GeoGebra 4 est un excellent outil pour faire de la géométrie algébrique
Au fait c’est quoi la géométrie algébrique ? Et bien, c’est un peu comme la géométrie ... sauf qu’elle est algébrique ! Plus sérieusement, il s’agit d’une branche de la géométrie (plane ici) qui étudie un objet particulier appelé courbe algébrique. Enfin pas si particulier que ça, puisque les droites, cercles et coniques sont des courbes algébriques [1]. On en parlera donc ici, mais ma préférence allant aux cubiques (ou courbes algébriques de degré 3), celles-ci seront les vedettes de cet article. Ainsi que GeoGebra qui rend leur exploration ridiculement facile.
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Définition
Une courbe est dite algébrique si elle admet une équation cartésienne polynomiale. |
Le polynôme qui définit une courbe algébrique est un polynôme de deux variables $x$ et $y$ ; son degré est celui de la courbe. Les courbes de degré 1 sont les droites et les courbes de degré 2 sont les coniques. Ensuite on parle de cubiques, de quartiques, de quintiques, de sextiques etc.
Remarque : Certaines figures ci-dessous sont manipulables en ligne. Elles utilisent JSX-Graph. Les versions DGPad sont téléchargeables en bas de l’article.
Pour représenter le folium de Descartes, il suffit dans GeoGebra 4.0 d’entrer CourbeImplicite[x^3+y^3-3*x*y]
, et dans GeoGebra 4.4, d’entrer simplement x^3+y^3=3*x*y
. Dans les deux cas on a cet affichage :
Pour attacher un point au folium, on le crée en cliquant à proximité de celui-ci ; on peut aussi créer des points d’intersection entre le folium et d’autres courbes algébriques, par exemple des droites. Et ainsi, vérifier en les comptant, le théorème de Bézout...
Cercles
Voici comment la géométrie algébrique permet de démontrer l’existence et l’unicité du cercle circonscrit à un triangle quelconque ABC : En appelant $x_A$ et $y_A$ les coordonnées de A (avec des notations similaires pour B et C), on se rappelle qu’un cercle est une courbe algébrique de la forme $x^2+y^2-2ax-2by+c=0$ [5]. Alors le fait que le cercle passe par A, se traduit par l’équation $x_A^2+y_A^2-2ax_A-2by_A+c=0$ ou $-2ax_A-2by_A+c=-x_A^2-y_A^2$ (pour rappeler que les inconnues sont a, b et c). De même, le fait que le cercle passe par B s’exprime par l’équation $-2ax_B-2by_B+c=-x_B^2-y_B^2$, et le fait que le cercle passe par C s’exprime par $-2ax_C-2by_C+c=-x_C^2-y_C^2$. Alors pour démontrer l’existence et l’unicité du cercle circonscrit, il suffit de démontrer que le système formé par ces trois équations a une solution (a,b,c) unique. Ce qui est le cas car dans le cas général, son déterminant est différent de 0.
Définition
On dit que des points sont en position générale si le déterminant du système ci-dessus est non nul.
Dans le cas d’un cercle, la position générale est celle où les points ne sont pas alignés. Et donc, lorsque 3 points ne sont pas alignés, il existe un unique cercle passant par eux. Cette démonstration est à comparer avec celle vue en collège (concourance des médiatrices du triangle) mais elle fournit, par résolution du système, l’équation cartésienne du cercle, qui est utile en géométrie dynamique pour tracer celui-ci.
Voici un exemple que l’on peut traiter en Première :
Soit A(-1 ;3), B(5 ;1) et C(1 ;5). Donner l’équation cartésienne du cercle circonscrit à ABC. |
Ainsi, on pose cette équation égale à $2xa+2yb-c=x^2+y^2$. Alors on exprime le passage du cercle par A, B et C en écrivant ces équations :
- $-2a+6b-c=(-1)^2+3^2=10$
- $10a+2b-c=5^2+1^2=26$
- $2a+10b-c=1^2+5^2=26$
C’est un système de trois équations à trois inconnues, mais en soustrayant la première et la troisième équations à la seconde, on obtient des équations avec seulement a et b :
- $12a-4b=16$
- $8a-8b=0$
Ce qui donne rapidement a=b=2. Ce que confirme GeoGebra :
En plus, les coefficients a et b représentant les coordonnées du centre, on a celles-ci directement : O(2 ;2) ce qu’on peut confirmer avec GeoGebra en entrant O=MilieuCentre[c]
. On remarque en passant que l’objet c est une conique (voir dans la fenêtre algèbre à gauche). Ce point de vue est assez typique de la géométrie algébrique, qui définit une conique comme courbe de degré 2, ce qui est bien le cas des cercles.
