

Le module de calcul formel d’Xcas, incorporé à GeoGebra 4.4, permet de démontrer algébriquement que les médianes d’un triangle sont concourantes, ainsi que ses hauteurs, comme vu ici

Coniques

L’équation cartésienne d’une conique étant par définition de degré 2, elle comporte 3 coefficients de plus que l’équation d’une droite (en $x^2$, en $y^2$ et en $xy$). Il faut donc trois points de plus pour définir une conique que pour définir une droite, soit 5 points en tout. L’équation de la conique se trouve en résolvant un système de 5 équations à 6 inconnues (en imposant par exemple la valeur d’une des inconnues, ou en cherchant une seule des solutions, celles-ci étant toutes proportionnelles entre elles).

Remarques historiques

Au début du XXIe siècle, Markus Hohenwarter était thésard à l’université de Linz en Autriche. Le sujet de sa thèse était la mise au point d’un logiciel de géométrie dynamique en Java (langage) permettant de créer et manipuler les objets géométriques soit à la souris, soit au clavier. D’où le nom de GeoGebra donné au logiciel (Geometry+Algebra...). On peut donc concevoir que GeoGebra est dès le départ un logiciel de géométrie algébrique. D’ailleurs l’icône du logiciel représente une conique par 5 points.

Ceci dit, GeoGebra n’est pas seulement, et de loin pas, un logiciel de géométrie : Markus Hohenwarter s’occupe aujourd’hui uniquement de l’analyse dans GeoGebra. Et pour représenter graphiquement des fonctions, les graduations du repère peuvent aisément être modifiées indépendamment sur les deux axes. Donc comme son repère n’est pas forcément orthonormé, GeoGebra n’est pas spécialement adapté à la géométrie euclidienne, mais plutôt à la géométrie affine. Dans le contexte présent, c’est un atout, puisque en géométrie algébrique, un cercle par exemple n’est pas défini à partir de la notion d’équidistance, mais simplement comme courbe d’équation $x^2+y^2-2ax-2by+c=0$.

La conique par 5 points est apparue dans GeoGebra dès sa création (en 2001 donc), mais elle semble avoir existé auparavant dans CaR (vers la fin des années 1990) et surtout dans CaBri II en 1994. Ceci dit, il n’est pas nécessaire de passer par des équations cartésiennes pour tracer la conique par 5 points, on peut aussi utiliser le théorème de Pascal. C’est le choix fait dans Dr.Geo.

Ceci dit, si on entre CourbeImplicite[A,B,C,D,E] on n’a pas une conique mais une courbe implicite :

Certes, on voit bien une conique qui suit les mouvements de A, B, C, D et E, mais c’est tout. Alors que GeoGebra possède un objet « conique » depuis sa création, et en utilisant cet objet, on peut obtenir de nouveaux objets associés à cette conique, comme les foyers, les axes, l’excentricité etc. La syntaxe est presque la même : Conique[A,B,C,D,E]

Polarité

Des notions algébriquement importantes sont celles de pôle et polaire, avec l’étude des formes quadratiques. Voici une figure (DGPad) où l’on voit en vert, la polaire du point P par rapport à la conique (bouger légèrement l’un des points A, B, C, D ou E pour voir apparaître la conique) :

La syntaxe dans GeoGebra est très simple : Polaire[P,c] où c est la conique. Alors, on peut observer (par exemple en manipulant la figure ci-dessus), que

  • Si P est sur la conique, la polaire de P est tangente à la conique ;
  • si P est à l’intérieur de la conique, la polaire de P ne coupe pas la conique. Ce qui permet de définir l’intérieur d’une hyperbole.
  • Si P est au centre de la conique, sa polaire est à l’infini ;
  • si P est sur une droite d, sa polaire passe par un point appelé pôle de la droite :

Comme on s’en doute, si P est le pôle de d, la polaire de P n’est autre que d... Et si P et Q sont tels que chacun d’eux est sur la polaire de l’autre, on dit qu’ils sont conjugués par rapport à la conique. Or être conjugués par rapport à une conique, c’est être conjugués par rapport à une forme quadratique dont la conique est une ligne de niveau. Par exemple, si on fait la construction suivante :

  • entrer x^2+y^2=1 pour construire un cercle
  • créer un point A libre dans le plan ;
  • entrer Polaire[A,c] pour avoir la polaire de A par rapport à c (formée de tous les points conjugués à A),

on constate que pour tout point $B(x_B ;y_B)$ de la polaire, on a $x_A \times x_B + y_A \times y_B = 1$ : Pour le produit scalaire, la conique associée est le cercle de rayon 1.