Droites
Pour commencer, on peut démontrer qu’il n’existe qu’une droite passant par deux points $A(x_A ;y_A)$ et $B(x_B ;y_B)$. Dans ce cas, "en position générale" veut dire que les deux points sont distincts. Mais si en plus, on suppose qu’ils n’ont pas la même abscisse, on peut utiliser les équations réduites : Soit donc $y=mx+p$ l’équation réduite d’une droite passant par $A$ et $B$ ; alors
- $y_A=mx_A+p$ car la droite passe par $A$ ;
- $y_B=mx_B+p$ car la droite passe par $B$.
Comme ce système est à deux équations et à deux inconnues ($m$ et $p$), et que son déterminant $x_A-x_B$ est supposé non nul, il a une solution unique. D’ailleurs pour résoudre le système, on peut rapidement soustraire les deux équations pour retrouver que $m=\frac{y_A-y_B}{x_A-x_B}$ qui est un grand classique de Seconde.
Plus généralement, si on admet que A et B peuvent avoir la même abscisse sans perdre en généralité, on cherche les coefficients a, b et c d’une équation cartésienne $ax+by+c=0$. Dans ce cas, on a trois coefficients à trouver alors qu’il n’y a toujours que deux équations
- $ax_A+by_A+c=0$
- $ax_B+by_B+c=0$
Mais il suffit de trouver une solution du système pour les avoir toutes, puisqu’elles sont toutes proportionnelles entre elles. La magie de CourbeImplicite
est que ce système est résolu à chaque mouvement de A ou B : En entrant CourbeImplicite[A,B]
on a
Mais dans ce cas, il aurait mieux valu entrer Droite[A,B]
car GeoGebra ne sait pas que c’est une droite, et ne peut donc faire de symétrie axiale ou tracer de perpendiculaire à cette droite par exemple.
Intersection
Le fait qu’on trouve l’intersection de deux droites en résolvant le système formé par leurs équations
- $y=mx+p$
- $y=nx+q$
(cette fois-ci avec $x$ et $y$ comme inconnues), permet
- de démontrer que deux droites « en position générale » n’ont qu’un point commun (la solution du système)
- de montrer que ce problème est dual du précédent (on échange les rôles des paramètres et des inconnues dans les équations de droites)
- d’illustrer sur un premier exemple simple, le théorème de Bézout : Les deux équations étant de degré 1, celui-ci prévoit que l’intersection est formée d’1×1 = 1 point...
Le module de calcul formel d’Xcas, incorporé à GeoGebra 4.4, permet de démontrer algébriquement que les médianes d’un triangle sont concourantes, ainsi que ses hauteurs, comme vu ici
Coniques
L’équation cartésienne d’une conique étant par définition de degré 2, elle comporte 3 coefficients de plus que l’équation d’une droite (en $x^2$, en $y^2$ et en $xy$). Il faut donc trois points de plus pour définir une conique que pour définir une droite, soit 5 points en tout. L’équation de la conique se trouve en résolvant un système de 5 équations à 6 inconnues (en imposant par exemple la valeur d’une des inconnues, ou en cherchant une seule des solutions, celles-ci étant toutes proportionnelles entre elles).
Ceci dit, si on entre CourbeImplicite[A,B,C,D,E]
on n’a pas une conique mais une courbe implicite :
Certes, on voit bien une conique qui suit les mouvements de A, B, C, D et E, mais c’est tout. Alors que GeoGebra possède un objet « conique » depuis sa création, et en utilisant cet objet, on peut obtenir de nouveaux objets associés à cette conique, comme les foyers, les axes, l’excentricité etc. La syntaxe est presque la même : Conique[A,B,C,D,E]
Statistique
Le lien entre coniques et formes quadratiques a de surprenantes applications en statistique, et c’est à partir d’une ellipse que Francis Galton a inventé la droite de régression. On suppose qu’on a un nuage de points A à H, de forme allongée, et on voudrait l’approcher par une ellipse. Pour cela, on construit une matrice de corrélation en entrant dans GeoGebra
- le point moyen en faisant
(A+B+C+D+E+F+G+H)/8
(ce sera le centre de l’ellipse) -
Variance[x(A),x(B),x(C),x(D),x(E),x(F),x(G),x(H)]
(GeoGebra appelle b la variable, la lettre a étant déjà prise pour la droite de régression) - la variance des y de façon analogue (variable c)
- la covariance des x et des y avec
Covariance[A, B, C, D, E, F, G, H]
(variable d) - la matrice
{{b,d},{d,c}}
- l’inverse de cette matrice en l’élevant à la puissance -1 ; on a alors la matrice de corrélation M.
- les vecteurs colonne de M avec
AppliquerMatrice[M, (1, 0)]
etAppliquerMatrice[M, (0, 1)]
(pour pouvoir récupérer les coefficients de la matrice, qui sont les coordonnées des deux points ainsi construits) ; on obtient ainsi les points nommés J et K par GeoGebra ; - la conique d’équation
(x - x(I))^2*x(J)+(x - x(I))*(y - y(I))*2*y(J)+(y - y(I))^2*y(K)=4
(GeoGebra la nomme e et c’est bien une ellipse) - enfin, le grand axe de l’ellipse avec
GrandAxe[e]
Voici la figure obtenue :
On voit que la droite de régression obtenue par la méthode des moindres carrés n’est pas l’axe de l’ellipse (les équations diffèrent légèrement) :
L’explication est relativement simple : La somme des carrés minimisés par les deux droites porte sur des objets différents :
- pour la droite de régression vue au lycée, ce sont les écarts entre les ordonnées qui sont élevés au carré ;
- alors que pour l’axe de l’ellipse, ce sont les distances à l’axe qui sont élevées au carré.
La droite de régression inventée par Galton n’est donc pas celle qu’on étudie au lycée...
Lieux
En fait, la documentation de GeoGebra est incomplète sur les deux moyens d’obtenir une courbe implicite :
- soit avec
CourbeImplicite[x^2-y^2/4=1]
(en écrivant son équation, éventuellement sans « CourbeImplicite ») - soit avec
CourbeImplicite[A,B,C,D,E]
(liste des points définissant la courbe algébrique)
en fait il y a un troisième moyen d’obtenir une courbe algébrique : En tant que lieu de points ! Pour cela, on utilise la syntaxe EquationLieu
qui, comme Lieu
, dessine le lieu d’un point dépendant d’un autre, mais cette fois-ci sous forme d’une courbe algébrique, en donnant donc son équation. Celle-ci permet alors de conjecturer la nature du lieu. Par exemple, si le point C est lié à une droite, le lieu des orthocentres de ABC est une conique.
Pour vérifier cela, on commence par construire une droite (DE) puis A et B libres dans le plan, et C attaché à la droite. Ensuite évidemment on construit l’orthocentre H, puis on entre EquationLieu[H,C]
: Le lieu est alors donné sous forme de « courbe implicite », mais en observant son équation, on voit que c’est celle d’une conique :
En fait, la construction de l’orthocentre faisant appel au théorème de Pythagore (à cause des hauteurs), le lieu aura un degré double de celui de la courbe algébrique sur laquelle évolue C. Ici elle est de degré 1, donc le lieu est de degré 2, soit une conique. Si C était sur une conique, le lieu serait une quartique, et si C était sur une cubique, le lieu serait une sextique...