Statistique

Le lien entre coniques et formes quadratiques a de surprenantes applications en statistique, et c’est à partir d’une ellipse que Francis Galton a inventé la droite de régression. On suppose qu’on a un nuage de points A à H, de forme allongée, et on voudrait l’approcher par une ellipse. Pour cela, on construit une matrice de corrélation en entrant dans GeoGebra

  • le point moyen en faisant (A+B+C+D+E+F+G+H)/8 (ce sera le centre de l’ellipse)
  • Variance[x(A),x(B),x(C),x(D),x(E),x(F),x(G),x(H)] (GeoGebra appelle b la variable, la lettre a étant déjà prise pour la droite de régression)
  • la variance des y de façon analogue (variable c)
  • la covariance des x et des y avec Covariance[A, B, C, D, E, F, G, H] (variable d)
  • la matrice {{b,d},{d,c}}
  • l’inverse de cette matrice en l’élevant à la puissance -1 ; on a alors la matrice de corrélation M.
  • les vecteurs colonne de M avec AppliquerMatrice[M, (1, 0)] et AppliquerMatrice[M, (0, 1)] (pour pouvoir récupérer les coefficients de la matrice, qui sont les coordonnées des deux points ainsi construits) ; on obtient ainsi les points nommés J et K par GeoGebra ;
  • la conique d’équation (x - x(I))^2*x(J)+(x - x(I))*(y - y(I))*2*y(J)+(y - y(I))^2*y(K)=4 (GeoGebra la nomme e et c’est bien une ellipse)
  • enfin, le grand axe de l’ellipse avec GrandAxe[e]

Voici la figure obtenue :

On voit que la droite de régression obtenue par la méthode des moindres carrés n’est pas l’axe de l’ellipse (les équations diffèrent légèrement) :

L’explication est relativement simple : La somme des carrés minimisés par les deux droites porte sur des objets différents :

  • pour la droite de régression vue au lycée, ce sont les écarts entre les ordonnées qui sont élevés au carré ;
  • alors que pour l’axe de l’ellipse, ce sont les distances à l’axe qui sont élevées au carré.

La droite de régression inventée par Galton n’est donc pas celle qu’on étudie au lycée...

Intervalles de confiance

Des ellipses apparaissent également lorsqu’on établit des intervalles de confiance par approximation gaussienne : Si la fréquence observée est x compris entre 0 et 1, les bornes de l’intervalle de confiance à 95% sont

  • f(x) = x - 1.96sqrt(x (1 - x) / N)
  • g(x) = x + 1.96sqrt(x (1 - x) / N)

(N est la taille de l’échantillon, fixée à 50 ci-dessous). Représentées graphiquement, ces deux fonctions donnent une ellipse :

En écrivant l’équation de cette ellipse sous la forme (y - x)^2= 1.96^2*x*(1 - x)/N, on peut là encore, calculer son grand axe, et vérifier qu’il n’est pas égal à la première bissectrice $y=x$ (elle aussi construite en écrivant son équation dans la zone d’entrée) :

Or il se trouve que les intervalles de confiance sont les sections verticales de cette ellipse alors que les intervalles de fluctuation en sont les sections horizontales : Le fait que l’ellipse n’est pas symétrique par rapport à $y=x$ montre géométriquement la différence entre intervalles de fluctuation et intervalles de confiance...