Un autre exemple de lieu qui est une conique est l’arguésienne d’une droite (diapo 4)
Thomson
Pour définir une cubique plane, il faut 4 points de plus que pour définir une conique (pour les termes $x^3$, $x^2y$, $xy^2$ et $y^3$) ; soit 9 points. Une fois choisis ces 9 points, GeoGebra permet donc de construire la cubique passant par eux et d’y lier un point, de calculer des intersections etc. avec l’instruction CourbeImplicite[A,B,C,D,E,F,G,H,I]
(en admettant que les 9 points ont été nommés dans l’ordre alphabétique). Sur les cubiques liées au triangle, le net possède une mine d’informations extraordinaire.
Pour se mettre en appétit, on pourra regarder la cubique de Darboux. Mais voici comment a été construite la cubique de Thomson postée sur GeoGebraTube :
Le choix des 9 points a été fait sur des triplets de points (3 fois 3, ça fait 9) :
- Les sommets A, B, C du triangle
- les milieux A’, B’ et C’ des côtés
- les centres Ja, Jb et Jc des cercles exinscrits
Alors il a suffi pour avoir la cubique de Thomson, de faire
CourbeImplicite[A, B, C, A', B', C', Ja, Jb, Jc]
C’est tout !!!
La suite de la construction a consisté à ajouter des points remarquables du triangle qui se trouvent eux aussi sur la cubique de Thomson :
- Le centre de gravité
G=(A+B+C)/3
- Le centre du cercle circonscrit obtenu en appliquant
MilieuCentre
au cercle circonscrit ; - l’orthocentre H et les milieux J, K et M des hauteurs
- le centre I du cercle inscrit (les bissectrices intérieures avaient déjà été construites pour avoir les bissectrices extérieures au début) ;
- et le point de Lemoine L du triangle
Soit 17 points remarquables sur une cubique définie par 9 points !
Voici le fichier obtenu :
et une copie d’écran :
Voir ce film sur le sujet pour d’autres points remarquables sur la cubique de Thomson.
Napoléon
Le théorème de Napoléon est assez connu : En construisant des triangles équilatéraux sur les côtés d’un triangle, leurs centres forment un triangle équilatéral :
Mais on sait peut-être moins qu’en mettant les triangles équilatéraux de l’autre côté des côtés (à l’intérieur), on a aussi un triangle équilatéral :
Bernard Gibert propose donc d’appeler cubique de Napoléon la cubique [7] qui passe par les 6 centres de ces triangles équilatéraux, outre les sommets A, B et C. Il se trouve qu’elle passe aussi par les centres exinscrits Ja, Jb et Jc et les projetés orthogonaux Ga, Gb et Gc du centre de gravité G sur les hauteurs, ainsi que le centre du cercle circonscrit, le centre du cercle inscrit et l’orthocentre.
Pour créer la cubique de Napoléon avec GeoGebra, il suffit donc de faire
CourbeImplicite[A,B,C,Ga,Gb,Gc,Ja,Jb,Jc]
Après, on ajoute les centres du triangle pour vérifier que la cubique passe par eux :
Puis il reste à tracer les deux triangles de Napoléon pour vérifier que leurs sommets sont bien sur la cubique. C’est rapide, puisque les triangles équilatéraux se construisent avec l’outil « angle de mesure donnée » et leurs centres par barycentres (on additionne les sommets puis on divise par 3). D’abord le triangle extérieur :
Puis le triangle intérieur :
Voici le fichier GeoGebra obtenu :
Cissoïde
Lorsque Delos a été soumise à une épidémie de peste, ses habitants ont pensé que l’oracle de Delphes saurait leur soumettre un remède. Mais l’oracle qui ne s’exprimait que par énigmes, leur a juste demandé de doubler l’autel, qui était un cube parfait. Selon Eratosthène, c’est ainsi qu’est né le problème de la duplication du cube, qui est la résolution géométrique d’une équation algébrique.
Une résolution algébrique a été l’usage d’une cissoïde de Dioclès, qui pourrait bien être la première apparition de la géométrie algébrique dans l’antiquité.
Le principe de la construction est le suivant :
A est un point courant sur la droite d’équation x=2, et la demi-droite passant par A définit successivement un point B sur le cercle, et un point C tel que OC=AB. Ce point a été construit par intersection de la demi-droite et du cercle de centre O et de rayon Distance[A,B]
. La cissoïde est le lieu de C lorsque A parcourt la droite.
Il est donc simple d’avoir une cissoïde : Il suffit de demander, à la place du lieu de C, son équation par
EquationLieu[C,A]
Problème : L’équation n’est pas du troisième degré comme elle aurait dû, et le lieu dessiné est un cercle :
Il semble qu’il s’agisse là d’un bug de GeoGebra, qui en l’occurence se trompe sur la dépendance de C. Dans le cas présent, on peut quand même avoir une cissoïde, mais avec Lieu[C,A]
et la comparer avec la courbe d’équation x^3=(2-x)*y^2
:
Mais c’est dommage qu’une cubique ne soit pas reconnue comme courbe de degré 3...
Il en est de même pour la strophoïde...
Quant à la sorcière d’Agnesi, elle a ensorcelé les équations de lieux, et elle non plus ne possède pas d’équation affichée par GeoGebra...
Idem pour la conchoïde de Nicomède...
Et l’anguinea, me direz-vous ? Et bien elle non plus n’est pas reconnue comme courbe algébrique...
Les quartiques ne sont pas mieux dotées : cardioïde définie comme inverse d’une parabole, lemniscate définie comme l’inverse d’une hyperbole...
Courbes elliptiques
Une fois qu’on a créé deux nombres réels a et b (de préférence par curseurs), la courbe elliptique qui leur correspond se crée en une ligne :
y^2=x^3-a*x-b
En fait, la courbe n’est pas elliptique lorsque $27b^2=4a^3$ car dans ce cas elle a un point double. Mais cela arrive assez rarement pour qu’on puisse faire comme si ça n’arrivait pas du tout.
Que peut-on bien en faire, de ces courbes elliptiques ? L’addition vue dans l’onglet précédent rend de grands services, mais pour exploiter au maximum la symétrie de la figure, on choisit de placer à l’infini l’élément neutre de l’addition. Alors
- étant donnés deux points A et B sur la courbe elliptique, on construit la droite (AB) ;
- celle-ci recoupe la courbe elliptique en un troisième point C’ puisque l’intersection d’une cubique et d’une droite est formée de trois points ;
- La parallèle à l’axe des ordonnées par C’ recoupe la cubique en un point C qui est simplement le symétrique de C’ par rapport à l’axe des abscisses : C’est la somme de A et B :
Voici la figure obtenue :
Le double d’un point (A+A) s’obtient de façon similaire mais avec une tangente au lieu d’une sécante. Mais dans ce cas, il vaut mieux calculer que construire :
Pour les courbes elliptiques, il est possible de calculer les coordonnées d’une somme de deux points de la courbe, à partir des coordonnées des deux points. La question est donc purement algébrique. En plus, si les coordonnées des points A et B sont rationnelles, il en est de même pour les coordonnées de leur somme, et on a là un moyen de décrire les points à coordonnées rationnelles de la courbe elliptique : C’est le théorème de Mordell, qui a été une des voies vers la démonstration du théorème de Wiles...
Les courbes elliptiques peuvent aussi être définies sur un corps fini, où elles sont utilisées pour engendrer des codes correcteurs d’erreur, et en cryptographie pour factoriser des grands entiers. Voir par exemple la factorisation de Lenstra par les courbes elliptiques, d’importance stratégique...