Par contre, en Seconde, l’ellipse est approchée par un hexagone, qui lui, est bel et bien symétrique par rapport à la première bissectrice, ce qui permet d’échanger les rôles des intervalles de fluctuation et de confiance : Par forcément une bonne idée, cette simplification vue en Seconde :


Lieux

En fait, la documentation de GeoGebra est incomplète sur les deux moyens d’obtenir une courbe implicite :

  1. soit avec CourbeImplicite[x^2-y^2/4=1] (en écrivant son équation, éventuellement sans « CourbeImplicite »)
  2. soit avec CourbeImplicite[A,B,C,D,E] (liste des points définissant la courbe algébrique)

en fait il y a un troisième moyen d’obtenir une courbe algébrique : En tant que lieu de points ! Pour cela, on utilise la syntaxe EquationLieu qui, comme Lieu, dessine le lieu d’un point dépendant d’un autre, mais cette fois-ci sous forme d’une courbe algébrique, en donnant donc son équation. Celle-ci permet alors de conjecturer la nature du lieu. Par exemple, si le point C est lié à une droite, le lieu des orthocentres de ABC est une conique.

Pour vérifier cela, on commence par construire une droite (DE) puis A et B libres dans le plan, et C attaché à la droite. Ensuite évidemment on construit l’orthocentre H, puis on entre EquationLieu[H,C] : Le lieu est alors donné sous forme de « courbe implicite », mais en observant son équation, on voit que c’est celle d’une conique :

Démonstration

GeoGebra 4.4 étant muni du moteur de calcul formel d’Xcas, peut démontrer ce fait : On pose égales à (a,b) et (c,d) les coordonnées de A et B, et à (t,mt+p) celles de C (pour exprimer le fait que C est sur une droite), puis on définit deux hauteurs h1 et h2, et enfin leur intersection H, dont les coordonnées sont du second degré :

Ceci dit, les coordonnées de H sont compliquées, et de la forme « un trinôme divisé par une fonction affine » ; et comme c’est la même fonction affine pour les deux coordonnées, on peut éliminer t entre x et y pour avoir une équation de conique.

En fait, la construction de l’orthocentre faisant appel au théorème de Pythagore (à cause des hauteurs), le lieu aura un degré double de celui de la courbe algébrique sur laquelle évolue C. Ici elle est de degré 1, donc le lieu est de degré 2, soit une conique. Si C était sur une conique, le lieu serait une quartique, et si C était sur une cubique, le lieu serait une sextique...

Un autre exemple de lieu qui est une conique est l’arguésienne d’une droite (diapo 4)

Thomson

Pour définir une cubique plane, il faut 4 points de plus que pour définir une conique (pour les termes $x^3$, $x^2y$, $xy^2$ et $y^3$) ; soit 9 points. Une fois choisis ces 9 points, GeoGebra permet donc de construire la cubique passant par eux et d’y lier un point, de calculer des intersections etc. avec l’instruction CourbeImplicite[A,B,C,D,E,F,G,H,I] (en admettant que les 9 points ont été nommés dans l’ordre alphabétique). Sur les cubiques liées au triangle, le net possède une mine d’informations extraordinaire.

Remarques historiques

La cubique par 9 points est apparue pour la première fois dans le logiciel Kig en 2005. J’ai personnellement réussi à en construire une macro pour CaRMetal à la fin de l’année 2008. Il est visible dans ce diaporama. Pour aller plus loin avec des quartiques, il fallait utiliser JavaScript, et je n’en ai eu le courage qu’en 2011 ... pour apprendre que l’instruction CourbeImplicite venait d’être mise dans GeoGebra, avec une syntaxe plus souple que celle de CaRMetal (possibilité d’entrer l’équation de la courbe comme dans CaRMetal, ou, ce qui est unique à GeoGebra, la liste des points [6]), rendant ainsi caduc mon travail... Quoiqu’il en soit, voici le résultat de celui-ci, avec quelques courbes algébriques issues du site de Bernard Gibert, mais en version animée :

Pour se mettre en appétit, on pourra regarder la cubique de Darboux. Mais voici comment a été construite la cubique de Thomson postée sur GeoGebraTube :

Le choix des 9 points a été fait sur des triplets de points (3 fois 3, ça fait 9) :

  • Les sommets A, B, C du triangle
  • les milieux A’, B’ et C’ des côtés
  • les centres Ja, Jb et Jc des cercles exinscrits

Alors il a suffi pour avoir la cubique de Thomson, de faire

CourbeImplicite[A, B, C, A', B', C', Ja, Jb, Jc]

C’est tout !!!