Bezout
L’intersection de deux coniques (degré 2 chacune) est formée, d’après le théorème de Bezout, de 4 points. GeoGebra sait évidemment construire ces 4 points à l’aide de l’outil « intersection ». Mais il arrive parfois que certains d’entre eux soient marqués « indéfinis » lorsque leurs coordonnées sont à l’infini ou complexes. L’intersection d’une cubique et d’une conique est quant à elle, formée de 6 points (le produit de 3 par 2). Ces 6 points sont construits et mis à jour par GeoGebra :
Pour peu que la conique passe par 6 des points remarquables du triangle qui sont sur la cubique de Thomson, l’intersection de la conique avec la cubique de Thomson est formée de 6 points remarquables. Par exemple, l’hyperbole de Jerabek passe, en plus des sommets, par trois centres du triangle :
- Le centre du cercle circonscrit O
- l’intersection K des symédianes (point de Lemoine)
- l’orthocentre H
Alors l’intersection de l’hyperbole de Jerabek et de la cubique de Thomson est formée de A, B, C, O, K et H :
L’intersection de deux cubiques est formée de 9 points ($3 \times 3$). Bien entendu là aussi GeoGebra sait les construire, avec l’outil Intersection :
Maintenant, que va-t-il se passer si on demande la cubique passant par les 9 points communs à ces deux cubiques ? GeoGebra va-t-il construire la cubique bleue ou la rouge ?
Simson
Un résultat fascinant de la géométrie du triangle est le suivant :
Les projetés orthogonaux d’un point P sur les côtés du triangle sont alignés si et seulement si ce point est sur le cercle circonscrit ; dans ce cas, la droite qui passe par ces projetés est la droite de Simson de P. L’enveloppe des droites de Simson d’un triangle est la deltoïde de Steiner (ou de Simson) du triangle. |
Bouger P pour vérifier que la deltoïde est tangente à la droite de Simson ; bouger A, B et C pour vérifier que la deltoïde reste parfaitement régulière quelle que soit la forme de ABC :
cercle d’Euler
Une première propriété remarquable de la deltoïde de Steiner est qu’elle est tangente au cercle d’Euler. Ce fait servira d’ailleurs à trouver certains points de la deltoïde ci-dessous. Voici l’illustration (bouger les sommets du triangle pour vérifier que le cercle d’Euler est bien inscrit dans la deltoïde) :
La deltoïde de Steiner est une quartique, et il faut donc 14 points pour la définir (les 9 points pour une cubique, plus des points correspondant aux termes $x^4$, $x^3y$, $x^2y^2$, $xy^3$ et $y^4$, soit 5+9=14). Donc bien que GeoGebra ne permette pas d’appliquer l’outil « lieu » à une droite, on peut quand même dessiner la deltoïde de Steiner à condition de trouver 14 points dessus. Voici le récit d’une enquête menée par Dominique Tournès il y a quelques années, avec CaRMetal, collectant les 14 indices (et bien plus d’ailleurs) permettant de trouver cette fameuse deltoïde :
Une enquête aux sommets
Les premiers témoins entendus, ont été les hauteurs : En effet, comme A est sur le cercle circonscrit, il lui correspond une droite de Simson qui n’est autre que la hauteur issue de A (les projetés orthogonaux de A sur les côtés sont respectivement A, A et le pied de la hauteur). Le point de contact de la hauteur issue de A avec la deltoïde est donc le premier indice récolté sur les 14. De même, les deux autres hauteurs fournissent deux autres points de la quartique et à ce stade de l’enquête il ne reste donc plus que 11 points à trouver (les points déjà trouvés sont nommés R’1, S’1 et T’1 ci-dessous) :
Enfin, il faut quand même voir comment on les construit, ces points ; pour cela, on regarde le cercle d’Euler (en vert ci-dessus) qui, par définition, passe par les pieds des hauteurs ; chaque hauteur recoupe le cercle d’Euler en un deuxième point qui est au milieu entre le pied de la hauteur et le point de contact. L’enquête démarre bien sur des hauteurs promettantes, et aux sommets !
Des indices laissés sur les côtés
Dans la figure ci-dessous, la perpendiculaire à (AB) par B et la perpendiculaire à (AC) par B se coupent sur le cercle circonscrit, en un point dont la droite de Simson est donc le côté [BC]. Le point de contact R’ de ce côté avec la deltoïde est donc un nouveau point de celle-ci. Avec les points de contact S’ et T’ avec les deux autres côtés, on a maintenant 6 points, et il n’en reste plus que 8 à trouver :
Mais là encore, il faudrait déjà qu’on puisse les construire avant la deltoïde, ces trois points de côté : Ci-dessus, JKL est le triangle des milieux, ce qui permet de voir que chacun des points de côté est symétrique du pied d’une hauteur par rapport au milieu d’un côté.