La suite de la construction a consisté à ajouter des points remarquables du triangle qui se trouvent eux aussi sur la cubique de Thomson :

  • Le centre de gravité G=(A+B+C)/3
  • Le centre du cercle circonscrit obtenu en appliquant MilieuCentre au cercle circonscrit ;
  • l’orthocentre H et les milieux J, K et M des hauteurs
  • le centre I du cercle inscrit (les bissectrices intérieures avaient déjà été construites pour avoir les bissectrices extérieures au début) ;
  • et le point de Lemoine L du triangle

Symédianes

Les symédianes de ABC sont les symétriques des médianes par rapport aux bissectrices. Il se trouve qu’elles sont concourantes, et leur point d’intersection, découvert par Émile Lemoine, s’appelle donc point de Lemoine du triangle.

Soit 17 points remarquables sur une cubique définie par 9 points !

Voici le fichier obtenu :

et une copie d’écran :

Voir ce film sur le sujet pour d’autres points remarquables sur la cubique de Thomson.

Loi de groupe

D’après le théorème de Bézout, une droite coupe la cubique en trois points (produit des degrés de la cubique et de la droite). Ainsi, si P et Q sont deux points attachés à la cubique, ils déterminent à eux deux un troisième point R sur la cubique : L’intersection de la cubique et de la droite (PQ). Maintenant, si on recommence avec R et G (centre de gravité du triangle ABC), on détermine un nouveau point S qui est l’intersection de la cubique et de la droite (RG). Alors l’opération qui, à partir de P et Q, donne S, a toutes les propriétés de l’addition (associative, commutative, et tout point possède un opposé sur la cubique). Par exemple, l’élément neutre est le point G :

Alors, on remarque des relations additives entre certains points remarquables :

  • A+B=C, A+C=B, B+C=A
  • B+A’=C’ et relations analogues
  • A+A’=G, B+B’=G, C+C’=G mais aussi H+O=G

L’intérêt essentiel de cette addition des points sur une cubique, est qu’on la voit puisque la construction est géométrique. C’est le seul cas (en dehors de la composition des transformations, qui n’est pas commutative) où on voit une addition au niveau (enfin presque) du lycée...

Napoléon

Le théorème de Napoléon est assez connu : En construisant des triangles équilatéraux sur les côtés d’un triangle, leurs centres forment un triangle équilatéral :

Mais on sait peut-être moins qu’en mettant les triangles équilatéraux de l’autre côté des côtés (à l’intérieur), on a aussi un triangle équilatéral :

Bernard Gibert propose donc d’appeler cubique de Napoléon la cubique [7] qui passe par les 6 centres de ces triangles équilatéraux, outre les sommets A, B et C. Il se trouve qu’elle passe aussi par les centres exinscrits Ja, Jb et Jc et les projetés orthogonaux Ga, Gb et Gc du centre de gravité G sur les hauteurs, ainsi que le centre du cercle circonscrit, le centre du cercle inscrit et l’orthocentre.

Pour créer la cubique de Napoléon avec GeoGebra, il suffit donc de faire

CourbeImplicite[A,B,C,Ga,Gb,Gc,Ja,Jb,Jc]

Après, on ajoute les centres du triangle pour vérifier que la cubique passe par eux :

Puis il reste à tracer les deux triangles de Napoléon pour vérifier que leurs sommets sont bien sur la cubique. C’est rapide, puisque les triangles équilatéraux se construisent avec l’outil « angle de mesure donnée » et leurs centres par barycentres (on additionne les sommets puis on divise par 3). D’abord le triangle extérieur :

Puis le triangle intérieur :

Voici le fichier GeoGebra obtenu :

cubique de Napoléon

Cissoïde

Lorsque Delos a été soumise à une épidémie de peste, ses habitants ont pensé que l’oracle de Delphes saurait leur soumettre un remède. Mais l’oracle qui ne s’exprimait que par énigmes, leur a juste demandé de doubler l’autel, qui était un cube parfait. Selon Eratosthène, c’est ainsi qu’est né le problème de la duplication du cube, qui est la résolution géométrique d’une équation algébrique.

Une résolution algébrique a été l’usage d’une cissoïde de Dioclès, qui pourrait bien être la première apparition de la géométrie algébrique dans l’antiquité.