Les indices prennent la tangente et un rebroussement survient
Pour avoir les points de rebroussement, il suffit d’appliquer une homothétie de centre M et de rapport -3 aux points de contact N, P et Q :
Fin de l’histoire
En fait, on ne peut pas construire la deltoïde à partir des 12 points trouvés puisqu’il faut 14 points en tout. Seulement, par symétrie par rapport aux axes, les 6 premiers points de l’histoire en fournissent beaucoup d’autres, et on a en tout 42 points sur la quartique de Steiner. Il suffit d’en choisir 14 (de préférence, pas de rebroussement) et on a la quartique :
Voici le fichier obtenu :
Euler-Morley
Voici les 14 points choisis pour construire la quartique d’Euler-Morley du triangle ABC :
- Les sommets A, B et C
- les centres Ja, Jb et Jc des cercles exinscrits
- le centre I du cercle inscrit
- les pieds des bissectrices (intérieures et extérieures : 6 points)
- le centre O du cercle circonscrit
Alors la quartique passe également par le point de Lemoine K (intersection des symédianes) du triangle ABC, ainsi que par les foyers de la conique K (conique tangente aux côtés du triangle en les pieds des hauteurs ; son centre est le point de Lemoine K).
Voici la conique K, avec son centre (point de Lemoine, construit en intersectant deux symédianes) :
Si la quartique (en bleu ci-dessous) est presque instantanément créée, elle n’est pas satisfaisante : Parfois elle disparaît, parfois elle rate le point I :
En plus, 6 des 12 points communs avec la cubique de Simson (en rouge ci-dessus) sont censés se trouver sur le cercle circonscrit, et ce n’est pas le cas sur tous les cas de figure de l’animation ci-dessus. Le plus surprenant, c’est que la même construction faite en JavaScript avec CaRMetal, est précise et stable...
Le responsable de ce problème est sans doute le fait que les pieds des bissectrices extérieures sont loin et que cela induit des instabilités numériques dans la résolution du système. On peut donc y remédier en choisissant d’autres points : Remplacer A, B, C et les pieds des bissectrices extérieures par les 6 points d’intersection de la cubique de Thomson avec le cercle circonscrit (dont certains sont d’ailleurs égaux à A, B et C) résout apparemment le problème :
Donc les 12 points communs à la cubique de Thomson et la quartique d’Euler-Morley sont les suivants :
- les 6 points communs à la cubique de Thomson et au cercle circonscrit, dont les sommets A, B et C ;
- les trois centres exinscrits
- le centre du cercle inscrit
- le centre du cercle circonscrit
- le point de Lemoine.
Voici la figure obtenue :
La quintique d’Euler-Morley est définie par 20 points puisque c’est une quintique (ça commence à faire beaucoup de points !). Les points choisis sont les suivants :
- les sommets A, B, C
- les centres exinscrits
- le centre du cercle inscrit
- les pieds des hauteurs
- l’orthocentre
- le centre de gravité
- les foyers de la conique K
- la médiane issue de A coupe le cercle de diamètre [BC] en deux points d’après le théorème de Bezout ; les deux autres médianes fournissent deux points chacune de façon similaire, ce qui fait 6 points sur les médianes.
Voici la figure obtenue, avec la cubique de Thomson qui est asymptote à la quintique d’Euler-Morley, et la conique K, dans la même couleur que ses foyers et son centre K :
D’après le théorème de Bezout, une cubique et une quintique ont $3\times 5 = 15$ points communs !
Orthocentre
Comme on l’a déjà vu précédemment, le lieu de l’orthocentre de ABC est de degré double du lieu de la courbe à laquelle est attaché A. Ainsi, une conique, et même un cercle, permet facilement de construire une quartique par orthocentre :
Cependant, avec EquationLieu
, GeoGebra affiche comme équation 0=-1
qui ne permet pas de voir le degré de la courbe...
Avec une quartique aussi célèbre que la lemniscate de Bernoulli, on obtient donc une octique, que voici en rouge :