Le principe de la construction est le suivant :

A est un point courant sur la droite d’équation x=2, et la demi-droite passant par A définit successivement un point B sur le cercle, et un point C tel que OC=AB. Ce point a été construit par intersection de la demi-droite et du cercle de centre O et de rayon Distance[A,B]. La cissoïde est le lieu de C lorsque A parcourt la droite.

Il est donc simple d’avoir une cissoïde : Il suffit de demander, à la place du lieu de C, son équation par

EquationLieu[C,A]

Problème : L’équation n’est pas du troisième degré comme elle aurait dû, et le lieu dessiné est un cercle :

Il semble qu’il s’agisse là d’un bug de GeoGebra, qui en l’occurence se trompe sur la dépendance de C. Dans le cas présent, on peut quand même avoir une cissoïde, mais avec Lieu[C,A] et la comparer avec la courbe d’équation x^3=(2-x)*y^2 :

Mais c’est dommage qu’une cubique ne soit pas reconnue comme courbe de degré 3...

Il en est de même pour la strophoïde...

Quant à la sorcière d’Agnesi, elle a ensorcelé les équations de lieux, et elle non plus ne possède pas d’équation affichée par GeoGebra...

Idem pour la conchoïde de Nicomède...

Et l’anguinea, me direz-vous ? Et bien elle non plus n’est pas reconnue comme courbe algébrique...

Les quartiques ne sont pas mieux dotées : cardioïde définie comme inverse d’une parabole, lemniscate définie comme l’inverse d’une hyperbole...

Courbes elliptiques

Une fois qu’on a créé deux nombres réels a et b (de préférence par curseurs), la courbe elliptique qui leur correspond se crée en une ligne :

y^2=x^3-a*x-b

En fait, la courbe n’est pas elliptique lorsque $27b^2=4a^3$ car dans ce cas elle a un point double. Mais cela arrive assez rarement pour qu’on puisse faire comme si ça n’arrivait pas du tout.

Où sont les ellipses ?

Tout a commencé lorsque Adrien-Marie Legendre voulait réussir là où tant d’autres avaient échoué avant lui : Calculer par intégrales, des longueurs d’arc d’ellipses. Comme souvent en mathématiques, il a généralisé ses intégrales vers la notion d’intégrale elliptique. Sans réussir à calculer ses intégrales d’ailleurs...

Puis vint Niels Abel qui s’est attaqué au même problème : Faire l’étude de ces fonctions définies comme primitives intervenant dans les calculs de longueur d’ellipses et autres courbes. Pour cela, il a eu l’idée d’étudier leurs fonctions réciproques, généralisant ainsi les fonctions trigonométriques : Depuis ses travaux, on donne le nom de fonction elliptique, non pas aux fonctions originelles de Legendre, mais à leurs fonctions réciproques.

Or justement, définies sur C, les fonctions elliptiques ont deux périodes de rapport non réel. Elles sont donc naturellement définies sur un tore. Et Karl Weierstrass, en cherchant à généraliser les séries de Fourier sur le tore, a démontré que toutes les fonctions elliptiques complexes s’expriment facilement à l’aide de l’une d’entre elles, la fonction elliptique de Weierstrass. Or celle-ci vérifie une équation différentielle du genre $\left( \frac{dp}{dz} \right)^2=p^3-az-b$ qui ressemble beaucoup à l’équation des cubiques traitées dans cet onglet.

C’est pourquoi elles s’appellent courbes elliptiques, bien qu’il y ait plus de tores que d’ellipses dans cette histoire...

Que peut-on bien en faire, de ces courbes elliptiques ? L’addition vue dans l’onglet précédent rend de grands services, mais pour exploiter au maximum la symétrie de la figure, on choisit de placer à l’infini l’élément neutre de l’addition. Alors

  • étant donnés deux points A et B sur la courbe elliptique, on construit la droite (AB) ;
  • celle-ci recoupe la courbe elliptique en un troisième point C’ puisque l’intersection d’une cubique et d’une droite est formée de trois points ;
  • La parallèle à l’axe des ordonnées par C’ recoupe la cubique en un point C qui est simplement le symétrique de C’ par rapport à l’axe des abscisses : C’est la somme de A et B :

Voici la figure obtenue :

Le double d’un point (A+A) s’obtient de façon similaire mais avec une tangente au lieu d’une sécante. Mais dans ce cas, il vaut mieux calculer que construire :

Pour les courbes elliptiques, il est possible de calculer les coordonnées d’une somme de deux points de la courbe, à partir des coordonnées des deux points. La question est donc purement algébrique. En plus, si les coordonnées des points A et B sont rationnelles, il en est de même pour les coordonnées de leur somme, et on a là un moyen de décrire les points à coordonnées rationnelles de la courbe elliptique : C’est le théorème de Mordell, qui a été une des voies vers la démonstration du théorème de Wiles...

Les courbes elliptiques peuvent aussi être définies sur un corps fini, où elles sont utilisées pour engendrer des codes correcteurs d’erreur, et en cryptographie pour factoriser des grands entiers. Voir par exemple la factorisation de Lenstra par les courbes elliptiques, d’importance stratégique...

Bezout

L’intersection de deux coniques (degré 2 chacune) est formée, d’après le théorème de Bezout, de 4 points. GeoGebra sait évidemment construire ces 4 points à l’aide de l’outil « intersection ». Mais il arrive parfois que certains d’entre eux soient marqués « indéfinis » lorsque leurs coordonnées sont à l’infini ou complexes. L’intersection d’une cubique et d’une conique est quant à elle, formée de 6 points (le produit de 3 par 2). Ces 6 points sont construits et mis à jour par GeoGebra :

Pour peu que la conique passe par 6 des points remarquables du triangle qui sont sur la cubique de Thomson, l’intersection de la conique avec la cubique de Thomson est formée de 6 points remarquables. Par exemple, l’hyperbole de Jerabek passe, en plus des sommets, par trois centres du triangle :

  • Le centre du cercle circonscrit O
  • l’intersection K des symédianes (point de Lemoine)
  • l’orthocentre H

Alors l’intersection de l’hyperbole de Jerabek et de la cubique de Thomson est formée de A, B, C, O, K et H :


L’intersection de deux cubiques est formée de 9 points ($3 \times 3$). Bien entendu là aussi GeoGebra sait les construire, avec l’outil Intersection :

Maintenant, que va-t-il se passer si on demande la cubique passant par les 9 points communs à ces deux cubiques ? GeoGebra va-t-il construire la cubique bleue ou la rouge ?

La réponse

Aucune des deux !

En fait, les 9 points étant communs à deux cubiques, ne sont plus « en position générale » et la cubique passant par les 9 points n’est pas unique ; il y en a une infinité qui forment un faisceau de cubiques, et GeoGebra en a choisi une, en noir, qui n’est ni la rouge ni la bleue.

Il faut 8 points pour déterminer un faisceau de cubiques, que l’on peut représenter en faisant bouger le neuvième point par exemple sur une droite :

Lorsque le neuvième point (invisible ci-dessus) bouge, on voit que la cubique passe par un neuvième point fixe, en haut à droite. Ce fait est général :

L’ensemble des cubiques passant par 8 points est un faisceau, et elles passent toutes par un neuvième point.

Simson

Un résultat fascinant de la géométrie du triangle est le suivant :

Les projetés orthogonaux d’un point P sur les côtés du triangle sont alignés si et seulement si ce point est sur le cercle circonscrit ; dans ce cas, la droite qui passe par ces projetés est la droite de Simson de P. L’enveloppe des droites de Simson d’un triangle est la deltoïde de Steiner (ou de Simson) du triangle.

Bouger P pour vérifier que la deltoïde est tangente à la droite de Simson ; bouger A, B et C pour vérifier que la deltoïde reste parfaitement régulière quelle que soit la forme de ABC :

Morley

Ce résultat évoque fortement le théorème de Morley qui, lui aussi, montre l’apparition d’une symétrie d’ordre 3 dans un triangle quelconque. Les deux résultats sont en fait liés par l’intermédiaire du triangle dérivé vu ci-dessous : Les côtés du triangle de Morley sont parallèles à ceux du triangle dérivé.


cercle d’Euler

Une première propriété remarquable de la deltoïde de Steiner est qu’elle est tangente au cercle d’Euler. Ce fait servira d’ailleurs à trouver certains points de la deltoïde ci-dessous. Voici l’illustration (bouger les sommets du triangle pour vérifier que le cercle d’Euler est bien inscrit dans la deltoïde) :


La deltoïde de Steiner est une quartique, et il faut donc 14 points pour la définir (les 9 points pour une cubique, plus des points correspondant aux termes $x^4$, $x^3y$, $x^2y^2$, $xy^3$ et $y^4$, soit 5+9=14). Donc bien que GeoGebra ne permette pas d’appliquer l’outil « lieu » à une droite, on peut quand même dessiner la deltoïde de Steiner à condition de trouver 14 points dessus. Voici le récit d’une enquête menée par Dominique Tournès il y a quelques années, avec CaRMetal, collectant les 14 indices (et bien plus d’ailleurs) permettant de trouver cette fameuse deltoïde :

quadrique de Simson
la version originale du récit, par Dominique Tournès, au format CaRMetal

Une enquête aux sommets

Les premiers témoins entendus, ont été les hauteurs : En effet, comme A est sur le cercle circonscrit, il lui correspond une droite de Simson qui n’est autre que la hauteur issue de A (les projetés orthogonaux de A sur les côtés sont respectivement A, A et le pied de la hauteur). Le point de contact de la hauteur issue de A avec la deltoïde est donc le premier indice récolté sur les 14. De même, les deux autres hauteurs fournissent deux autres points de la quartique et à ce stade de l’enquête il ne reste donc plus que 11 points à trouver (les points déjà trouvés sont nommés R’1, S’1 et T’1 ci-dessous) :

Enfin, il faut quand même voir comment on les construit, ces points ; pour cela, on regarde le cercle d’Euler (en vert ci-dessus) qui, par définition, passe par les pieds des hauteurs ; chaque hauteur recoupe le cercle d’Euler en un deuxième point qui est au milieu entre le pied de la hauteur et le point de contact. L’enquête démarre bien sur des hauteurs promettantes, et aux sommets !


Des indices laissés sur les côtés

Dans la figure ci-dessous, la perpendiculaire à (AB) par B et la perpendiculaire à (AC) par B se coupent sur le cercle circonscrit, en un point dont la droite de Simson est donc le côté [BC]. Le point de contact R’ de ce côté avec la deltoïde est donc un nouveau point de celle-ci. Avec les points de contact S’ et T’ avec les deux autres côtés, on a maintenant 6 points, et il n’en reste plus que 8 à trouver :

Mais là encore, il faudrait déjà qu’on puisse les construire avant la deltoïde, ces trois points de côté : Ci-dessus, JKL est le triangle des milieux, ce qui permet de voir que chacun des points de côté est symétrique du pied d’une hauteur par rapport au milieu d’un côté.


Les indices prennent la tangente et un rebroussement survient

Triangle dérivé

Le triangle dérivé est un sous-produit de la démonstration du théorème de Morley ; il permet de construire les axes de la deltoïde. Ce qui permet, par symétrie axiale, d’avoir largement plus que les 12 indices initialement récoltés sur la scène du prime. C’est aussi par les axes qu’on va avoir les points de rebroussement et les points de contact avec le cercle d’Euler.

Pour commencer, on construit les intersections A3, B3 et C3 des médiatrices et du cercle circonscrit (on choisit à chaque fois la plus proche du sommet opposé [8]) ; puis on place les points A’, B’ et C’ obtenus en appliquant à A3, B3 et C3 des rotations dont l’angle est le tiers de celui vers A, B et C :

Le triangle dérivé de ABC est le triangle A’B’C’ ; il est équilatéral, et ses axes sont parallèles à ceux de la deltoïde.

Pour avoir les axes de la deltoïde, il suffit donc de trouver l’emplacement de son centre : Il s’agit du centre M du cercle d’Euler, par lequel on mène donc les parallèles aux axes du triangle dérivé :

Les points de contact entre la deltoïde et le cercle d’Euler sont donc les intersections du cercle d’Euler et des axes rouges. Mais chaque axe coupe le cercle d’Euler deux fois, et il reste à trouver lequel des deux points d’intersection choisir : On construit les points d’intersection des axes de la deltoïde et des droites joignant G aux sommets du triangle dérivé :

Les points de contact entre la deltoïde et le cercle d’Euler s’appellent N, P et Q ci-dessus.

Pour avoir les points de rebroussement, il suffit d’appliquer une homothétie de centre M et de rapport -3 aux points de contact N, P et Q :


Fin de l’histoire

En fait, on ne peut pas construire la deltoïde à partir des 12 points trouvés puisqu’il faut 14 points en tout. Seulement, par symétrie par rapport aux axes, les 6 premiers points de l’histoire en fournissent beaucoup d’autres, et on a en tout 42 points sur la quartique de Steiner. Il suffit d’en choisir 14 (de préférence, pas de rebroussement) et on a la quartique :

Voici le fichier obtenu :

Euler-Morley

Voici les 14 points choisis pour construire la quartique d’Euler-Morley du triangle ABC :

  • Les sommets A, B et C
  • les centres Ja, Jb et Jc des cercles exinscrits
  • le centre I du cercle inscrit
  • les pieds des bissectrices (intérieures et extérieures : 6 points)
  • le centre O du cercle circonscrit

Alors la quartique passe également par le point de Lemoine K (intersection des symédianes) du triangle ABC, ainsi que par les foyers de la conique K (conique tangente aux côtés du triangle en les pieds des hauteurs ; son centre est le point de Lemoine K).

Voici la conique K, avec son centre (point de Lemoine, construit en intersectant deux symédianes) :

Si la quartique (en bleu ci-dessous) est presque instantanément créée, elle n’est pas satisfaisante : Parfois elle disparaît, parfois elle rate le point I :

En plus, 6 des 12 points communs avec la cubique de Simson (en rouge ci-dessus) sont censés se trouver sur le cercle circonscrit, et ce n’est pas le cas sur tous les cas de figure de l’animation ci-dessus. Le plus surprenant, c’est que la même construction faite en JavaScript avec CaRMetal, est précise et stable...

Le responsable de ce problème est sans doute le fait que les pieds des bissectrices extérieures sont loin et que cela induit des instabilités numériques dans la résolution du système. On peut donc y remédier en choisissant d’autres points : Remplacer A, B, C et les pieds des bissectrices extérieures par les 6 points d’intersection de la cubique de Thomson avec le cercle circonscrit (dont certains sont d’ailleurs égaux à A, B et C) résout apparemment le problème :

Donc les 12 points communs à la cubique de Thomson et la quartique d’Euler-Morley sont les suivants :

  • les 6 points communs à la cubique de Thomson et au cercle circonscrit, dont les sommets A, B et C ;
  • les trois centres exinscrits
  • le centre du cercle inscrit
  • le centre du cercle circonscrit
  • le point de Lemoine.

Voici la figure obtenue :


La quintique d’Euler-Morley est définie par 20 points puisque c’est une quintique (ça commence à faire beaucoup de points !). Les points choisis sont les suivants :

  • les sommets A, B, C
  • les centres exinscrits
  • le centre du cercle inscrit
  • les pieds des hauteurs
  • l’orthocentre
  • le centre de gravité
  • les foyers de la conique K
  • la médiane issue de A coupe le cercle de diamètre [BC] en deux points d’après le théorème de Bezout ; les deux autres médianes fournissent deux points chacune de façon similaire, ce qui fait 6 points sur les médianes.

Voici la figure obtenue, avec la cubique de Thomson qui est asymptote à la quintique d’Euler-Morley, et la conique K, dans la même couleur que ses foyers et son centre K :

D’après le théorème de Bezout, une cubique et une quintique ont $3\times 5 = 15$ points communs !

Orthocentre

Comme on l’a déjà vu précédemment, le lieu de l’orthocentre de ABC est de degré double du lieu de la courbe à laquelle est attaché A. Ainsi, une conique, et même un cercle, permet facilement de construire une quartique par orthocentre :

Cependant, avec EquationLieu, GeoGebra affiche comme équation 0=-1 qui ne permet pas de voir le degré de la courbe...


Avec une quartique aussi célèbre que la lemniscate de Bernoulli, on obtient donc une octique, que voici en rouge :